Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, il reçoit Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, pour évoquer ce viol antisémite qui a lieu sur une ado juive de 12 ans à Courbevoie.
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00:00Et nous allons donc parler de ce qui s'est passé à Courbevoie, violée à l'âge de 12 ans parce qu'elle était juive.
00:06Vous êtes évidemment nombreux à réagir à l'horreur vécue par cette fillette,
00:10d'ailleurs c'est pas une adolescente, c'est une fillette, à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine,
00:14alors qu'ils sont aux abonnés absents depuis le 7 octobre.
00:17Vous aurez remarqué que la France Insoumise a pris la parole, peut-être parce qu'on est en période d'élection.
00:23Jean-Luc Mélenchon a parlé d'un racisme antisémite.
00:26C'est M. Yonatha Arfi que je salue une nouvelle fois d'être avec nous.
00:31Cette simple expression pose problème à mes yeux, racisme antisémite,
00:38comme si on ne voulait pas prononcer le mot antisémitisme.
00:43Oui, exactement, et je vous remercie de le relever parce que ça m'a frappé en voyant le tweet de Jean-Luc Mélenchon.
00:50Il ressent le besoin d'exprimer une forme de condamnation par rapport à ce viol,
00:54à ce fond d'antisémitisme sur lequel ça se déroule,
00:57mais c'est une condamnation de façade, d'une part.
01:00D'autre part, évidemment, il n'évoque pas du tout les sources,
01:02le climat qui a généré cet antisémitisme et dont la France Insoumise est pleinement responsable.
01:08Et puis, il choisit cette terminologie, racisme antisémite,
01:11comme si, au fond, ce qu'il voulait dire, c'était que l'antisémitisme était complètement soluble dans le racisme
01:16et qu'il n'y avait pas ces particularités.
01:18Or, les particularités de l'antisémitisme, c'est que, bien entendu, il y a des choses qui ressemblent au racisme,
01:23mais il y a des choses qui ne ressemblent à rien d'autre,
01:25comme par exemple, effectivement, l'antisionisme, qui est une forme d'antisémitisme
01:29et qui nourrit la haine des Juifs aujourd'hui dans notre pays.
01:32Le fait qu'il y a une part de l'antisémitisme qui vient de l'islamisme,
01:35une part qui ressemble à du complotisme.
01:37Donc, tout ça, Jean-Luc Mélenchon l'efface par cette petite expression.
01:41C'est très insidieux, évidemment, ça maîtrise des mots, on connaît Jean-Luc Mélenchon,
01:47mais c'est, sur le fond, extrêmement dangereux idéologiquement.
01:49Donc, merci beaucoup de me permettre de le relever ici.
01:51Je voulais vous faire goûter Alain Jakubowicz, que je connais bien,
01:55qui vient régulièrement dans notre émission, qui est avocat, avocat célèbre,
01:59et qui avait plaidé contre Klaus Barbie en son temps, il y a maintenant quasiment 40 ans.
02:05Et Alain Jakubowicz, qui est meurtri, comme beaucoup de Juifs français,
02:11comme beaucoup de Français, bien évidemment, qui ne sont pas Juifs,
02:14et il exprimait son émotion, tout à l'heure, sur l'antenne d'Europe 1 et de CNews,
02:21et je vous propose de l'écouter.
02:23En 1990, un cimetière juif a été profané à Carpentras.
02:27On n'a tué personne, on a déterré un homme, on a fait un simulacre d'empalement.
02:33Un million de Français étaient dans la rue, un million.
02:36Le premier d'entre eux, le président de la République, est venu à cette manifestation.
02:39Depuis, on a tué des enfants dans une école juive,
02:44on a tué à bout touchant une petite fille dans une cour de récréation,
02:49parce qu'elle était juive.
02:51C'étaient des terroristes, c'étaient des assassins, c'étaient des gens radicalisés.
02:56Nous sommes en 2024, une jeune fille, une préadolescente de 12 ans,
03:03est violée, raquettée, tu nous amèneras de l'argent, parce qu'elle est juive.
03:10Quelle est la réaction de la société française ?
03:13La vraie question, Pascal, et je peux vous dire, du haut de mon âge,
03:17de mes décennies de combats, d'échecs, de défaites,
03:23c'est que je me pose la question aujourd'hui, et je ne suis pas le seul, Pascal.
