Mercredi 13 décembre 2023, SMART BOURSE reçoit Raphaël Thuin (Responsable des stratégies de marchés de capitaux, Tikehau Capital) , Edmund Shing (Global CIO, BNP Paribas Wealth Management) et Vincent Guenzi (Directeur de la Stratégie d'Investissement, Cholet Dupont Oudart)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Vincent Guenzi est à nos côtés, le directeur de la stratégie d'investissement de Cholet, Dupont ou Dard.
00:18 Bonsoir Vincent, merci d'être là. Merci à Edmund Xing d'être avec nous également.
00:21 Bonsoir Edmund. Vous êtes directeur global des investissements de BNP Paribas, Wealth Management.
00:27 Et Raphaël Thuyn est également à nos côtés. Bonsoir Raphaël.
00:30 Merci d'être là. Vous êtes responsable des stratégies de marché de capitaux de Ticéo Capital.
00:35 Raphaël, est-ce que Jérôme Pouel va se sentir en danger ce soir par rapport à l'objectif de la Fed
00:40 qui est de ramener l'inflation à une stabilité autour de 2% ?
00:44 Et au regard, ce que je décrivais en introduction, une détente spectaculaire des conditions de marché,
00:49 des conditions de financement depuis un mois et demi maintenant à travers la baisse des rendements
00:56 et l'envolée des marchés actions, pour dire les choses simplement.
00:59 Est-ce que c'est un problème pour Jérôme Pouel à ce stade ?
01:02 Oui, on va avoir une réunion intéressante. On peut imaginer que Jérôme Pouel est dans une situation peut-être inconfortable.
01:07 D'un côté, effectivement, l'inflation reflue. Le cycle de désinflation continue. Il est encourageant.
01:13 Ça fait maintenant plus de 12 mois qu'il s'est enclenché.
01:17 Et effectivement, on peut dire que les tendances sont bonnes et ont tendance à surprendre le marché dans le bon sens du terme.
01:22 Donc ça, c'est un motif de satisfaction évident pour Jérôme Pouel et pour les banquiers centraux.
01:27 Et effectivement, c'était un curseur indispensable pour imaginer un potentiel pivot.
01:34 En parallèle, vous l'avez dit, le marché s'emballe.
01:37 Les conditions financières, donc l'accès au crédit, l'accès aux liquidités, se sont beaucoup détendues ces dernières semaines.
01:46 Et de ce point de vue-là, on doit imaginer un Jérôme Pouel qui est probablement moins confortable, moins confiant vis-à-vis de cette dimension-là.
01:55 On a beaucoup dit que le marché faisait le travail de Jérôme Pouel à sa place.
01:59 Avec des taux qui s'envolaient, il n'y avait plus besoin de remonter les taux.
02:02 On pouvait attendre et laisser faire le marché. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
02:06 Donc il va clairement avoir un discours qui sera un discours équilibré – on peut l'imaginer –, mais peut-être un discours de prudence.
02:14 Ce mois et demi, c'est deux mois de détente spectaculaire.
02:19 Jamais le mois dernier, les conditions financières s'étaient détendues à ce point dans l'histoire.
02:24 Un discours de prudence pour peut-être ramener le marché à la réalité.
02:28 La réalité, quelle est-elle ? C'est la réalité qu'il décrit à chaque fois.
02:32 L'inflation va mettre du temps à descendre.
02:35 D'ailleurs, on peut remarquer qu'elle continue à refluer, mais peut-être plus doucement.
02:39 On a vu que l'indice des prêts à la consommation hier aux États-Unis était assez stable.
02:43 Il est stable depuis juin. Donc on sent que ça va mettre du temps.
02:46 On sent que certains indicateurs continuent à être résilients autour des services.
02:52 On en parle beaucoup, mais les prix dans les services ne baissent pas.
02:55 L'inflation dans les services ne baisse pas. Donc clairement, le combat n'est pas gagné.
03:00 Et puis si vous regardez, vous vous mettez à la place de ce pauvre Jerome Powell.
03:03 Effectivement, des conditions financières qui se détendent très vite, des taux sur le marché qui ont beaucoup baissé,
03:08 des loyers qui restent très élevés aux États-Unis, le bitcoin à 42 000.
03:13 Bref, il y a beaucoup de raisons de dire "attendez là, on ne va pas se précipiter".
03:17 Donc peut-être que si on devait parier, un discours plutôt sur la prudence serait envisageable.
03:22 Vincent, qu'est-ce que vous attendez de la communication de Jerome Powell ce soir ?
03:26 Et de ce que ça impliquera pour les investisseurs ?
03:29 On ouvre évidemment le sujet à 2024, puisque quand même le pivot prend forme,
03:34 le pivot des banques centrales prend forme. Reste à savoir, au-delà du timing et du calendrier,
03:39 qu'est-ce qui motivera, quel schéma macroéconomique amènera la réserve fédérale américaine à baisser ses taux,
03:45 dans quel environnement macroéconomique la Fed prendrait la décision de baisser ses taux, et de quel montant ?
03:52 Quel va être l'ampleur de ce cycle de baisse de taux que tout le monde attend désormais pour l'an prochain ?
03:59 Je vous ajouterai deux choses à ce qu'a dit Raphaël concernant Jerome Powell.
04:04 Je m'associe tout à fait à ce qu'il a dit.
04:09 Je pense que ce qu'on a du mal à imaginer, c'est comment la Fed ressent le climat actuel.
04:14 C'est un climat qui est encore dans le sens de l'inflation ou dans le sens de la poursuite de la désinflation.
04:21 La désinflation est là, mais ce qu'on n'a pas encore vu, c'est le plateau.
04:25 Le corps est encore à 4%, il y a des choses qui résistent, comme le logement aussi.
04:30 Le logement tel que mesuré dans le CPI américain ? Je sais, c'est une précision importante.
04:36 Oui, je voulais te l'expliquer.
04:38 L'équivalent des loyers, mais pour les propriétaires.
04:42 Donc ça, ça reste une tendance encore assez lourde.
04:45 Est-ce que la Fed et Jerome Powell considèrent que le combat est terminé ? Je crois que non.
04:51 Parce qu'il y a ces tendances-là, même la croissance des salaires, on est toujours sur 4% à peu près,
04:57 donc on n'est pas à 2.
04:59 Donc je crois que le combat n'est pas terminé et ça, il va le marteler.
05:02 Même en reconnaissant qu'il y a des progrès qui ont été faits, qu'eux-mêmes ont probablement été surpris.
05:08 Après, ce que les marchés vont sans doute regarder de près, c'est les dots.
