• le mois dernier
Avec Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise à l'Ifop, auteur de "Métamorphoses françaises" (Le Seuil) et Nicolas Baverez, essayiste et avocat, auteur de "Sursaut" (Editions de L'Observatoire)

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##LA_VERITE_EN_FACE-2024-11-04##

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Transcription
00:00La vérité en face, je vous le disais avec Jérôme Fourquet, bonjour Jérôme Fourquet.
00:04Bonjour.
00:05Vous écrivez ce livre, Métamorphose française, alors vous avez déjà écrit et décrit la situation et l'évolution de la France depuis 50 ans,
00:14avec des livres qui sont devenus des références, l'archipel français bien sûr, là c'est une photo,
00:20une grande photo de la France en fait actuellement, la France complètement chamboulée en l'espace de 50 ans.
00:27Alors vous insistez un petit peu et vous décrivez tous les secteurs de la société, de l'économie, la politique, les questions de religion,
00:36mais vous insistez aussi sur deux points je trouve, notamment notre modèle économique bien sûr, totalement déstabilisé,
00:43et puis une France sous tension, qui était décrite d'ailleurs tout à l'heure avec Jean-Jacques Bourdin et son invité Louis Alliot,
00:49notamment avec les violences urbaines et les trafics de stupéfiants.
00:52Vous parlez des quartiers cheat et des autoroutes du achat complètement changé, ça en l'espace de quelques années ?
01:00Oui alors c'est un phénomène qui est maintenant assez ancien que celui du trafic de drogue,
01:05mais compte tenu du nombre tout à fait spectaculaire de consommateurs,
01:09et bien ce trafic a pris des proportions dantesques.
01:13Il y a quelques années quand Gérald Darmanin était ministre de l'Intérieur, il avait réalisé une opération de transparence
01:20en indiquant qu'il y avait 4000 points de deal recensés en France,
01:25donc à raison de 100 départements, je vous laisse faire le compte, alors certains sont plus touchés que d'autres,
01:29mais ce qui était fascinant et ce qu'on voit dans l'actualité quotidienne et que Sud Radio relate régulièrement,
01:37c'est qu'aujourd'hui la moindre sous-préfecture, la moindre ville de 10 000 habitants compte son quartier sensible et son point de deal.
01:46Et on a vu ce qui s'était passé, Poitiers n'est pas une sous-préfecture, mais à Poitiers, à Valence ces derniers jours,
01:54donc on voit comment les points de deal se sont densifiés partout sur le territoire, une espèce de métastasisation,
02:01et puis comme on produit un peu de hashish en France, mais pas beaucoup, il faut faire venir cette drogue,
02:08et donc c'est toute la problématique des gofasts, vous receviez Louis Alliot tout à l'heure, et Perpignan,
02:14et sur un des axes de remontée du cannabis qui est produit massivement dans la région du Rif au Maroc,
02:20et on a fait dans ce livre une cartographie des autoroutes où on avait recensé toutes les interceptions
02:28réalisées par les forces de l'ordre, par centaines de kilos.
02:32Donc ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que ce phénomène est ancien, mais qu'il a pris des proportions qui sont aujourd'hui identiques.
02:40— Oui, parce qu'auparavant, il y a 30 ans en arrière, il y avait déjà du shit, des quartiers shit,
02:45mais c'était dans quelques grandes agglomérations, ce n'était pas répandu sur tout le territoire, dans les petites préfectures, sous-préfectures.
02:53— Tout à fait, donc ça veut dire un nombre croissant de consommateurs, un nombre croissant de personnes impliquées,
02:57de plus en plus jeunes, les fameux guetteurs, les chouffres, les convoyeurs,
03:02maintenant aussi ceux qui vont être enrôlés via les réseaux sociaux pour aller tuer à gage des concurrents.
03:11Et face aux sommes colossales qui sont brassées, c'est l'État républicain qui est aujourd'hui déstabilisé, qui est menacé.
03:20Ce que Bruno Rotaillot a indiqué ces derniers jours, il est resté très flou, on le comprend, pour des raisons d'enquête judiciaire,
03:29mais il a indiqué que face aux sommes d'argent gigantesques qui étaient brassées, nous avions déjà sur le territoire des processus de corruption
03:38qui se mettaient en place, corruption d'élus locaux, corruption de fonctionnaires, les gens des douanes,
03:45si on prend le cas du port du Havre, le cannabis et la cocaïne qui rentrent par tonne, les sommes brassées sont gigantesques,
03:54et donc on a des agents portuaires, des douaniers qui peuvent être corrompus.
03:59Et quand on regarde l'histoire de notre pays, l'État central a toujours été très puissant,
04:05et jamais, hormis des périodes troubles comme celles de l'occupation et de la résistance,
04:10jamais le monopole de la violence physique légitime qui est conféré à l'État n'avait été remis en question sur quelconque parcelle du territoire national.
04:19— Ce n'est pas une exagération, ça, non ? Certains disent « ça n'existe pas, ça c'est des fantasmes ».
04:26— Alors on nous dit « il n'y a pas de zone de non-droit », et on nous dit ensuite « la police peut aller partout ».
04:30Mais quand il faut être 150 ou 200 policiers pour ratisser les caves d'un grand ensemble, on ne peut pas dire qu'on est dans une zone où le droit républicain s'applique.
04:44Tout le monde sait, les élus locaux savent que dans certains quartiers, aujourd'hui, physiquement, le contrôle est exercé par les dealers
04:51avec des chicanes en béton, avec des checkpoints. Jour et nuit, on va demander la carte d'identité aux habitants pour rentrer chez eux.
04:59Et tout ça est une triste réalité. Si on regarde la culture populaire, pour essayer de prendre conscience du basculement qui s'est opéré,
05:06la situation dans les banlieues était décrite il y a 30 ou 35 ans par le film « La Haine ». Et aujourd'hui, on est passé à Bac Nord, en fait.
05:14— Oui, c'est ça. Vous avez un chapitre de « La Haine » à Bac Nord. C'est ça qui montre ce cheminement, cette évolution.
05:21— Voilà. Alors il n'y a pas de date de bascule. C'est un long processus de pourrissement qui s'est opéré avec, encore une fois,
05:29une économie parallèle qui s'est structurée, une logistique qui est parfaitement au point, des réseaux de corruption, de l'achat d'armes, etc., etc.
