Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari reçoit Philippe Val, pour la sortie de son livre Rire. Ensemble, ils reviennent sur tous les sujets de l'actualité du moment.
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00:00Je suis très originel et très créatif.
00:0218h38, on se retrouve dans Punchline sur CNews et sur Europe 1 avec le babillage de Louis de Ragnell,
00:08Jean-Pierre Pony, Éric Revelle, le babillage, vous savez, Sabrina Medjeber et nous en rejoint Philippe Valle.
00:15Bonsoir Philippe, journaliste, éditorialiste sur Europe 1.
00:18Vous parlez du rire dans votre livre, l'histoire de l'Observatoire.
00:21Nous avons beaucoup rigolé pendant la pub.
00:23Pourtant, les sujets que nous évoquons sont extrêmement graves, extrêmement lourds.
00:26On évoquait l'antrisme de la France insoumise dans nos universités, dans la fabrique à élite qui a été Sciences Po aujourd'hui.
00:33Ça vous surprend ou pas ?
00:35Où tout était en gestation depuis des années, bien avant même le massacre de Charlie Hebdo.
00:41Ah non, ça ne me surprend pas.
00:43On a alerté, nous, de notre côté, depuis bien, bien longtemps, avant la publication,
00:49même bien avant la publication des caricatures, dès les années 90.
00:53Il y avait des signes qu'à l'extrême-gauche, on se saisissait tout d'un coup de thèmes négationnistes.
01:03Déjà dans les années 80, ça s'est fait, mais c'est...
01:08Par exemple, Lidou International était un journal, était un creuset de ça.
01:13Et Cabu et moi, on était très vigilants et on était en conflit très, très ouvert avec Eder Nallier là-dessus.
01:22Parce qu'on avait peur que ça soit comme un petit cancer dans un coin qui, un jour, allait métastaser follement.
01:30Et c'est ce qui s'est produit, finalement.
01:32Et je rappelle, vous avez dirigé la rédaction de Charlie Hebdo.
01:35Aujourd'hui, l'antisémitisme, et vous le dites dans ce livre, il est en train de se répandre.
01:41Il a toujours été présent, mais là, il explose à la faveur de ce qui s'est passé en Israël.
01:47Je pense que, contrairement aux apparences, on doit plutôt se réjouir de ce qui se passe en France.
01:53Parce que c'est moins grave qu'ailleurs.
01:551000% d'augmentation des actes antisémites ?
01:58Je vais vous expliquer pourquoi je dis ça.
02:00La France n'est pas un pays antisémite.
02:05C'est un pays où des élites sont antisémites.
02:09C'est un pays dans lequel ces élites ont fait un pacte avec une partie de l'immigration qui est antisémite.
02:16Et cette immigration antisémite et ces élites antisémites forment un mouvement hallucinant, très fort, très violent, très dangereux.
02:24Mélenchon porte une responsabilité politique monstrueuse dans cette affaire,
02:29puisqu'il a légitimé quelque chose d'absolument insupportable en France, qui est une honte.
02:34Mais regardez, plus... On parlait de Rowling, de sondages qu'on regarde tous les jours avec beaucoup d'attention,
02:42plus l'antisémitisme de la France insoumise s'affirme, plus il descend.
02:48Vraiment, il n'arrive pas à monter.
02:50Il n'arrive pas à monter. Il a fait le plein.
02:52Donc c'est contre-productif.
02:53Il a fait de cette partie de l'islam français qui est violemment antisémite, il a fait le plein de ses voix, des banlieues, etc.
03:00Il a fait le plein des bobos, aquefiers, crétins, avec les mains rougies, qui ne savent même pas ce qu'ils font.
03:07Il a fait le plein de tout ça.
03:09Mais la population française est profondément hostile.
03:13La seule chose qu'on puisse regretter, c'est qu'on n'entende pas cette majorité hostile à l'antisémitisme qui est dans...
03:23Maintenant, en France, c'est...
