La tête de liste du RN et le Premier ministre se sont affrontés hier dans le cadre de la campagne des européennes. Qui a gagné le match ? Ont-ils convaincus ? Quel impact ce débat peut-il avoir sur le vote du 9 juin ? Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion chez Harris Interactive, est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 24 mai 2024
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00:00 Pour votre santé, attention à l'abus d'alcool.
00:02 7h, 9h, RTL Matin.
00:05 RTL 8h21, bonjour Jean-Daniel Lévy.
00:09 Bonjour.
00:10 Vous êtes directeur du département politique et opinion de l'institut de sondage Aris Interactive.
00:13 Merci infiniment d'avoir fait le déplacement au cœur des Yvelines, dans ce routier à la marmite qui nous reçoit.
00:18 Hier soir s'est tenu le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, à un peu plus de deux semaines des élections européennes.
00:25 Je le rappelle, 1h20 d'échange, parfois musclé.
00:27 Jean-Daniel Lévy, est-ce qu'il y a un gagnant ce matin ?
00:29 On ne peut pas dire qu'il y a un gagnant à proprement parler, mais il y a peut-être une forme de double révélation.
00:34 La première révélation, c'est Gabriel Attal, que les Français ont pour partie découvert hier, en tout cas ceux qui ont pu assister.
00:41 D'une manière générale, Gabriel Attal était apparu jusqu'à présent comme étant une forme de bon élève,
00:46 d'une personne qui était appliquée et qui était identifiée essentiellement lorsqu'il avait été ministre de l'éducation nationale dans un premier temps,
00:53 et premier ministre, dans des exercices qui étaient souvent assez formatés.
00:57 C'est-à-dire qu'il était présent dans les médias, qu'il avait des interventions liminaires, qu'il avait des discours qui étaient des discours écrits.
01:04 On l'avait jusqu'à présent rarement vu dans le cadre d'une confrontation directe,
01:08 et on a pu voir une personnalité qui était un peu différente de celle qui était apparue par le passé,
01:13 qui parfois même avait presque des tons de journaliste, qui ne posait pas uniquement des propos,
01:19 mais qui interrogeait et réinterrogeait Jordan Bardella dans le cadre de sa confrontation politique.
01:24 - D'une certaine façon, on a découvert l'aisance du premier ministre, mais en fait, il n'y a pas de chaos.
01:28 - Alors, il n'y a pas de chaos. D'une manière générale, de toute façon, les objectifs pour l'un ou pour l'autre étaient radicalement différents.
01:34 Le premier aspect pour Jordan Bardella, c'était d'arriver à faire en sorte que son électorat reste derrière lui.
01:41 On peut rappeler que dans le cadre notamment des intentions de vote que nous réalisons pour RTL,
01:45 il est très nettement en tête dans le cadre des prochaines élections européennes.
01:49 Et donc, d'arriver à solidifier ce cœur d'électorat, montrer qu'il est présent, fort des préoccupations des Français.
01:55 Et de l'autre côté, Gabriel Attal avait intérêt à mobiliser son électorat.
01:59 Le principal enjeu aujourd'hui pour les électeurs qui sont proches d'Emmanuel Macron, c'est de se dire
02:04 "Est-ce que ça vaut le coup ou pas de me déplacer pour aller voter ?"
02:06 - Alors, un Attal qu'on n'avait jamais vu dans ce type de performance, c'est un Jordan Bardella qui tente de transformer, lui,
02:11 le scrutin en référendum contre Emmanuel Macron. Il dit, je cite, "C'est un projet et un bilan qui vont se faire face".
02:16 C'est ça sa stratégie ?
02:18 - C'est évidemment la stratégie du Rassemblement National.
02:20 C'est évidemment l'idée de se dire que, derrière cela, il voudrait faire pression pour qu'il puisse avoir une dissolution de l'Assemblée Nationale
02:26 et donc voir le poids du Rassemblement National être plus fort globalement à l'Assemblée Nationale.
02:31 Mais il y a également, derrière cela, toute une thématique, malgré tout, européenne.
02:35 Et on voit que, d'une manière générale, lorsque Jordan Bardella intervient, il parle des problèmes des Français,
02:40 mais il va également dire que c'est globalement au niveau de l'Europe qu'on pourrait être amené à les porter.
02:44 Et en faisant systématiquement l'articulation, il y a des enjeux en France.
02:48 On peut voir, par exemple, concernant les thématiques en matière de pouvoir d'achat, les aspects en matière d'électricité,
02:54 les aspects en matière de transport, etc.
02:56 Où, à chaque fois, il disait "C'est Macron, c'est Macron en France, mais c'est également Macron au niveau européen".
03:01 - Est-ce que ça n'est pas quand même un aveu de faiblesse pour les macronistes de faire débattre le Premier ministre à la place de Valéry Heillet,
03:06 la candidate officielle ?
03:08 Ça sous-entend que la tête de liste n'est pas au niveau auprès des électeurs.
03:10 - C'est effectivement un des messages qu'on a pu entendre.
03:13 Si on peut, malgré tout, remonter un tout petit peu dans le temps,
03:17 avant même que Valéry Heillet ait été considéré comme étant la candidate et la tête de liste,
03:23 il avait déjà été question de confrontations entre Jordan Bardella et Gabriel Attal.