05:13 Ça, c'est les prévisions économiques de la Fed qui sont publiées tous les 3 mois.
05:18 Et par rapport aux derniers qui ont été publiés au mois de septembre,
05:21 il s'est passé quand même quelques petites choses avec une inflation qui a baissé.
05:24 Donc on va voir si la Fed acte déjà la baisse de l'inflation plus rapide
05:29 et est-ce qu'elle va abaisser ses dots et à quel rythme.
05:33 Ça, ce sera un outil de communication pour la réserve fédérale américaine ?
05:37 Ça va être un outil, ça l'est toujours, mais là, effectivement, comme il s'est passé un certain nombre de choses,
05:41 ils vont mettre l'accent là-dessus.
05:43 Et je pense que les marchés vont aussi regarder, parce que les marchés pressent peut-être 125 points de base sur 2024.
05:51 On va voir tout de suite si les dots de la Fed viennent à la hauteur du marché ou non.
05:56 Et là, je n'ai pas la réponse. Je pense que ce sera moins que ça.
05:59 Et d'ailleurs, il y a le consensus du marché, puis il y a le consensus des stratégistes.
06:03 Et les stratégistes se disent tous "ça ne va pas aller aussi vite que ça".
06:06 Bon, alors, est-ce que ce sera considéré comme une déception par le marché ?
06:09 Peut-être pas. Enfin, ça dépend. De qui sur le marché ?
06:14 Moi, ce que je crois, c'est que même si au niveau de la politique monétaire, il y a un petit peu de déception,
06:19 on se dira "bon, c'est reculer pour mieux sauter".
06:22 Et puis, si l'économie va un tout petit peu moins bien, ils baisseront plus.
06:27 C'est ça qui fera l'ampleur.
06:29 C'est-à-dire les composantes de l'économie qui font encore de l'inflation ou non,
06:33 mais aussi l'allure de l'activité, est-ce qu'elle ralentit ou est-ce qu'elle reste résiliente ?
06:38 La deuxième chose, c'est l'évolution des taux longs.
06:42 Parce que là, la forte baisse qu'on a vue, dont on parlait tout à l'heure,
06:45 ça a commencé par les taux longs qui sont passés de 5 à 4,20.
06:49 Et si on imagine que les dots de la Fed restent à 4, comme ce que price le marché,
06:58 bon, peut-être que les taux longs vont rester à ce niveau-là.
07:01 Mais si les dots de la Fed sont à 4,5 pour fin 2024,
07:05 il faudra peut-être réajuster un petit peu le marché obligataire.
07:08 Donc une des réactions que l'on pourrait avoir sur la partie obligataire,
07:11 c'est un petit retracement du mouvement de baisse des taux,
07:14 qui me semble quand même enclenché, mais qui va sans doute un petit peu vite.
07:18 Et on verra derrière si les actions...
07:21 Mais je pense que les actions tiendront un petit peu mieux.
07:24 - Elles sont dans un monde à part, les actions, aujourd'hui ?
07:26 - Non, elles ne sont pas dans un monde à part, mais...
07:29 - On y reviendra. - On y reviendra.
07:32 - Vos commentaires, Edmund, sur ce qui se passera tout à l'heure,
07:36 et comment est-ce que vous comprenez la fonction de réaction de la Réserve fédérale américaine ?
07:41 Non, mais dans cette idée du pivot,
07:44 c'est-à-dire qu'est-ce qui va amener la Réserve fédérale américaine
07:47 à enclencher une première baisse de taux ?
07:49 Est-ce que c'est simplement la poursuite d'un mouvement de désinflation encore devant nous ?
07:53 Il y a peut-être encore de la place et du potentiel.
07:55 Janet Yellen s'exprime en ce moment,
07:57 elle semble dire qu'il y a un schéma cohérent pour elle,
08:00 qui doit voir l'inflation continuer de baisser encore devant nous.
08:04 Ou est-ce que ce sera à cause d'un accident économique,
08:08 c'est-à-dire un lending plus dur que prévu,
08:11 voire d'un accident financier ?
08:12 Je sais qu'on n'en parle plus depuis SVB,
08:14 mais les taux directeurs ont continué de monter après SVB aux États-Unis.
08:19 - Oui, je pense qu'on va continuer de voir un tendance désinflationniste
08:23 plutôt pour les prochains mois,
08:25 mais aussi un ralentissement net de la croissance économique aux États-Unis,
08:29 si on regarde les quatre trimestres de prévision,
08:32 on est aux alentours de 1 % annualisé,
08:35 on était à quasiment 5 % pour le troisième trimestre,
08:38 donc effectivement c'est déjà un ralentissement assez important en cours.
08:41 Et si on voit la même chose encore une fois au premier trimestre de l'année prochaine,
08:46 ça va quand même conforter la Fed un peu.
08:48 Mais bon, tout cela dit, c'est vrai qu'on a passé de 5 % au 4,20,
08:53 c'est quand même un mouvement énormissime,
08:55 je pense qu'il faut se calmer un peu.
08:57 - Non mais c'est frustrant,
08:59 j'ai essayé de pousser une soule aux clients à acheter les porphyrins obligataires,
09:03 - À 5 %, à 5 %, personne n'en voulait,
09:05 - Ils n'ont pas fait et maintenant, à 4,20, c'est pas le même.
09:08 - Oui, parce qu'à 5 %, on entendait des gourous nous dire "ça va à 6, ça va à 7".
09:12 - Oui, voilà, mais on a poussé, poussé, poussé,
09:14 bon, ils ont acheté un tout petit peu,
09:16 mais le problème maintenant, on se retrouve à 4,20.
09:19 - Et là, ce n'est plus le moment d'acheter à 4,20 alors ?
09:21 C'est moins intéressant évidemment.
09:23 - C'est moins intéressant, voilà.
09:24 - C'est plus risqué.
09:25 - Le risque rendement, le racisme, ce n'est pas le même.
09:28 - Oui, oui, oui.
09:29 - Donc, c'est un peu frustrant.
09:31 - Qu'est-ce qui va, parce que, sur le mouvement qu'on observe depuis un an,
09:35 c'est quand même, encore une fois, alors ce phénomène de désinflation immaculée,
09:39 l'idée que la désinflation est allée plus vite, y compris ces derniers mois,
09:43 que la dégradation de l'économie.
09:45 Dans la phase devant nous, Edmund, est-ce qu'on est toujours dans cette idée-là ?
09:49 On sera plus surpris par la baisse encore de l'inflation
09:53 que par la dégradation de l'activité macro-économique,
09:55 ou est-ce qu'à un moment, c'est la dégradation macro qui ira plus vite que la baisse de l'inflation ?