03:25Moi, j'ai beaucoup voyagé à travers la France pendant très longtemps, pendant des longues années.
03:29Partout, partout, partout, je n'ai pas observé d'antisémitisme.
03:33Et parlant avec, autrefois, Lucie et Raymond Aubrac, des résistants,
03:38ils me disaient que partout en France où on s'est caché, ils savaient qu'on était juifs, qu'on était résistants, qu'on n'a jamais été balancés.
03:46Donc, il y a eu vraiment, de la part de la population simple, une...
03:54Je partage votre avis, très profondément.
03:57Il y a un paradoxe dans votre livre, je reviens à votre livre.
04:00Moi, je vous connais un peu, vous êtes très joyeux.
04:03C'est pour ça que son livre s'appelle Rire.
04:05Vous voulez rire.
04:06Mais l'actualité vous contraint systématiquement, dès que vous prenez position, à parler que de choses qui sont quand même terribles.
04:12Et c'est vous qui êtes forcés de ne plus être dans le camp du rire, mais dans le camp de ceux qui s'indignent, de ceux qui se dressent, de ceux qui déplorent.
04:21Et comment est-ce que vous vivez ce paradoxe-là ?
04:23Alors, déjà, j'aime pas l'indignation, parce que l'indignation...
04:26Alors, je retire l'indignation.
04:27L'indignation, ça veut dire... Je vous préviens, je suis indigné, ça veut dire que je vais pas être digne.
04:31Moi, je pense qu'il faut mieux rester digne, même quand on est en colère.
04:34D'une part.
04:35D'une part.
04:36Et d'autre part, j'essaye de faire en sorte, quand je fais mes papiers pour Europe, comme je le faisais autrefois pour d'autres radios, ou dans Charlie,
04:44de faire en sorte qu'il y ait une espèce de... Enfin, je fais ce que je peux.
04:47Mais qu'il y ait une joie de vivre dedans, même quand je parle de choses tragiques.
04:50Et je pense d'ailleurs, et c'est ce qui est compliqué, quand j'ai fait ce livre, compliqué à expliquer,
04:56c'est qu'il n'y a pas de vrai rire, il n'y a pas de vraie joie de vivre sans conscience tragique.
05:01Le reste, c'est de la galéjade, sans intérêt, ou de l'humour attendu,
05:05mais le vrai humour, la vraie joie de vivre, la vraie légèreté, la vraie frivolité,
05:10elle a profondément conscience du tragique.
05:13C'est, on pourrait dire, la pudeur du tragique.
05:16Et c'est une façon aussi de rester digne dans nos colères, digne dans nos douleurs, dans nos blessures,
05:25lorsque l'on est catastrophé, lorsqu'on perd des gens qu'on aime,
05:29quand on est malade, quand on écoute le matin les informations et qu'elles sont déshonorantes,
05:34arriver à en rire malgré tout.
05:37Moi, j'ai fréquenté des gens comme Marceline Laurier-Danivens,
05:42qui était rescapée d'Auschwitz, comme vous le savez,
05:45et avec Marceline, on a passé des nuits à rigoler.
05:48Mais dans ces nuits où vraiment, on était morts de rire,
05:52il y a eu des moments où on se retrouvait à Auschwitz,
05:55où elle me parlait du camp, elle me parlait de ce qui se passait,
05:58elle me parlait des assassinats.
06:00On doit pouvoir... D'ailleurs, l'humour juif, c'est ça, c'est un humour tragique.
06:04Et je pense que c'est un humour très européen.
06:09Depuis l'Antiquité, le rire judéo-grec est constructif.
06:16Il est scandaleux, il est transgressif,
06:18mais par les failles du scandale qu'il provoque,
06:22passent les sciences, la philosophie, le droit, les arts.
06:26Et c'est pour ça, Philippe Vall, que les islamistes haïssent les humeurs,
06:30haïssent les caricaturistes, haïssent l'humour, les blagues.