05:40Et ça, on a du mal aujourd'hui à y faire face. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu en plus un trafic international. C'est-à-dire que ce n'est pas propre
05:48aux petits dealers locaux qui se sont installés. C'est-à-dire que c'est les fameux narcotrafiquants. Ça circule de partout.
05:55Il y a du communautarisme qui s'est montré derrière ça, en plus. — Tout ça s'enchaîne. Regardez aussi les franchissements de seuil
06:03avec ce qui s'est passé il y a quelques semaines à Marseille, où une organisation désormais célèbre qui s'appelle la DZ Mafia a organisé
06:11une conférence de presse clandestine en reprenant les codes du FLNC, avec des hommes cagoulés de noir, une table avec un drap blanc,
06:19avec le logo de cette organisation, pour s'adresser au procureur de la République et lui indiquer que cette organisation n'était pas derrière
06:26les récents crimes qui avaient eu lieu. Donc là, on est passé vraiment à autre chose. Mais ayons aussi à l'esprit que si tout ça existe,
06:34et on en parle assez peu, je trouve, c'est parce qu'aussi, nous avons des millions de consommateurs. — Oui. Alors ça, c'est...
06:41— Quotidiennement, partout en France, viennent sur les points de l'île où se font maintenant livrer ce que le ministre de l'Intérieur a parfaitement
06:48identifié quand il dit que le rail de coke ou le joint ont le goût du sang, parce qu'on peut, il faut s'attaquer au réseau, mais il y a bien quand même une demande
06:58qui est absolument massive. — Oui, oui, c'est ça. Et puis alors après, il y a... Parce qu'il y a quelques années, on disait attention,
07:05les quartiers peuvent se déchaîner, peuvent brûler. Vous y revenez aussi, bien sûr, là-dessus, avec la fameuse géographie des émeutes de 2023.
07:15Il y a un contrôle des quartiers par ce que vous avez décrit précédemment, quoi, tous ces trafiquants, toutes ces mafias.
07:23— Donc on a vu cette explosion de violence consécutive à la diffusion des images de la mort du jeune Naël Merzouk en région parisienne,
07:31via les réseaux sociaux, en l'espace de quelques heures. L'ensemble des cités et des quartiers français se sont embrasés partout sur le territoire.
07:40Mais au bout de quelques jours... Alors il y a eu bien évidemment l'effet de la mobilisation massive des forces de l'ordre.
07:48Le ministère de l'Intérieur avait déployé 40 000 hommes pour faire face à ces émeutes. C'était 4 fois plus que lors des émeutes de 2005.
07:56Donc ça a bien évidemment eu un effet dissuasif. Mais les enquêtes de terrain ont montré aussi que l'ordre était revenu dans certains quartiers
08:03parce que les dealers avaient sifflé, si je puis dire, la fin de la régulation, parce que les émeutes et la présence policière nuisaient au business.
08:12— Oui, oui. Et dans ces business, alors, est-ce que certains décrivent des situations où des quartiers sont détenus par des mafias,
08:21mais par des communautés... Je veux pas forcément les décrire, mais on a en souvenir ce qui s'était passé aussi à Dijon avec par exemple
08:28les tchétchènes et les maghrébins. Ça, ça s'étend aussi sur tout le territoire ?
08:34— Alors comme dans d'autres systèmes d'économie parallèle ou mafieux, il y a des recrutements sur des bases communautaires
08:40parce qu'on se fait confiance, on recrute, on travaille en famille, si je puis dire. Et donc on voit bien ce qui se passe
08:46historiquement aux États-Unis, par exemple. Et donc je reprends l'exemple de Marseille, cette fameuse désaide mafia.
08:52C'est l'indicatif de l'Algérie. Donc les choses sont clairement exprimées. Et pendant un moment, cette désaide mafia était contre
08:58le gang des blacks, qui étaient des Comoriens, qui tenaient le trafic dans d'autres quartiers de Marseille.
09:04Donc vous avez parlé du cas de Dijon. Mais ce qui s'est passé il y a quelques jours, hélas, à Poitiers...
09:11Donc il y a eu une fusillade et ensuite une rixe entre des bandes. Et la presse locale a relaté des affrontements
09:18entre membres de la communauté guadeloupéenne versus des maghrébins. Donc selon les endroits, on va avoir ce type d'organisation
09:25qui se met en place. — Oui. Jérôme Fourquet, vous êtes analyste, vous êtes expert en géographie, directeur du département
09:32Opinion Halifop. Et là, c'est à vous, directeur d'Opinion Halifop, que je m'adresse. Est-ce que vous avez le sentiment
09:39que les Français ont conscience de cette évolution de la France, ce pays fracturé et à ces multiples facettes, en fait,
09:47que vous décrivez aujourd'hui ? Ou est-ce qu'il y a d'une part de la population une forme de déni ou une exagération de la part d'autres ?
09:54— Alors on va pas raisonner en généralité. On va avoir une prise de conscience de l'ampleur de ces transformations qui va être variable
10:02selon les publics concernés. Tout ce qu'on a évoqué précédemment, aujourd'hui, je pense qu'il n'y a plus de déni en France,
10:09parce que les yeux se sont ouverts quand vous faites la triche. — Je ne suis pas sûr. Quand vous discutez avec certaines catégories
10:16de la population, d'ailleurs, que vous décrivez, en fait, ils disent que non, tout ça, oui, oui, bon, certes, il y a des problèmes,
10:22mais on exagère. Ils ne voient pas, en fait, les choses de la même manière. — Oui, mais par exemple, sur le trafic de drogue et les drames
10:29que cela génère, vous voyez, des villes comme Grenoble ou autres, le discours a quand même évolué, notamment de la part de certains élus locaux,
10:37parce que vous savez, c'était Lacan qui disait que le réel, c'est quand on se cogne. Et donc là, à Nantes, à Rennes, à Grenoble,
10:45la litanie des victimes, le rage, la géographie des quartiers qui sont concernés font qu'on ne peut plus détourner le regard.
10:54Si on raisonne plus globalement, ces Français sont aussi quelque part acteurs de ces métamorphoses françaises,
11:03puisqu'ils ont adopté des comportements, des habitudes, des modes de vie qui sont très éloignés de ce qui se passait historiquement.
11:15Je reviens notamment sur les changements anthropologiques – je les appelle comme cela – que le pays a connus.
11:22Donc prenons deux exemples très concrets. Nous étions, il y a quelques jours, en période de Toussaint.
11:29Quand on s'intéresse au rythme funéraire, on voit comment la transformation était spectaculaire et excessivement rapide.
