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Dans ce témoignage, Malika aborde un sujet difficile et douloureux : un membre de sa famille a abusé de sa position pour commettre des actes qu'elle ne pourra jamais oublier. Cet événement traumatisant a marqué un tournant dans sa vie

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Personnes
Transcription
00:00Quelques mois après ma naissance, mes parents ont décidé d'aller vivre en France.
00:04Et ce n'est que vers mes 7 ans que je suis retournée vivre à Alger.
00:09Là, c'est une nouvelle vie qui commence pour moi.
00:12Je me rends compte que j'ai des cousins, des tantes, un oncle,
00:18et que du coup j'ai une famille à Alger.
00:21C'est à partir de ce moment-là que les violences ont commencé.
00:24Je me souviens que mon cousin,
00:26pendant que les adultes étaient par exemple dans la cuisine en train de discuter,
00:32je me suis retrouvée seule avec lui dans le salon.
00:35Il avait allumé la télé et avait commencé à me montrer des chaînes où il y avait du...
00:41Mes parents ont décidé de se séparer, de divorcer.
00:45C'est à partir de ce moment-là que les violences ont commencé.
00:48Ça m'arrivait parfois d'aller dormir chez ma tante, donc chez lui.
00:52Je dormais dans la chambre de sa sœur.
00:55Et en fait, la nuit, tard le soir, il venait me retrouver
01:00et se mettait entre moi et sa sœur pour justement passer à l'acte.
01:05Ce qui se passait dans ma tête, c'était qu'il fallait que je fasse semblant de dormir.
01:11Il ne fallait pas qu'il sache que j'étais réveillée, que j'étais consciente.
01:17C'était peut-être un mécanisme de protection.
01:20Mon insta a fait que j'ai voulu faire la morte.
01:25Je ne savais pas ce qui se passait, ce qu'il me faisait.
01:29Par contre, dans mon corps, il se passait autre chose.
01:32Je ressentais du plaisir.
01:34Et ça, vraiment, c'est quelque chose sur lequel je m'en suis beaucoup voulue en grandissant
01:40parce que j'ai cru que le fait de ressentir du plaisir au moment des faits,
01:46je vais aimer être réveillée.
01:50Et c'est bien plus tard que j'ai compris que c'est un mécanisme normal.
01:54Le corps réagit à ce genre de choses.
01:57Il y a tout un truc hormonal qui fait que je ressentais du plaisir malgré moi.
02:03Lorsque j'avais 7 ans environ, il devait avoir 13 ans.
02:07Donc, il était adolescent.
02:09Et du coup, il savait parfaitement ce qu'il faisait.
02:13Quand il me demandait de s'asseoir sur ses genoux, sur ses cuisses,
02:17pour lui, c'était des jeux.
02:19Moi, je ne savais pas ce que c'était.
02:21Mon grand-cousin me demande de m'asseoir sur ses genoux pour que je puisse jouer.
02:27Je ne me pose pas trop de questions.
02:29Je le fais parce que j'ai envie de jouer, de rester avec eux.
02:32Tout ça, tout ce que je raconte,
02:35que ce soit le fait de me montrer des images pornographiques,
02:38le fait de m'agresser sexuellement,
02:42le fait de me virer.
02:44En fait, j'étais en dissociation pendant que les faits avaient lieu.
02:48Je ne me rendais vraiment pas compte de ce qui se passait sous mes yeux.
02:53C'est bien plus tard, à l'âge adulte, que je me suis rendue compte que ce n'était pas normal.
03:00Lorsque je déménage chez mes grands-parents paternels,
03:03les violences sexuelles s'arrêtent.
03:05Et du coup, est venue l'adolescence.
03:07À mes 14 ans, j'ai eu ma première relation amoureuse.
03:11C'était mon premier amour, j'étais son premier amour.
03:13Mais en fait, moi, à ce moment-là, ça n'allait plus.
03:18Il y avait des gestes d'amour, des gestes de tendresse
03:22qui ont fait que j'ai commencé à avoir des flashbacks
03:27de ce qui s'était passé lorsque j'étais enfant.
03:30Je ne comprenais pas que c'était des souvenirs.
03:32Je pensais que c'était vraiment des fantasmes dans ma tête.
03:35Je ne comprenais pas que c'était des choses, des événements qui se sont vraiment passés.
03:40C'est à ce moment-là, vers mes 16-17 ans,
03:44que j'ai commencé à me dire qu'en fait,
03:46ce n'était pas normal ce que j'avais vécu pendant l'enfance.
03:49Que ce qui s'était passé, c'était certainement réel.