06:34Absolument !
06:35Je pense que d'abord, les vertus que prônent les religions,
06:41quelles qu'elles soient, les vertus théologales pour les chrétiens,
06:46la vertu de soumission,
06:48enfin, moi j'aime pas ça, mais bon, en islam...
06:51Mais les vertus même laïques, de courage, d'honnêteté, de persévérance,
06:56toutes les vertus sont morbides quand elles ne sont pas chapotées
07:02par cette espèce de vertu suprême,
07:05ces vertus suprêmes que sont la frivolité, la joie de vivre, la légèreté,
07:11le sens de la déconnade, si vous voulez.
07:14Et il faut ça, sinon toutes les vertus deviennent dangereuses.
07:17C'est ça aussi la culture. François Buffoni, ça vous fait réagir ?
07:21Oui, une question, parce que vous dites qu'il y a une élite antisémite,
07:26un antisémitisme qui vient d'une partie de l'islam,
07:29qui se sont rencontrés.
07:31Une question que je vous pose parce qu'elle me touche personnellement,
07:34moi j'ai été biberonné à une certaine gauche qui était tout sauf antisémite.
07:37Et on voit que parmi cette élite antisémite,
07:39il y a maintenant une grande partie de la gauche d'aujourd'hui.
07:41Comment vous l'expliquez ?
07:42Qu'est-ce qui provoque ce basculement et comment l'analyser ?
07:45Alors déjà, parce qu'il y a à gauche, depuis le XIXe siècle même,
07:50un antisémitisme qu'on trouve déjà chez Marx, qui pourtant est juif,
07:55mais son premier livre sur la question juive est un livre antisémite.
07:58À la base du marxisme, il y a un mouvement antisémite,
08:02une pensée antisémite, qu'on a retrouvée pendant l'affaire Dreyfus
08:08avec Jules Gued, qui était anti-Dreyfusard,
08:12contre Blum, Jaurès, Zola, etc.
08:16Et c'est resté, il y a une gauche radicale qui a un gène antisémite,
08:21on l'a vu après la Seconde Guerre mondiale, ce qui est hallucinant.
08:25Après la Seconde Guerre mondiale, c'est après la Shoah,
08:27c'est dans un pays communiste que revient un antisémitisme d'État,
08:31avec Staline, les procès d'après 1945.
08:34Donc c'est complètement...
08:36Et puis il y a effectivement une gauche qui n'a jamais été antisémite,
08:40qui va de Blum, etc.
08:42Rocard, tous ces...
08:44Evidemment qu'ils ne sont absolument pas antisémites,
08:46mais qui aujourd'hui n'est même plus représenté dans l'hémicycle.
08:50C'est incroyable.
08:52A peine représenté.
08:54Philippe Vallée, est-ce qu'on peut rire de tout ?
08:56Est-ce qu'aujourd'hui, on peut rire de tout sans risquer de choquer ?
08:59Non, on ne peut rire de rien.
09:01Ça, c'est vrai. On est dans une époque triste, en fait.
09:03On ne peut rire de rien, parce qu'aujourd'hui, si vous voulez...
09:07Après, je vais...
09:09Vous allez développer.
09:10Je vais développer, mais on ne peut rire de rien,
09:12parce qu'aujourd'hui, mon identité est offensée par la vôtre,
09:16qui n'est pas la même que la mienne.
09:18C'est une identité, ça veut dire une origine, une sexualité,
09:21un âge, un sexe, tout ce que vous voulez.
09:23Tout ça fait que vous êtes différent,
09:25et votre différence m'offense.
09:27Donc on ne peut pas rire de ce que je suis.
09:30Moi, je pense que ce qu'on est,
09:32et ce qu'on revendique d'être, est une prison.
09:34On ne sait pas ce qu'on est.
09:36S'il y a bien une chose mystérieuse,
09:38c'est qui je suis, qui je suis, je ne sais pas.