10:00 - C'est possible, ça dépend de la consommation domestique aux États-Unis,
10:04 qui se tient assez bien pour l'instant, mais on va voir après Noël comment ça marche.
10:09 Parce que déjà, on voit les petits changements de tendance,
10:13 les consommateurs qui sont un peu plus sensibles au niveau du prix maintenant,
10:16 pour la première fois, donc ils attendent par exemple Black Friday, Cyber Monday,
10:21 pour acheter les biens moins chers, sinon ils n'achètent pas.
10:24 - Ben oui !
10:25 - Qui est quand même assez logique, psychologiquement,
10:28 mais ça a quand même un impact sur la croissance,
10:31 parce que la croissance aux États-Unis, c'est 70 % la consommation.
10:35 - Mais ça va obliger les entreprises à revoir leur politique de prix, Edmund, c'est très bien ça !
10:41 - Je reste très optimiste sur l'évolution des marchés boursiers pour l'année prochaine.
10:46 On est positif, on est toujours positif, on a été positif, on reste positif.
10:50 Cela dit, je me méfie un peu de l'évolution des marges de rentabilité des sociétés,
10:58 parce que maintenant, ça va être dans les prochains mois de plus en plus difficile,
11:01 augmenter encore plus les prix, ou même maintenir les prix assez hauts,
11:06 avec un consommateur qui devient un peu plus sceptique, sensible au niveau du prix.
11:13 Mais ça se voit déjà avec Nestlé, avec Unilever, les producteurs alimentaires qui commencent à souffrir un peu,
11:20 avec les volumes en baisse, donc ils ont bien profité l'année dernière.
11:25 - Mais ça veut dire que l'inflation tirée par les marges va disparaître !
11:29 - Exact !
11:30 - Et ça aura des effets pour les entreprises !
11:32 - Oui, certains secteurs, certaines entreprises vont avoir un impact négatif sur leur rentabilité, c'est évident !
11:39 Peut-être que ce n'est pas tout le marché qui va continuer à profiter,
11:42 ce sont des segments différents qui vont souffrir,
11:45 peut-être le secteur technologique qui va attirer le marché à l'autre,
11:49 mais d'autres secteurs qui vont peut-être souffrir encore plus.
11:52 Et on n'a même pas parlé de cette vague de refinancement, de l'endettement,
11:57 qui va aussi continuer tout au long de 2024 et 2025, avec un niveau de financement plus cher qu'avant.
12:06 Et ça va aussi peser sur la rentabilité.
12:09 - Parlons de l'investissement, comment vous regardez les marchés actions pour 2024 ?
12:16 Raphaël, partant des éléments que développait En Moon, l'idée des marges, des bénéfices,
12:23 est-ce que ce sera le côté bénéficiaire des entreprises ?
12:26 Est-ce que ce sera un soutien, le facteur de soutien encore pour les marchés actions l'an prochain ?
12:32 Est-ce qu'il faut trouver des soutiens à travers la baisse des taux, par exemple, ailleurs ?
12:37 Et est-ce que ce sont des soutiens qui permettront d'attendre des retours positifs des marchés actions l'an prochain ?
12:42 - C'est une bonne question.
12:43 Quand on fait un pas en arrière et qu'on regarde le contexte global de ces dernières années,
12:47 nous sortons doucement d'une espèce de bulle de croissance,
12:52 en particulier de profitabilité pour les entreprises liées au Covid,
12:56 aux plans de soutien, aux politiques monétaires très accommodantes,
12:59 qui fait que la profitabilité des entreprises a explosé.
13:02 Non seulement les chiffres d'affaires.
13:05 En Europe, on était à +17% en 2021, +18% l'année dernière en chiffre d'affaires.
13:10 On est en gros flat cette année.
13:12 Donc, explosion des chiffres d'affaires grâce au matelas Covid et hausse des prix.
13:16 Les marges ont explosé.
13:18 On était à 10, 11, 12% avant le Covid.
13:21 Aujourd'hui, on est à 15%.
13:22 Donc, explosion des marges et explosion des bénéfices par action.
13:26 J'ai cette stat en tête qui m'amuse et je vais vous la partager.
13:30 Si vous regardez les bénéfices par action en Europe du pic de 2007 au pic de 2019, sur 12 ans.
13:38 Sur cette totalité de 12 années, le bénéfice par action en Europe a fait +2%.
13:44 Il ne s'est rien passé.
13:46 Si vous regardez de 2019 à aujourd'hui, il fait +51%.
13:50 Donc, on est sur des phénomènes, des trajectoires qui ne sont pas tenables sur le long terme.
13:56 On doit normaliser.
13:58 Et ça, c'est quelque chose qui a été beaucoup discuté.
14:00 On a vu des grands économistes, des grands banquiers, y compris centraux, qui ont parlé de cette normalisation.
14:05 Et elle arrive.
14:06 Elle arrive parce que le matelas Covid commence à s'amenuiser.
14:10 Vous en parliez.
14:11 Parce que les conditions de financement sont difficiles, le capital échec, etc.
14:15 Or, si vous regardez ce que nous racontent les anticipations de marché, on n'est pas du tout sur cette normalisation.
14:20 On est même plutôt sur une réaccélération.
14:22 Des profits anticipés ?
14:24 Des profits, même de la croissance.
14:26 Vous prenez les anticipations du FMI.
14:28 On est à plus de 1% de croissance en Europe et aux États-Unis, à 1,5%, je crois.
14:32 La BCE dit 1%.
14:33 Donc, accélération comparée à cette année.
14:35 Sur les bénéfices des entreprises, on n'a pas eu de récession des bénéfices cette année.
14:39 On est à 0%.
14:40 L'année prochaine, on attend +11% aux États-Unis, +7% en Europe.
14:44 Donc, il n'y a pas de normalisation.
14:46 Et lorsque vous regardez les trajectoires très longs termes des BPA, par exemple, pour les entreprises,
14:51 on voit qu'effectivement, on est sorti de la trajectoire à la suite du Covid.
14:56 Et si vous regardez les anticipations, on y reste.
14:58 On continue jusqu'à la planète Mars.
15:00 Donc, peut-être que cette fois-ci, ce sera différent.
15:03 Peut-être qu'il y a quelque chose qui justifierait je ne sais quoi,
15:07 mais quelque chose qui justifierait que ça y est, on rentre dans un boom de productivité.
15:11 Un boom démographique, peut-être ? J'en sais rien.
