• il y a 5 mois
Avec Michel Maffesoli, sociologue et auteur de "L'ère des soulèvements" publié aux éditions du Cerf.

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##LE_FAIT_DU_JOUR-2024-07-12##

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News
Transcription
00:00Edith Piaf qui chante un chant révolutionnaire de 1789.
00:10Avant-hier, Adrien Quatennens twittait « Alerte, Macron veut nous voler la victoire et manœuvrer pour faire barrage à l'application du programme du nouveau Front populaire.
00:18Le seul souverain que la République connaisse, le peuple doit le faire céder. Pourquoi pas une grande marche populaire en direction de Matignon ? »
00:25Toujours sur Twitter, Philippe Poutou du NNPA et qui était candidat aux législatives pour le nouveau Front populaire dans l'Aude, je cite « Il est quand même très probable que pour obtenir un gouvernement de gauche menant une politique de gauche,
00:37il faille pousser très fort par en bas par une mobilisation unitaire des manifs, des grèves. C'est notre seule façon de contrer les manœuvres et l'hostilité des dominants.
00:45La CGT cheminot appelle à des rassemblements devant les préfectures et l'Assemblée nationale le 18 juillet pour exiger un gouvernement du nouveau Front populaire,
00:53tandis que pour Sophie Binet, la secrétaire générale de la centrale syndicale, le pays va plonger dans le chaos si le choix des urnes n'est pas respecté.
01:01Est-ce que maintenant la politique va se faire dans la rue ? On va en parler avec Michel Maffesoli, professeur émérite de sociologie à la Sorbonne
01:07et auteur du livre « L'ère des soulèvements » publié aux éditions du CERF. Michel Maffesoli, bonjour.
01:13Bonjour, bonjour cher ami, bonjour.
01:15Bienvenue sur Sud Radio. Est-ce que ces appels à la rue sont surprenants pour vous ?
01:21Non, pas du tout. Enfin, en même temps, je pense qu'il faut un tout petit peu relativiser, c'est-à-dire que le port Câthénens n'a pas pu se présenter aux élections.
01:31Concernant Poutou, je dirais que c'est son fond de commerce. Un ancien trotskiste va jouer un peu sur ces processus de violence.
01:40Et puis, pour les syndicats en perte de vitesse tels que ceux que vous avez cités, eh bien, là encore, c'est une manière d'exister.
01:48Voilà, donc je relativiserai les prises de position que vous venez de souligner.
01:52Sur le fond, par contre, pour moi, nous assistons à la fin d'une époque.
01:58La modernité s'achève et les crises que l'on voit politiquement et à bien des niveaux rendent attentif à cette fin d'époque.
02:07Et chaque fois qu'il y a une fin d'époque, soyons clairs, bien évidemment, il y a de la violence.
02:12J'ai écrit ce livre qui s'appelle « L'ère des soulèvements » pour rendre attentif au fait que depuis les Gilets jaunes,
02:19en passant par le convoi des libertés ou les diverses manifestations ici ou là, on est dans un moment où,
02:25oui, n'ayons pas peur du mot, le désordre ou la violence va régner.
02:29En même temps, puisque le mot a été employé tout à l'heure par vous, soyons attentifs au fait qu'à certains moments, il y a du chaos.
02:37Mais si je puis le dire au travers d'une formule un peu ésotérique de la pensée profonde, ordo ap cao,
02:45c'est-à-dire que régulièrement, chaque 3-4 siècles, il y a toujours du chaos pour arriver à un nouvel ordre.
02:51C'est mon hypothèse.
02:53D'une certaine manière, il y a un ordre en gestation et entre le moment intermédiaire pour arriver à cet ordre,
03:01bien évidemment, c'est quelque chose, n'ayons pas peur des mots, cela peut un peu choquer ce que je vais dire,
03:07mais qui est de l'ordre de la violence.
03:09Au-delà des personnes que vous avez citées, le phénomène beaucoup plus profond, c'est qu'il va y avoir pas mal d'insurrections.
03:15Certains parlent d'appel à la sédition. Êtes-vous d'accord avec cette analyse ? Et avec le mot sédition, évidemment.
03:23Oui, sécession, sédition.
03:26Écoutez, permettez-moi, puisque vous savez que je suis un vieux prof à Sorbonne, d'être un peu pédant.
03:32Je rappelle ce que disait Machiavel.
03:36Il montrait qu'à certains moments, il y avait une différence entre la pensée du palais et la pensée de la place publique.
