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Jeudi 30 mai 2024, SMART BOURSE reçoit Raphaël Thuin (Directeur des stratégies de marchés de capitaux, Tikehau Capital) et Samy Chaar (Chef économiste, Lombard Odier)

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Transcription
00:00 [Générique]
00:10 Deux invités avec nous ce soir pour décrypter les mouvements de la planète.
00:12 Marché, Samy Char est à nos côtés, chef économiste de Lombardodier.
00:16 Bonsoir Samy. - Bonjour Grégoire.
00:17 - Merci beaucoup d'être là et merci à Raphaël Thuyn d'être à nos côtés également.
00:21 Bonsoir Raphaël.
00:22 Ravi de vous retrouver, vous êtes responsable des stratégies marché de capitaux chez TKO Capital.
00:27 Un mot des marchés Raphaël, c'est vrai que je disais en présentation que la fin de mois est un peu fébrile.
00:33 Alors tous les marchés connaissent des sorts un peu divers.
00:36 Le Nasdaq était encore porté sur des niveaux records il y a quelques heures et quelques jours à peine.
00:42 C'est vrai qu'en Europe on a eu le sentiment que non seulement ça patinait
00:46 mais que la dynamique s'était un peu essoufflée quand même à la fin de ce mois de mai.
00:50 Ce que ça appelle des commentaires particuliers.
00:53 On reste quand même dans une consolidation minime après le puissant mouvement qu'on connaît depuis fin octobre.
01:00 Je le rappelle si on se replace dans cette séquence.
01:02 Il est peut-être un peu tôt pour utiliser les superlatifs.
01:05 On n'est pas encore on va dire sur une dynamique de rotation très forte.
01:08 Mais c'est vrai qu'il y a peut-être un sentiment de consolidation.
01:11 L'année est spectaculaire bien au-delà des attentes de tous à peu près.
01:15 On a eu des actifs risqués qui ont été capables de performer sur la durée avec une linéarité remarquable.
01:22 On a pu se désensibiliser énormément de la discussion monétaire.
01:26 Souvenez-vous l'année dernière la moindre inflexion de tonalité d'un banquier central ou d'un autre
01:32 déclenchait des grands mouvements de marché.
01:34 Aujourd'hui ce n'est plus trop le cas alors que pourtant des inflexions on en a eu.
01:37 Quand on regarde les anticipations de baisse de taux, quand on regarde les chiffres de l'inflation qui ont déçu.
01:43 On aurait pu imaginer que le marché soit beaucoup plus sensible à cela.
01:47 Il s'est positionné sur une dynamique assez différente autour de cette thématique de résultats, de bénéfices, de santé des entreprises.
01:54 Un peu de consolidation, une fin de semestre.
01:57 Tout ça ne semble pas encore aujourd'hui trop avant-coureur d'autre chose.
02:01 On va être en revanche assez prudent sur le deuxième semestre.
02:05 Évidemment après une performance comme celle-ci on a le droit de prendre un peu de recul et de se poser des bonnes questions.
02:11 Les bonnes questions vont tourner autour des grands facteurs qui ont porté les marchés.
02:16 La dynamique de désinflation s'essouffle.
02:20 La baisse des taux d'intérêt est aujourd'hui très bien intégrée, on vient d'en parler.
02:25 Sur les bénéfices on a aujourd'hui une très très belle dynamique.
02:30 Mais on commence à voir poindre certains signes de ralentissement, certaines tonalités un peu plus défensives.
02:37 Un peu différentes.
02:38 Un peu différentes.
02:39 Et puis des chiffres macro en particulier aux Etats-Unis qui ont tendance à décevoir, une décélération qui se confirme.
02:43 Comment ça va se concrétiser au deuxième semestre après encore une fois un rebond très significatif à voir ?
02:50 C'est intéressant le point que vous faites sur l'idée que le marché s'est un peu désensibilisé de la conversation monétaire permanente.
02:59 Ça veut dire qu'en ayant intégré quand même quelques premières baisses de taux devant nous,
03:04 le jour où ces baisses de taux arrivent, c'est plus forcément le facteur de soutien qu'on aurait pu imaginer peut-être dans un autre monde.
03:14 Probablement. En tout cas on peut dire qu'il y a peut-être eu une certaine convergence sur plusieurs aspects.
03:20 La première convergence c'est de constater qu'après de grandes oscillations d'attentes, cette baisse de taux,
03:27 il y a trois mois ou même trois semaines on parlait de hausse de taux aux Etats-Unis.
03:32 Aujourd'hui le marché est en train de se sécuriser autour de l'idée qu'il y aura les une, deux, trois baisses de taux dans les un, trois, six, douze mois.
03:40 On est dans l'approximatif mais finalement on y est. Cette convergence monétaire existe en Europe et aux Etats-Unis.
03:47 Et puis d'autre part le marché est aussi en train de se rassurer peut-être sur cette idée, à tort ou à raison d'ailleurs on verra,
03:53 qu'il peut vivre avec ces taux, que des taux à 4,5 aux Etats-Unis, à 2,5 en Europe.
03:59 On n'est pas sur des thématiques qui sont insoutenables pour le marché, que finalement l'anomalie historique,
04:06 ce n'est pas aujourd'hui qu'on la vit mais c'est la décennie précédente,
04:09 et qu'aujourd'hui on peut même imaginer que certaines classes d'actifs, certains actifs puissent bénéficier de ce nouveau régime.
04:15 Donc peut-être que ça a été les deux facteurs qui ont permis au marché de finalement dédramatiser la situation
04:22 et de revenir à des fondamentaux de bénéfices, d'entreprises, de bottom-up, d'analyse financière qui sont plutôt sains finalement.
04:30 Oui, de ce point de vue là les résultats du premier trimestre, je crois, ont été très bons, notamment en relatif aux Etats-Unis,
04:35 bons également en Europe. Il n'y a pas eu d'alerte de ce point de vue là quand on regarde l'ensemble de ces résultats publiés, Raphaël ?
04:42 Pas d'alerte, une belle saison, il faut le reconnaître, on est tous surpris.