03:29Y a-t-il un avenir pour les Juifs en France ?
03:33Je veux dire que moi, je vous me pose cette question.
03:35Est-ce que l'avenir de mes enfants est là ?
03:38C'est la vraie question. Est-ce qu'on veut que les Juifs quittent la France ?
03:43Et M. Harfi, évidemment, cette question, je vous la pose.
03:46D'abord, j'entends l'émotion d'Alain Jakubowicz,
03:49qui illustre parfaitement le sentiment très douloureux
03:53qu'y traversent aujourd'hui beaucoup de Français juifs,
03:55et au-delà, tous ceux qui ont à cœur la lutte contre l'antisémitisme,
03:58parce qu'on a l'impression qu'au fond, la société française se serait résignée
04:02face à l'antisémitisme, considérerait qu'on n'est pas capable
04:05de garantir aux Juifs la capacité à vivre sereinement en France,
04:10et très concrètement, beaucoup de Français juifs s'interrogent sur l'avenir.
04:15Certains pensent qu'ils n'auront pas d'avenir possible,
04:17c'est ce que nous dit Alain Jakubowicz sur le Désarroi quelsien,
04:21je l'entends énormément autour de moi.
04:23Moi, ce qui me fait le plus de peine, ce sont des parents d'élèves
04:27qui m'appellent parce qu'ils ont des cas d'agression antisémite,
04:30parfois dans des classes de CE1, sur des enfants de 8 ans.
04:35Alors évidemment, à cet âge-là, ça dit quelque chose non pas de l'enfant,
04:38mais surtout de l'environnement familial, des réseaux sociaux, des cercles amicaux.
04:43C'est ça qu'on voit, et si on sacrifie les Juifs,
04:45parce qu'en fait, c'est ça qui est en train de se jouer,
04:47c'est qu'au fond, considérer que nous ne sommes pas capables collectivement
04:51d'assurer un cadre pour leur permettre de vivre sereinement, de les protéger,
04:55eh bien, certains feront le choix de s'assimiler, d'autres de s'en aller.
04:59C'est une invisibilisation qui est extrêmement dramatique,
05:02je crois, pour la France, si elle devait se produire.
05:04Alors évidemment, ce sujet fait particulièrement réagir.
05:07Olivier Guenec me dit qu'il y a beaucoup d'auditeurs
05:10qui vont peut-être d'ailleurs vous interroger,
05:11mais forcément, on va vous interroger aussi sur la traduction politique, M. Harfi,
05:16puisque vous avez souligné la responsabilité de la France insoumise.
05:21En revanche, vous n'avez pas dit qui, selon vous,
05:25vous défend, mène le combat pour que les Juifs restent sur ce sol de France en sécurité,
05:33et si vous avez une préférence politique,
05:35est-ce que vous pensez que certains mouvements,
05:39certains partis ou certains hommes font ce qu'il faut faire, et d'autres pas ?
05:43D'abord, le crime n'est pas un appareil politique,
05:46on n'est pas dans le débat politique au sens des partis politiques.
05:49Vous avez parlé de la France insoumise ?
05:50Non mais, je vais y arriver !
05:52Notre expression, elle part des valeurs de l'éthique juive, de l'histoire juive,
05:57de ce qu'on doit défendre comme position aussi de principe dans la société française,
06:05au nom des Français juifs, au nom de ce qu'ils incarnent,
06:08et de ces valeurs et cette éthique, parce que c'est important aussi comme terme.
06:12Il y a un danger immédiat, qui est celui, on le voit, de l'antisémitisme,
06:17déchaîné par, aujourd'hui, des activistes qui prétendent se cacher derrière des discours de solidarité
06:22dévoyés avec la cause palestinienne, et qui, à ce titre-là, ciblent des Français juifs.
06:27On a vu des manifestations à Marseille, par exemple,
06:30se promener, entre guillemets, dans les quartiers juifs, sciemment.
06:33On a vu des familles juives décider à ce moment-là de dire à leurs enfants
06:36« Ne sortez pas ce soir ! »
06:37Et dans quelle société vit-on pour que des Juifs, des citoyens français,
06:42au fond comme les autres, ne puissent pas sortir de chez eux à ce moment-là ?