09:40Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas d'où je viens,
09:42je ne sais pas où je vais, je ne sais pas quand je vais mourir,
09:44mais je ne sais pas pourquoi je suis si joyeux.
09:46C'est ce que disait un moine médiéval.
09:48Et là, je pense que les gens qui sont prisonniers de leur identité,
09:52alors je suis musulman, je suis homosexuel,
09:55je suis trans, je ne sais pas quoi,
09:58en réalité, on n'est pas ça.
10:01On ne peut pas se réduire à ça.
10:03C'est toujours sinistre de se réduire à son identité.
10:05On est une chose là maintenant,
10:07tout à l'heure je vais être autre chose,
10:09je vais essayer d'être au mieux de ce que je peux être demain,
10:12mais plus...
10:14En même temps, on a une cohérence.
10:16Il y a un philosophe que j'aime beaucoup,
10:18que j'ai connu personnellement,
10:20avec qui j'ai eu beaucoup de discussions,
10:21qui était Clément Rosset,
10:22il disait, moi je me connais, mieux je me porte.
10:24Et c'est vrai, il y a quelque chose de tellement...
10:27Ce n'est pas bon pour les psychanalystes.
10:29Si, parce que la psychanalyse ne permet pas de se connaître.
10:32La ruine des psychanalystes.
10:33Elle permet de connaître les pièges qu'on se tend à nous-mêmes.
10:35D'accord, ok.
10:36Alors, est-ce qu'on peut rire de tout, Éric Ravel, pour vous ?
10:38Alors, il y a la formule, on peut rire de tout,
10:40mais pas avec n'importe qui.
10:41Ah oui, aussi, des proches.
10:43Vous parlez des grands humains.
10:45Alors attendez, Éric, votre question,
10:47et après on reparle des comiques et des humains.
10:49En fait, vous me laissez souffler, Philippe,
10:50mais moi, ce qui m'a toujours frappé,
10:52c'est évidemment la tragédie qu'a vécue le peuple juif avec le Shoah,
10:55et la façon absolument incroyable dont ce peuple...
10:58Et je pense au dernier livre de Michel Vivorca,
11:00qui s'appelle La dernière histoire juive,
11:02chez Delannoye, qui est absolument incroyable.
11:05C'est-à-dire que les histoires juives mêlent à la fois le tragique et le plus drôle.
11:10Tragique parce que le peuple juif a connu le destin qu'il a connu,
11:14et en même temps, je pense que sur les Juifs,
11:17il n'y a pas des blagues plus drôles que les Juifs qui les écrivent.
11:21Et le bouquin de Michel, le sociologue Vivorca, absolument...
11:24C'est-à-dire que vous éclatez de rire,
11:26mais vous éclatez de rire, j'allais dire, un peu devant votre lit,
11:29mais est-ce que j'aurais le droit d'éclater de rire sur cette blague-là,
11:32si je ne suis pas Juif, ce qui est mon cas ?
11:34C'est une question qu'on peut se poser.
11:36C'est quelque chose de très scandaleux.
11:38J'ai un copain, un chanteur, Michel Jonas,
11:41qui est un réservoir inépuisable d'histoires juives,
11:44mais absolument à mourir de rire.
11:47Et voilà, je pense que c'est une très vieille histoire.
11:51Très, très vieille histoire.
11:54Depuis l'Antiquité, il y a un double langage,
11:59à triple sens, double sens, triple sens,
12:01notamment qu'on retrouve chez les Marranes,
12:03très extrêmement opprimés, donc, en Espagne,
12:09et qui développe ce langage
12:11et qui a donné naissance à la littérature picaresque
12:13et notamment à des grands livres fondateurs de la culture européenne
12:17comme Don Quichotte
12:19et, d'une certaine façon, les Essais de Montaigne.
12:22Parce qu'il y a toujours une façon de rire du tragique,
12:28une fois de plus,
12:29qui est la suprême intelligence,
12:31qui permet de se révéler aussi à nous-mêmes.