15:13 Rien de tout ça, dans ce cas, n'est évident.
15:15 Si ce n'est pas le cas, à un moment, il va falloir normaliser.
15:18 Et peut-être notre pari, et c'est pour ça qu'on est plutôt prudent,
15:21 c'est que la normalisation, elle va arriver dans un contexte de taux contraints, de financement contraints.
15:26 Le risque de trop d'air existe.
15:28 Et je rajouterai un dernier point.
15:29 Les récessions, ça arrive rarement en s'annonçant trop longtemps à l'avance.
15:34 Les récessions, ça surprend.
15:36 Il y a un effet trop d'air dans les récessions.
15:38 L'activité s'arrête.
15:39 – Ce n'est pas linéaire.
15:40 – Ce n'est pas linéaire.
15:41 – Donc attention, le marché nous semble très optimiste aujourd'hui, compte tenu du contexte.
15:46 – Dans cette histoire des profits, qui va le plus souffrir de la normalisation ?
15:52 C'est-à-dire que dans les +11% de profits de 10 pièces attendues l'an prochain aux États-Unis,
15:58 quelle est la part qui est liée à la bulle des profits,
16:02 qui est captée par un petit groupe de valeurs qu'on appelle les 7 magnifiques, les GAFAM, etc.
16:09 par rapport au reste du marché pour lesquels le même sort n'a pas été réservé,
16:15 notamment pour cette année 2023.
16:18 On sent qu'il va y avoir une dispersion très forte aussi derrière ces chiffres un peu moyens.
16:22 – Dispersion très forte, c'est la clé, vous avez raison, et on y est là.
16:25 La dispersion est gigantesque depuis de longs mois maintenant.
16:29 Elle va probablement perdurer.
16:30 Nous, notre avis, c'est que le cycle qui s'ouvre dans les années 2020, dirons-nous,
16:35 sera différent du cycle précédent.
16:37 Le cycle précédent, c'est un cycle de compression des primes de risque,
16:41 manipulé, dirons-nous, par les banques centrales,
16:43 où en gros, la meilleure stratégie, c'était de maximiser le risque,
16:47 d'acheter tous les points bas et de faire de l'ETF.
16:50 Et que dans le cycle qui s'ouvre à nous, qui sera un cycle où les taux vont probablement être plus élevés,
16:54 et on le dit, mais on n'est pas les seuls, c'est ce que raconte le consensus aussi,
16:57 où l'inflation risque de se maintenir à des niveaux plus élevés,
17:00 où le capital sera plus cher, les bulles spéculatives risquent de se dégonfler,
17:05 c'est peut-être un retour de la value, de l'économie réelle, de l'industrie,
17:10 de ces tendances qui avaient un petit peu sous-performé sur les 10-15 dernières années.
17:16 Les actifs réels, comme on dit.
17:18 Actifs réels, par exemple.
17:19 Tout ça, c'est des bons paris à faire à un moment où ils ne sont pas très chers comparés à d'autres valeurs.
17:23 Même si on passera en 2024, sans doute, par une phase de détente des taux
17:28 et potentiellement d'expansion de multiples à nouveau.
17:31 Dans cette vision que vous décrivez long terme, il y aura de toute façon des mini-cycles aussi.
17:36 Oui, ça suffit. Expansion de multiples, on peut argumenter, parce que certains sont déjà très élevés.
17:42 Et si, effectivement, vous révisez vos attentes de résultats à la baisse,
17:46 tout d'un coup, vos multiples sont beaucoup plus chers que vous.
17:49 Donc, à débat.
17:50 Les moteurs d'action de l'an prochain, Vincent, entre la baisse des taux,
17:54 les espoirs de baisse de taux qui ne font peut-être pas une stratégie complète,
17:58 et les anticipations de bénéfices, qu'est-ce qui va pouvoir tenir, soutenir les marchés actions ?
18:04 Et est-ce qu'on peut attendre des retours positifs à nouveau pour les indices actions ?
18:08 Je reste quand même assez prudent parce qu'on voit bien que les marchés vont rester sous contrainte.
18:13 Ce sera soit une contrainte au niveau des taux qui éventuellement baisseraient moins rapidement,
18:17 soit une contrainte au niveau de la croissance qui éventuellement flanchera un petit peu.
18:24 Les phases de hausse aussi fortes que celles qu'on a connues ont généralement été suivies d'un creux d'activité.
18:30 Ce n'est pas une récession sur l'année.
18:32 Et si ces deux points se passent bien, c'est peut-être au niveau des marges qu'on souffrira.
18:37 Donc, on voit bien que plus les marchés montent, plus le potentiel qu'on pouvait se garder pour l'année prochaine se réduit,
18:43 voire s'annule complètement.
18:46 On va regarder des taux qui vont rester un petit peu plus élevés.
18:50 Le monétaire ne va pas s'effondrer.
18:52 Je pense que l'alternative va être quand même assez présente.
18:55 Je ne suis pas certain qu'on ait des marchés tendanciels.
18:58 Je me demande si on ne va pas rentrer dans une phase pour quelques années aussi de marchés plus stagnants,
19:03 avec moins de performances, mais de la volatilité qui reviendra.
19:06 On disait tout à l'heure que la volatilité était très basse.
19:09 Et à l'intérieur de ça, le marché qui va refaire un petit peu son travail d'ajustement et de stock picking.
19:14 Quand on a des marchés sans tendance, c'est moins la période d'avoir des ETF,
19:18 mais c'est effectivement les boîtes qui sont soit des garpes, soit des values,
19:22 soit des valeurs qui ont été injustement matraquées, dont les PE sont devenues très très faibles.
19:26 Je pense qu'il y aura un petit peu de tout ça dans la recherche de performances.
19:29 Donc une diversification qui permettra de se couvrir à la fois contre les déceptions sur les taux,
19:34 sur la croissance et sur les décroissances des résultats,
19:38 qui seront probablement revues à la baisse par les analystes.
19:41 On a une prime de risque qui n'est pas encore très élevée.
19:43 Donc je pense que la prime de risque sur les actions, elle peut encore se comprimer.
19:47 Mais cette compression de la prime, je la vois bien sûr dans une phase de confiance par définition.
19:52 Donc c'est peut-être dans le mouvement actuel.
19:54 La hausse que nous voyons depuis quelques mois, c'est vraiment la baisse de la prime de risque ajoutée à la baisse des taux.
20:00 Si ce mouvement continuait encore quelques temps, ça se ferait effectivement par la baisse de la prime de risque.