06:45Parce que c'est ça, la réalité.
06:47Et puis, parce que j'entends votre question,
06:49c'est de m'interroger sur pourquoi le CRIF continue à dénoncer le Rassemblement national.
06:55Parce que c'est ça, c'est la question que vous me posez, au fond.
06:57Parce qu'on a aussi le sens du temps long, d'une part.
07:01On ne résout pas la question du rapport à l'antisémitisme
07:06par quelques déclarations aussi flamboyantes soit-elle depuis quelques mois, d'une part.
07:10Et puis, d'autre part, parce qu'on est...
07:12Quand on est juif, on a aussi à cœur l'avenir de ce pays en général.
07:16Et je pense que le Rassemblement national n'est pas une solution pour les problèmes des Français,
07:24que la question du populisme, la question du nationalisme
07:28peuvent être dangereux pour notre pays.
07:31Que la soumission à la Russie de Poutine est aussi une problématique
07:35quand on est soucieux de ce pays.
07:36Je suis un patriote français.
07:38J'aime ce pays plus que tout au monde.
07:40Et à ce titre-là aussi, je me méfie des deux extrêmes.
07:43Voilà, au fond, ce que je voulais mettre en partage.
07:46Et j'entends votre question, j'entends que certains auditeurs puissent s'interroger
07:49et je serais ravi d'y répondre.
07:51Ça ne satisfera peut-être pas tout le monde,
07:53mais c'est en tout cas le débat qu'il est important d'avoir aujourd'hui avec vous.
07:55On va marquer une pause, en tout cas.
07:57Et je remercie grandement d'être avec nous.
08:00Vous avez contacté la famille de cette fillette ?
08:04Est-ce que vous êtes entré en contact avec elle ?
08:05Je n'ai malheureusement pas pu m'entretenir avec la famille directement.
08:09Mais je peux vous dire que l'émotion et le traumatisme qu'il y a dans la communauté juive
08:12de Courbevoie, et puis au-delà,
08:15tous ceux qui veulent lutter contre l'antisémitisme, est immense.
08:19Puis il y a quelque chose également qui m'a marqué dans le flow comme ça,
08:22d'information, mais également de réaction.
08:25Il y avait quelqu'un hier qui était sur le parvis de l'hôtel de ville
08:29et qui disait « on est ensemble, il n'y a que nous les juifs qui sont là.
08:32Où sont ceux qui ne sont pas juifs ?
08:34Où sont les Français non-juifs ? »
08:36Et cette phrase m'a frappé.
08:38Il disait « voilà, c'est toujours pareil, on est tout seul ».
08:42C'est une partie de ce qui traverse les Français juifs.
08:45C'est effectivement un immense sentiment de solitude.
08:48C'est un peu une solitude juive,
08:51mais c'est au fond beaucoup une solitude républicaine.
08:53On a le sentiment que tout le monde a renoncé à préserver ce socle
08:58qui permettait fondamentalement à chacun de vivre
09:01plus ou moins sereinement dans la société française.
09:04On se sent un peu gardien de ces valeurs-là.
09:07Alors chacun après trouve à les incarner politiquement ici ou là,
09:10mais en tout cas c'est la responsabilité d'une certaine manière
09:12que les Français juifs peuvent avoir dans la société française aujourd'hui.
09:15Il est 11h14, on marque une pause et on revient tout de suite.
09:18Et vous pouvez réagir avec Pascal Praud de 11h à 13h sur Europe 1
09:21en composant son numéro.
09:23Pascal Praud au 01 80 20 39 20.
09:26Europe 1.
09:27Pascal Praud et vous, de 11h à 13h sur Europe 1.
09:30Et nous sommes toujours avec Jonathan Arfi, président du CRIF,
09:34le conseil représentatif des institutions juives de France.
09:37Je vous propose d'écouter une voix importante dans la communauté juive,
09:41bien sûr, celle de Serge Klarsfeld.
09:43Qu'est-ce que vous feriez vous-même, Serge Klarsfeld,
09:45si vous étiez confronté à ce dilemme ?
09:48Ce sera un dilemme pour beaucoup de Françaises et de Français
09:50de devoir choisir, par exemple, entre l'ERN et la France insoumise.