12:34Ce n'est pas un rire de connivence
12:36en disant, bon, t'as des idées politiques
12:38qui sont les mêmes que les miennes,
12:40alors, un, un, je vais faire des vannes sur Macron,
12:42t'aimes pas Macron, moi non plus,
12:44on va rigoler tous les deux parce qu'on dit du mal de Macron.
12:46Regardez Louis Drognel.
12:49On est dans la fiction, mais ça n'a rien à voir.
12:54Donc, c'est l'humour de connivence.
12:56Le rire, c'est autre chose.
12:58Le rire, ça nous surprend nous-mêmes,
13:00on se surprend à rire d'une chose
13:02qu'on ne s'attend pas à nous faire rire.
13:06On ne s'attend pas à ce que ça nous fasse rire
13:07et ça révèle quelque chose de nous.
13:09Quand on est dans une salle de spectacle,
13:11autrefois, j'allais beaucoup voir les comiques les plus célèbres de l'époque.
13:15Alors, vous avez vu qui ?
13:17J'ai vu Fernand Reynaud, bien sûr,
13:19qui était incroyable.
13:21Les croissants.
13:22Mais c'était incroyable.
13:23Passez-moi le vin de l'année.
13:24Peluche, que j'ai connu à ses tout débuts,
13:26quand il était encore inconnu,
13:28et plus tard, après.
13:30C'est des gens qui ont construit des personnages très forts
13:32pour pouvoir être libres.
13:34Ils ont construit des images d'eux-mêmes
13:36et ils ont été très, très loin dans la transition.
13:38Ils n'avaient pas de limite, quasiment.
13:40Non, parce qu'ils n'avaient pas de limite
13:42parce que je pense qu'il y a quelque chose
13:44de très intéressant chez ces personnages,
13:46comme je vous en parle du général de Gaulle,
13:48d'ailleurs, parce que c'est de la même façon,
13:50on pourrait dire le même processus.
13:52Ce sont des gens timides,
13:54ce sont des gens souvent,
13:56parfois dépressifs,
13:58qui ont des difficultés.
14:00Jean-Luc Gainsbourg était quelqu'un d'extrêmement timide.
14:02Et il crée un personnage
14:06fort,
14:08très construit,
14:10qui est, eux-mêmes, en mieux.
14:12Et qui va leur permettre d'être très libre.
14:14Eux-mêmes,
14:16ils ne feraient pas ça.
14:18Je donne souvent cet exemple,
14:20j'étais avec Gainsbourg à une émission de radio
14:22il y a très, très longtemps,
14:24avec Mourouzi,
14:26on était pendant deux heures dans un coin
14:28et on buvait des Orangina.
14:30Je me souviens bien,
14:32on a bu trois Orangina en deux heures.
14:34Et quand Mourouzi a commencé
14:36à interviewer Serge,
14:38qui était tout à fait clean,
14:40il était bourré.
14:42Et il a répondu en faisant semblant d'être bourré.
14:44Parce que c'était son personnage de Gainsbourg,
14:46et qui lui permettait de dire des blagues,
14:48qui lui permettait de faire des choses
14:50un peu dingues,
14:52d'être ce Gainsbourg qu'on adore.
14:54Et après, l'un peut-être
14:56rejoint l'autre,
14:58hélas un peu trop, il a du mal à gérer les deux,
15:00comme parfois cela arrive.
15:02Mais il y a toujours chez ces personnages
15:04une espèce de création
15:06d'un personnage,
15:08moi, mieux que le jeu,
15:10et moi mieux que le moi,
15:12ou le moi mieux que le jeu.
15:14Et c'est dans cet espace que se crée
15:16un humour hyper transgressif, hyper libre.
15:18Et ça, c'est très intéressant.
15:20Philippe Vallée, est-ce que le rire
15:22est de droite aujourd'hui ? C'est une vraie question
15:24que vous posez dans le livre.