04:46 En tout cas chez Tickeo on s'attendait à ce que les bénéfices puissent ralentir plus profondément sur cette dynamique au premier sommet, ça n'a pas été le cas.
04:56 On reste néanmoins, déjà on va mettre quelques bémols, on l'a dit, il y a quelques signes avant-coureurs.
05:02 Alors une grosse thématique aujourd'hui c'est la thématique du consommateur, en particulier d'un consommateur moins fortuné qui tire un peu la langue.
05:10 Son revenu disponible est en baisse, sa capacité à affronter des prix élevés, des hausses de prix s'est évanouie, ça s'est beaucoup vu aux Etats-Unis.
05:17 D'ailleurs les prix ne montent plus, c'est-à-dire que les stratégies prix des boîtes ont quand même un peu changé là.
05:23 Absolument, et aujourd'hui ce dont on entend parler par les managements sur les annonces de résultats, c'est plutôt d'être plus compétitif sur les prix, en tout cas sur certains segments, des biens de consommation.
05:34 On a parlé des fast-food, de Starbucks, qui a beaucoup fait parler. Donc ça, ça va être un premier facteur.
05:39 La capacité de payer les hausses de prix a été un facteur positif à la hausse, en particulier sur les marges.
05:45 À l'inverse, on verra dans quelle mesure ça sera le cas dans un cycle de désinflation.
05:50 Et puis toujours, et ça vous savez c'est notre petite musique chez Tickeo, cet impact des taux élevés sur la durée, c'est un impact qui va arriver à petite allure,
06:00 mais qui va être significatif à long terme.
06:04 À savoir que dans un monde où les taux sont plus élevés, après 10 ans de s'être goinfré de dettes à zéro, de liquidités infinies et d'un capital à faible coût,
06:15 le réveil va sonner, il met du temps, c'est au ralenti, mais on y vient, et plus les taux restent à ces niveaux-là, plus les signes de craquement pourront impacter les bénéfices.
06:25 - Sacré raz de la dispersion, c'est ça, pour reprendre là aussi un mot qui revient souvent chez les équipes de Tickeo.
06:32 Samy, sur l'idée de la conversation autour des politiques monétaires, parce que c'est une conversation perpétuelle, permanente,
06:40 et on arrive face à cette série de meetings qui doit voir quelques baisses de taux, et notamment en Europe,
06:49 et particulièrement pour la Banque Centrale Européenne la semaine prochaine, le 6 juin prochain, Samy.
06:54 Qu'est-ce que vous attendez comme communication de la BCE pour la suite, puisque c'est quand même la question,
06:59 et que le consensus est formé pour cette première baisse de taux. En revanche, on sent qu'il y a encore là aussi un débat, une conversation, j'allais dire,
07:07 sur comment procéder une fois la première baisse de taux délivrée.
07:11 - Oui, effectivement, les banquiers centraux, et particulièrement la BCE, ne veulent absolument pas que vous pensiez que ça y est,
07:17 on est dans un cycle de baisse de taux, et que donc on peut se projeter dans des coupes régulières.
07:22 L'idée, c'est ce fameux mot qu'on entend beaucoup, de recalibration, donc non pas de cycle de baisse, mais vraiment de recalibration.
07:28 L'inflation a beaucoup baissé, il faut quand même le constater, on a mis les taux là où ils sont quand l'inflation était trois fois plus haut,
07:34 maintenant l'inflation a baissé par un facteur de trois, bon, il faut quand même ajuster un petit peu la politique monétaire.
07:38 Le problème, c'est qu'on ne sait pas très bien où aller, alors on baisse une fois les taux, on va regarder un petit peu comment ça va,
07:43 où va l'inflation, où va l'incroissance, si tout va bien, on baissera une deuxième fois les taux,
07:47 mais on sent bien qu'on est sur un rythme qui va quand même être lent, peut-être trimestriel, et surtout réactif.
07:52 L'idée, c'est de chercher ce fameux point neutre, c'est-à-dire, on sent que les banquiers centraux,
07:57 aujourd'hui, n'ont pas envie d'avoir un très très gros impact sur le cycle, mais on ne sait pas très bien quel est ce point neutre.
08:03 En Europe, est-ce qu'il est à un et demi, deux, deux et demi, on ne sait pas trop, donc on va y aller petit à petit,
08:08 et je crois que ce qui est très important, c'est vraiment ce processus vraiment graduel,
08:12 on va rechercher le point qui ne fait ni trop de bien, ni trop de mal à l'économie, et donc l'idée,
08:17 après cette première baisse de taux, c'est déjà de faire une pause, de constater la réaction économique,
08:21 et puis ensuite, peut-être, on pourrait imaginer une deuxième, si tout va bien.
08:24 - Ah oui ! Parce qu'on entend quand même l'idée qu'il y a de la marge, il y a de la place,
08:30 même si je sais que mesurer le taux neutre est le casse-tête de tous les économistes de la planète.
08:36 Un banquier central européen comme François Vidal-Gallot, il nous dit qu'il y a quand même de la marge pour y aller.
08:41 Alors, est-ce que le taux neutre est 1,5 à 2 à 2,50 ? Le taux de dépôt, pour l'instant, il est à 4%.
08:47 Donc, il y a quand même une partie des banquiers centraux qui estiment qu'il ne faut pas se priver
08:52 de retirer cette restriction monétaire pour accompagner justement ce mouvement de désinflation.
08:58 - Oui, tu avais raison, il y a de la marge, mais il y a du temps.
09:01 C'est-à-dire que l'économie n'est pas en souffrance aujourd'hui.
09:04 Si elle devait l'être, si vraiment on voyait des signaux sur le marché de l'emploi se détériorer,
09:08 probablement qu'elle aurait la marge de couper un petit peu plus.
09:11 Mais la réalité, c'est qu'aujourd'hui, on sait très bien qu'elle a cette possibilité d'aller un peu plus loin dans les baisses de taux,
09:16 que le taux neutre est certainement bien plus bas... - Oui, en zone euro qu'aux États-Unis.
09:20 - Exactement, et même certainement plus bas que les niveaux actuels.
09:23 Mais enfin, il y a le temps d'y aller. Donc, pourquoi se presser ? Pourquoi gâcher cette optionnalité ?