09:55Je n'aurai pas d'hésitation, je voterai pour le Rassemblement national
10:00parce que l'axe de ma vie, c'est la défense de la mémoire juive,
10:11la défense des juifs persécutés, la défense d'Israël
10:16et que je suis confronté à une extrême-gauche
10:22qui est sous l'emprise de la France insoumise,
10:26avec des relents antisémites et un violent antisionisme.
10:32M. Arfi, est-ce que vous m'autorisez à vous poser cette même question,
10:36si vous êtes confronté vous-même à ce dilemme ?
10:39Dans un deuxième tour, le 7 juillet, entre un vote pour le Front populaire
10:43et un vote pour un candidat du Rassemblement national,
10:46qu'est-ce que vous faites ?
10:47D'abord, permettez-moi de dire combien j'ai d'admiration pour Serge Klarsfeld
10:53qui est un monument de notre conscience nationale,
10:55à qui on doit tant sur la mémoire de la choix dans notre pays
10:58et qui, je pense, à ce moment-là, a aussi dit d'autres choses dans cette interview.
11:03Parce que vous avez juste choisi de passer cet extrait,
11:06je veux rappeler aux auditeurs qu'il a aussi dit dans cette même interview
11:09qu'il voterait lui-même au premier tour pour un parti du centre,
11:13un parti républicain, c'est important, c'est-à-dire que c'est là que va sa préférence,
11:17puisque c'est ce qu'il fait comme choix au premier tour,
11:19et deuxièmement, je reprends ces termes,
11:21que LFI était un ennemi politique
11:24et que le Rassemblement national était un adversaire politique pour lui.
11:27Donc il a assumé ces termes et il faut le rappeler quand on parle de ce sujet.
11:30Il n'empêche que, au moment du choix, il votera à l'Assemblement national,
11:33et je vous pose la question, et vous ?
11:35Mais moi, ma responsabilité,
11:36c'est de faire qu'on ne soit jamais contraint à ce choix-là, précisément.
11:39Non mais je vous le dis, sans artifices, sans cosmétiques,
11:43vous me réinviterez si jamais la configuration se pose.
11:48M. Arfi, vous savez bien que c'est une manière de ne pas répondre à la question.
11:51Mais bien sûr que c'est une manière de ne pas répondre à cette question,
11:53parce que c'est une question piégée, qui fait le jeu des deux extrêmes.
12:00Je ne dis pas que c'est votre volonté,
12:02je dis juste que c'est une question qui, fondamentalement, fait le jeu des deux extrêmes,
12:05à laquelle, précisément, je n'ai qu'une réponse,
12:07qui est de dire que nous avons la responsabilité collective
12:10de faire qu'il y ait un bloc républicain clair,
12:13qui émerge pour empêcher une majorité RN ou une majorité LFI,
12:18avec tout ce qu'on sait comme danger que tout ça représente.
12:21Donc voilà, moi, le seul combat et la seule voie que je peux porter en ce moment,
12:25c'est ce combat-là qui m'anime.
12:26Je crois que c'est une responsabilité collective.
12:29Eh bien, si d'aventure, on devait arriver à ce genre de questions,
12:31qui relèvent plus d'ailleurs des présidentielles que d'une législative.
12:35Je rappelle que chacun, ce qu'il aura à faire, c'est voter dans sa circonscription.
12:37Que dans l'essentiel des cas, ce ne sera pas ça, ce qui se proposera aux gens.
12:40Donc voilà, aujourd'hui, ce que je veux vous dire.
12:42Il y aura beaucoup de duels RN, Front Populaire.
12:45Il y aura des triangulaires aussi, beaucoup, certainement.
12:47Ce n'est pas, comment dire,
12:51ce n'est pas obligatoire le nombre de triangulaires,
12:55parce que même avec une participation à 65 ou 70%,
12:59pour être en triangulaire, il faut être à 18% des votes exprimés.
13:03Exactement.
13:04Donc c'est beaucoup 18%.
13:06Parce que derrière le RN et derrière le Front Populaire,
13:09si le bloc central arrive à être régulièrement à 18%,
13:13avec ce qui se passe ces dernières heures,
13:16ce n'est pas gagné, si vous me permettez.