20:05 Mais si la phase suivante, c'est une inflation qui arrive sur un plateau trop élevé,
20:13 parce qu'on ne connaît pas encore ça, c'est pour ça que je parlais tout à l'heure de l'évolution de l'inflation.
20:18 Si l'inflation reste calée entre 3,5 et 4 pendant quelques mois, on peut oublier un petit peu la baisse rapide de la Fed.
20:26 Donc là, il y aura des déceptions sur les taux, mais peut-être qu'en contrepartie, on se dira que l'économie va être un peu plus résiliente.
20:32 Mais s'il y a au niveau de l'activité effectivement une rupture, il n'y aura plus de baisse de la prime de risque.
20:38 La prime de risque, elle remontera.
20:40 C'est le pire scénario, avoir une économie qui stag et une inflation qui ne serait pas revenue encore à un niveau suffisamment confortable.
20:47 Sans sortir le concept de stagflation.
20:50 Oui, mais si la croissance ne s'effondre pas plus que ça, on peut tenir encore.
20:55 Je crains beaucoup plus le phénomène de rupture. C'est vrai que c'est rarement linéaire.
20:59 Et de toute manière, chaque récession, on a eu la phrase dans les journaux que j'ai déjà citée quelques fois,
21:04 "Mais que fait la Fed ?"
21:07 Et c'est là que les marchés s'inquièteront.
21:09 Après, c'est vrai qu'on cherche des ruptures.
21:12 Mais il n'y en aura peut-être pas.
21:13 Non, mais vous êtes une génération d'investisseurs marqués par la grande crise financière, malgré la crise des dettes souveraines en zone euro.
21:20 Donc on cherche à chaque fois une rupture comme celle qu'on a pu vivre dans le passé.
21:25 Qui sera le prochain Lehman ? On en a tous parlé pendant SVB.
21:29 Au final, l'enseignement c'est quand même que le système financier, que le système bancaire est un peu différent.
21:36 Les fragilités en tout cas ne sont peut-être plus les mêmes que celles qu'on avait il y a 15 ans.
21:41 De toute manière, on est incapable de savoir quel sera le Black Swan de l'année prochaine, par définition.
21:47 C'est intéressant ce que vous dites.
21:49 Nous on se base beaucoup sur ce qu'on a vu dans le passé, sur l'historique.
21:54 C'est humain.
21:55 L'historique c'est que les soft-landings, ça n'existe pas vraiment.
21:59 C'est rare.
22:00 Peut-être que cette fois-ci, ce sera différent.
22:02 C'est possible. Effectivement, on a tous été surpris de la résilience des entreprises,
22:06 de la capacité de maintenir les bénéfices, de cette capacité pour les taux d'intérêt d'augmenter sans trop de casse jusqu'à présent.
22:13 Donc peut-être que ce sera différent.
22:14 Le soft-landing c'est rare, mais Lehman aussi c'est rare.
22:17 Tout est possible.
22:19 Mais si vous regardez derrière vous avec un peu d'humilité, en vous disant "qu'est-ce que nous racontent les épisodes précédents ?"
22:25 Il y a des raisons à être inquiets.
22:27 Le souci étant, quand on analyse tous les facteurs qui ont contribué à la résilience de l'économie,
22:32 que l'on ne connaît pas au moment où ça se passe, mais avec un peu de décalage,
22:37 où tout ça est bien analysé, tous ces facteurs-là sont quand même en train de s'émousser.
22:42 Donc il faudrait qu'il y ait d'autres facteurs de résilience qu'on n'a pas encore vus.
22:46 Edmond, sur l'investissement en actions, vous disiez "toujours positif à ce stade".
22:53 Vous l'avez été tout au long de l'année.
22:55 Vous le serez peut-être encore aujourd'hui.
22:57 Qu'est-ce qui fonde encore votre optimisme, ou le côté constructif que vous gardez sur les actions ?
23:04 Et qu'est-ce qui vous ferait changer d'avis peut-être à un moment en 2024 ?
23:09 Déjà, je trouve qu'il y a plusieurs marchés actions qui restent assez peu chers.
23:15 En Europe, par exemple, l'Europe et le Mini qui se peuvent énormément en ce moment.
23:19 Le Japon, on parle des pays émergents, soit l'Amérique latine, soit bien sûr la Chine,
23:25 sont très peu chères.
23:27 Tout le monde déteste la Chine aujourd'hui, mais les actions sont très peu chères.
23:32 Même les grandes sociétés technologiques en Chine, style Alibaba.
23:36 Si on compare Amazon avec Alibaba aujourd'hui, on a plus de croissance chez Alibaba,
23:41 mais en termes de valorisation, il n'y a rien à voir entre les deux.
23:44 Amazon est très cher et Alibaba très peu cher.
23:47 À cause de cette prime de risque spécifique à la Chine.
23:51 Donc je trouve qu'il y a plein de choses à acheter en ce moment.
23:55 C'est vrai, s'il y a un accident, ce sera probablement aux États-Unis,
23:58 qui est un problème pour les marchés actions.
24:00 Parce que si on regarde le marché actions mondial, il est quand même dominé à 70%.
24:04 Le marché actions américain est plus fragile que les autres aujourd'hui ?
24:07 Je pense, parce que si on regarde les Magnific 7, on a des niveaux de valorisation qui sont très chers.
24:12 Et en même temps, si on regarde les 7 composants, il y a quand même quelques composants...
24:17 Ils ne sont pas si chers que ça.
24:19 Oui, mais on a moins de croissance.
24:21 Par exemple, Amazon.
24:23 Ce que je crains, par exemple, Amazon...
24:25 Même Apple n'a plus de croissance sur les derniers trimestres.
24:27 Voilà. Et iPhone 5, ils auront du mal à faire pousser les volumes comme avant.
24:32 Le moment que je regarde la publicité d'Apple, qu'est-ce qu'ils parlent ?
24:35 Ils parlent de Titan.
24:38 Qui achète un téléphone portable ?
24:41 Mais est-ce qu'on achète encore Apple à cause de l'iPhone ?
24:48 J'ai l'impression qu'on achète Apple pour d'autres raisons aussi.
24:52 Les services où la trésorerie est placée à 4,5-5% et qui fait 1,5 milliard de résultats nets chaque trimestre.
25:00 C'est vrai, c'est une machine à cash.
25:03 Mais cela dit, ça reste quand même très cher et il y a très peu de croissance en ce moment.
25:08 C'est la même chose chez Amazon.
25:10 Même dans la magnifique 7, il y a quelques-uns qui ont beaucoup de croissance, comme Nvidia.
25:14 Ça marche très bien.
25:16 On peut discuter du niveau de valorisation.