09:28 Donc, il faut y aller petit à petit, une baisse de taux, puis une deuxième, puis peut-être une troisième.
09:32 Et voilà, l'essentiel, c'est de bien comprendre qu'entre chaque baisse de taux, il y aura un petit temps de latence
09:38 pour voir comment a réagi l'économie. Et si les choses réagissent bien, on va pouvoir continuer un petit peu vers ce terrain tendre.
09:45 Mais voilà, la direction est connue. Ce qu'il faut accepter, c'est que ça mette un petit peu de temps pour y aller.
09:50 - Oui, on reste approche réunion par réunion. On reste dépendant des données publiées entre chaque meeting.
09:57 J'ai deux questions par rapport à ça. Oui, qu'est-ce que ça change ? Une première baisse de taux, et jamais une sans deux, j'imagine.
10:04 Donc, si on factorise au moins deux baisses de taux cette année en zone haute, et d'autres à suivre en 2025,
10:10 c'est ce que nous dit le marché qui anticipe une poursuite du mouvement en zone haute.
10:14 Qu'est-ce que ça change au profil conjoncturel ? Qu'est-ce que ça change pour des marchés clés comme l'immobilier,
10:20 notamment, qui est un marché cœur à surveiller pour la Banque Centrale Européenne ?
10:24 - Oui, finalement, assez peu de choses. Deux, trois baisses de taux, c'est pas ce qui fera une énorme différence.
10:29 Peut-être qu'aux États-Unis, entre zéro et une baisse de taux, et deux et trois baisses de taux, il y a une différence quand même.
10:34 C'est peut-être là où le marché peut se construire sur une nouvelle histoire.
10:38 C'est si, effectivement, on a la confirmation que la Fed peut faire plus de zéro ou une baisse de taux.
10:42 Peut-être que l'idée d'une hausse a été éliminée, c'est déjà bien.
10:45 Mais il y a quand même toujours ce doute sur la capacité de la Réserve fédérale américaine à couper.
10:49 Si ça venait se confirmer par les chiffres d'inflation demain, le rapport de l'emploi la semaine prochaine, le CPI la semaine d'après,
10:56 ça permettrait quand même d'enlever un petit peu cette volatilité et cet inconfort qu'il y a dans le marché obligataire américain aujourd'hui.
11:02 Parce qu'au fond, on sent bien qu'elle ne va pas monter les taux, mais enfin, il y a quand même toujours ce doute sur sa capacité de les baisser.
11:07 Notre sentiment, c'est qu'elle a, elle va avoir la capacité de les baisser, mais il va falloir attendre que ces données le confirment, en quelque sorte.
11:14 Après, être dans un environnement où il y a une activité économique qui est quand même acceptable, où l'inflation a beaucoup baissé
11:20 et où les banques centrales sont en train de couper les taux, c'est évidemment un contexte économique qui est plus un vent porteur pour l'investissement qu'un vent contraire.
11:27 Il faut juste confirmer ce scénario. Et aujourd'hui, en tout cas, il semble se confirmer rapport après rapport, données après données.
11:34 Donc on a une assise assez solide à ce niveau-là.
11:37 Oui, ça va aider, je reviens à la zone euro, mais ça va aider à magnifier un peu le décollage, le redécollage qu'on voit de la zone euro après deux ans de quasi stagnation.
11:51 On a là des petites pouces vertes qui commencent à mûrir. Est-ce que quelques baisses de taux de la Banque Centrale Européenne, ça aide quand même cet aspect-là ?
12:00 Oui, c'est une partie très importante de l'histoire de notre cycle. L'année dernière, et Raphaël le disait, on était sur quelque chose d'un peu plus fragile,
12:07 exceptionalisme américain, perspective de baisse de taux. On aurait pu s'en sortir avec finalement des États-Unis qui ralentissent et qui se mettent à stagner comme le reste.
12:14 Et en réalité, on s'en sort plutôt par le haut avec le reste du monde qui retrouve un petit peu de couleur.
12:19 On a commencé l'année avec des attentes de croissance en Europe autour de 0,003. Aujourd'hui, le consensus est à 0,7. Nous, on est plutôt autour de 1%.
12:27 Effectivement, on voit que le reste du monde est en train finalement de, peut-être pas de rattraper la capacité de...
12:35 Il restera un écart peut-être.
12:37 Il restera un écart, mais en tout cas, la réduction de l'écart s'est fait plutôt par le haut pour la zone euro, pour le Royaume-Uni, même pour la Chine d'une certaine manière.
12:47 Donc on sent quand même ceci qui est là avec, oui, les baisses de taux qui sont importantes quand même pour ces secteurs qui ont beaucoup souffert.
12:55 Alors, on vous parlait d'immobilier, mais il y a mine de rien le manufacturier. Le commerce mondial a été en contraction quand même pendant 18 mois.
13:02 Donc le fait qu'on retrouve ces secteurs-là dourement touchés en expansion, encore une fois, c'est pas une reprise en V et c'est pas une très, très forte expansion.
13:10 Mais mieux vaut voir ces secteurs revenir en expansion que rester en contraction. Donc on a du mieux. On a du mieux globalement.
13:16 Et ça permet peut-être aussi une forme de rotation dans les marchés. Mieux vaut voir quelque part les marchés s'agrandir dans leur capacité à performer plutôt que de rester très, très concentrés.
13:27 Là, il y a quelque chose qui est en train de se passer qui permet de le penser.
13:31 Et sur le degré de divergence entre la Fed et la Banque centrale européenne, on a compris que la BCE allait y aller la première.
13:38 Peut-être que la deuxième baisse de taux de la BCE, si elle se fait en septembre, se fera également en l'absence de la Réserve fédérale américaine.
13:46 Est-ce que la BCE peut aller très loin en solo si jamais la Fed restait sur la retenue plus longtemps encore que ce qu'on imagine ?
13:54 Je vais prendre un petit risque dans le scénario. J'aimerais... Ça ne doit pas être le scénario de base.
