La plateforme de vente en ligne Artransfer développe actuellement une solution de passeport numérique destinée aux acheteurs d'œuvres d'art. À l'approche de nouvelles réglementations européennes visant à encourager l'économie circulaire, la cofondatrice d'Artransfer, Magda Danysz, est convaincue que les œuvres d'art ne pourront échapper aux exigences croissantes en matière de traçabilité.
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00:00La plateforme de vente en ligne ArtTransfer travaille sur un passeport numérique afin de garantir une meilleure traçabilité des œuvres et encourager cette circularité des œuvres d'art.
00:13Alors Magda Danisk, vous êtes galeriste et cofondatrice d'ArtTransfer, vous êtes avec nous, merci beaucoup d'être présente.
00:19Tout d'abord reprenons ArtTransfer, ça a été créé en 2023.
00:23Pouvez-vous nous parler un petit peu de cette création, juste avant de rentrer plus dans le dur du sujet du passeport numérique ?
00:30On a créé ArtTransfer au départ, moi je viens du premier marché, donc les galeries qui promeuvent les artistes, qui les aident à trouver leur premier client.
00:39Et puis très souvent on se retrouvait face au moment où les gens disaient « je leur vendrais bien ».
00:43Alors on peut leur conseiller d'aller voir nos collègues chez Christie's, Sotheby's, les très belles maisons de vente aux enchères, mais tout n'est pas nécessairement aisément liquide.
00:51Oui, on s'est dit « c'est quand même bizarre ». Et donc de fil en aiguille, on s'est dit « essayons de lancer quelque chose qui permette une meilleure circularité des œuvres,
00:59un second marché plus fluide pour que le premier marché lui aussi puisse se débloquer ».
01:04Et pareil, de fil en aiguille, on en est arrivé au constat qu'il y a beaucoup de valeur, la valeur intellectuelle de l'œuvre qui se perd en cours de route.
01:11En fait, à partir du moment où elle sort de l'atelier et de la première galerie, toute l'histoire, tout ce qui fait finalement qu'on connaît mieux l'œuvre et ça,
01:20peut se perdre parfois même la facture, le certificat. Et donc il était temps, parce qu'on est quand même au 21e siècle,
01:26de mettre tout ça sur la blockchain et de créer comme notre passeport à nous, êtres humains, un petit passeport pour les œuvres qui ne serait pas quelque chose
01:33comme pour les chefs-d'œuvre, je dirais, d'ordre de trésor national, de bloquant, mais plutôt qui serait pour préserver les informations.
01:40Explicitateur de circularité.
01:42Voilà, exactement.
01:43Et justement, c'est quand même un projet qui est assez impressionnant pour une entreprise qui a seulement un an. On ne se dit pas forcément,
01:49c'est vers le passeport numérique que vous allez vous tourner tout de suite en premier échelon.
01:53Oui, alors on a lancé l'app il y a un an, mais on a deux ans et demi de réflexion en tout, puisque pendant un an et demi, on a cherché justement
02:02comment on pouvait pénétrer cette partie-là. On s'est rendu compte qu'il y avait des choses qui existaient, d'autres qui n'existaient pas.
02:07Donc sur tout ce qui est blockchain, suivi d'objets, on a un partenariat assez fort avec Ariany, qui sont très bons sur certaines verticales
02:16comme l'horlogerie ou des choses comme ça. Donc ça est très reconnu en la matière. Mais voilà, il fallait qu'on set up la chose.
02:24Et puis il fallait qu'on construise l'app, qui est un peu la partie émergée de l'iceberg, parce qu'aujourd'hui, si on est un peu sincère,
02:30les gens ne vont pas se dire, tiens, il faut que je blockchain mon œuvre et qu'elle soit traçable.
02:34C'est le cas de leurs soucis. Malheureusement, ça le sera moins plus tard. Mais voilà, donc on a dit, la partie émergée de l'iceberg,
02:40c'est finalement une marketplace où les gens peuvent venir revendre leurs œuvres.
02:44Tout simplement.
02:45Entre particuliers.
02:46Tout simplement. Et c'est vraiment l'aspect transmettre l'héritage émotionnel, familial, de raconter une histoire.
02:54Vous avez dit, c'est dommage que ça se perde, et donc vous avez pensé à ce passeport numérique, où vous voyez aussi trop de personnes
03:00qui perdaient tous leurs papiers, tous les aspects très importants.
03:05C'est les deux. Il y a cette valeur intellectuelle, émotionnelle qui existe et qu'on aimerait pouvoir préserver.
03:12Pourquoi mon grand-père a acheté telle œuvre ? Je ne sais pas. Et comment on garde ces choses-là ? Un petit coffre-fort, je dirais.
03:19Et c'est important. Mais aussi parce qu'effectivement, les formats de certificats sont très hétérogènes.