11:36En 1980, 1% seulement des obsèques donnaient lieu à une crémation.
11:40Donc c'était impensable, sans le premier du terme, on n'y pensait même pas.
11:44Aujourd'hui, c'est 43%. Et au rythme où vont les choses, cette tendance, cette pratique sera majoritaire dans quelques années.
11:51– On n'ira plus dans les cimetières. Ou alors, en fait, avec des urnes qui seront dans des tombes.
11:56– Et donc vous voyez, là, c'est des choses qui se sont passées très rapidement,
11:59parce que c'était resté immuable pendant des années, et on n'a forcé personne.
12:02C'est-à-dire qu'il y a des changements qui sont un autre élément anthropologique,
12:06toujours sur le rapport au corps, et on revient dessus dans le livre.
12:10Une autre pratique qui était totalement sous radar il y a 40 ans, la pratique du tatouage.
12:16Aujourd'hui, c'est 20% de la population adulte qui est tatouée, 1% des 65 ans et plus,
12:21qui sont nés à une époque où ça ne se faisait pas.
12:24– Leurs enfants, leurs petits-enfants sont tatoués à hauteur de 40%.
12:27– Oui, c'est ça. Vous ne jugez pas, mais vous décrivez la situation.
12:30C'est ce que l'on va continuer de faire avec vous, Jérôme Fourquet, métamorphose française,
12:35sur aussi le changement de population dans beaucoup d'endroits,
12:38et puis le changement de notre économie aussi, la fameuse désindustrialisation,
12:43et une économie low-cost et une économie de la débrouille qui s'est mise en place.
12:47C'est ce qu'on va voir avec vous dans un instant sur Sud Radio.
12:50Il est 9h17, la vérité en face.
12:53– Sud Radio, la vérité en face, Patrick Rocher.
12:56– La vérité en face avec donc Jérôme Fourquet jusqu'à 9h30,
13:01et tout à l'heure Nicolas Baverez qui sera avec nous.
13:03Le sursaut, finalement ça tombe très bien, ça s'enchaîne très bien,
13:06c'est un petit peu voulu, où va la France avec l'état des lieux, la photographie,
13:10et ensuite Nicolas Baverez, considéré comme un déclinologue bien sûr,
13:14et qui dit quand même, la France tombe mais il peut y avoir un sursaut.
13:18On verra avec lui tout à l'heure quel sursaut possible.
13:20Jérôme Fourquet, pour poursuivre la discussion,
13:22ce que vous disiez en fait tout à l'heure,
13:24c'est vrai que la France évolue et change en fait à vitesse grand V,
13:28sur le changement de population,
13:30est-ce que nous sommes devant un grand changement ou non ?
13:34Parce qu'on ne va pas parler de grands remplacements,
13:36parce que certains évidemment le contestent,
13:38d'autres disent que c'est une théorie probablement,
13:40mais qu'est-ce que vous le dites, vous le décrivez en fait,
13:43cette évolution aussi de la population ?
13:45– Alors plusieurs choses de ce point de vue-là,
13:48d'abord ce qu'on évoquait précédemment,
13:50c'est-à-dire que la population française,
13:53dans ses habitudes profondes, dans ses modes de fonctionnement,
13:57est aujourd'hui sur des référentiels qui sont très différents de ceux d'hier,
14:02et ça sans même parler d'immigration,
14:04vous voyez le tatouage, les rites funéraires, tout ça a beaucoup changé.
14:08– C'est une évolution sociétale.
14:09– Sociétale mais même anthropologique,
14:11là c'est l'effondrement terminal de la vieille matrice judéo-chrétienne,
14:15on passe à autre chose.
14:16– Et la structure familiale qui évolue aussi avec ça.
14:18– Aujourd'hui 60% des enfants qui naissent sont des naissances hors mariage.
14:23– 60% ?
14:25– Hors mariage, on ne peut pas dire que les parents sont séparés.
14:27– Bien sûr, bien sûr.
14:28– C'est plus de 60%, c'était 10% au début des années 80.
14:30Donc ça c'est le premier point,
14:32donc il y a un changement sur le référentiel très profond.
14:34Deuxièmement, la population française elle-même a beaucoup bougé géographiquement,
14:40ce que nous on appelle en clin d'œil le grand déménagement,
14:43avec des gens qui se sont arrachés de leurs terroirs familiaux,
14:48d'où aussi le fait qu'on privilégie maintenant la crémation au moment des obsèques,
14:52parce qu'on est à 500 km du caveau familial,
14:54nos propres enfants ne viendront pas nous visiter là où on se ferait enterrer,
14:58parce qu'eux-mêmes n'habitent plus là,
15:00donc tout ça fait bouger les choses,
15:02et regardez dans les régions où vous êtes très présents,
15:04dans le sud de la France,
15:06comment il y a eu un apport de population du nord, etc.,
15:09c'est là où on vous dit l'accent se perd.
15:12C'est vrai, avec un grand mixte finalement des populations du nord,
15:16des gens qui disent je vais aller chercher le soleil,
15:18tout ça a bougé,
15:20et puis d'autres qui viennent en fait du sud aussi,
15:22plus au sud, il y a eu l'apport des...
15:24Et vous avez dernier ingrédient dans ce grand mouvement,
15:29bien évidemment aussi l'effet d'une immigration au long cours,
15:34qui aujourd'hui est très visible dans les chiffres,
15:39si on regarde par exemple l'indicateur du pourcentage de nouveau-nés
15:44qui reçoivent un prénom qu'on qualifie d'arabo-musulman,
15:47c'est un prénom qui se raccroche au Maghreb, à la Turquie,
15:49ou à l'Afrique subsaharienne,
15:51ou à la tradition musulmane,
15:54c'était 1% des nouveau-nés en 1960,
15:57c'est 21% aujourd'hui.
15:59Donc on voit bien là aussi les transformations qui sont en cours,
16:03alors attention, ce 21% ce n'est pas 21% de la population totale,
16:06c'est des nouveau-nés, c'est la France de demain.
16:08Et puis quand on fait le détail,
16:10on voit qu'on a beaucoup de prénoms maghrébins, bien sûr,
16:13compte tenu de notre histoire,
16:15mais au sein de cette grande famille de prénoms maghrébins,
16:17il y a Kabyle et non Kabyle,
16:19ensuite vous avez les prénoms turcs, Kurdes et non Kurdes,
16:22ensuite vous avez les prénoms d'Afrique subsaharienne,
16:24et en fait c'est un petit archipel en soi
16:26qui s'arrive à l'archipel principal.