03:43Et qu'à ce moment-là, il y avait une sécession, une sédition.
03:47C'est-à-dire que, de fait, le peuple ne se reconnaît plus dans ce qui sont censés être ses représentants.
03:53Et, de fait, il y a quelque chose qui est la sécession.
03:56Alors, à même temps que cela soit récupéré, vous m'avez compris, par les politiques, c'est leur métier.
04:02Mais il n'en reste pas moins qu'il faut avoir le courage de reconnaître qu'actuellement, le peuple ne se sent plus représenté.
04:09On l'a vu par rapport aux dernières élections, mais on le voit d'une manière récurrente, en quelque sorte.
04:14Les élites au pouvoir, ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire, journalistes, politiques surtout, experts de tous ans, sont totalement défasés.
04:23Et donc, du coup, à ce moment-là, il y en a assez.
04:26Et, de fait, le processus de sédition, il est d'abord, avant tout, dans la classe populaire.
04:31Moi, je crois qu'au lieu d'être attentif au peuple, on a peur d'en parler.
04:35On parle de populisme.
04:36Pour moi, je considère qu'il va y avoir des manifestations de plus en plus fortes.
04:41– Mais reconnaissons quand même qu'on a un peu une Assemblée nationale de proportionnelle élue au scrutin majoritaire.
04:47Un scrutin majoritaire qui a interdit, notamment à un parti qui avait pourtant déjà beaucoup de voix le Rassemblement National,
04:53d'être présenté au Palais Bourbon.
04:55Aujourd'hui, on peut dire que, peu ou prou, cette Assemblée nationale,
04:59elle représente, grosso modo, la politique française, le paysage politique français avec trois blocs,
05:05qu'on soit content ou pas.
05:08– Oui, sinon, soyons clairs.
05:11Moi, je suis universitaire, donc je n'appartiens à aucun parti.
05:17Mais il n'en reste pas moins que les 10 millions de voix du Rassemblement National,
05:22finalement, ne lui donnent pas grand-chose à l'Assemblée.
05:25Et que le fameux Front républicain a joué un rôle qui n'est pas un rôle qui est à l'avantage du peuple.
05:32Voilà, donc du coup, peu à peu, cela va se savoir.
05:36Et du coup, cela va susciter toute une série de sécessions, je pense, d'insurrections de divers ordres,
05:44au-delà, encore une fois, de la tripartition de l'Assemblée.
05:48– Mais Michel Maffezoli, vous dites que le Rassemblement National n'a pas eu le nombre d'élus qu'il aurait eu
05:53s'il n'y avait pas eu le fameux Front républicain entre la majorité et le nouveau Front populaire.
05:58Mais ce n'est pas le Rassemblement National qui appelle à manifester devant les préfectures,
06:02ce n'est pas lui qui appelle à demander à marcher sur Matignon,
06:05et ce n'est pas lui qui demande des grèves, on est bien d'accord là-dessus ?
06:09– Tout à fait, et il a bien raison, disons, de jouer son rôle de modérateur en la matière.
06:13Moi, je dis que certains partis, je l'ai dit depuis le début, depuis tout à l'heure,
06:18certains partis ou certaines personnalités, telles que celles que vous avez citées tout à l'heure,
06:25je dirais, vont profiter, c'est leur métier, pour en quelque sorte se mettre en avant.
06:30Je maintiens qu'Athénens, non élu, n'ayant pas pu se présenter,
06:36Poutou, ayant subi le sort que l'on sait,
06:39les syndicats qui ne représentent, soyons clairs, plus grand chose,
06:43profitent en quelque sorte de ce sentiment de sécession,
06:47du fait que le peuple ne se sent pas fondamentalement représenté,
06:51et du coup vont se servir de ça pour appeler à l'insurrection.
06:54Mais pour moi, prenons ce mot dans le sens simple du terme,
06:58ce sont des récupérations politiques.
07:01Il me paraît beaucoup plus intéressant, et c'est là-dessus qu'il faut réfléchir,
07:04c'est là-dessus dont on a peur, et à bien des égards, à juste titre,
07:09c'est que nous sommes dans une période qui va être une période insurrectionnelle.
07:14Qu'après, un certain nombre de gens le récupèrent, ça c'est leur problème,
07:17je dirais, pour exister, si je puis dire, pour le dire un peu brutalement.