03:25Certains artistes en font, certains n'en font pas. Ils peuvent se perdre assez facilement quand c'est une feuille A4 qui a été imprimée.
03:31Ils peuvent être falsifiables facilement. Une fois de plus, au XXIe siècle, ce n'est plus possible.
03:35Aujourd'hui, on a des outils qui sont quasi grand public. Et on va avoir un usage.
03:41Parce qu'aujourd'hui, ce qui bloque encore, c'est un peu l'usage. Mais il arrive.
03:44Puisque la Commission européenne a fait une directive pour d'autres typologies de biens.
03:49L'électroménager en 2026, puis les vêtements. Ils devront être suivis par un passeport numérique pour savoir en quoi c'est fait réellement.
03:56On peut couper l'étiquette. Mais en fait, on sait que ça a été fait au Bangladesh. Et on en tire les conséquences.
04:01C'est ça. Et jusqu'à présent, comment s'est saisi le marché de ce genre de technologie ?
04:07Pour l'instant, étonnamment. Alors que dans l'art, nous sommes présumément des gens fantastiques.
04:12Et créatifs.
04:14On a quelques acteurs qui s'intéressent à ces aspects tech. Mais assez peu.
04:18Donc c'est assez étonnant pour un marché qui représente 68 milliards de dollars par an.
04:22C'est quand même beaucoup. Plus que la musique enregistrée par exemple.
04:26Donc on n'est pas un marché de niche. Et ces aspects-là, ils restent un petit peu sur le côté.
04:30Donc l'idée qu'on a avec Art Transfer, c'est non seulement de travailler pour nous.
04:34Art Transfer, mais pour travailler pour les galeries aussi.
04:37Et puis pour le marché. Après, on pourrait imaginer en marques blanches, etc.
04:40Et l'objectif, c'est que ce soit une proposition faite sur votre site.
04:47C'est-à-dire qu'on peut acheter cette oeuvre-là. Et puis option, faire son passeport numérique.
04:51Et on clique et on l'a. Comment ça se passe ?
04:54Le client journey, comme on l'appelle.
04:56C'est pas nécessairement l'acheteur qui demande que ça soit fait.
05:00L'idée, c'est plutôt quand une oeuvre arrive, elle va être blockchainée, comme on dit.
05:05Elle va avoir son passeport qui va lui être fait.
05:08Avec deux options. Soit on le prend au moment où elle arrive, avec son propriétaire à ce moment-là.
05:13Soit, encore mieux, si l'artiste est encore vivant, on lui proposera de pouvoir cliquer un petit bouton à terme.
05:21Et de dire, oui, oui, c'est bien moi qui l'ai fait.
05:24Et là, ça déclenche aussi une autre chose qui nous tient beaucoup à cœur.
05:27Parce que dans toute start-up aujourd'hui, on a quand même une petite idée derrière la tête
05:30qui soit un petit peu plus de l'ordre de la mission. On n'est pas juste là pour le profit.
05:35C'est aussi que l'artiste soit rémunéré.
05:37C'est un droit qui existe, le droit de suite. Il est censé être rémunéré.
05:40La plupart des gens l'ignorent, par méconnaissance ou parce que ça les arrange,
05:44parce qu'ils sont averses à toute perception de droit.
05:47Mais c'est dommage, il n'y a pas de raison que l'artiste initial ne soit pas rémunéré.
05:51À la revente successive.
05:53À la revente successive. C'est un droit qu'il a, qui est acquis en Europe.
05:56Il existe depuis un siècle, quand même, ce droit.
05:59Et en fait, il est difficile à mettre en place. La DAGP le fait, mais avec ses adhérents.
06:04On aimerait pouvoir proposer un format qui complète le dispositif de la DAGP
06:09et pour que tous les artistes, automatiquement, ça puisse leur tomber dans leur escarcelle.
06:15Et concrètement, comment se passe ce travail de développement du passeport numérique ?
06:20Vous vous êtes tournée vers des scientifiques. Vous aviez parlé d'Argani. Comment ça se développe ?
06:26Ça se développe, c'est beaucoup de R&D. On n'avance pas à pas.
06:30Rome ne s'est pas faite en un jour.
06:32Mais effectivement, on va faire des partnerships fondamentaux avec des gens dont c'est le métier.
06:38Argani, entre autres, qui a déjà levé pas mal d'argent pour développer tous ces aspects-là.
06:45Avec qui, nous, on va développer quelque chose qui soit adapté au marché de l'art.
06:49Donc, être propriétaire de notre technologie sur la partie marché de l'art,
06:53c'est être très au fait de la façon dont ça avance.
06:57Et puis après, ça sera les usages.
06:59C'est un peu comme, il y a quelques années, le QR code.
