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00:00Récemment, j'ai rencontré un jeune entrepreneur qui me parlait de son patrimoine et qui m'expliquait
00:16qu'il avait une grosse partie de son patrimoine dans des fonds de private equity. Jusqu'ici,
00:20rien de surprenant, les entrepreneurs aiment beaucoup investir eux-mêmes dans du private
00:23equity, souvent parce qu'ils ont été de l'autre côté de la barrière, c'est-à-dire qu'ils ont
00:26été financés au début de leur projet par des fonds de venture capitale, puis potentiellement
00:31par des fonds de private equity. Donc jusqu'ici, rien de surprenant. Mais ce qui m'a surpris,
00:35c'est qu'il m'a demandé si c'était bien de mettre ses fonds de sécurité, vous savez,
00:39cet argent, ses fonds d'urgence en fait, qu'on met de côté au cas où on aurait un gros pépin,
00:44qui sont en général six mois de dépense, voilà, grosso modo. Donc il m'a demandé si son fond
00:49d'urgence pouvait être placé dans des fonds de private equity, vu que c'est extrêmement peu
00:53volatil. Et là, ça m'a fait tilter, ça m'a vraiment fait bizarre, parce que si on prend la
00:58manière dont on classe généralement les classes d'actifs en termes de risque, le private equity,
01:04il est situé plutôt haut, plutôt très haut, voire même parmi les classes d'actifs les plus risquées.
01:09Pourquoi ? Parce qu'on investit dans des petites entreprises en croissance, la liquidité est
01:13compliquée, en général le private equity est leveraged, donc il y a un effet de levier,
01:18on s'endette, enfin le fonds de private equity s'endette pour investir dans ces entreprises-là,
01:21donc j'ai été surpris que moi j'avais cette vision du private equity qui était une classe
01:27d'actifs risquées, et pour lui c'était l'une des moins volatiles, donc là où il pouvait placer
01:30son argent à très très court terme, donc à quelques mois. J'ai mieux compris quand j'ai
01:35regardé les documents marketing de certains fonds de private equity, notamment des fonds
01:40dans lesquels cet entrepreneur était investi, en l'occurrence StepStone, et pourquoi j'ai mieux
01:46compris ? Parce que dans leurs arguments de vente, ils se vendent comme étant moins volatiles que
01:51la bourse calcule à l'appui. Alors je vous rappelle que la volatilité, elle mesure la
01:55fluctuation de la performance, donc un actif qui va avoir une performance de 3%, 3%, 3%, 3% tous
02:01les ans, il n'est pas volatile. Un actif qui fait plus 4%, plus 5, plus 6, plus 4, plus 5, plus 6,
02:08etc., donc tous les ans une faible variation de la performance, c'est ce qu'on appelle une faible
02:14volatilité, et à l'inverse si vous avez un actif type crypto-monnaie qui fait plus 15%, moins 18%,
02:21plus 38%, moins 53%, plus 120%, etc., on va dire qu'il est très volatile. Et sur le graphique de
02:27ces fonds de private equity, on voit que pour chaque classe d'actifs, c'est-à-dire la dette,
02:32les actions, l'immobilier, le non coté bat les indices cotés, c'est-à-dire que la dette privée,
02:37elle va battre selon eux les indices obligataires. Le private equity, donc les actions non cotées,
02:45va battre la bourse, etc. Mais ce qui est intéressant, c'est que selon eux, ils ont
02:49une meilleure performance et ils ont aussi moins de risques, puisqu'ils ont une plus faible
02:54volatilité justement. Sur la performance, je ne suis pas surpris, pour moi l'investissement en
02:58actions non cotées, donc le private equity, il a une meilleure performance à long terme que la
03:02bourse, pourquoi ? Aussi parce qu'il est plus risqué, il est moins liquide, donc cette performance,
03:07c'est la rémunération du risque qui est pris. Mais apparemment non, le private equity est meilleur
03:12sur tous les points, il est meilleur en termes de performance que la bourse et il est meilleur en
03:15termes de risque que la bourse, ce qui va à l'encontre de la théorie financière. Et pourtant,
03:20en regardant leurs chiffres, les données sont là, sur les 20 dernières années, le private equity a
03:24une performance annualisée de 12% contre 9% pour l'indice boursier américain, le S&P 500,
03:29et une volatilité de 11% pour le private equity contre 14% pour la bourse. Et quand on regarde
03:35ce qu'on appelle les drawdowns, c'est-à-dire la baisse maximale lors des crises, les chutes sont
03:40moins importantes dans le private equity. En 2008, ils nous disent qu'il y a eu une baisse de seulement
03:4529% dans le private equity contre 47% en bourse, même constat pour la bulle internet des années
03:502001-2002, pour la baisse du Covid, pour la baisse des valeurs tech en 2022, etc. Et si je prends
03:55l'exemple du Covid, ils nous disent que les marchés ont perdu 20%, alors c'est uniquement au premier
04:00trimestre, ils prennent du 31 décembre 2019 au 31 mars 2020, contre 8% pour le private equity.