13:59 Mais j'aimerais indiquer que malgré les pricing de marché qui ont complètement enlevé cette idée, il reste un chemin extrêmement ténu vers une baisse de taux de la Réserve fédérale américaine en juillet.
14:11 Alors bien sûr que ça ne devrait pas être le scénario de base. Mais je vous rappelle qu'il a fallu trois rapports d'inflation plutôt chauds, donc janvier, février, mars, pour changer un petit peu la dynamique et la perception.
14:24 On aura trois rapports d'inflation complets avant le FOMC de juillet, qui est le 31 juillet. Donc on a déjà eu celui d'avril, on verra celui de mai, on verra juin.
14:33 Avril a rassuré ?
14:34 Avril a plutôt rassuré. On a un rapport de l'emploi qui a plutôt rassuré. On a le PCE demain, on verra. Mais enfin, il faudrait vraiment que tout aille bien.
14:41 Oui, je comprends.
14:42 Mais il ne faut pas enlever cette possibilité que finalement tout aille bien et qu'on ait trois rapports d'inflation plutôt favorables,
14:48 qui laissent ouvert la possibilité d'une première baisse de taux en juillet pour la réserve fédérale américaine.
14:54 Et si ce n'est pas juillet...
14:56 Et donc ça veut dire que la divergence entre la Fed et la FED ne serait pas si marquée.
15:00 Ce serait encore moins marqué que ce qu'on imagine aujourd'hui.
15:02 Exactement.
15:03 Peut-être même pour compliquer le sujet du débat de la Fed, le timing de la Fed, il y a aussi une histoire de fenêtre.
15:09 Ah oui.
15:10 Les élections arrivent. Probablement que les banquiers centraux aux États-Unis n'ont pas envie d'aller trop vite pour ne pas avoir à se décrédibiliser
15:19 si demain ils devaient remonter leur taux parce que non, finalement, l'inflation n'est pas complètement vaincue.
15:24 Premier scénario, ne pas aller trop vite. Deuxième scénario, trop attendre. Vous arrivez près des élections.
15:30 Et au moment des élections, la pression sera élevée et l'envie d'appuyer sur pause et de laisser les élections se dérouler sera grande.
15:38 Donc, outre les considérations macro-inflation, il y a malgré tout, même si officiellement ça ne fait pas vraiment partie de l'équation,
15:47 il y a malgré tout une inconnue politique sur l'équation de la Fed.
15:51 Un aspect tactique. Donc, ça veut dire quand même, si on n'y va pas en juillet, ça peut être compliqué.
15:57 Septembre, novembre, c'est vraiment au lendemain de l'élection américaine et dans le meilleur des cas, en imaginant même qu'on ait les résultats le 5 au soir,
16:03 ce qui ne sera pas forcément évident. Après, ça repousse à décembre.
16:07 Ça veut dire qu'il faudrait que la Fed, quand même, entre aujourd'hui et décembre, se dise "j'aurais pas besoin de baisser mes taux dans cette période-là".
16:15 Oui, il y a un calendrier à garder en tête, mais ça ne doit pas être le facteur premier.
16:19 Le facteur premier, c'est est-ce qu'on aura trois rapports d'inflation qui permettent à la réserve fédérale américaine d'avoir plus de confiance
16:26 sur la trajectoire qu'est en train de prendre l'inflation. Et c'est ça qu'il faut avoir en tête.
16:30 Le rééquilibrage qu'on voit sur le marché du travail, ça peut suffire à garantir ou à enteriner l'idée que, oui, le mouvement de désinflation est bien toujours en place aux Etats-Unis.
16:41 Mon sentiment, c'est que dans la tête des banquiers centraux, le facteur dominant, c'est la croissance salariale.
16:46 Et cette croissance salariale, elle indique une inflation finalement non disruptive entre 2 et 2,5, même aux Etats-Unis.
16:53 Maintenant, ce n'est pas suffisant. Les banquiers centraux doivent avoir la preuve par les chiffres d'inflation eux-mêmes.
16:59 Mais très clairement, si on sent Jérôme Powell, on sent aussi Christine Lagarde, on sent Philip Lane, le chef économique de la BCE, finalement assez serein sur les perspectives d'inflation,
17:08 c'est parce que la dynamique des salaires est favorable. Et c'est effectivement le facteur dominant ici.
17:14 Ce qu'il faudrait éviter, c'est de voir des salaires qui rebondissent aux Etats-Unis.
17:18 Ce n'est pas ce qu'on voit, ce n'est pas ce que les indicateurs économiques avancés, par exemple les taux de démission, semblent indiquer.
17:25 Mais ça, c'est un facteur très très important. Sauf que dans la communication, ce ne serait probablement pas suffisant.
17:31 Il faudrait que ce soit accompagné de 2-3 bons rapports d'inflation qui permettraient finalement de clore le débat.
17:37 Qu'est-ce que ça change, ces histoires de baisse de taux, notamment quand on regarde peut-être les flux ?
17:43 Alors, on a vu des flux, évidemment, historiques allant vers les produits monétaires, les produits très courts, les comptes à terme, etc.
17:53 Raphaël, est-ce que quelques baisses de taux devant nous, par exemple en Europe, est-ce que ça provoque un mouvement de flux, au moins en partie, en sens inverse ?
18:02 C'est-à-dire des sorties de produits monétaires, avec la question de savoir où ces flux peuvent aller aujourd'hui ?
18:10 C'est une question qui vaut très cher. Effectivement, on parle beaucoup des 6 000 milliards de dollars qui ne sont pas rentrés dans les produits monétaires aux Etats-Unis.
18:18 On a un peu la même thématique en Europe. On a beaucoup de dépôts à terme, de clients qui utilisent des dépôts à terme.
18:23 Déjà, un retour de terrain, là où les banquiers privés souvent proposaient des dépôts à terme très compétitifs en termes de taux sur 12-24 mois, ils ont raccourci.
18:32 Parce qu'évidemment, les taux, ils ne sont pas fous.
18:35 On ne va pas s'engager sur du 12 ou du 20.
18:38 Donc, si vous voulez avoir des dépôts à terme compétitifs, il va falloir raccourcir vos maturités.