07:21Mais il n'en reste pas moins, et que certains, tel le RN,
07:25avec justesse et modération, ne rentrent pas dans ce jeu de récupération,
07:30c'est légitime, et cela correspond, un peu de mon point de vue, à ce qu'ils représentent.
07:34Mais il n'en reste pas moins que la violence va être là.
07:37– Michel Maffesoli, est-ce que le fait qu'un syndicat se joigne aux appels des politiques,
07:41notamment à manifester devant les préfectures et à la grève générale,
07:45ça ne met pas une pression supplémentaire sur Emmanuel Macron
07:49pour nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire,
07:52sachant qu'on est à une dizaine de jours, une grosse dizaine de jours,
07:55du début des Jeux Olympiques, et que si jamais on bloquait les trains,
07:58les métros, les RER, les aéroports et tout y quanti,
08:01ça pourrait complètement pourrir, il n'y a pas d'autre mot, l'organisation des Jeux ?
08:06– Ça c'est clair, je pense que là-dessus, si vous voulez,
08:09qu'encore une fois, les syndicats, même s'ils ne représentent pas grand-chose,
08:13puissent appeler à la révolte avant les Jeux Olympiques,
08:17je dirais que c'est dans l'ordre des choses.
08:19Le vrai problème tout de même, et ce n'est pas l'objet de notre débat actuellement,
08:24c'est la dimension totalement scandaleuse d'un Président de la République
08:29qui ne représente plus grand-chose, qui fait de la théatrocratie,
08:33qui joue de la théâtralité, et donc bien évidemment,
08:37le vrai problème de fond, il est là, c'est-à-dire,
08:41puis-je encore citer une phrase de l'Ancien Testament qui a été connue,
08:47c'est l'ecclésiaste, « malheur à toi pays dont le roi est un enfant ».
08:52Et d'une certaine manière, on est en train de payer le fait
08:56qu'on a un Président qui est un adolescent versatile,
09:01permettez-moi d'être un peu brutal,
09:03qui a suscité ce qui est en train de se passer maintenant,
09:07alors voilà, je ne sais pas ce qui va en sortir,
09:10mais il n'en reste pas moins qu'au-delà des syndicats,
09:12au-delà des personnes que vous avez citées,
09:14le vrai problème, c'est cette théatrocratie,
09:17ce jeu qu'a joué un Président qui n'est pas responsable.
09:20Alors, a-t-on déjà vu, dans l'histoire de France, une telle situation ?
09:28Oh oui, écoutez, moi je pense que chaque fois qu'il y a un changement d'époque,
09:33eh bien, il y a un processus de cet ordre.
09:36Prenons celui qui nous est le plus proche, le plus simple,
09:40juste avant la Révolution française, soyons clairs.
09:43Eh bien, il y a eu le même type de fourmillement,
09:47le même type de grouillement, le même type, en quelque sorte,
09:50d'insatisfaction et de désaccord entre ce qui était le pouvoir du moment,
09:55la royauté, et puis le peuple, voilà.
09:58Et donc cela a mené à cette Révolution française, soyons clairs,
10:02avec la terreur, avec des éléments de violence
10:06qui n'étaient pas négligeables, loin de là, voilà.
10:08Donc, ce n'est pas quelque chose de nouveau.
10:11Excusez-moi, permettez-moi de rappeler tout simplement
10:13que chaque 3-4 siècles, de mon point de vue,
10:16il y a la fin d'une époque et donc la fin d'une élite.
10:20Et nous assistons à ce moment-là, à cette fin d'élite,
10:23et du coup, c'est le peuple qui est en train de manifester
10:27et qui se manifestera de plus en plus.
10:30Moi, je maintiens, je sais que ce que je dis n'est pas très paisible,
10:35mais il n'en reste pas moins que, jeux olympiques ou non,
10:39il y aura, à mon avis, pas mal d'insurrections qui vont se manifester.
10:43Alors c'est embêtant que ça arrive en plein géo, absolument.
10:47Comme Emmanuel Macron ne peut pas dissoudre avant un an,
10:50est-ce qu'on est au début d'une grave crise politique ?
10:53J'irais même plus loin d'une crise de régime.
10:57Moi, je le pense.
10:59Je pense que, véritablement, nous sommes dans un moment très grave
11:02où, dans le fond, comment dire, pour le dire un peu simplement,
11:06le peuple ne se sent pas représenté.
11:09Le processus de représentation.