03:28 On peut se rappeler que dès la nomination de Gabriel Attal à Matignon,
03:31 il avait été indiqué qu'il s'agirait d'une forme d'arme, entre guillemets, contre Jordan Bardella.
03:37 On peut rappeler que ce sont deux personnes qui sont relativement jeunes,
03:40 et même parfois physiquement qui se ressemblent, voire même vestimentairement.
03:44 Hier, pour ceux qui ont regardé le débat, ils ont pu voir qu'on a pu être surpris par le fait qu'ils étaient habillés exactement de la même manière.
03:49 - Gabriel Attal a 35 ans, Jordan Bardella 6 ans de moins, l'un est Premier ministre, l'autre en tête des sondages.
03:54 C'est la nouvelle génération qui s'affronte.
03:57 - Alors, c'est une nouvelle génération qui s'affronte,
03:59 et c'est une nouvelle génération qui plus est, qui ne fait pas de la jeunesse un argument central.
04:03 Ce qui est assez surprenant, c'est qu'ils sont assez populaires de la part des jeunes générations,
04:07 mais eux-mêmes ne disent pas "Votez pour nous" ou "Appréciez-nous parce que nous sommes jeunes".
04:12 Ils disent "Nous sommes jeunes, nous avons une approche de la politique qui peut être différente de celle de nos aînés",
04:16 mais ça n'est pas le seul argument qu'ils souhaitent mettre en avant.
04:19 - Alors, il n'y a pas de doute qu'ils sont doués tous les deux, ça, personne ne le remet en cause.
04:22 Est-ce que les Français les ont réellement identifiés l'un et l'autre ?
04:26 - Ah oui, très clairement. Très clairement, sur deux aspects différents.
04:29 Aujourd'hui, quand vous prenez les codes de confiance Jordan Bardella,
04:32 entre la deuxième et la troisième personnalité en qui les Français accordent le plus leur confiance,
04:36 et puis Gabriel Attal, avant même d'être Premier ministre, avait été identifié comme étant un ministre de l'Éducation nationale,
04:43 avec des propos qui apparaissaient comme étant profondément républicains.
04:46 - La surprise du moment reste quand même la montée en charge du candidat socialiste Raphaël Glucksmann.
04:50 Qu'en pensez-vous et est-ce qu'elle peut être durable ?
04:53 - Alors, la montée apparaît comme étant possible.
04:56 On voit bien que depuis la création du baromètre que nous avons créé avec vous, M6, et également Challenge,
05:01 il y a une progression tendancielle des intentions de vote en faveur de Raphaël Glucksmann.
05:05 Il a deux attributs qui lui apparaissent comme étant nets.
05:07 Un, il est sincère et deux, il apparaît comme étant profondément engagé au niveau européen,
05:12 c'est-à-dire qu'il ne donne pas l'impression qu'il va à l'Europe parce qu'il n'aurait pas de place globalement au niveau national.
05:17 Aujourd'hui, les Français le voient essentiellement comme étant potentiellement un futur député européen.
05:21 - Alors justement, quelles sont les questions que se posent les Français, Jean-Daniel Lévy ?
05:24 C'est peut-être loin, les Européennes, non ?
05:26 - C'est loin et pas tant que ça.
05:28 C'est-à-dire qu'en fait, on peut rappeler que la participation électorale aux dernières élections européennes
05:32 avait été plus importante qu'aux dernières élections législatives.
05:35 Qu'il y a malgré tout près d'un Français sur deux qui se déplace pour aller voter
05:38 et qu'ils soient attentifs globalement au débat.
05:40 Il y a une articulation entre les préoccupations nationales et les préoccupations européennes,
05:44 la question du pouvoir d'achat, les questions de sécurité et également les questions d'immigration.
05:48 - Les cartes pour les Européennes sont rebattues après ce débat ?
05:50 - Les cartes sur les Européennes ne seront pas complètement rebattues après le débat.
05:54 Ce serait la première fois qu'un débat change fondamentalement les choses.
05:57 Mais en tout cas, on peut penser qu'après le débat d'hier,
06:00 des électeurs qui avaient voté pour Emmanuel Macron,
06:03 qui se posaient la question de savoir "Est-ce que ça vaut le coup de me déplacer pour aller voter ?"
06:06 peuvent éventuellement entreprendre l'action de se déplacer pour voter pour Valérie Ayé.
06:09 - Peut-être une dernière question pour vous qui êtes un observateur de tout cela.
06:14 Qu'est-ce qui vous frappe dans vos dernières enquêtes
06:16 et que vous avez envie de partager ce matin avec les auditeurs d'RTL ?
06:18 Que peut-être on ne dit pas ou on ne met pas en avant.
06:20 - Ce qui nous frappe, c'est qu'aujourd'hui, nous avons une liste qui est conduite par le Rassemblement National
06:26 qui dépasse les 30% et qui, à peu de choses près, fait près du double de la liste qui est mesurée en deuxième
06:33 et la liste qui est mesurée en troisième position.
06:36 Si jamais le 9 juin, le résultat devait être proche de celui-là,
06:40 jamais nous n'aurions connu un écart aussi important entre la première position et la deuxième.