25:18 Que je ne comprends pas, franchement.
25:20 Mais en termes de croissance, très bien.
25:22 Mais il y a des autres où...
25:24 Ce ne sont pas des boîtes qui vont retrouver un momentum de croissance l'an prochain.
25:27 Ce n'est pas évident.
25:29 Ce n'est pas évident.
25:31 Pour moi, j'ai du mal avec ça.
25:34 Avec ce marché qui domine le marché mondial.
25:37 Donc je préfère regarder les marchés ex-US.
25:40 Ce sont des endroits où je trouve...
25:43 On parle des petits, les small mid-cap.
25:46 Honnêtement, ça c'est un segment très peu cher partout dans le monde.
25:51 Et ça, vous avez envie d'être investi sur ces marchés ex-US, comme vous dites,
25:56 pour l'horizon action traditionnel, plus de 5 ans, j'ai envie de dire.
26:01 Ou est-ce que ce sont des marchés qui peuvent payer en 2024 ?
26:04 Non, non, qui peuvent payer.
26:07 D'accord. L'environnement de 2024 peut permettre à ces marchés-là de payer.
26:10 Par exemple, pour le Japon, je vois qu'il y a toujours un changement structurel en cours,
26:14 qui est toujours assez peu apprécié par la plupart des investisseurs étrangers,
26:18 qui sont toujours, même après la belle performance des indices japonais cette année,
26:24 ils sont toujours sous-exposés au Japon pour l'instant.
26:28 Tout le monde préfère acheter les États-Unis,
26:30 parce qu'on comprend bien cette histoire de croissance d'NVIDIA et de l'intelligence artificielle,
26:36 blablabla, ok, mais personne n'apprécie les grands changements au cours du Japon.
26:43 Et le risque de voir une banque du Japon peut-être tenter de normaliser sa politique monétaire à un moment ?
26:48 Non, mais ce serait du bruit plus qu'autre chose pour le marché japonais.
26:53 Oui, je pense que la banque du Japon peut aller très très lentement, c'est déjà le cas.
26:58 Le gouverneur ne veut pas faire des vagues.
27:02 Honnêtement, si on regarde le Yen japonais, il est énormément sous-valorisé par rapport aux autres devises.
27:10 En termes de PPP, on est peut-être 25% en dessous du niveau du fair value à long terme.
27:18 Donc même si ça remonte un tout petit peu, ça va.
27:21 C'est pour ça qu'on a peut-être aussi des raisons d'être un tout petit peu plus prudent sur le Japon,
27:25 après la hausse qu'on a connue, parce que si le Yen se renforce,
27:29 on sait que généralement ça pèse un petit peu sur le Japon, qui reste un pays très exportateur.
27:33 Donc le tissu japonais souffrira.
27:35 C'est pour ça que moi je serais un petit peu moins...
27:38 Je suis un des rares à avoir fait un peu de Japon chez nous,
27:41 et je commence à être un petit peu moins bullish.
27:45 À cause de l'impact de la hausse du Yen.
27:48 Nikkei a pris quasi 30% peut-être cette année, 25-30% en devise locale.
27:53 Évidemment, sur les marchés qui vous intéressent un peu plus spécifiquement,
27:56 peut-être dans l'univers action, puisqu'on parle de ce qui n'est pas cher,
28:00 il faut qu'on parle des small caps.
28:03 Est-ce que c'est suffisamment pas cher ?
28:07 Est-ce que ça peut l'être toujours plus ?
28:10 Les small caps, c'est vrai qu'il y a une question de valorisation,
28:12 et on voit aussi que depuis un mois et demi,
28:16 elles ont quand même rebondi.
28:18 Tout a rebondi, de toute manière.
28:20 C'est ça qui était assez satisfaisant, ce n'est pas uniquement les magnificences...
28:23 Sauf le pétrole, on pourrait en dire un.
28:25 Je parle de la partie equity.
28:27 Donc, ça montre qu'il y a quand même une prise de conscience.
28:30 C'est comme l'immobilier, les foncières,
28:32 il y a une prise de conscience de la valeur,
28:34 et du fait que si on a vu un point haut sur des taux de l'eau à 5%,
28:38 ça vaut peut-être quand même le coup de se réintéresser.
28:41 N'empêche que je pense que les flux mettront un petit peu de temps à revenir.
28:44 Donc, pour moi, les small caps, c'est quand même un pari
28:47 sur une accélération de la croissance économique.
28:50 Et je n'ai pas encore envie de jouer ça.
28:53 Ce n'est pas en première ligne pour vous dans une stratégie d'investissement ?
28:56 Mais on sait qu'il faudra y être.
28:58 Si le soft lending est vraiment réussi et accompli,
29:01 et qu'on a une phase de croissance,
29:03 encore une fois, d'amplification de la croissance,
29:06 parce que là, on est quand même dans une phase de modération de croissance.
29:08 Il y a de la croissance attendue l'année prochaine,
29:10 mais c'est moins que cette année.
29:12 Et même au niveau mondial.
29:14 Vous disiez réaccélération, mais réaccélération par rapport au point bas de croissance
29:17 qu'on a en cette fin d'année 2024,
29:20 parce que les US vont être à plus de 2% de croissance sur 2023.
29:24 Oui, mais ce sera beaucoup moins l'année prochaine.
29:28 Ce sera moins l'an prochain, oui.
29:30 Donc, est-ce qu'il y aura un creux ?
29:32 Ou est-ce qu'on va éviter ce creux et se dire,
29:35 bon, voilà, il y a une nouvelle histoire,
29:37 l'intelligence artificielle, c'est la nouvelle TMT, pourquoi pas ?
29:41 Peut-être pas de la même ampleur quand même.
29:44 Donc voilà, si on repart sur un cycle économique,
29:47 où tout le monde se dit, voilà, c'est un cycle économique qui se prolonge,
29:50 mais qui repart, à ce moment-là, il est clair qu'il faut probablement jouer les small caps.
29:54 Il n'y a pas encore cette visibilité pour vous aujourd'hui.
29:56 Non, donc je crois qu'il faut être…
29:58 J'aurais pu vendre des small caps aujourd'hui, ça c'est certain.
30:00 C'est trop peu cher.
30:02 Mais est-ce qu'il faut miser dessus ?
30:04 C'est comme les pays émergents, c'est vrai pour la Valo,
30:06 quoique la Valo, elle est très variable,
30:08 parce que vous avez l'Inde qui a beaucoup mieux transformé,
30:10 vous avez le Brésil, il n'y a pas fait si mal que ça.