13:18Alors Françoise est avec nous, elle est de confession juive.
13:20Bonjour Françoise, vous habitez où ?
13:22Bonjour Pascal, j'habite à Paris 15ème.
13:25Paris 15ème.
13:27Est-ce que c'est indiscret de vous demander votre âge ?
13:30Mais alors, pas du tout.
13:32J'ai 65 ans et je vis en France depuis toujours.
13:36Et là, en ce moment, je me pose des questions.
13:39Lesquelles ?
13:41Lesquelles ?
13:42Oh bah écoutez, je suis d'origine corse.
13:44Donc soit je prends le maquis, soit je me casse en Israël.
13:48Voilà, c'est très simple.
13:50Pour moi maintenant, la France ne me protège plus,
13:53elle ne protège pas mon fils,
13:55elle ne protège plus ma famille.
13:58Donc j'ai enlevé les mésousotes,
14:00j'ai fait tout ce qu'il fallait.
14:02J'ai dit à mon fils, surtout, ne dis jamais, ne dis plus que tu es juive.
14:06Mais quel âge a votre fils ? Il n'est pas un adolescent, j'imagine ?
14:09Il a 33 ans mon fils.
14:11Et vous avez peut-être des petits-enfants également ?
14:14Ah bah non, malheureusement, il aime trop les femmes et il les aime toutes.
14:18Enfin, c'est un autre problème.
14:20Bon, effectivement, ce n'est pas le lieu d'en parler ici.
14:23Mais en revanche, évidemment, ce n'est pas à 65 ans, sans doute,
14:27que vous allez partir pour Israël, Françoise.
14:30C'est trop compliqué de changer à ce point de vie.
14:33Mais la question, elle se pose sans doute de manière théorique pour vous.
14:38La question, ce n'est plus une question de théorie, Pascal.
14:43C'est une question de survie.
14:46Vous comprenez ? Vous arrivez à comprendre ça ?
14:49Que depuis le 7 octobre,
14:52il y a eu une telle multiplication des actes antisémites en France
14:58qu'on a été obligé, en France, d'enlever nos Mézouzottes,
15:05d'enlever les Kippas, d'enlever nos enfants de l'école publique.
15:10Moi qui suis tellement attachée à l'école publique et à la laïcité.
15:15On a été obligé. J'étais contente de m'appeler.
15:20Vous savez, j'ai un nom corse.
15:22Je m'appelle Alberti.
15:25Et bien quand je me fais livrer ou quand je prends un Uber,
15:28je suis contente de ne pas m'appeler Cohen.
15:31Est-ce que vous vous rendez compte à quoi on en est réduit ?
15:35On devient les démis de la République.
15:38Alors quand j'entends le CRIF avoir des pudeurs de gazelle,
15:45là ça me met en colère.
15:47Ça me met hors de moi.
15:49Parce que le logiciel des années 80, la tenaille identitaire,
15:54tout ça c'est du pipeau.
15:56La République, elle ne nous protège plus.
15:59Quand le premier, le Président, n'est pas capable
16:04d'aller à une marche contre l'antisémitisme,
16:08comment vous voulez que je me sente représentée en France ?
16:12Comment vous voulez que je me dise la France, elle me protège ?
16:17Non, la France, elle ne me protège plus
16:19quand le premier des Français est incapable.
16:23Mais bon, c'est Macron.
16:25Alors quand il me parle de bloc républicain,
16:29ça ne me fait pas rigoler,
16:32parce que je n'ai pas envie de rire en ce moment.
16:34J'ai envie de pleurer en ce moment sur la France qui a été
16:38et qui n'est plus.
16:40Oui, alors ils ont gagné.
16:42Vos propos, évidemment, sont très forts.
16:44M. Harfi va répondre dans quelques instants.
16:47On va laisser passer une pause, bien sûr,
16:49parce que ça va être l'actualité avec Émilie Dez.
16:51Mais j'imagine que le président du CRIF entend souvent ces voix
16:56de gens qui vous reprochent, au fond,
17:00de ne pas choisir en l'espèce,
17:03et c'était ma question tout à l'heure,
17:05ce que je peux comprendre d'ailleurs,
17:07je comprends votre position,
17:09je comprends cette position modérée,
17:11je comprends l'histoire du Front National,
17:13je comprends tout ça.