07:02Moi, je revenais beaucoup d'Asie, puisque j'ai un pied là-bas aussi,
07:05où le QR code était complètement passé dans les usages.
07:07Et ici, avant la pandémie, les gens me regardaient bizarrement.
07:10Maintenant, tout le monde sait ce qu'il faut faire avec ce QR code.
07:13C'était pour une raison tous anti-Covid, mais ça nous a aidés.
07:17Souvent, la loi fait que l'obligation fait que l'usage passe.
07:22Et quand vous en parlez aux personnes autour de vous, à quelques-uns de vos clients,
07:27vous remarquez qu'il y a beaucoup de pédagogie,
07:30qu'ils ne savent même pas de quoi vous parlez,
07:32ou que certains sont déjà venus vers vous pour vous en parler.
07:35Comment ça se passe ?
07:37On a différents comportements.
07:39C'est assez touchant d'ailleurs,
07:41parce que certains avouent qu'ils ne comprennent même pas de quoi je parle.
07:43Et là, on leur apprend qu'il y a une directive européenne
07:45qui va leur tomber sur le coin du nez.
07:47Donc, quand on achètera notre cafetière, notre machine à laver,
07:49on va avoir nos passeports numériques.
07:51Et ça, c'est bientôt.
07:53Donc, c'est toujours sympa d'apporter quelque chose.
07:55Après, les gens disent qu'ils ne vont pas payer pour ça.
07:57Mais en fait, il faut bien qu'à un moment, on enclenche la machine.
08:00Et puis, après, il y a un petit temps de réflexion,
08:03et des gens reviennent nous voir.
08:05Et étonnamment, c'est plus sur cette valeur émotionnelle.
08:07On a eu cette très jolie histoire où quelqu'un revient nous voir et dit
08:10« Mais en fait, ça intéresserait mon père,
08:12parce qu'il a créé une collection très particulière.
08:14Et nous, les enfants, quand on va en hériter,
08:16il est tout à fait encore bien et en bonne santé justement,
08:19c'est le bon moment.
08:21Eh bien, on ne saura pas pourquoi il a acheté ça.
08:23Et il a probablement une des plus grandes collections au monde
08:26d'un très, très spécifique, une collection d'art très niche,
08:29très identifiée géographiquement.
08:32Mais en fait, son savoir, il est dans sa tête.
08:34L'écrire, mettre des documents en papier, etc.,
08:37ce serait d'abord rébarbatif à faire,
08:39rébarbatif à lire de l'autre côté.
08:41Alors, il nous a demandé ce qu'il pouvait faire des notes audio
08:44et pour transmettre aussi ça.
08:46Et un passe-mort numérique, ça serait adjoindre aussi ces éléments.
08:49Oui, et on peut mettre ce qu'on veut en fait.
08:51Exactement.
08:52A terme, l'idée, c'est vraiment que vous avez vos pages de passe-morts
08:55et puis vous avez les photos, moi et l'artiste,
08:58les photos des restaurations,
09:00je l'ai achetée sur tel salon.
09:02Voilà, plein d'informations qui font qu'on connaît mieux l'œuvre.
09:06Et vous avez parlé de pas à pas.
09:09Quelle est la prochaine étape ?
09:10Est-ce que vous avez déjà une date ?
09:12Là, on est en train de blockchainer Art Transfer
09:14à déjà en propre un catalogue avec 6 800 œuvres
09:17qui grandissent tout le temps
09:19avec une croissance de plus de 10% par mois.
09:21Donc ça, ça avance.
09:23La prochaine étape, ça va être comment on crée quelque chose,
09:27une interface qui, pour le collectionneur,
09:30n'est pas quelque chose de technique.
09:32Parce que si je vous fais lire une blockchain 0x,
09:34ce n'est pas très sexy.
09:36Donc on est dessus.
09:37Ce matin, on avait justement des réunions sur comment,
09:40graphiquement même, c'est passionnant,
09:42on l'appelle le front-end.
09:44Donc ça, ce sera la première étape.
09:46Comment on va visualiser le fait que l'œuvre est là,
09:48elle est blockchainée et qu'on peut nous demander les informations.
09:51Et puis, à l'autre bout du spectre,
09:53ça sera quel passeport on lui adjoint
09:55et comment on va petit à petit pouvoir rajouter les informations
09:59au fur et à mesure de la vie.
10:00C'est le côté dynamique qui va être encore plus intéressant à développer.
10:03Eh bien, on va affaire à suivre.
10:05Merci beaucoup pour votre intérêt sur Pâques d'Adanis.
10:08Je rappelle que vous êtes galeriste et cofondatrice d'Art Transfer.
10:11C'était Ari Marché.
10:12Merci beaucoup de nous avoir suivis.
10:13À la semaine prochaine.
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