15:26Est-ce qu'aujourd'hui, on peut dire que le rire est plutôt à droite
15:28qu'à gauche ?
15:30Le rire, de toute façon,
15:32il fait exploser les catégories
15:34de droite et de gauche.
15:36Un bon rire, il fait rire ensemble des gens de droite et de gauche.
15:38Et c'est peut-être
15:40ce qui nous manque le plus, parce que les gens de droite
15:42et de gauche peuvent, de temps en temps,
15:44se reconnaître dans leur humanité commune
15:46et être un peu plus attentifs
15:48à ce que disent les uns et les autres.
15:50Et si on ne rit pas assez ensemble,
15:52ça nous rend sourds à l'autre.
15:54Et le rire, aujourd'hui,
15:56est plutôt à gauche parce que
15:58il a été préempté
16:00par des humoristes de gauche.
16:02Donc, on s'attend à ce qu'ils fassent
16:04des blagues de gauche.
16:06Du coup, ce n'est pas drôle.
16:08Enfin, ce n'est pas drôle pour quelqu'un qui aime vraiment le rire.
16:10Parce qu'on s'attend...
16:12Le rire est comme
16:14la perception idéale que l'on doit avoir
16:16du réel. D'abord,
16:18on est stupéfait qu'il y ait quelque chose plutôt que rien.
16:20On est stupéfait que le réel existe,
16:22déjà. Et le rire,
16:24c'est une stupéfaction,
16:26c'est une surprise
16:28qui nous prend, et on se surprend
16:30à rire à quelque chose auquel on ne s'attend pas.
16:32Donc, le rire de gauche
16:34n'est pas drôle. Soit
16:36il n'est pas drôle parce qu'il est de gauche, soit il est de gauche parce qu'il n'est pas drôle.
16:38Mais on pourrait dire la même chose
16:40de la droite, quand il y avait des chansonniers,
16:42autrefois, après-guerre, qui étaient très à droite,
16:44et on s'attendait à ce qu'ils disent tous de droite,
16:46et donc, on s'ennuyait.
16:48On disait que c'était des vieux cons,
16:50tout ça, mais aujourd'hui, on peut dire la même chose
16:52des humoristes de gauche. Ce sont des vieux cons
16:54qui tirent sur des vieilles ficelles,
16:56toujours les mêmes.
16:58Voilà.
17:00On peut rire de quoi, François Pipodi ?
17:02Et le rire en même temps ?
17:04Vous avez parlé de gauche et de droite.
17:06Le rire macroniste, il y a un rire macroniste.
17:08Je file la métaphore sur Emmanuel Macron.
17:10Le rire, oui,
17:12il est en même temps.
17:14Oui, il est en même temps, le rire.
17:16Il est au-delà des catégories de pensée.
17:18Précisément, c'est ça qui est intéressant.
17:20Et c'est ça qui nous enrichit,
17:22qui nous donne un sentiment de liberté.
17:24Je ne sais pas, ça vous est arrivé
17:26forcément à table ou au spectacle ?
17:28Oui, c'est irrépressible.
17:30C'est irrépressible.
17:32Comme quand vous entendez
17:34une musique formidable
17:36par un grand interprète.
17:38C'est une forme supérieure du rire.
17:40Ça vous transporte au-delà du jugement.
17:42Vous ne jugez pas.
17:44Et c'est quand cette tristesse du jugement
17:46arrive que les choses s'éteignent.
17:48Mais quand on est surpris
17:50par la beauté des choses,
17:52on est dans une forme supérieure du rire.
17:54Rire. Votre livre, Philippe Ball,
17:56aux éditions de l'Observatoire.
17:58Et on n'oublie pas de rire de temps en temps
18:00au milieu de cette sinistrose ambiante.
18:02Merci beaucoup d'être venu, Philippe.
18:04Merci Sabrina, Éric Revelle, François Buponi, Louis de Ragnelle.