18:43 Donc là, on est déjà sur un début d'explication. Quand les taux vont baisser, toutes ces options monétaires, au terme, seront moins attractives.
18:52 Et peut-être que oui, on va voir finalement certains de ces actifs qui, aujourd'hui, sont en attente se réorienter vers d'autres actifs risqués.
19:00 On pense aussi à l'obligataire, mais sur l'obligataire peut-être type crédit.
19:04 Chez TKO, on a vu énormément de flux sur l'obligataire.
19:08 D'ailleurs, en partie dette privée, comme en partie liquide.
19:13 Des flux sur des clients qui se redéployaient pour sécuriser, par exemple, des taux sur le long terme, avec par exemple des fonds datés.
19:21 Ça, ça a été une vraie thématique.
19:23 Donc, chacun a en tête aujourd'hui que les taux risquent de baisser dans ces conditions.
19:28 La fenêtre, c'est aujourd'hui, c'est maintenant.
19:30 Ça, c'est une première chose.
19:31 Même sur des stratégies de durations courtes qui avaient beaucoup souffert en termes de flux l'année dernière, avec cette idée qu'il fallait rallonger de la duration.
19:40 Le pivot arrive, c'est maintenant qu'il faut rallonger.
19:43 Aujourd'hui, elles sont redevenues attractives pour beaucoup de clients qui se disent que finalement, cette thématique de taux, on est en train d'être sur un point d'inflexion,
19:52 mais qu'il n'y aura pas beaucoup de baisse derrière nous et que finalement, plus besoin de rallonger.
19:56 Donc, on commence à voir des petits flux arriver pour s'adapter à ces nouveaux régimes.
20:01 Je pense que la réalité, en tout cas de notre point de vue chez Tickeo, c'est qu'il va falloir s'habituer à un monde où on est sur des taux d'intérêt qui vont être élevés sur la durée,
20:10 que, encore une fois, l'anomalie, elle est derrière nous plutôt que devant nous.
20:14 Quand vous dites élevé, ça veut dire oui, des taux positifs normaux, pas ce qu'on a connu dans une période où les taux étaient même négatifs, c'est ça ?
20:22 Tout à fait, voire même de dire que les taux là où ils sont, ils reflètent finalement une réalité, un nouveau régime d'inflation plus élevée, plus structurelle,
20:31 que cette inflation, elle ne reviendra pas là où elle était, que ça contraindra la main des banquiers centraux et que dans ces conditions, des taux à, encore une fois…
20:40 Oui, 2,5, 4,5, donc ça c'est les taux longs en Europe et aux États-Unis.
20:44 Voire même plus haut et on commence à entendre des gens très intelligents, Jamie Dimon pas plus tard qu'hier, qui appellent pour des taux plus élevés sur le long,
20:51 donc on pourrait voir une repentification par le long, on verra, mais en tout cas sur le cours, on commence à être assez proche d'un nouveau régime
20:59 et que dans ces conditions, il va falloir adapter ses allocations pour prendre en compte qu'aujourd'hui, les taux sont peut-être partis pour rester élevés.
21:06 Sur cette mécanique de flux qu'on peut imaginer, anticiper, qu'est-ce que vous dites, Samy ?
21:11 Et puis effectivement, est-ce que la partie longue des courbes obligataires profitera également du mouvement des baisses de taux courts qu'on attend ou est-ce que ce n'est pas aussi évident que ça aujourd'hui ?
21:20 Oui, peut-être que les 2, 3 baisses de taux que vous mentionnez, elles ne changent pas énormément pour les marchés actions, mais elles changeraient définitivement beaucoup de choses pour les marchés obligataires.
21:27 Effectivement, ça permettrait quand même d'ancrer cette histoire de bon, les taux ont été… on a vu le pic des taux, maintenant le risque est plus asymétrique,
21:34 c'est-à-dire qu'il y a plus de chances que les taux baissent que plutôt les taux montent, peu importe la maturité sur la cour.
21:39 Et donc effectivement, ça pourrait ramener une partie de ces flux sur les marchés obligataires.
21:43 C'est effectivement là-dessus qu'on compte, on reconstruit un petit peu des portefeuilles de crédit, des portefeuilles obligataires diversifiés.
21:49 Il me semble que c'est un assez bon moment pour ancrer et sécuriser ces niveaux de rendement élevés.
21:57 Où est-ce que tout ça pourra atterrir ?
21:59 Oui, plus haut que les taux négatifs ou les taux à zéro qu'on a pu connaître ces derniers temps.
22:04 En revanche, je pense que là, il y a de la divergence qui va se faire.
22:07 En Europe, j'ai du mal quand même à penser que les conditions économiques de moyen terme sont à ce point-là changées.
22:15 On pourrait imaginer des taux autour de 3% et au-dessus.
22:19 Donc plus que zéro, oui, plus que le -05 qu'on avait, tout à fait.
22:22 Mais d'un autre côté, la réalité de la croissance potentielle, la réalité géopolitique, ce n'est pas forcément très favorable pour des taux très élevés en Europe.
22:30 Aux États-Unis, je trouve que ce qui change, et ce que j'aimerais bien voir en Europe, mais ce qu'on ne voit pas en Europe, c'est cette dynamique d'investissement.
22:36 Et c'est vrai qu'on a du capex aux États-Unis, on a de l'investissement public.
22:39 Ça peut tirer des taux un peu plus élevés aux États-Unis, je trouve que ce narratif est vrai pour les US.
22:44 Mais l'Europe, quand même, il y a toujours ces doutes, cette lenteur, la volonté de ne pas trop y aller au niveau fiscal,
22:50 parce qu'on a encore peur, parce qu'il y a toutes ces questions encore sur le cadre fiscal qui n'est pas défini.
22:55 Les Américains, ils ne se posent pas la question, ils y vont.
22:58 Et résultat, je trouve qu'il y a une plus grande vélocité économique là-bas.
23:02 Le fiscal compte énormément, la politique budgétaire, la volonté d'investir,
23:06 le fait de ne pas toujours avoir peur des côtés négatifs de la dette,
23:10 mais aussi de le voir comme un moyen d'investir et de soutenir la croissance de moyen terme.