30:12 En fait, c'est la Chine qui pèse énormément.
30:14 Et là, la prime de risque, je pense qu'elle ne va pas disparaître tout de suite,
30:17 surtout qu'il va se passer quelque chose au mois de novembre l'année prochaine aux États-Unis
30:20 et que ça peut encore peser sur la prime de risque de la Chine,
30:23 si Trump est réélu.
30:25 Donc je reste un peu dubitatif sur les pays émergents,
30:28 donc je maintiens un pari quand même sur la partie américaine
30:31 pour la visibilité, la qualité du tissu industriel, du tissu technologique.
30:36 Même si c'est cher, on n'est pas encore au niveau de bulles absolue.
30:39 Sur l'Europe, je ne suis pas surpondéré,
30:42 mais grosso modo sur la partie action, je suis équilibré.
30:45 Neutre.
30:46 En gestion équilibrée, on est grosso modo à 50,
30:49 avec une petite surpondération sur la partie américaine.
30:52 Dans l'idée de la normalisation, est-ce qu'on peut avoir aussi ce qu'on appelle un retour à la moyenne
30:58 pour des classes d'actifs comme les small cap ?
31:00 Est-ce que c'est envisageable ou est-ce qu'il y a un problème structurel,
31:03 peut-être comme pour la prime de risque sur la Chine ?
31:05 Est-ce qu'il y a désormais quelque chose de structurel qui s'est installé sur ces marchés
31:08 et qui limite peut-être le potentiel de revalorisation ?
31:12 Le cauchemar de l'investisseur, on l'a tous fréquenté un jour ou l'autre malheureusement,
31:16 c'est le value trap.
31:18 C'est-à-dire que ce n'est pas cher et ça ne reste pas cher pour toujours.
31:20 On parlait du Japon, on parlait de la Chine.
31:22 J'aime bien cette stat de la Chine.
31:24 Le MSCI China, entre 1992, date du lancement de l'indice,
31:29 et aujourd'hui, il a fait 0%.
31:32 On parle de value trap.
31:33 Clairement, la valeur ajoutée du tissu productif chinois,
31:37 il ne finit pas dans la poche de l'actionnaire aujourd'hui.
31:40 Est-ce qu'on a des value trap autour des small et mid-cap, autour du Royaume-Uni ?
31:46 À voir, probablement qu'il y a des choses à faire aussi.
31:49 Nous, on aime bien l'Europe, on se renforce sur l'Europe.
31:52 On était historiquement plutôt investi sur les US,
31:55 parce que c'est là où il y avait la croissance évidemment.
31:57 L'année prochaine, il y aura match en termes de croissance entre les US et l'Europe.
32:01 Cette réaccélération, elle est anticipée par les marchés en Europe en particulier.
32:05 Restockage, salaire réel positif, etc.
32:09 Il y a aussi des choses positives pour l'Europe devant nous.
32:12 Des grandes tendances qui s'ouvrent à nous dans cette nouvelle ère,
32:15 cette nouvelle décennie, sur lesquelles l'Europe reste amiablement bien située,
32:19 autour de la santé, de la transition énergétique, du luxe, pourquoi pas aller.
32:23 Tout ça, c'est des choses qui peuvent bénéficier du marché européen.
32:27 Ce retour de la value, sur lequel on peut parier dans un monde, encore une fois,
32:32 où les primes de risque sont plus larges et où les taux sont maintenus à des niveaux plus élevés,
32:37 la value peut avoir aussi sa carte à jouer.
32:40 Et tout cela à un moment où l'Europe est très décotée comparée aux Etats-Unis.
32:43 Elle n'a jamais été aussi décotée en termes de multiples valorisations qu'aujourd'hui.
32:47 Donc, il y a de la place pour qu'on ait une reconvergence de l'Europe.
32:53 Ça, c'est quelque chose qu'on va regarder.
32:55 Et puis globalement, mais là c'est assez ennuyé ce que je vais dire,
32:58 être prudent, on l'a dit, se concentrer sur des tendances de long terme
33:04 qui permettent d'avoir des sources de croissance à un moment où la croissance va se faire rare,
33:08 va être plus local, probablement un monde où moins de croissance, un peu moins hyper optimisé.
33:13 Ces tendances, il y en a plein, à vous de les choisir.
33:16 Chez nous, on va faire effectivement la transition énergétique, la souveraineté européenne.
33:21 C'est quelque chose qui nous agite beaucoup en ce moment.
33:23 On peut parler du luxe, qui est aussi une autre méga tendance peut-être.
33:26 L'accès des pays émergents aux classes moyennes, à la consommation, quantité de choses à faire.
33:31 Là encore, il y a des acteurs européens qui sont moins chers et ont beaucoup de croissance devant eux.
33:35 Donc, c'est plutôt ça qu'on va regarder.
33:37 Sur l'Europe, Edmund, je reviens aux banques centrales.
33:43 Mais comment vous voyez la séquence Fed-BCE l'année prochaine ?
33:50 Est-ce que la BCE va essayer de coller au plus près de ce que fait la Fed et de son calendrier ?
33:57 Sachant que les situations peuvent apparaître différentes de part et d'autre de l'Atlantique.
34:02 Est-ce que la BCE pourrait prendre une forme de leadership dans les baisses de taux ?
34:09 Il y a une pression qui monte en ce sens-là, chez les investisseurs, notamment européens.
34:15 Est-ce que vous pouvez dire que la BCE a le narratif parfait pour ne pas attendre la Fed dans les baisses de taux ?
34:21 Non. Je pense que la Fed va prendre le lead comme d'habitude, pour une raison très simple.
34:27 Effectivement, les règles ne sont pas les mêmes pour les deux banques centrales.
34:33 Pour la RFA, il faut quand même regarder à la fois le taux d'inflation, mais en objectif,
34:39 mais aussi la croissance en termes d'emplois.
34:42 La BCE rigole que de l'inflation.
34:45 Ça reste encore aussi vrai aujourd'hui.
34:48 La BCE a un peu plus de 20 ans, donc elle a eu le temps de grandir dans sa pratique.
34:55 Elles vont attendre la Fed, c'est la Fed qui va bouger tout d'abord.
34:58 Peut-être que la BCE va suivre tout de suite après.
35:01 Selon nous, elles vont simplement bouger le jour après, au plus ou moins.
35:05 Mais est-ce que ça peut impliquer un scénario un peu douloureux pour la zone euro ?
35:12 Si la Fed, dans un scénario de résilience continue de l'économie américaine,
35:16 décale encore un peu plus dans le temps ses baisses de taux, à partir de juin, voire peut-être septembre,
35:22 est-ce que la BCE pourra attendre jusqu'à septembre si la Fed n'est pas en position de couper ses taux avant septembre prochain ?