03:53Ce n'était pas juste le fruit de mon imagination.
03:56Et en fait, à mes 17 ans, moi, j'avais envie de fuir ma famille,
04:00mon lycée aussi, parce qu'en fait, je ne me sentais en sécurité nulle part.
04:04J'ai décidé de partir dans un internat en France, en Normandie,
04:08pour faire ma dernière année de lycée, ma terminale,
04:11et passer mon bac, loin de mon passé compliqué en Algérie.
04:17Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que même dans cet internat-là,
04:23j'ai été victime de tentatives de suicide de la part d'une personne que je considérais comme un ami.
04:28J'avais dit à plusieurs reprises que je n'étais pas intéressée.
04:31Et j'en avais parlé à quelques amis qui étaient des élèves de cet internat-là.
04:37Mais finalement, personne n'avait réagi.
04:40Et finalement, je me suis dit que c'était normal.
04:43J'ai commencé à penser que j'étais un objet,
04:47que je ne méritais pas d'être considérée comme un être humain,
04:51et que tout ça, je le méritais.
04:55Par la suite, en fait, quand j'ai eu le bac,
04:57j'ai voulu encore plus m'enfuir, encore plus loin.
05:00Et donc, je suis partie vivre en Angleterre.
05:02C'est à partir de ce moment-là pour moi, à partir de mes 18 ans environ,
05:07que mes années obscures, on va dire, ont commencé.
05:13Parce que je me suis retrouvée seule.
05:15Tout ce que j'avais enfoui en moi, toutes les violences que j'avais gardées,
05:18elles pouvaient en fait ressortir.
05:21Je souffrais de dépression chronique.
05:23Donc, j'étais une étudiante qui avait du mal à aller en cours.
05:27J'avais du mal à me réveiller le matin.
05:29Je m'enfermais dans le noir, dans ma chambre d'étudiante.
05:33Je n'arrivais pas à me nourrir.
05:35Je n'arrivais pas à prendre soin de moi.
05:37Je n'arrivais pas à me doucher.
05:39Vraiment, je n'arrivais pas à faire la moindre tâche
05:45qu'une personne stable peut faire au quotidien et qui est normale.
05:49Je ne faisais que me rappeler, me rémémorer,
05:52les souvenirs de ces violences-là.
05:54J'avais aussi des pensées...
05:58parce que, du coup, je ressentais beaucoup de honte
06:01par rapport à ce que j'ai vécu.
06:03Je me sentais coupable.
06:05Je me disais des choses du genre
06:07« C'est tout ce que tu mérites d'avoir vécu ça.
06:10Et puis, de toutes les façons, c'est de ta faute. »
06:13J'étais malveillante envers moi-même.
06:15Je ne faisais que m'insulter.
06:17J'étais violente envers moi-même.
06:19Je consommais du cannabis, de la viande.
06:23C'était des substances qui me permettaient de sortir de ma tête,
06:27de m'évader et de ne plus penser à ce qui m'était arrivé.
06:31Les gens que je côtoyais, mes amis à ce moment-là,
06:34eux, ils ne voyaient rien.
06:36J'arrivais à faire comme si tout allait bien.
06:40J'étais une personne heureuse, qui rigolait.
06:43J'étais sociable, je sortais.
06:46J'étais en dépression totale.
06:48Et à un moment, j'en pouvais plus.
06:50J'avais 20 ans.
06:52J'ai tenté de me suicider.
06:54Je dis que j'ai tenté parce que je ne suis pas allée jusqu'au bout.
06:56J'ai eu une pensée pour mes parents, pour ma famille, pour mes amis.
07:00Je me suis dit que personne ne va savoir.
07:02Toute mon histoire, elle va mourir avec moi si je fais ça.
07:06Et je ne peux pas leur faire ça.
07:08Les gens ne vont pas comprendre pourquoi.
07:10Ils pensaient que j'étais heureuse.
07:12Ils ne voyaient pas le mal dont je souffrais.
07:14J'ai eu la chance de pouvoir faire une année d'échange en Californie.
07:18Je suis sortie du silence pour la première fois.
07:20À un moment, je me suis retrouvée avec une amie que j'ai rencontrée sur place.
07:24On discutait de tout et de rien.
07:26J'étais encore à mon énième dépression.
07:29Je lui ai balancé de but en blanc.
07:32J'ai été abusée par mon cousin.
07:34Il y a eu un silence à ce moment-là.
07:37Et j'ai vu dans ses yeux que ce que je venais de dire, c'était grave.