23:15 Il y a moins de débats là-bas qu'ici, et finalement c'est une leçon dont on devrait en tout cas être attentif,
23:22 parce que ça nous manque un peu ici.
23:24 - Oui, oui, et cette partie du polysémique, à savoir la politique fiscale ou budgétaire,
23:29 Samy, ça va être aussi un déterminant des politiques monétaires devant nous ?
23:33 Enfin, je veux dire, parce que vous dites en Europe, on hésite à y aller, mais enfin, non seulement on hésite à y aller,
23:38 mais en plus, on a remis des règles budgétaires qui sont quand même relativement strictes.
23:42 Certains économistes m'expliquent qu'elles sont même plus strictes que les règles précédentes,
23:46 donc qui peuvent nécessiter ou obliger à faire des ajustements plus importants pour certains États quand ils sortiraient de ces règles.
23:55 Bon, la question du budget européen, évidemment, on peut élaborer dessus pendant des heures.
23:59 Le fait est, c'est que pour l'instant, il n'y en a pas.
24:01 Donc on va avoir quand même une impulsion un peu plus négative même,
24:04 en termes de fiscal et de budgétaire, en zone euro, dans les 12-18 prochainement.
24:09 Grégoire, on est à un moment très important de l'histoire économique.
24:12 Depuis 25 ans, on a fait la promotion du libre-échange, donc de l'ouverture des marchés,
24:19 et d'une forme de conservatisme fiscal.
24:22 Aujourd'hui, ce qu'on voit, et quelque part, l'Europe est toujours là-dedans,
24:26 on croit au libéralisme, et puis on fait un petit peu attention aux règles fiscales.
24:30 Les Américains ont basculé dans une forme de protectionnisme de leurs marchés et d'ambition fiscale.
24:35 Il faut voir, les Chinois sont un peu là-dedans aussi, ils protègent leurs marchés,
24:38 et ils ont une vraie stratégie industrielle.
24:40 Donc la grande question pour l'Europe, c'est qu'est-ce qu'on fait ?
24:42 Est-ce qu'on va être les seuls à croire au libéralisme et au dogmatisme fiscal,
24:45 ou est-ce qu'on va suivre un petit peu les deux autres blocs,
24:48 qui ont complètement changé de philosophie économique aujourd'hui ?
24:51 Ils sont en train de nous donner des leçons.
24:53 Si on est les seuls à croire dans le fait d'avoir un marché ouvert,
24:56 et à faire attention sur les dépenses publiques et l'investissement public,
25:01 alors que les autres, eux, sécurisent leurs marchés,
25:03 et sont un peu plus ambitieux au niveau de l'investissement,
25:06 on va perdre la bataille économique.
25:08 Et j'ai l'impression qu'en Europe, c'est difficile d'avoir ce débat,
25:11 et de se dire, est-ce qu'on ne doit pas changer de philosophie économique ?
25:15 Ce qui prévalait les 30 dernières années, aujourd'hui, n'a plus lieu de tenir.
25:20 On est dans un monde différent, on a une vraie logique de bloc,
25:23 on sécurise son marché domestique,
25:25 ce sont des leçons importantes,
25:28 et j'ai le sentiment qu'on a du mal à comprendre qu'il y a un vrai changement à ce niveau-là.
25:32 Intéressant, Raphaël, parce que ce que les économistes ne voient pas encore en Europe,
25:37 l'investisseur, lui, il commence à voir cette thématique d'investissement
25:42 autour de la souveraineté européenne,
25:45 arriver par petite touche sur certaines thématiques ou certains secteurs particuliers,
25:51 il y a quand même quelque chose qui change,
25:53 en tout cas avec le regard d'un investisseur, par exemple.
25:55 Absolument.
25:56 C'est le thème que vous défendez chez Tickeo, là, aujourd'hui.
25:58 Tout à fait. Selon nous, c'est l'émergence d'une méga-tendance,
26:01 voilà les termes qu'on emploie, à savoir qu'effectivement,
26:03 aujourd'hui, les blocs s'outillent, s'arment, déploient des grands montants de capitaux publics,
26:09 y compris d'ailleurs en Europe,
26:11 pour justement se rendre plus autonome, plus résilient sur des grands secteurs stratégiques.
26:16 La défense est l'exemple évident, en particulier en Europe,
26:19 où il y a un phénomène de rattrapage qui doit bénéficier aux entreprises européennes.
26:24 On va parler de la pharma, où le réveil a été brutal à l'heure du Covid
26:28 lorsqu'on cherchait du Doliprane.
26:29 Aujourd'hui, on cherche à se rendre plus résilient.
26:32 Les infrastructures, la transition énergétique,
26:36 on a aujourd'hui des grands secteurs qui sont fébriles,
26:38 qui sont très indépendants de l'étranger,
26:41 et l'étranger est devenu assez inamical à notre égard,
26:44 quand on regarde la Chine, les États-Unis et autres.
26:46 Donc, effectivement, vous avez raison de pointer ça du doigt,
26:48 c'est une thématique, et ces déploiements fiscaux,
26:52 clairement, vont dans ce sens de la résilience.
26:55 Là où on va avoir quand même un questionnement,
26:57 parce que vous souvenez ce point avec beaucoup de précision,
27:01 effectivement, le dogmatique fiscal, c'est devenu une thématique aujourd'hui de marché.
27:06 La résolution qui pourra s'en faire,
27:08 elle se fera aussi peut-être à travers la dimension taux d'intérêt
27:11 et capacité du marché à absorber ces déficits.
27:14 Et c'est quelque chose dont on parle finalement assez peu aujourd'hui,
27:17 ou en tout cas, pas suffisamment à notre goût.
27:19 Les déficits explosent, surtout aux États-Unis,
27:22 mais c'est vrai qu'en Europe, on les laisse un peu filer quand même.
27:25 Je crois que ce mois-ci, c'est le mois des missions d'obligation souveraine européenne le plus élevé du mois.
27:31 Le plus important.
27:32 Et on parlait de potentiel pour les taux longs d'augmenter.
27:37 Avec les montagnes de dettes à émettre pour financer ces déficits,
27:42 la capacité d'absorption du marché aux taux actuels pose question.