16:29– La mosaïque des prénoms, c'est cette carte évidemment,
16:32avec tous ces prénoms en fonction un peu...
16:35Encore des régions tout de même.
16:37– Oui, alors bien sûr,
16:39et alors autre élément qu'on décrivait,
16:41si on reste sur les prénoms,
16:43et nonobstant cette question de l'impact de l'immigration,
16:46en 1945, donc c'est une des premières années du baby-boom,
16:49où il y a énormément de naissances en France,
16:52on recense à peine 2000 prénoms différents dans l'année,
16:55garçons et filles confondus.
16:57Et ce stock de prénoms, ce panel,
16:59avait quasiment pas bougé depuis la révolution française.
17:02Ça suffisait au bonheur des familles françaises
17:04pour appeler leurs garçons ou leurs filles.
17:06Aujourd'hui, on a plus de 13 000 prénoms différents
17:09enregistrés chaque année,
17:11alors même qu'il y a moins de naissances qu'à l'époque du baby-boom,
17:14parce qu'aujourd'hui, le principe qui prévaut dans les familles,
17:17c'est la distinction et la singularisation de l'enfant,
17:20alors qu'historiquement, on inscrivait l'enfant
17:22dans un héritage, une continuité,
17:24en lui donnant le prénom du grand-père ou de la grand-mère.
17:27– Et ce grand chambardement, Jérôme Fourquet,
17:31structure familiale qu'on évoquait tout à l'heure,
17:33structure de population aussi,
17:35est-ce que ça conduit à une perte peut-être de repères
17:38par rapport à ce qu'on avait construit en France
17:41et qu'il faut s'adapter ?
17:44C'est l'un des défis du moment.
17:46– Oui, bien sûr, c'est un des éléments qui expliquent
17:49peut-être sans doute aussi le spleen, la nostalgie
17:52ou le sentiment de ne plus reconnaître son pays,
17:56mais encore une fois, qui n'est pas lié uniquement
17:58à la question de l'immigration,
18:00c'est l'ampleur de ces transformations.
18:03Je prends juste un autre exemple,
18:06vous voyez, on a évoqué tout à l'heure
18:08les naissances hors mariage, une institutrice
18:10qui aurait commencé sa carrière en 1980,
18:13elle avait dans sa classe un enfant sur dix
18:15dont les parents n'étaient pas mariés.
18:17Quand elle est partie à la retraite en 2015 ou 2020,
18:20elle avait 65% de sa classe dont les parents n'étaient pas mariés.
18:24Vous voyez, les choses ont bougé.
18:26– Avec une institutrice qui était dans la classe moyenne,
18:29le haut de la classe moyenne il y a quelques années.
18:32– Et qui aujourd'hui se sent déclassée.
18:36– Qui se sent déclassée en fait aussi.
18:38Quels sont les éléments les plus marquants
18:40sur le plan économique pour vous aussi ?
18:42On a parlé de la désindustrialisation
18:44et vous parlez de l'économie de la débrouille et de l'eau coste.
18:48– En fait, il y a eu une grande bascule aussi dans les années 80,
18:53c'est comme on est passé d'une économie
18:55qui était encore structurée autour de la production,
18:57l'industrie et l'agriculture, pour aller vite,
18:59à une économie qui tourne dans tous les sens du terme,
19:02d'abord et avant tout maintenant autour de la consommation.
19:04D'où la question centrale du pouvoir d'achat,
19:06puisque c'est par la consommation qu'on fait la croissance.
19:09Donc ça c'est la bascule majeure si vous voulez.
19:13Donc on est passé du site de production de l'usine
19:16à l'entrepôt ou à la zone commerciale,
19:18avec l'explosion dans nos paysages du nombre de zones commerciales
19:22qui sont aujourd'hui le cœur battant de la société française contemporaine.
19:26Là où les choses se compliquent,
19:28c'est que pour qu'on fasse cette croissance par la consommation,
19:31il y a sans cesse de nouveaux désirs, de nouveaux services,
19:34de nouveaux produits qui sont mis sur le marché.
19:36Et on a toute une partie de la population qui au bout d'un moment
19:39ne s'appauvrit pas forcément, en absolu,
19:42puisqu'elle n'est pas plus pauvre que dans les années 80,
19:44mais elle n'arrive plus à suivre la cadence.
19:46Elle ne peut plus s'acheter le dernier smartphone,
19:48le dernier écran plat, etc.
19:51Et elle se sent en situation de décrochage.
19:54C'est un hétéro tout à fait identifié de la crise des gilets jaunes.
19:58Par exemple, les gens qui disaient qu'ils travaillaient,
20:00mais qu'ils n'arrivaient plus à joindre les deux bouts.
20:02Avec aussi le logement qui a augmenté.
20:04Et donc, pour répondre à ça, ça a été l'essor d'abord,
20:07en termes d'offres du low cost,
20:09le discount dans le secteur automobile,
20:13la marque Dacia.
20:15Vous ne pouvez plus acheter du Peugeot ou du Renault,
20:17vous achetez du Dacia, vous n'êtes pas obligé d'acheter de l'occasion.
20:1930% moins cher globalement.
20:21Et puis, ces propres consommateurs,
20:23non seulement ils ont fait leur ce qu'on peut appeler ce marché secondaire,
20:28on ne peut plus acheter de la marque,
20:30donc on se rabat un peu,
20:32et puis on développe aussi ce que nous on appelle l'économie de débrouille.
20:34Donc c'est la France du bon coin,
20:36les reventes d'objets entre particuliers,
20:38c'est l'essor spectaculaire ou le retour en vogue
20:41des braderies, les vides greniers,
20:43les foires à tout, les briques à bras,
20:45il y en a 50 000 chaque année en France,
20:47pour essayer de se maintenir à flot
20:50et pour continuer d'acheter de la marque,
20:52comme on dit, sur certains produits.
20:54Et bien sûr, tout le reste, on va aller chercher du prix,
20:56et on va les faire au plus juste,
20:58et donc c'est cette économie de la débrouille
21:00qui marque aussi nos paysages et nos territoires.
21:02– Merci Jérôme Fourquet.
21:04Je ne sais pas si l'économie de la débrouille,
21:06ça peut être l'avenir de la France,
21:08c'est ce qu'on verra dans un instant avec Nicolas Baverez,
21:11qui écrit le sursaut,
21:13et qui revient sur ce qu'il avait dit aussi,
21:15et ce qu'il avait décrit,
21:17le père ou le pape des déclinologues,
21:19par un certain Dominique de Villepin.