04:09Alors comment est-ce possible d'avoir comme ça le private equity qui bat la bourse sur tous les
04:13plans ? Est-ce que je devrais vendre tous mes portefeuilles boursiers pour tout mettre en
04:15private equity ? J'ai réfléchi pas mal à la question. Pour moi, le premier point, puisqu'on
04:21parle de risque, comme je disais sur la performance, je veux bien croire, enfin même je pense, que le
04:25private equity a une meilleure performance à long terme. Sur la volatilité, je ne crois pas. Le
04:30premier point, c'est la fréquence et le délai des valorisations. Pourquoi ? Parce que la bourse
04:35est valorisée tous les jours, même plusieurs fois par jour, des milliers de fois par jour. On a des
04:40acheteurs et des vendeurs qui se confrontent, qui donnent un prix à toutes les actions, donc un prix
04:44à tous les indices. Donc ça, c'est tous les jours. Les fonds de private equity, eux, pour la plupart,
04:48ne sont valorisés que de manière trimestrielle. Et en termes de perception, la différence est
04:52énorme, parce qu'évidemment, un marché qui va valoriser tous les jours, plusieurs fois par jour,
04:56un actif comme la bourse, paraît beaucoup plus volatile. Pourquoi ? Parce que vous avez des
05:01bulles, des piques même au sein d'un même trimestre, vous avez des piques et des creux
05:06qui sont beaucoup plus importants que si vous allez être valorisé quatre fois par an comme un
05:11fonds de private equity. Donc déjà, il y a cette sensation de volatilité beaucoup plus élevée,
05:15mais qui est en fait due à la liquidité. C'est justement le fait que la bourse soit hyper liquide,
05:20qu'on puisse sortir de notre portefeuille en une journée, beaucoup moins d'une journée,
05:25en quelques minutes, on peut en général le sortir de notre portefeuille. Donc c'est un atout,
05:29mais d'un point de vue visuel, d'un point de vue psychologique, ça nous fait prendre conscience de
05:35la volatilité de ce marché, alors que le private equity qui va être valorisé quatre fois par an,
05:39qui va être valorisé tous les trimestres, ça donne une sensation comme ça de quelque chose
05:42de beaucoup plus lissé, de quelque chose de beaucoup moins risqué. Mais il y a un autre
05:45aspect qui est le délai dans la valorisation, puisque, je vous le disais, en bourse, évidemment,
05:50c'est instantané. On sait, si je prends l'exemple du Covid, les entreprises ont commencé à ressentir
05:55les effets de la pandémie en mars 2020, mais les marchés boursiers, eux, ont même anticipé ça,
06:00puisque la baisse a commencé le 20 février 2020 jusqu'au 19 mars 2020. Donc ça a été extrêmement
06:06rapide, extrêmement violent. À son plus bas, la bourse européenne est en baisse de 38 %, mais si
06:10je regarde les revenus des entreprises, le chiffre d'affaires et les bénéfices des entreprises,
06:14finalement, il y a eu un impact qui a été très faible au premier trimestre, puisque le premier
06:18trimestre s'est terminé le 31 mars, et c'est surtout au deuxième trimestre qu'on a vu les
06:22impacts, notamment du confinement. Mais du côté des fonds de private equity, la valorisation des
06:30entreprises au deuxième trimestre, qui se termine fin juin, n'a été publiée finalement qu'en août,
06:35voire en septembre 2020. Donc, il y a toute une partie de la panique qui était passée,
06:39la bourse ne baissait plus que de 14 % à l'époque. Évidemment, au moment où les valorisations des
06:45fonds de private equity ont été calculées, ils ont fait apparaître une volatilité beaucoup plus
06:49faible, parce que même s'ils ont valorisé fin juin, ça a été fait avec un ou deux mois de plus,
06:54donc on n'était plus du tout dans cette panique, on connaissait déjà l'impact des confinements,
06:58etc. On voyait que le monde recommençait à vivre. Donc, on voit ici que les délais,
07:03donc il y a l'aspect fréquence, mais il y a aussi l'aspect délai, le délai d'avoir les chiffres des
07:08entreprises, puis de calculer des valorisations, font aussi un effet de lissage qui est très