27:46 Parce qu'il y a beaucoup plus d'offres, d'une part,
27:49 et elle arrive, elle est là.
27:51 Et de moins en moins de demandes,
27:52 parce qu'aujourd'hui, beaucoup d'acteurs, d'investisseurs sur ces dettes souveraines,
27:56 en particulier américaines, se détournent vers d'autres options.
27:59 La résolution, c'est par le prix.
28:01 Et le prix, c'est le taux d'intérêt.
28:03 Donc là aussi, ça va être un facteur de marché.
28:05 Peut-être qu'on va en parler de plus en plus à l'approche des élections américaines.
28:09 La thématique du déficit est une thématique importante sur ces élections.
28:13 Vous l'avez très bien dit, le candidat Biden est un candidat interventionniste.
28:19 Je crois que le New York Times le comparait à Kent hier ou avant-hier.
28:23 J'ai pas vu ça.
28:24 Et à Roosevelt.
28:26 D'autre part, on a le président Trump qui a des grandes ambitions en termes de baisse de taux.
28:31 Tout ça n'est pas bon pour les déficits.
28:33 Et pour les détenteurs d'obligations de long terme, on est en droit de se poser la question.
28:38 Je constate à ce stade que les émissions en Europe se passent plutôt bien, voire très très bien.
28:43 C'est parfois un peu plus fébrile, pour reprendre cette expression,
28:47 sur des émissions et des enchères du Trésor américain.
28:50 Cette semaine, on a des émissions qui ont été jugées un peu faiblardes, par exemple, à nouveau.
28:54 Je suis peut-être un tout petit peu moins inquiet que Raphaël sur cette question de la capacité d'absorber ces émissions-là.
29:00 Pour moi, le déficit qui compte, c'est pas le déficit public.
29:03 C'est le déficit courant, celui de la balance des paiements.
29:06 Parce qu'une économie n'est pas uniquement la réalité du public.
29:10 Si les acteurs privés ont beaucoup d'épargne et sont capables d'acheter et d'absorber cette émission publique, ça va bien.
29:18 Bon, ça tombe bien, il y a un solde qui est fort connu, qui nous permet de mesurer ça, qui est le solde courant.
29:23 Vous savez que, par exemple, l'Espagne, voire les États-Unis, avaient un solde courant très déficitaire au moment des grandes crises qu'on a pu vivre il y a 15 ans.
29:29 Aujourd'hui, tout le monde est à l'équilibre ou au-dessus.
29:32 Donc ça veut dire que oui, on a un secteur public qui est certainement très expansionniste,
29:37 mais on a un secteur privé qui est très très vertueux, et donc qui a une grande capacité d'absorber ces déficits publics.
29:44 On revient à mon monétaire, mais tout ce qu'on a mis sur des produits monétaires, qui à un moment pourra aller s'investir et pourquoi pas acheter de la dette ?
29:53 Bien sûr, c'est des mécanismes qu'on a vu aussi au Japon.
29:55 Beaucoup de dettes publiques, beaucoup de déficits publics, mais finalement une très grande épargne privée.
29:59 Et au final, les Japonais ont réussi à se financer sur les 40 dernières années à un taux même qui défie toute concurrence.
30:06 Donc je pense que c'est l'équilibre un peu des deux.
30:08 Aujourd'hui, je suis moins inquiet parce que économiquement, il faut regarder le public et le privé.
30:14 Le privé a une situation bilentaire qui me paraît très solide.
30:17 Les ménages, les sociétés, les banques ont donc cette capacité d'absorption.
30:22 Si on regarde la situation au fond, une capacité d'absorber la dette, parce qu'on a de l'épargne privée,
30:27 et en plus des taux qui ne sont pas très élevés, parce que certes les nominaux sont élevés,
30:31 mais le réel, qui est le vrai coût du capital pour l'État, les taux réels restent bas.
30:36 Donc pourquoi pas profiter de cette possibilité-là pour investir dans l'avenir ?
30:40 Il s'agit bien sûr de dépenser comme il faut, c'est ça qui est important.
30:44 Qu'est-ce qu'on en fait de la dette ?
30:45 Mais si on le fait bien, aujourd'hui on a une vraie opportunité, il y a un excès d'épargne privée,
30:49 les taux réels ne sont pas très élevés, il faut y aller.
30:51 Sur l'aspect, alors, l'économie ou de la politique,
30:57 on a une série d'élections importantes, il y a les européennes, les élections au Royaume-Uni également, n'oublions pas,
31:02 et puis cette élection américaine du 5 novembre.
31:04 Biden-Trump, avec le prisme macro, comment vous regardez aujourd'hui la situation ?
31:11 Est-ce qu'il y a des différences ? Est-ce qu'il y a des points, évidemment, de convergence ?
31:15 C'est les États-Unis d'abord, toujours, mais est-ce que pour le marché, pour des investisseurs,
31:20 est-ce que c'est une situation qui peut être différente selon le résultat de cette élection ?
31:25 J'aime bien votre question Grégoire, et ça rebondit un peu à ce que disait Raphaël.
31:28 On pointe souvent la différence entre les deux candidats, mais finalement, moi, ce qui me marque le plus, c'est les similitudes.
31:34 Ils sont tous les deux très bien ancrés dans cette histoire contre les Chinois,
31:37 donc il y a vraiment une logique de bloc, on sent que les Américains, tous, démocrates, républicains, adorent cette confrontation de blocs.
31:44 L'aspect puissance, quoi, et défendu.
31:46 Compétition stratégique avec les Chinois, ils adorent, donc ça, on le sent très fort dans les tarifs, dans les relations commerciales,
31:53 et je trouve aussi, oui, après loin, pas un très grand appétit pour la réduction des déficits et la réduction de la dette,
32:00 donc là-dessus, il y a des similarités qui sont importantes.
32:02 La manière est très différente.
32:04 C'est surtout ça qui va beaucoup, beaucoup changer.
32:06 Je suis déjà fatigué à l'idée de devoir me réveiller tous les matins en regardant toutes les déclarations.
32:12 Les tweets, est-ce qu'il reviendra sur Twitter ?