21:22On va voir ça avec lui, jusqu'à 10h.
21:24Merci Jérôme Fourquet.
21:26C'est passionnant.
21:27Évidemment, votre livre « Métamorphose française »,
21:29vous reviendrez.
21:30On fera une petite série autour de l'évolution de la France.
21:32Dans un instant, La Vérité en face, jusqu'à 10h.
21:35– Sud Radio, La Vérité en face, Patrick Roger.
21:39– La Vérité en face, jusqu'à 10h,
21:41chaque jour, bien sûr, pour aborder de face
21:44ce qui se passe, ce que nous vivons,
21:46ce que nous pouvons vivre aussi, peut-être demain.
21:49Nous avons décrit une certaine France,
21:51en fait, tout à l'heure,
21:52une photographie avec Jérôme Fourquet.
21:53On va voir un petit peu,
21:54on va se pencher peut-être sur l'avenir avec vous,
21:56Nicolas Baverez, bonjour.
21:57– Bonjour.
21:58– Vous écrivez sursaut aux éditions de l'Observatoire.
22:01Alors, c'est une suite un petit peu
22:03de ce que vous aviez décrit il y a une vingtaine d'années,
22:06c'est ça ?
22:07Vous-même, je le disais tout à l'heure,
22:09avec un brin d'humour,
22:12mais je ne sais pas si c'était de l'humour,
22:14vous étiez considéré comme le déclinologue en chef
22:17par un certain Premier ministre.
22:19C'est vrai, non ?
22:20– Oui.
22:21La France qui tombe a suscité beaucoup de polémiques,
22:24et donc c'est normal d'être critiqué
22:27du moment qu'on écrit et qu'on est dans le débat public,
22:29mais c'est vrai que je pense que la France qui tombe
22:32n'a pas été lue pour ce qu'elle était,
22:34c'est-à-dire premièrement un constat réaliste
22:37de la situation de la France et de sa glissade,
22:39qui s'est terriblement amplifiée depuis,
22:41et puis surtout un appel à essayer de changer le modèle.
22:45Donc la déclinologie, c'est effectivement
22:48une pseudo-science de charlatans.
22:51Alain Juppé aussi avait écrit un article
22:53qui s'appelait « L'insoutenable légèreté du déclinisme ».
22:58En réalité, on voit que l'insoutenable légèreté,
23:02elle était de leur côté.
23:04– Mais il n'y avait pas une exagération peut-être ?
23:07Parce qu'elle tient encore debout la France aujourd'hui,
23:09vingt ans après.
23:10– Non, là on est vraiment dans une situation qui est très inquiétante.
23:13La France est redevenue l'homme malade de l'Europe
23:16comme en 1958, en allant vite.
23:20Sur le plan économique, quand on a des gains de productivité,
23:25la productivité qui baisse de 6% depuis 2019,
23:28une croissance qui est pratiquement à l'arrêt,
23:30un chômage qui va de nouveau vers 8%,
23:33on n'a jamais eu de plein emploi depuis les années 70,
23:38une balance commerciale déficitaire de 100 milliards,
23:41des exportations qui s'effondrent.
23:43Maintenant, l'Italie est quatrième exportateur mondial
23:46et nous le septième.
23:48Et enfin, déficit public 6,2% du PIB,
23:52la dette 115% du PIB, 46 000 euros pour chacun
23:56des 68 millions de Français.
23:58Pouvoir d'achat de la pauvreté, on la voit partout.
24:01On est maintenant au 26ème pour la richesse par habitant,
24:04on est 15% en dessous de l'Allemagne.
24:06— Ça, c'est un chiffre qui interpelle. 26ème, en fait, pour...
24:10— Pour la richesse par habitant. — Par habitant, oui.
24:12Alors que nous étions beaucoup plus hauts.
24:14— 15% en dessous du niveau de l'Allemagne,
24:1650% en dessous du niveau des États-Unis.
24:21Et la pauvreté, elle touche 9 millions de Français,
24:24elle touche de plus en plus de territoires.
24:27Et puis maintenant, on a ce qu'on pensait impossible,
24:31une Ve République qui est paralysée.
24:34Et enfin, un décrochage diplomatique qui est spectaculaire
24:38avec une France qui est marginalisée en Europe et dans le monde.
24:41— Tant que vous ne regrettez pas ce que vous aviez dit, quoi.
24:43— Ce qui s'est passé, et c'est dommage que ce livre n'ait pas été lu pour de bon
24:49au lieu d'être simplement rejeté, c'est qu'à l'époque,
24:53ce qui s'est passé, c'est-à-dire l'engrenage, crise économique,
24:56crise sociale, crise politique, crise diplomatique,
24:58on aurait pu l'arrêter.
25:00Et de fait, toutes les occasions ont été perdues.
25:03Et aujourd'hui, on se retrouve dans la position de 58,
25:06ce que le général De Gaulle dit dans ses mémoires sur ce qu'il a trouvé,
25:10c'est-à-dire le miracle ou la faillite.
25:13— Oui, c'est ça.
25:14— Et c'est de nouveau le dilemme français.
25:16— Voilà, c'est ça. Donc vous écrivez sur ce lot,
25:18ce qui veut dire que tout n'est pas contrairement à ce que disent certains, fichu.
25:22— Pas du tout.
25:23— Pas du tout. Mais pour ça, il va falloir faire des choix.
25:27— Exactement.
25:28— Alors les choix, c'est quoi ? Quels sont-ils, aujourd'hui ?
25:31Elles sont très concrètes, d'ailleurs, pour les auditeurs qui nous écoutent.
25:34Quels choix doit-on faire ?
25:36— Alors je pense que le premier choix, c'est comme 58,
25:40c'est-à-dire qu'il faut arrêter de prétendre faire de la grande politique européenne ou mondiale
25:44tant qu'on n'a pas remis la France debout.
25:46Donc le premier choix, c'est priorité absolue à la reconstruction d'une puissance française.
25:53Le deuxième grand choix, ensuite, c'est de miser sur nos atouts,
25:57tous ceux qu'on saccage.
25:59La France, c'est un pays extraordinaire.
26:01On peut tout faire de l'agriculture, de l'industrie, de l'énergie décarbonée avec le nucléaire,
26:07des services, de l'immobilier, du tourisme.
26:10Chacun de ces secteurs a été méthodiquement démoli.