07:13important. Et deuxième point, donc en plus de la fréquence et du délai, point le plus important,
07:17c'est la manière dont la bourse et le private equity mesurent la performance. En bourse,
07:22c'est une valorisation instantanée qui est faite par le marché, donc on a un prix qui est négocié
07:25entre acheteur et vendeur, donc voilà, tant qu'on est dans les horaires de bourse, on voit
07:29immédiatement le prix, la valorisation actuelle avec tout l'aspect psychologique qu'on connaît
07:33bien, les bulles, les cracks, etc. Alors pour le private equity, c'est différent. En private equity,
07:38on doit valoriser les actifs, en général tous les trimestres, je vous le disais, à leur juste
07:43valeur, comme disent les normes IFRS 13. Donc les personnes en charge de la valorisation ont le choix
07:48entre différentes techniques de valorisation d'une entreprise, les techniques les plus
07:53classiques. Donc on va regarder d'abord s'il y a des entreprises similaires qui sont cotées,
07:58par exemple sur les marchés, ou bien s'il y a eu des transactions sur des marchés privés sur des
08:03entreprises équivalentes. Ensuite, on va faire des valorisations basées sur les multiples, multiples
08:07de résultats, multiples de chiffres d'affaires, etc. Et puis, en plus de ces techniques qui sont
08:13plutôt des techniques de marché, on peut utiliser des techniques comme l'approche DCF, les
08:18discounted cash flow, on va actualiser les flux futurs, ou bien même on va calculer l'actif net
08:23réévalué de l'entreprise. Mais on voit que oui, on peut avoir des valorisations qui prennent en compte
08:31l'aspect psychologique quand on voit des concurrents qui sont cotés en bourse, mais la plupart des
08:34autres méthodes de valorisation, comme les multiples, dire je vais valoriser cette entreprise à 15 fois
08:40ses résultats. Le multiple de 15, il est décidé par les personnes qui vont valoriser, donc il y a
08:45aussi une grosse décision personnelle. Et en cas de crise, ils ne vont peut-être pas utiliser les
08:51multiples de valorisation du plus bas sur le COVID. Même chose pour le discounted cash flow.
08:56Discounted cash flow, donc on va actualiser les flux futurs. On sait que c'est une méthode qui
09:00a... On peut presque faire dire ce qu'on veut à la méthode DCF, c'est-à-dire qu'en changeant les
09:06hypothèses de départ, en taux de croissance, etc., on peut quasiment faire dire ce qu'on veut. Et sur
09:12l'actif net réévalué, c'est très peu impacté aussi par la conjoncture actuelle, si vous voulez.
09:17Donc c'est évident qu'en cas de crise, notamment on peut prendre l'exemple de la crise du COVID, la
09:22plupart de ces méthodes vont énormément lisser par rapport à un calcul, enfin même pas un calcul,
09:27par rapport à des transactions au jour le jour avec le stress de le confiabilisant vient d'être
09:31annoncé, qu'est ce qu'on pourra faire, pas faire, quels sont les magasins qui vont être fermés. Si
09:35on fait un calcul de discounted cash flow, voilà, on va mettre la même croissance que prévu auparavant
09:39parce qu'on pense que le confinement ne va pas durer très longtemps, finalement notre valorisation
09:44ne bouge pas. Donc c'est évident, d'un point de vue purement technique, c'est évident que les
09:48valorisations en cas de crise vont beaucoup moins baisser en private equity que sur les marchés
09:54boursiers. Mais j'ai envie de dire, c'est comme si vous me demandiez à moi de valoriser la bourse
09:58tous les trimestres, à moi de mettre un chiffre sur un indice CAC 40, S&P 500, etc., en fonction des
10:04résultats des entreprises, etc. C'est évident que si je devais donner un prix tous les trimestres à
10:08la bourse, ce serait beaucoup moins volatile, ce serait beaucoup plus lissé parce que je regarderais
10:13les perspectives à long terme des entreprises, etc. Et c'est évident qu'on n'aurait pas de bulle,
10:18enfin on aurait beaucoup moins de bulle, beaucoup moins de krach, etc. parce que j'ajusterais le
10:22prix de la bourse en fonction des résultats des entreprises, des perspectives économiques, etc.