17:14Donc ça s'appelle un dilemme.
17:16Et Darius Rochebin posait assez bien la question.
17:19C'est un dilemme.
17:20Et un dilemme, ça veut bien dire ce que ça veut dire.
17:23D'abord, j'entends chez Françoise une inquiétude.
17:27Et une colère.
17:28Une colère.
17:29Qui me traverse tout autant qu'elle face à la situation qu'on vit.
17:33Et je veux la remercier de l'exprimer ici,
17:36sur une radio nationale,
17:38pour pouvoir porter haut et fort cette inquiétude des Français juifs.
17:42Elle l'a dit avec des mots très justes
17:44pour que l'ensemble de nos concitoyens puissent l'entendre.
17:47Alors, on peut débattre de ce que fait ou ne fait pas le CRIF.
17:50Moi, ma responsabilité, c'est effectivement de dire le plus fort possible
17:53que cet antisémitisme est une menace pour les Juifs,
17:56pour notre avenir,
17:57et aussi pour la société française,
17:59parce qu'il faut que les Français entendent que ça les concerne.
18:01J'ai regretté, comme elle,
18:03que le président de la République, malheureusement,
18:05ait fait le choix de ne pas venir à cette manifestation du 12 novembre.
18:09Ça a été très largement couvert à ce moment-là par la presse.
18:13Je pense que ça a été une erreur,
18:15que peut-être les choses auraient pu passer ensuite différemment.
18:18Mais je constate que, de toute façon,
18:20aujourd'hui, nous avons un parti politique, la France Insoumise,
18:23et ça, c'est inédit par rapport aux périodes précédentes,
18:25puisque nous n'avions pas un parti qui avait de tels ressorts
18:29associatifs, universitaires, militants, médiatiques,
18:33réseaux sociaux et politiques,
18:35qui avaient les moyens de nourrir, comme ça,
18:37la haine des Juifs dans la société française,
18:39parce que c'est ce qu'ils font en mettant la question de Gaza
18:42en permanence au cœur du débat public.
18:44Donc il faut le dire, c'est ma responsabilité de le faire.
18:46J'entends Françoise et j'essaierai de le dire encore plus fort.
18:49Françoise, vous restez avec nous, bien sûr, il est 11h28,
18:51on marque une pause, et c'est un sujet passionnant,
18:54parce qu'on est au cœur du sujet,
18:56et je pense qu'il est bien posé par Françoise,
18:59et M. Harfi répond également,
19:01et je peux comprendre la position de M. Harfi,
19:03dans ce qu'il vient de dire à l'instant, à tout de suite.
19:06Et comme Françoise, vous réagissez en composant le 01.80.20.39.21,
19:11très bonne matinée, avec Pascal Praud,
19:13de 11h à 13h, sur Europe 1.
19:15Europe 1, Pascal Praud.
19:17On est avec Jonathan Harfi, qui doit partir à 11h40.
19:20Vous avez deux minutes, deux minutes encore,
19:22parce que vous avez des rendez-vous, j'imagine,
19:24et Françoise voulait vous dire quelque chose,
19:26et si vous n'étiez pas là il y a une seconde,
19:28Françoise habite dans le 15e arrondissement,
19:30elle est juive, elle a 65 ans,
19:33elle dit une chose que je n'avais jamais entendue
19:35depuis le 7 octobre,
19:37je vais donner votre nom, vous l'avez dit tout à l'heure,
19:39je suis heureuse de m'appeler Albertini quand je commande un Uber,
19:41j'avais jamais entendu cette phrase,
19:43mais je trouve ça extravagante ou extraordinaire.
19:47Vous êtes juive et vous dites
19:49je préfère m'appeler Albertini que Cohen
19:52quand je commande un Uber.
19:54Mais vous vouliez dire quelque chose à M. Harfi avant qu'il s'en aille.
19:57Oui, je voulais juste dire à M. Harfi
20:00qu'il me fait penser à ceux
20:02qui renvoient dos à dos
20:05le Ramas et Benjamin Netanyahou.
20:09Voilà, et il est dans cette posture,
20:12le Christ a toujours été dans cette tenaille identitaire,
20:16le Nini,
20:18mais il ne se rend même pas compte
20:20qu'il nous envoie dans le mur.