26:14Deux exemples. Le secteur nucléaire, on a réussi à le mettre à bas
26:17alors que c'était un atout compétitif formidable.
26:20— Alors là, on le remet sur les rails, si je puis dire.
26:23— Oui, mais sauf que pour remettre ce genre de truc sur les rails, il faut 15 ans.
26:27Et l'autre chose, prenons l'immobilier.
26:29On est revenu à une crise du logement qui participe d'ailleurs de ce problème social
26:34équivalente aux années 50, avec des gens qui ont expliqué que le logement était une rente.
26:39Mais c'est une aberration complète.
26:42— Mais c'est ce qui est encore expliqué par certains aujourd'hui, Nicolas Barrette.
26:45— Prenons aussi l'agriculture. L'agriculture, on est maintenant devancé par l'Allemagne et par les Pays-Bas.
26:50Donc vous voyez, on est rentré dans un système malthusien qu'il faut casser.
26:54Et donc le deuxième grand choix, c'est de dire que maintenant, la priorité, c'est la production.
27:00On peut pas continuer à être un pays qui ne produit que 36% des biens industriels qui consomment.
27:05— Oui, mais il y a des forces inverses, si je puis dire, qui disent « Non, voilà, il faut arrêter de produire »
27:09parce que ça participe au réchauffement climatique. Il faut arrêter. Il faut consommer différemment.
27:14— C'est comme à la fin de la IIIe ou de la IVe République. Quand vous avez un régime en crise,
27:19vous avez ce côté tragi-comique que tout ce qu'il tue est encensé, sanctuarisé, idolâtré.
27:28Tout ce qui pourrait le sauver est critiqué et dénigré. Et donc nous en sommes là.
27:34Mais là où les choses vont changer aussi, c'est que ce système que Jérôme Fourquet appelle
27:42le stato-consumérisme ou que moi, j'appelle la décroissance à crédit, c'est-à-dire l'idée d'abandonner la production
27:51et d'avoir une économie tirée par la consommation qui est elle-même alimentée par des transferts sociaux,
27:5634% du PIB, eux-mêmes financés par la dette publique, ça, c'est terminé.
28:01— Oui, parce que quelque part, il faut produire pour pouvoir utiliser, avoir tous ces services, quoi.
28:07— Alors sauf que nous, on a fait le choix de casser la production et de profiter de la mondialisation pour importer à bas coût.
28:13— Et alors ? — En détruisant notre industrie, en détruisant nos emplois.
28:16— Oui. Et alors ? Et ça ? — Et ça, c'est terminé, parce que la mondialisation, elle a explosé,
28:20que maintenant, il y a de nouveau des barrières qui se mettent en route un peu partout et que... Donc ce système-là,
28:27il est terminé aussi. — Oui. Et sur l'état de... — C'est pour ça que d'une certaine manière, on va être obligés de bouger.
28:36Les deux grandes questions qui sont posées, c'est d'une certaine manière... Vous parliez des grands choix.
28:40Ça, c'est un choix qui va se poser à tous les citoyens. Est-ce qu'on est capables... Est-ce que nous, nous réformons pas nous-mêmes,
28:47un peu comme on l'a fait en 83 avec le tournant de la rigueur alors qu'on était aux portes du FMI,
28:52ou est-ce qu'on tombe dans le système grec, c'est-à-dire que la France est restructurée par le FMI, l'UE et la BCE ?
29:01— Et ça, on est aux portes de ça. — Je rappelle qu'aujourd'hui, on emprunte à des taux plus élevés que le Portugal, l'Espagne et la Grèce.
29:09Donc la crise financière, elle a démarré. Là encore, on fait semblant de ne pas l'avoir. La discussion parlementaire est surréaliste.
29:18On n'arrête pas d'accumuler des impôts sur une économie exsangue et des entreprises qui n'en peuvent plus et de prévoir des dépenses supplémentaires.
29:27On est totalement en dehors de toute forme de réalité. Et la deuxième grande question, est-ce qu'on arrive à reconstruire la France à l'intérieur du cadre républicain
29:39ou est-ce qu'on passe par l'expérience autoritaire, ce qui est le cas en Italie, ce qui a été le cas sans doute...
29:49On va voir ce qui se passe aux États-Unis. Mais ça a déjà été le cas avec Trump première version. Peut-être qu'on va avoir un Trump deuxième version.
29:58Donc ce sont ces deux grandes questions. Là où il y a deux choses qui sont importantes, ce qu'on disait premièrement, ce pays est bourré d'atouts.
30:06Ce qui est incroyable, c'est d'être arrivé à une situation pareille. Et la deuxième chose, c'est que je pense que comme le système international a bougé,
30:16on a aujourd'hui une circonstance... On est passé complètement à côté du cycle de la mondialisation. Aujourd'hui, ce monde où la géopolitique prime l'économie,
30:26les États reprennent la main sur les marchés, la souveraineté sur l'ouverture des frontières, c'est un monde qui correspond quand même davantage à notre esprit national.
30:34Vous voyez, il y a des paradoxes. C'est que d'une certaine manière... Bon, les États-Unis, c'est une extraordinaire réussite économique.
30:42Et c'est une réussite économique en partie avec une philosophie française, l'IRA de Biden. L'idée de mettre de l'argent public pour lever de l'argent privé
30:51en faisant de la réindustrialisation, du numérique, de la transition écologique et de la stabilisation de la classe moyenne, normalement...
30:59— Planifier les choses, quoi. — C'est un système à la française. Mais c'est les États-Unis... — C'est ce que nous avions fait à la sortie de la guerre.
31:04C'est ce que vous dites. Il faut planifier en fait les choses. — Et mettre l'argent sur la production. Nous, on met l'argent uniquement sur les transferts sociaux.
31:12— Une question d'actualité, Nicolas Baverez, aussi, par rapport justement à nos finances. Il y a toute une question qui se pose sur le poids des collectivités territoriales aujourd'hui.
31:23Est-ce qu'on doit déposer en fait un certain nombre de choses sur les collectivités territoriales pour qu'elles activent en fait l'économie ?
31:33Ou est-ce qu'au contraire, on doit reprendre ça au niveau central ? Et puis ça nous amène à la fameuse question de la taxe d'habitation qui avait été supprimée.
31:42Est-ce qu'il faudra une contribution citoyenne en fait ? — Alors premièrement, on a vu ce que donnait avec Emmanuel Macron qui a poussé à bout,
31:53à l'extrême, l'hyperprésidentialisme, le caractère beaucoup trop centralisé. Et il a fini par faire exploser les institutions de la Ve République.