35:28 La Fed va bouger avant septembre, à notre avis.
35:31 Soit mars, soit mai. Et donc après, la BCE va suivre tout de suite après, à notre avis.
35:36 Mais n'oubliez pas que la Fed, le point de départ, c'est 5,50 pour le taux directeur.
35:42 Donc ils peuvent baisser beaucoup plus que la BCE, où on commence à 4 % seulement.
35:47 Oui, enfin, pour nous, 4 %, c'est quand même...
35:52 Ce qui est un petit peu plus positif par rapport au discours qu'on avait il y a quelques mois,
35:56 c'est que la désinflation a été quand même assez soutenue aussi en Europe.
35:59 La BCE a moins de raisons d'être autant faux con qu'elle l'était par le passé.
36:05 On peut espérer effectivement qu'elle suivra d'un peu plus près ce que fera la Fed.
36:13 La consommation s'est déjà calmée en Europe.
36:17 Ce n'est pas forcément la Fed aux États-Unis, mais en Europe, c'est clair.
36:20 Tous les ménages étaient fortement touchés par les prix alimentaires, les prix d'énergie.
36:25 Sauf que les prix d'énergie sont en forte baisse maintenant.
36:28 Ils nous allaient bien sûr au cours en Europe.
36:30 Mais ce n'est jamais vraiment le cas aux États-Unis.
36:32 Non seulement la consommation s'est calmée, mais c'est-à-dire qu'aux États-Unis,
36:36 la consommation est allée au-delà de la tendance pré-Covid,
36:40 quand nous, on est toujours resté en dessous.
36:42 Bon, sur le match BCE/Fed, je ne sais pas, est-ce qu'il y a un cas ou des cas intéressants
36:46 peut-être autour de la synchronisation ou desynchronisation de ces deux grandes banques centrales ?
36:50 Oui, c'est intéressant parce qu'effectivement, ils ne sont pas dans une situation très similaire,
36:53 déjà dans le mandat, vous l'avez bien dit, mais aussi lorsque vous regardez la composition de l'inflation,
36:57 l'inflation en Europe, elle a un facteur énergique qui est très important,
37:01 beaucoup plus qu'aux États-Unis.
37:03 Inversement, aux États-Unis, M. Powell a un problème.
37:06 Les services, c'est aujourd'hui 90% de l'inflation.
37:09 Les services, ça met du temps à descendre, c'est très résilient,
37:12 c'est moins sensible aux politiques monétaires, très sensible au marché du travail et manque de chance.
37:18 Le marché du travail est très robuste aux États-Unis.
37:20 Donc, il y a des matières aux États-Unis à être patientes.
37:24 Effectivement, cette dimension service qui explique la grosse partie de l'inflation va mettre du temps à descendre
37:30 et le marché du travail va mettre du temps à se desserrer.
37:32 En Europe, on n'a pas été touché de la même manière.
37:34 Non, aujourd'hui en Europe...
37:35 Ça peut aller plus vite alors.
37:36 Ça peut aller plus vite. Le ralentissement économique en Europe est plus prononcé
37:39 et peut-être plus avancé qu'aux États-Unis.
37:43 Donc, peut-être que la marge de manœuvre sera plus importante en Europe, plus rapidement
37:47 qu'elle ne pourra l'être aux États-Unis dans ce scénario de résilience de l'inflation.
37:50 Demain, pour la Banque Centrale Européenne et les autres, la Banque d'Angleterre également.
37:55 On attend là aussi maintenant un pivot de la Banque d'Angleterre avec 100 points de base de baisse de taux
38:00 anticipés par le marché côté britannique pour 2024.
38:04 Un dernier mot peut-être Vincent, du pétrole.
38:06 Je le disais d'un mot tout à l'heure dans le rallye général de novembre.
38:09 C'était rallye obligataire, rallye action.
38:12 Tout ça se poursuit encore en cette première partie du mois de décembre.
38:16 L'exception, c'est quand même les matières premières, à commencer par le pétrole.
38:20 Est-ce que ça nous éclaire sur quelque chose de particulier ?
38:24 Il y a deux manières de voir les choses, sous l'angle de la demande ou de l'offre.
38:28 Ce qu'on disait tout à l'heure, c'est que ce n'était pas tellement une révision à la baisse de la demande de pétrole,
38:34 vu la consommation, puisqu'on ne voit pas un effondrement de l'activité.
38:38 Donc, je pense que c'est effectivement, maintenant on le sait, c'est une offre qui a beaucoup grossi
38:42 du côté des producteurs américains, mais également de ceux qui étaient un peu pénalisés,
38:46 comme l'Iran ou d'autres pays sous contraintes, comme l'URS, pas comme la Russie.
38:51 Donc, l'astuce révélateur.
38:55 Et ça, ça ne va pas s'arrêter du jour au lendemain.
38:58 Je pense qu'on ne peut pas regarder le pétrole comme baromètre de prévision économique.
39:03 En ce qui concerne les autres matières premières, le premier gros consommateur reste quand même la Chine.
39:08 Et ça nous montre aussi que, de ce point de vue-là, la reprise attendue ou le rebond que l'on attendait,
39:14 ce n'est pas vraiment matérialisé, ou en tout cas pas aussi fortement que ça.
39:18 Et qu'on est toujours dans l'attente de décisions des autorités chinoises pour voir ce qu'elles font,
39:23 certes pour sauver leur secteur immobilier, mais également pour rééquilibrer la croissance.
39:28 On n'a pas beaucoup de détails sur les décisions, ni même l'objectif de croissance encore pour l'an prochain.
39:32 Il y a eu une grande conférence qui s'est tenue en début de semaine, au plus haut niveau.
39:37 Ce qu'on sait, c'est que l'objectif suprême l'an dernier était celui de la prospérité, de la consommation domestique.
39:45 L'objectif suprême pour 2024, ce sera un outil industriel rénové, amélioré, modernisé.
39:52 C'est le premier objectif qui a été fixé en Chine à l'occasion de cette conférence.
39:56 Merci beaucoup, messieurs. Merci à vous trois d'avoir été les invités de Planète Marché ce soir.
40:00 Vincent Genzi, directeur de la stratégie d'investissement de Cholet-Dupont-Houdard.
40:04 Edmund Xing, directeur monde des investissements de BNP Paribas Wealth Management.
40:08 Et Raphaël Thuyn, responsable des stratégies de marché de capitaux de Tickeo Capital.