20:22Et vous, vous allez voter par exemple Rassemblement National,
20:25c'est ce que vous voulez dire à M. Harfi.
20:27Evidemment que je vais voter Rassemblement National,
20:30mais je voterai pour une chèvre.
20:33Si je pouvais faire barrage à Macron et à LSI.
20:38Voilà.
20:39Ce n'est pas la même chose, si vous me permettez.
20:41Ce n'est pas du tout la même chose.
20:44Ça n'a même rien à voir.
20:47En revanche, je rebondis sur votre phrase
20:50que je trouve évidemment très sévère pour M. Harfi.
20:53Cette dame qui est juive vous dit
20:56vous nous envoyez dans le mur.
20:58C'est une phrase forte.
21:00J'entends sa colère et je serais ravi d'avoir l'occasion
21:03de poursuivre un échange avec elle à un autre moment
21:06parce que c'est important d'entendre ce point de vue-là.
21:09Il n'empêche que nous menons parfois des combats sur plusieurs fronts.
21:13C'est l'histoire du peuple juif d'avoir à mener des combats au pluriel
21:16et on les mène avec toute l'énergie qu'il faut,
21:19en étant clairvoyant sur chacun des fronts.
21:21Il n'y a pas de mise en équivalence.
21:23Ce n'est pas la question.
21:25On ne cherche pas à hiérarchiser, on mène des combats.
21:27Je vous parle ces derniers jours massivement de la question
21:30de l'antisémitisme porté par la France insoumise.
21:32Je ne pense pas être plus faible dans ce combat-là
21:35qu'en part ailleurs je suis lucide sur les risques
21:38que représente le RN à la fois pour notre pays
21:41de manière générale et pour les juifs.
21:43Mais fondamentalement, ce qui m'importe
21:46c'est de combattre l'antisémitisme.
21:48Il n'y a pas de risque pour les juifs du RN.
21:51Les juifs sont des citoyens français comme les autres.
21:55Il n'y aura pas de juifs heureux dans un pays qui ne va pas bien.
21:58Et je pense que le RN n'est pas bon
22:00pour la société française de manière générale.
22:02Alors ça c'est effectivement un point de vue qu'on peut entendre
22:06mais ce n'est pas de penser que le RN
22:08ferait une politique antisémite.
22:11On pourrait rentrer dans les détails sur ce sujet.
22:13Il y a des sujets autour de la liberté de culte.
22:15Je rappelle la question autour de l'abattage rituel par exemple.
22:17Oui, ça c'est une question importante.
22:19C'est un vrai sujet.
22:22Parce que le RN souhaite la fin de l'abattage rituel.
22:26C'est un sujet important.
22:29C'est un sujet important parmi d'autres.
22:30Donc voilà en tout cas quelques éléments
22:32pour expliquer les moteurs de nos combats.
22:34Merci en tout cas M. Harfi.
22:36Merci évidemment pour votre combat.
22:39Merci pour votre intégrité.
22:41Merci pour être ce que vous êtes, j'ai envie de dire.
22:43Et d'être venu échanger avec Françoise.
22:48Que je vais remercier également, chère Françoise.
22:50Je vois qu'il y a mon ami Olivier Benquemoun
22:52qui est en régie.
22:53D'ailleurs Olivier peut venir dans ce studio
22:56parce que vous le connaissez Olivier.
22:58Et Olivier présente tous les soirs
23:02une émission sur CNews
23:05et puis également sur l'antenne d'Europe 1
23:08régulièrement avec Thomas Hill
23:10pour parler de cinéma.
23:12Et bien sûr depuis le 7 octobre
23:15pour Olivier Benquemoun
23:17la vie n'est plus exactement la même.
23:20Bien évidemment parce que vous avez un jeune enfant.
23:23Il a quel âge ?
23:2410 ans.
23:25Et comment vit-il précisément cette période
23:28et que lui donnez-vous comme informations ?
23:30Je réponds à toutes ces questions.
23:32Je réponds exactement à toutes ces questions
23:34lorsqu'il s'interroge et évidemment je suis journaliste.
23:36Je vis avec l'actualité.
23:38On parle d'actualité.
23:40Pour dire la vérité, mon épouse aussi est journaliste.