32:14 Évidemment. Mais sinon, c'est vrai que ce qui me marque le plus, c'est que finalement, l'Amérique est engagée dans une vraie philosophie économique,
32:27 qui est cette logique de bloc, le fait de faire un peu plus de dépenses fiscales, pour, encore une fois, solidifier, augmenter la résilience de l'économie américaine,
32:36 et ça, ça ne changera pas, peu importe le candidat.
32:38 Dans cette perspective-là, de logique de bloc, avec l'élection américaine qui arrive, est-ce que les élections européennes du 9 juin peuvent être un "market mover", comme on dit, Samy ?
32:48 Est-ce que ça peut avoir de l'intérêt pour les investisseurs ? Est-ce que ça peut faire bouger le marché ? Je ne sais pas, mais...
32:56 Ça ne va probablement pas faire du bien.
32:58 Maintenant, quant à faire énormément de dégâts, c'est vrai qu'il faut être conscient des logiques de force en Europe.
33:05 Oui, le bloc central restera majoritaire.
33:08 Et puis, la décision politique reste dans le Conseil, plus que dans la Commission.
33:12 Ce sont les États membres, les gouvernements nationaux, qui font vraiment la politique économique.
33:17 Mais c'est vrai que la Commission, ça reste important.
33:19 Ce qu'on aimerait, nous, c'est, encore une fois, cette possibilité que l'Europe change un peu de regard, soit plus ambitieuse, protège son marché domestique, fasse plus d'investissements,
33:27 et il est peu probable que de l'élection ressortent ces idées-là.
33:33 Avec un délai très long derrière. La nouvelle Commission, elle sera installée quoi, en novembre ? Si je ne dis pas de bêtises ?
33:39 Alors, il faut voir qui va la diriger, cette Commission.
33:42 Oui, oui, oui.
33:43 C'est sûr qu'on entend beaucoup le nom de Mario Draghi derrière.
33:47 Mario Draghi, lui, est très conscient de ses défis, et probablement pas mal dans le camp que j'ai mentionné, d'un peu plus protéger le marché domestique et de faire de l'investissement public.
33:55 A voir, il y a peut-être de l'espoir, quand même.
33:57 Lui, il aura de toute façon rendu son rapport. Un changement radical est nécessaire, c'est ce qu'il faut pour l'Europe.
34:03 Le rapport aura été rendu et pourra servir de guide et de feuille de route pour qui d'autre droit à la tête de la future Commission européenne.
34:11 L'aspect politique, effectivement, alors je ne sais pas, sur l'Europe, est-ce que ça peut être quelque chose qui remette un peu d'impulsion ?
34:18 C'est vrai qu'il y a eu, post-pandémie, enfin post-pandémie, pendant la pandémie, des avancées, quand même, qu'on n'imaginait pas voir avant peut-être plusieurs années.
34:26 Alors, il y a eu quand même une forme de mutualisation de la dette, on a créé quand même le Next Generation EU, etc.
34:34 Est-ce qu'on est toujours sur cette trajectoire, là, aujourd'hui, Raphaël ? Est-ce que les élections peuvent permettre d'avancer ?
34:40 Alors, bon, sur les élections, effectivement, en tout cas, le marché n'anticipe pas de grands mouvements vis-à-vis de ces élections,
34:46 très différentes des élections américaines, qui pour le coup pourraient avoir plus d'impact.
34:50 Sur la trajectoire européenne, effectivement, on est, a priori, sur une confirmation de cette trajectoire, la logique de Bloc-Prévot.
34:57 Et dans le cas de l'Europe, c'est probablement salvateur. On a probablement souffert, finalement, de ces années de sur-mondialisation, d'hyper-optimisation de nos économies.
35:07 Quand vous comparez à ce qu'on a vu aux États-Unis ou en Asie, l'Europe a finalement été un peu la perdante de cette période.
35:14 Aujourd'hui, dans une dynamique de relocalisation de la croissance, de réoutillage sur certains secteurs, avec de plus en plus la volonté budgétaire aussi de nos ambitions,
35:24 on commence à voir des plans budgétaires massifs se déployer en Europe, ou être, en tout cas, discutés en Europe autour du soutien de ces économies, du soutien de ces secteurs.
35:34 Ça, ça peut être un facteur positif pour l'investisseur.
35:37 À ça, vous rajoutez effectivement cette divergence du cycle dont on a touché du doigt, avec des États-Unis qui ont tendance à ralentir, en tout cas, les prévisions sur un ralentissement sur les années à venir,
35:48 là où l'Europe semble avoir passé son point bas, passé sain.
35:52 Voilà, passé les épaules. Et ça, ça va être une thématique à suivre.
35:56 Peut-être que quand on parle de divergence, la grande divergence de ces dernières années, elle est là.
36:01 C'est le fait que l'Europe a finalement pas été capable de vraiment rebondir à la suite du Covid, à la différence de ce qu'on a vu ailleurs, non seulement aux États-Unis, mais en Asie aussi.
36:10 Vous regardez les données de consommation, d'investissement. On est sur des données qui ont été très en retard comparées à ce qu'on a vu par ailleurs.
36:19 Et que finalement, l'Europe est aujourd'hui plus avancée dans le cycle, avec un rebond qui se profile.
36:25 On commence d'ailleurs à voir un rattrapage en Europe, en Europe du Sud, avec l'Espagne et l'Italie. Dans quelle mesure on pourrait voir cette divergence du cycle se confirmer,
36:34 qui au final pourrait être un facteur positif pour l'investisseur à un moment où les valorisations sont très décotées en Europe ?
36:40 Ça attire l'œil. Donc, on sait que le marché s'intéresse beaucoup non seulement aux grands indicateurs, mais aussi à la direction de ces indicateurs, le sens du vent.
36:49 Aujourd'hui, le vent, il souffle dans le dos des Européens et ça donne envie...
36:54 Le cadre d'investissement se renforce.
36:56 Absolument.
36:57 Merci à vous deux. Merci d'avoir été les invités de Planète Marché. Ce soir, Raphaël Thuyn, TKO Capital, et Samy Char, Lombardodier, nous accompagnent en plateau.

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