11:11Et on l'a vu, en particulier, dans ce qui vient de se passer
11:15avec ce fameux front républicain,
11:18ce sur quoi s'appuie le président de la République
11:21pour justifier, encore une fois, son maintien
11:24pour justifier le fait qu'il va retarder au maximum
11:27la constitution d'un nouveau gouvernement.
11:29Au-delà de ces deux éléments,
11:31dans les quelques mois qui vont se passer,
11:34dans ce qui est en train d'arriver actuellement,
11:36nous sommes dans un moment grave
11:38qui est un changement, vous avez employé le mot, je suis assez d'accord,
11:41un changement de régime.
11:43C'est la fin de l'idéal démocratique
11:45qui est en train de se manifester,
11:47au bout de qui ça s'est mis en place au XIXe siècle.
11:51Et là, nous assistons à une crise très grave
11:54qui n'est pas simplement une crise politique, de mon point de vue,
11:57qui est plus une crise civilisationnelle.
12:00Alors gardons l'expression que vous avez employée,
12:03elle me convient, vraiment la fin d'un régime.
12:06C'est-à-dire d'une manière de se représenter le peuple.
12:12Et ce n'est plus le cas actuellement.
12:14Alors voilà, espérons que ce ne soit pas trop violent.
12:16Excusez-moi, j'aime bien l'histoire,
12:19je vais revenir à des crises de régime.
12:21Récemment, mai 58, c'est la crise de régime de la IVe République.
12:25On pourrait remonter auparavant.
12:271848, pardon, c'est la crise de régime de la monarchie de Juillet.
12:321830, c'est la crise de régime de la Restauration.
12:35Est-ce qu'on est en train de vivre quelque chose de comparable, Michel Maffesoli ?
12:38Et je ne remonte pas à 1789, mais on pourrait presque.
12:42– Vous avez raison, les deux dates que vous avez données sont très importantes.
12:481840, pardon, 1830, 1848.
12:53– Et Louis-Philippe.
12:55– Voilà, en gros.
12:56Et ce sont, historiquement, des moments très importants
12:59qui rendent attentif au fait, gardons l'expression que vous avez employée,
13:02ce changement de régime.
13:04De mon point de vue, c'est tout à fait quelque chose de cet ordre qui va se passer,
13:07qui est en jeu actuellement.
13:09Alors, qu'est-ce qui va ressortir de cela ?
13:11Moi, je ne suis pas prophète, je ne suis pas à même de le dire avec précision,
13:17mais il n'en reste pas moins que la représentation politique
13:19n'est plus en phase avec le peuple.
13:21Et à ce moment-là, il y a une insurrection.
13:24Vous voyez, des auteurs classiques qu'on ne cite plus,
13:27c'est saint Thomas d'Aquin, au XIIIe siècle, dans sa forme théologique,
13:31quand il dit, à certains moments, quand il n'y a plus représentation,
13:34il y a insurrection.
13:36C'est lui qui emploie le mot insurrection.
13:38Eh bien, je pense que la position de saint Thomas d'Aquin,
13:41que l'on ne connaît plus assez, qu'on ne connaît pas assez,
13:44est fort juste pour décrire ce qui va se passer.
13:46Michel Maffesoli, dernière question.
13:48Pensez-vous qu'on est en train de vivre le chant du signe de la Vème République ?
13:54Moi, je pense, de toute façon, un changement de régime, c'est cela exactement.
13:57Et on a eu, en fin de course, un représentant suprême,
14:01c'est-à-dire un président qui joue du théâtre.
14:05J'ai dit, moi, théatrocratie.
14:07Et donc, vous voyez, quand un théâtre, ça marche, on est content.
14:10Quand, à un moment donné, ce théâtre n'est pas bon, on le siffle.
14:14Et on est en train de siffler la pièce de théâtre
14:17qui ne correspond plus à ce que le peuple attend, en quelque sorte.
14:20Merci beaucoup, Michel Maffesoli.
14:23Toujours un grand plaisir de vous avoir.
14:25Je rappelle que vous êtes professeur émérite de sociologie à la Sorbonne
14:29et auteur du livre « L'ère des soulèvements » publié aux éditions du CERN.
14:33Dans quelques instants, le s'abalance.
14:35On va parler d'une enquête terrifiante sur l'explosion de l'antisémitisme,
14:39en France, bien évidemment, mais dans toute l'Europe.
14:42C'est une enquête qui a été publiée hier à Vienne, en Autriche.
14:45On va en parler avec Elie Korchia, président du consistoire central de France et avocat.
14:50Restez bien avec nous sur Sud Radio.

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