32:03Donc il faut décentraliser, mais pas du tout comme on l'a fait jusqu'à présent, puisque chaque fois qu'on a décentralisé, on a gardé la même compétence
32:10à l'intérieur de l'État. Et on a doublené. Et la deuxième chose, c'est qu'on a décentralisé en enlevant les ressources effectivement des collectivités.
32:19Donc on a des collectivités qui sont irresponsables d'un point de vue financier. Et ça se traduit notamment par le laxisme incroyable de la gestion
32:27de la fonction publique territoriale avec des taux d'absentéisme qui défient le bon sens, qui peuvent atteindre parfois plus de 30 jours.
32:35Donc il faut sortir de ce système, avoir des compétences pour les collectivités, des ressources qui leur soient propres, et en même temps,
32:44un système de confiance financière. — Vous imaginez la révolution que ça suscite, que ça susciterait, justement parce qu'il faudrait revoir
32:50toutes les structures ? — Oui, mais si vous voulez... — Mais ça, c'est jouable, quoi. C'est ce que vous dites dans le sursaut, quoi. C'est possible, ça.
32:55— Mais évidemment, on voit pas pourquoi... Alors le redressement d'un grand pays développé, ça, c'est la bonne nouvelle. C'est que si on arrête
33:03de faire uniquement des erreurs et de vivre, j'allais dire, en absurdistan, un grand pays développé... Le privilège, c'est qu'il y a beaucoup
33:11de capital immatériel. Donc on peut relever un grand pays développé en moins de 10 ans. Je rappelle qu'on a quand même deux exemples
33:19dans notre histoire. En 45, tout le monde pense qu'on va retourner aux années 30. Dans les années 30, la France fait la performance la plus lamentable
33:27de tous les pays développés. On n'a pas retrouvé en 39 notre niveau de production de 29. Il se trouve qu'en 2 ans, en 47, on est au niveau de 39.
33:35Et dès 49, on est au niveau de 1929, parce que les réformes de structure et surtout le fait que les Français, à ce moment-là, ont vraiment décidé
33:46de reconstruire le pays et de le reconstruire en le modernisant. 58, c'est la même chose. De Gaulle a raison. Les caisses sont vides. L'inflation est élevée.
33:56Le déficit public est abyssal. Les comptes extérieurs sont déséquilibrés. Et on vide l'aide américaine. En 3 ans, c'est terminé. En 3 ans, on va avoir
34:07la plus belle décennie de croissance dans les années 60. — Mais où est de Gaulle, aujourd'hui ? Où est de Gaulle ? — Alors on n'a pas d'hommes ou de femmes
34:15providentielles, mais c'est là où, d'une certaine manière, c'est une forme de bonne nouvelle, c'est-à-dire que c'est aux Français de se bouger.
34:22C'est par les Français qu'on va reconstruire ce pays. Et franchement, ils nous montrent qu'ils en sont capables. Ce qu'on a fait pour les Jeux olympiques,
34:30c'était pour un événement. Ça s'est... Effectivement, ça a été remarquable. Et par l'organisation et par les performances. Donc quand les Français
34:37acceptent de jouer le jeu du monde réel et qu'ils se mobilisent, ça marche. Mais pourquoi acceptons-nous de faire pour notre pays ce qu'on a fait
34:45pour le sport et pour un événement ? — D'un mot, la contribution citoyenne, la locale, évoquée par la ministre...
34:50— La suppression de la taxe d'habitation est évidemment une erreur. Et là encore, c'est de la pure démagogie. On a coupé l'essentiel de la population
34:58française de la dépense locale. Et de l'autre côté, du coup, on a massacré les propriétaires avec des hausses de la taxe foncière en plus.
35:09Et maintenant, on s'étonne qu'il n'y ait plus de logement. Bah oui, il n'y a plus d'investissement immobilier, parce que l'immobilier...
35:15— C'est une bonne idée, alors, de l'immobilier. — L'immobilier a été... Et évidemment, tout le monde doit participer aux services publics locaux.
35:22C'est le bon sens. Et l'espèce de... Ensuite, c'est quand même aberrant qu'aujourd'hui, il n'y a plus que les propriétaires de résidences secondaires
35:32qui participent aux services locaux dans des communes dont ils sont pas les résidents permanents. Donc arrêtons, là, si vous voulez.
35:39Là, vous avez parfaitement raison. C'est que dans tous les exemples de décisions politiques complètement irresponsables, c'est absurde.
35:46C'est un exemple microéconomique, mais qui est extrêmement parlant. Et du coup, pourquoi est-ce qu'il n'y a plus de mise en chantier aussi ?
35:55Parce que maintenant, pour un maire, accepter des nouveaux logements, c'est uniquement des problèmes et aucune ressource supplémentaire,
36:02puisque la plupart des gens n'apporteront aucune ressource. Mais il va falloir construire des accès. Il va falloir construire des écoles.
36:09Il va falloir construire des services publics. Et en plus, on va mécontenter les habitants existants.
36:15Nicolas Baverez avec nous pour sursaut aux éditions de l'Observatoire. On continue jusqu'à 10h. On marque une légère pause.
36:22Et dans un instant, on va parler. La France n'est pas isolée, évidemment. La France et l'Europe.
36:28Et il y a ce qui se passe aux États-Unis, ce qui va se passer cette semaine, qui est particulièrement important.
36:32Trump ou pas, quelles sont les conséquences ? C'est ce que nous allons voir dans un instant avec vous, Nicolas Baverez.
36:39Sud Radio. La vérité en face. Patrick Roger.
36:43La vérité en face jusqu'à 10h avec Nicolas Baverez et ce livre aux éditions de l'Observatoire.
36:50Sursaut qui avait écrit « La France qui tombe » il y a une bonne vingtaine d'années.
36:56Donc on a évoqué le choix que doit faire la France entre la modernisation et le déclassement.
37:00Mais alors c'est vrai qu'il y a aussi des éléments extérieurs, bien sûr. Nous ne sommes pas seuls.
37:05Et il y a notamment ce contexte international qui est particulièrement important.
37:10On est entre les deux, nous la France et puis l'Europe, entre ce qui se passe d'un côté la Chine, l'Inde, la Russie, les fameuses BRICS, etc.
37:18Et puis de l'autre les États-Unis. Demain, avec les élections américaines, vous dites que le choix de Trump peut être dangereux,
37:28indépendamment de toute idéologie politique, mais peut être dangereux pour la France sur un plan économique.