07:42Et c'est à ce moment-là, pour moi, que mon processus de guérison a commencé.
07:47Lorsque j'ai eu enfin le courage et la possibilité de sortir ces mots-là.
07:52Puis, il y a eu aussi le fait que j'étais tombée amoureuse pour la deuxième fois.
07:58C'était un garçon avec qui j'étais au lycée.
08:01Avec qui j'avais perdu contact au fil des années.
08:04Je ne sais pas pourquoi, en lui reparlant, j'ai commencé à croire au destin.
08:09Il y a eu ça aussi, qui était un événement assez important dans mon cheminement de guérison.
08:17Mais aussi dans mon cheminement spirituel.
08:21Parce qu'entre mes 14 ans et 21 ans, j'étais athée.
08:25Je ne croyais en rien.
08:27Je trouvais que le monde était méchant.
08:30Je voyais plus la religion comme des péchés.
08:32Je me suis dit que si c'est ça la religion, ce n'est pas pour moi.
08:37Et justement, c'est à mes 21 ans que tout a changé.
08:41J'ai eu ce que j'appelle mon éveil spirituel.
08:44Je commençais à m'intéresser à la méditation, au yoga.
08:48Et ça m'a aidée à aller mieux, à calmer mon anxiété.
08:54A redevenir un peu sujet de ma vie.
08:57Vers mes 25-26 ans, en 2020, je me rends compte que je souffre encore des violences que j'ai subies.
09:03Parce que j'étais dans l'auto-sabotage, dans mes relations amicales et amoureuses.
09:08Et du coup, après le confinement, j'ai décidé de suivre une thérapie.
09:13Au même moment, j'ai décidé de participer à des groupes de paroles de personnes victimes de violences sexuelles.
09:19Pour pouvoir me sentir écoutée et comprise surtout.
09:22J'ai eu la chance de pouvoir rencontrer une photographe qui a sorti un documentaire photographique qui s'appelle Une sur Trois.
09:31Une sur Trois, c'est en fonction de la statistique que une femme sur trois dans le monde subira au moins une forme de violence sexuelle dans sa vie.
09:38Et j'ai décidé de confronter mon agresseur, mon cousin, au téléphone.
09:44Parce que j'avais besoin maintenant d'être reconnue en tant que victime de sa part.
09:49Et lorsque je l'ai eue au téléphone, je lui ai dit que ce qui s'était passé lorsque j'étais enfant, ce n'était pas normal.
09:57Il avait avoué pour les films, et aussi pour les agressions sexuelles, que je voulais jouer à des jeux vidéo avec lui.
10:05D'ailleurs je lui ai dit que ce n'était pas possible, que ce n'était pas des jeux.
10:10Je ne veux pas dire que c'était des jeux, parce que pour moi j'étais enfant, je ne savais pas ce que c'était.
10:14Là je lui ai dit, moi je ne parle même pas de ça en fait, je parle des vies.
10:19Il a commencé à tout nier, à me dire que ce n'était pas bien ce que je faisais, que j'étais en train de mentir, etc.
10:26Du coup je lui ai dit écoute, pas de soucis, moi en fait j'étais en train de réfléchir par rapport au fait de déposer plainte.
10:33Mais j'avais envie justement de te confronter, de voir si tu allais avouer.
10:37Mais puisque tu nies les faits, je vais prévenir les gens de la famille et que je vais déposer plainte.
10:44Du coup il m'a dit fais ce que tu veux, etc. Et donc on a raccroché.
10:49Et de là, ma famille, ma mère, mes frères ont été mis au courant, sa mère a lui a été mis au courant.
10:55Les gens étaient dans l'incompréhension, ce qui est tout à fait normal et compréhensible.
10:59En discutant avec ma famille, il y a eu un peu de culpabilisation de leur part.
11:04Ils avaient été mis au courant que j'avais l'intention de déposer plainte.
11:07J'étais devenue la personne qui voulait faire des problèmes, que je voulais me venger, etc.
11:13En fait je ne cherche pas à me venger.
11:15J'estime aujourd'hui que je suis passée à autre chose, que je vais beaucoup mieux.
11:19En tout cas, ce que j'ai envie c'est d'être reconnue au sein de ma famille en tant que victime.
11:26Pour moi, c'est super important que mon agresseur reconnaisse les faits pour que je puisse vraiment passer à autre chose.
11:34Du coup, j'ai en effet déposé plainte en Algérie il y a à peu près un peu plus d'un an.
11:41Je suis passée à ça du délai de prescription.
11:45Avec ma famille, c'est un peu compliqué.