23:43Donc on est dans un environnement
23:45où on écoute l'actualité.
23:47Parfois il s'interroge.
23:49Parfois il nous demande.
23:50L'histoire d'hier, il en a entendu parler.
23:52Comment expliquer à un enfant de 10 ans
23:54que des enfants qui ont à peine 2 ans de plus que lui
23:57ont violé, ont humilié, ont violenté,
24:01ont voulu brûler, ont reproduit des choses
24:03qui ont été faites par les terroristes du Hamas ?
24:05Alors un jour il est arrivé de l'école.
24:07En l'école il disait
24:08« Est-ce qu'Israël c'est les méchants ? »
24:09Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
24:11Non Israël c'est pas les méchants.
24:12Au contraire Israël c'est peut-être
24:14ceux qui ont été les victimes.
24:16Les terroristes, les terroristes
24:18c'est les palestiniens du Hamas.
24:20Expliquer ça c'est très important.
24:22Mais il s'interroge comme tous les enfants
24:24parce qu'ensuite ce qu'il ramène de l'école
24:26ce qu'il ramène de l'école
24:27c'est des choses entendues dans d'autres familles etc.
24:29Et donc c'est des oppositions
24:31qu'il faut expliquer.
24:33Ce matin une maman d'élève
24:35vient me voir
24:37me raconte qu'elle était hier
24:39au rassemblement de l'hôtel de ville.
24:40Elle a un enfant qui est à peine plus jeune que le mien
24:43qui a 9 ans, qui est dans une école à côté.
24:45Et elle me dit
24:47les autres ne veulent plus jouer avec lui
24:49parce qu'il est juif.
24:509 ans.
24:519 ans dans une école publique
24:53d'un arrondissement de Paris
24:55où il n'y a pas une mixité hallucinante.
24:57On est dans le cœur
24:59de Paris.
25:01Ces questions elles arrivent partout
25:03pour tous les parents.
25:04Et ça il faut essayer
25:06d'expliquer aux enfants.
25:08C'est très très important.
25:09Donc c'est une bonne question.
25:11Mais toute la société
25:13y compris
25:15forcément les cours d'école
25:17sont touchés par
25:19ce questionnement, ces faux semblants
25:21parfois des fausses informations.
25:23La responsabilité des parents
25:25est immense.
25:27Évidemment je disais
25:29au-delà de votre histoire
25:31personnelle et
25:33de ce jeune fils que vous avez
25:35je le disais la vie n'est plus la même
25:37depuis le 7 octobre.
25:39Angole Nadel également
25:41le soir dans notre émission
25:43sur CNews. C'est vrai que
25:45tous les français évidemment sont
25:47touchés. Tous les juifs français
25:49le sont sans doute plus que les autres.
25:51Y compris ceux qui sont libéraux, y compris
25:53ceux qui ne pratiquaient pas, y compris
25:55ceux qui ne fréquentent pas les
25:57synagogues. Mais vous vous rendez compte
25:59ce qui se dit
26:01aujourd'hui
26:03c'est l'antisionisme et l'antisémitisme.
26:05Dire on est antisionisme,
26:07on a l'impression que tous les juifs de France
26:09sont responsables de ce qui se passe
26:11à Gaza.
26:13Que tous les juifs de France
26:15sont des petits Benjamin Netanyahou en puissance.
26:17Vous vous rendez compte le poids
26:19qu'on met sur une communauté qui s'interroge
26:21qui se dit mais est-ce que je vais pouvoir continuer à vivre
26:23ici dans ce pays ? On représente
26:25400 000 personnes, est-ce qu'on peut continuer
26:27à vivre en France ? J'entends encore
26:29on vient me voir, on vient me parler
26:31je suis un personnage
26:33qui est un peu plus identifié.
26:35Et un papa vient me voir hier
26:37en me disant, ma femme est grecque, on envisage
26:39d'aller en Grèce. On ne sait pas
26:41ce qui peut se passer, on a peur, on a la
26:43trouille, on ne montre plus évidemment
26:45nos signes extérieurs, même si on ne l'a
26:47jamais montré, on est craintif
26:49on regarde derrière nous, on regarde
26:51partout, on a la trouille.
26:53Il est 11h42, merci Olivier Benkemoun.