37:34— Assurément, parce que le programme de Trump, c'est un programme d'hyper-protectionnisme d'abord.
37:42Donc l'idée de mettre 10 à 20 % de droits de douane sur toutes les importations et 60 % pour les importations venant de Chine,
37:51ça, c'est l'équivalent... Les États-Unis l'ont déjà fait en 1930 avec le tarif qu'on a appelé le tarif « smooth hauler » en juin 1930.
38:02Et ça a complètement cassé les échanges et les paiements mondiaux. Et si Donald Trump installe ce genre de droits de douane,
38:10ça, ça veut dire qu'il va vraiment casser les échanges. — Il l'a déjà fait un peu, bien sûr.
38:16— Oui, mais il l'a fait dans des proportions qui n'avaient rien à voir. Et ça, ça va avoir des effets d'abord dans le monde émergent,
38:23très durs. Et ça va achever, j'allais dire, de mobiliser le Sud contre l'Occident. Mais ça va aussi avoir des effets sur l'Europe,
38:31puisque l'Europe est la grande cible. Et puis il y a une autre dimension... — L'Europe est la grande cible de qui ?
38:36— De Trump. — De Trump, oui. — Ça, il l'a clairement dit. Et l'autre aspect, c'est l'aspect évidemment stratégique et de sécurité,
38:44puisque Donald Trump avait déjà voulu sortir... Il avait envisagé sérieusement de sortir les États-Unis de l'OTAN pendant son premier mandat.
38:53Il est certain que dans ce qu'il a annoncé, il y aura en tout cas un changement très fort d'attitude vis-à-vis de la Russie et du soutien à l'Ukraine,
39:04ce qui va mettre l'Europe devant ses responsabilités. C'est-à-dire si les États-Unis se désengagent de l'Ukraine,
39:11est-ce que l'Europe essaye de les remplacer ? Je pense pas qu'elle en ait ni la volonté ni les moyens.
39:18— Et certains pourront vous rétorquer, Nicolas Baveret, est-ce que finalement, avec les démocrates, on a eu une guerre en Europe ?
39:24Alors c'est pas eux qui l'ont déclenché. Mais enfin bon, ils étaient quand même derrière l'Ukraine. Est-ce qu'il n'y aurait pas eu
39:30une possibilité de négocier avec la Russie, en fait, avant ? Et une crise mondiale qui est intervenue, quoi.
39:36— Alors d'abord, sur la guerre d'Ukraine, il faut être clair. Quand on lit ce que dit Vladimir Poutine, non seulement c'est uniquement
39:48une responsabilité russe, mais Vladimir Poutine n'entend pas a priori en rester là, quand on regarde ce qu'il dit.
39:55Donc on a un problème majeur. La Russie est maintenant vraiment une menace existentielle pour l'Europe.
40:01L'autre aspect, c'est évidemment ce qui se passe au Moyen-Orient. Donc le Moyen-Orient, l'Europe est complètement marginalisée.
40:09Je rappelle que c'est paradoxal, puisque la politique extérieure européenne, elle est née en 1980 avec la déclaration de Venise
40:16qui portait précisément sur le Moyen-Orient. Donc aujourd'hui, l'Europe est totalement absente des discussions qui se passent
40:25entre Israël, le Hamas ou l'autorité palestinienne et derrière les États arabes de la région. Et ce sont les États-Unis qui mènent le jeu.
40:41Donc on retrouve ce problème d'une Europe qui, aujourd'hui, n'existe pas diplomatiquement et stratégiquement et qui, économiquement,
40:51est prise en tenaille entre les États-Unis, l'Ira, la réindustrialisation américaine et le dumping chinois.
40:57Et ça, ça nous montre que... Si vous voulez, ça a été l'autre partie du déni français. On n'a pas voulu voir nos problèmes,
41:04mais on n'a pas voulu voir... On a occulté les changements du monde. Donc on est passé à côté du cycle de la mondialisation.
41:12Mais ça, il est terminé depuis l'invasion de l'Ukraine. Il faut pas qu'on passe... — Quand vous dites « le cycle de la mondialisation »
41:19est terminé, c'est-à-dire ? — C'est-à-dire ce qui avait démarré en 1979, l'idée de la Libye, qui avait été formidablement accélérée
41:27après la chute de l'Union soviétique. Un monde où les frontières diminuaient, où les marchés avaient la main sur les États,
41:35où les frontières économiques disparaissaient, où on avait une liberté de mouvement, des capitaux, des gens, des données.
41:42Aujourd'hui, c'est terminé. Tout marche en bloc. Il y a toujours des interdépendances, mais elles sont sous le contrôle des États.
41:48On voit très bien que les États, maintenant, ils contrôlent les exportations, les flux de technologies, les flux de données,
41:54les flux de capitaux avec les investissements. — Sauf qu'il y a quand même certaines entreprises, je pense aux GAFAM,
42:00qui sont plus fortes que certains États, qui ont réussi à imposer... — C'est pas totalement vrai. C'est là où l'Europe reste décisive
42:06pour les États-Unis. C'est qu'aujourd'hui, Internet a éclaté aussi. Il y a un Internet russe, qui n'est pas celui...
42:12Et les GAFAM n'y ont pas... Il y a un Internet chinois. Les GAFAM n'ont pas non plus droit de s'éter là-dedans.
42:18— Oui. Ça, c'est vu de notre terre française et européenne, quoi. — Exactement. Donc que nous, nous soyons dans la dépendance
42:26des États-Unis pour une grande partie de l'agriculture, pour l'énergie, pour la technologie, pour la finance et pour l'armement,
42:34c'est exact. Mais c'est une particularité européenne. Et ce qu'il faut bien comprendre, du coup, c'est que c'est aussi
42:42une autre raison pour remettre la France debout. C'est qu'évidemment, c'est absolument vital pour notre pays.
42:48Mais c'est aussi le meilleur service qu'on puisse rendre à l'Europe. — Merci beaucoup. La France debout, c'est encore possible.
42:54Elle a peut-être un genou à terre, mais pas les deux. Nicolas Baverez, merci d'être venu aux éditions de l'Observatoire.
43:01Et puis sur les élections américaines, on va suivre évidemment ça avec intérêt cette semaine. Dans un instant...
43:06Ce n'est pas Valérie Expert. C'est Benjamin Gleiz qui sera avec Gilles Gansman pour les débats jusqu'à midi avant de retrouver André Bercoff.

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