11:47Du côté de mon père, je n'ai plus aucun lien depuis plus de quatre ans.
11:53Du côté de ma mère, j'ai des relations plutôt normales avec tout le monde.
12:02Même si c'est vrai que je n'ai pas été respectée et entendue dans ma parole.
12:08Je les aime beaucoup, mais au jour d'aujourd'hui, je ressens le besoin de pouvoir m'exprimer au sein de ma famille,
12:16d'avoir mon temps de parole, de pouvoir être considérée, ce qui n'est pas encore le cas.
12:22J'ai commencé à ressentir ce besoin d'expliquer ce qui s'était passé.
12:26Toutes ces années pendant lesquelles je suis restée dans le silence, pendant lesquelles j'ai souffert.
12:32Je travaillais au sein d'une association qui s'appelle Making Waves.
12:36C'est une association qui fait de la radio d'utilité sociale,
12:39qui permet aussi de réinsérer des personnes très éloignées de l'emploi à travers l'outil de la radio.
12:45Je travaillais en tant que chargée d'insertion.
12:47Pendant que je travaillais là-bas, j'ai rencontré une réalisatrice radio.
12:50Je lui ai proposé l'idée de faire un podcast sur les conséquences des violences sexuelles
12:54parce que j'estimais qu'il n'y avait pas assez d'outils, de choses qui permettaient de comprendre la pré-violence sexuelle.
13:03Elle a tout de suite accepté, l'équipe de Making Waves aussi.
13:08Et donc, on a directement commencé à travailler dessus.
13:13On a commencé à aller interviewer des gens qui étaient concernés, qui avaient vécu des violences sexuelles.
13:21À la base du podcast Me guérir, on était censé avoir qu'une seule voix off, la mienne.
13:25Je racontais mon histoire et à travers mon histoire, on allait entendre d'autres voix.
13:31Et finalement, en faisant les interviews, je me suis rendu compte que je ne ressentais plus ce besoin de raconter mon histoire.
13:38Lorsque j'étais en écoute active des histoires des différentes personnes qui ont participé au podcast,
13:45je me suis rendu compte qu'en fait, leur histoire, c'est la mienne, même si on n'a pas le même vécu.
13:50Mais ce qu'ils racontaient, c'est comme s'ils me retiraient les mots de la bouche,
13:54comme s'ils arrivaient à dire ce que moi, je n'ai jamais réussi à exprimer.
13:59Et du coup, la voix off du podcast est venue juste apporter de l'information,
14:05faire des transitions, mais aussi raconter un peu de notre histoire personnelle
14:11pour qu'on comprenne que je suis moi aussi concernée par les violences sexuelles.
14:16En faisant ce podcast, pour moi, c'était aussi une forme de thérapie.
14:20En faisant ce travail-là, j'ai compris que je n'avais plus besoin de parler,
14:24que maintenant j'avais juste envie d'écouter et de laisser la place aux autres.
14:29Ces personnes victimes de violences sexuelles que j'ai pu rencontrer à travers des groupes de parole, par exemple,
14:34elles m'ont aidée. Elles m'ont aidée à mettre des mots sur ce que j'avais vécu,
14:39sur des symptômes, par exemple, de me sentir entendue, de me sentir écoutée, comprise.
14:46Au jour d'aujourd'hui, après que le podcast soit sorti, j'ai encore envie de travailler dans ce domaine,
14:54de militer dans la lutte contre les violences sexuelles.
14:58Pour moi, c'est un peu une mission de vie de surtout permettre aux personnes invisibilisées d'avoir leur place.
15:07Si toi, tu m'écoutes et que tu as vécu des choses similaires, que tu vas bien ou tu ne vas pas bien,
15:14peu importe, que tu n'es pas toute seule ou que tu n'es pas tout seul,
15:17on est des milliers, voire des millions à avoir vécu ça.
15:22Le plus important pour moi, c'est de te dire qu'en fait, ça va aller.
15:25Tu vois que tu vas pouvoir vivre ta vie normalement, qu'à des moments, tu vas pouvoir sortir de ta chambre,
15:32de chez toi et que tu vas pouvoir aller en cours, aller au travail.
15:38Tu vas pouvoir un jour retomber amoureux ou amoureuse.
15:43Tu vas...
15:52Tu vas pouvoir peut-être construire une vie de famille si tu en as envie.
15:57Peu importe.
15:59Le plus important, c'est que tu apprennes à t'écouter et qu'en fait, il y a plusieurs façons de se réparer, de se guérir.
16:10Il y a plusieurs chemins de reconstruction.

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