10:26Et donc il n'y aurait pas du tout cet aspect psychologique. Donc l'aspect, le private equity
10:31est moins volatile, c'est basé sur des questions techniques, c'est pas sur un aspect de risque,
10:37c'est purement sur le fait qu'on a des délais dans la valorisation de l'entreprise et qu'on se base
10:42sur des données qui sont beaucoup plus lisses. Le résultat des entreprises, on le sait très bien,
10:45est beaucoup plus lisse que les cours boursiers. Donc présenter cette classe d'actifs comme étant
10:49moins volatile, plus sûre que la bourse ou d'autres classes d'actifs du même genre, c'est tout
10:53simplement malhonnête. Alors je vais pas me faire des amis dans le monde du private equity, mais
10:56pour moi c'est malhonnête intellectuellement. Et les anglo-saxons ont même un terme pour ça,
11:00ils parlent de volatility laundering, c'est-à-dire de blanchiment de volatilité à propos de la
11:05volatilité qui est montrée par les fonds de private equity. Et je trouve ça dommage parce
11:09que le private equity n'a pas besoin de mentir sur le risque pour être une classe d'actifs
11:14intéressante. Déjà en termes de performance, il faut être clair, ils ont des super performances
11:18depuis des dizaines d'années. Ensuite c'est une classe d'actifs qui permet de financer l'économie
11:23beaucoup plus directement que la bourse, parce que très souvent on va être sur le marché primaire,
11:27on va directement financer l'entreprise. On est quelquefois aussi sur le marché secondaire,
11:31on va s'échanger entre actionnaires des fonds, mais c'est quand même beaucoup plus utile. Ça se
11:37concentre en plus sur des entreprises plus petites qui ont vraiment des besoins de financement. Donc
11:42pas besoin de cacher le risque, pas besoin de limiter ce risque. On peut être honnête sur
11:46le private equity et dire que c'est moins liquide, que c'est moins transparent, que c'est
11:51plus risqué que la bourse, sans remettre en cause sa légitimité. Pour moi c'est juste une évidence
11:55parce que que ce soit en bourse ou en private equity, on investit dans les mêmes actifs,
11:59on investit dans des actions. Quelles sont les différences entre la bourse et le private equity ?
12:04Première différence, en bourse on investit dans des boîtes qui sont beaucoup plus grosses,
12:07on investit dans des grosses multinationales, des boîtes beaucoup plus matures, beaucoup plus
12:11diversifiées, etc. et avec une liquidité journalière. Donc sur ce point de vue là,
12:15on a moins de risques en bourse factuellement, vu que de l'autre côté on a des petites entreprises
12:19souvent plus locales, moins diversifiées. Et on a aussi la question de l'effet de levier. En bourse,
12:25quand on investit dans un indice boursier par exemple, on a 100 euros, on va placer 100 euros,
12:30on n'utilise pas l'effet de levier, c'est très rare d'utiliser l'effet de levier, ça ne se voit
12:34pas dans la performance boursière. Quand on parle de performance boursière, on parle de performances
12:38non leveraged, avec zéro effet de levier. Or le private equity utilise la plupart du temps de
12:43l'effet de levier, va emprunter pour avoir un effet de levier en rachetant ses entreprises non cotées.
12:49Donc sachant qu'on est sur le même actif, c'est-à-dire les actions, que d'un côté on a des
12:53grosses actions sans effet de levier, de l'autre côté on a des plus petites actions, des plus
12:58petites entreprises de croissance achetées avec effet de levier, il n'y a pas de question de calcul,
13:04etc. de faire, moi je valorise comme ci, comme ça. Rien qu'en étant purement objectif, on se
13:09rend compte que la bourse est de manière objective, moins risquée que le private equity. Mais comme
13:13je le disais, ça ne veut pas dire que le private equity n'est pas une bonne classe d'actifs. Au
13:16contraire, c'est une classe d'actifs extrêmement intéressante. Et vu qu'on est là pour du long
13:20terme dans le private equity, finalement c'est pas très grave et c'est même tant mieux de ne pas
13:24avoir l'aspect psychologique des marchés. Ça n'a aucun intérêt de mettre un prix sur un fonds
13:28de private equity à moins 38% en pleine période du Covid, surtout que la plupart du temps vous ne
13:33pourriez pas sortir de ce fonds de private equity. Donc c'est valorisé tous les trimestres, c'est
13:38très bien, ce serait probablement mieux si la bourse n'était pas valorisée comme ça,
13:41quasiment en temps réel. C'est pas du temps réel la nuit, mais en tout cas le jour c'est du temps
13:47réel. Ça crée beaucoup de stress, on sait qu'il y a beaucoup de gens qui ne sont pas capables de
13:52supporter la bourse justement à cause de cette volatilité-là. Donc je ne critique pas la manière
13:56dont ils font leurs calculs, je dis juste ne comparez pas ça à la bourse et ne dites pas
14:01que cette classe d'actifs est moins risquée que la bourse. Si vous êtes fan du private equity,
14:05si vous êtes un professionnel du monde du private equity, n'hésitez pas, lâchez-vous dans les
14:08commentaires. Vous avez probablement des arguments aussi de votre côté pour expliquer pourquoi le
14:13private equity est moins dangereux que la bourse, ou alors vous êtes d'accord avec moi, parce que
14:18j'espère qu'il y a quand même des professionnels du private equity qui sont d'accord avec moi pour
14:21dire que le private equity a plein d'avantages, mais surtout pas la notion de risque pour tout
14:26ce que j'ai cité auparavant. Voilà, merci encore pour votre fidélité et à bientôt pour d'autres émissions.