Yannick Neuder, député LR de l’Isère et médecin, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent à Biogaran qui pourrait passer sous pavillon étranger.
Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Chut ! Europe 1, il est 6h40.
00:02 - Vous avez probablement déjà eu une boîte de médicaments Biogarant entre les mains.
00:06 Biogarant, filiale du laboratoire Servier, c'est notre géant français des médicaments génériques.
00:12 Or, il se pourrait bien que Biogarant passe bientôt sous pavillon étranger.
00:16 Qu'est-ce que cela signifie pour notre industrie pharmaceutique ?
00:19 Et puis, les pénuries en pharmacie vont-elles encore se multiplier ?
00:23 - Votre invité sur Europe 1, Alexandre, il s'agit de Yannick Neder, député LR de l'ISER,
00:28 vice-président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée.
00:31 - Bonjour Yannick Neder. - Bonjour.
00:33 - Vous avez adressé au début de la semaine une lettre à Emmanuel Macron.
00:37 Pour quelle raison ? Vous souhaitez mettre en garde le chef de l'État sur les risques
00:42 que représenterait cette vente de Biogarant à l'étranger ?
00:46 - Oui, bien sûr, risque également, surtout pour les patients,
00:49 puisque je rappelle que là, on parle quand même de plus de 30% des génériques en France.
00:54 Donc, c'est pour beaucoup de patients, les médicaments du quotidien.
00:58 Qui sont en fait menacés de ne plus être disponibles
01:02 avec un certain niveau de souveraineté au niveau français.
01:07 Et puis, c'est aussi un souci industriel, puisque entre les salariés directs, les sous-traitants,
01:12 c'est plus de 8000 salariés qui sont menacés.
01:15 Donc, je crois qu'il y a un vrai enjeu de souveraineté nationale, de souveraineté sanitaire.
01:20 C'est un des grands enjeux et un grand enseignement de la crise Covid.
01:23 C'est que la France doit avoir un certain niveau de souveraineté pour produire ses médicaments.
01:29 Et puis, doit surtout revoir sa doctrine en la matière,
01:31 puisqu'on est le pays qui paye le moins cher ses médicaments.
01:34 - Il faut rappeler ce qu'on représente Biogarant, ce que pèse ce laboratoire.
01:39 Vous l'avez dit vous-même, il y a un instant, c'est un tiers de la production française de médicaments génériques.
01:44 On ne parle pas de n'importe quel labo, c'est l'un des fleurons de notre industrie pharmaceutique.
01:49 - C'est quand même dramatique de voir que ces laboratoires,
01:53 notamment ceux qui sont installés en France,
01:58 soient menacés et puissent vendre notamment à l'Inde ou à la Chine.
02:03 On a quand même déjà 40% des médicaments de l'Union Française,
02:07 de l'Union Européenne qui proviennent des pays tiers comme la Chine ou l'Inde.
02:12 80% des principes actifs y sont en général fabriqués.
02:16 Donc, il faut qu'on garde cette souveraineté, ce savoir-faire français.
02:19 Mais pour garder ce savoir-faire industriel,
02:22 on l'a su le faire, puisque par exemple dans ma circonscription en Isère, à Roussillon,
02:26 on va relocaliser 60% de la production de paracétamol et des besoins européens.
02:32 Il faut aussi mettre toute une doctrine en place.
02:35 Actuellement, on a une vision beaucoup trop comptable financière du médicament,
02:40 puisque c'est dans le cadre du projet de loi de finances de la Sécurité Sociale,
02:44 le fameux PLFSS, où est établi le prix du médicament.
02:48 Et souvent, vu qu'on n'a pas de stratégie à long terme en santé en France
02:53 du fait de l'absence d'une loi pluriannuelle,
02:56 on adapte le prix du médicament pour "rentrer dans les clous budgétaires"
03:02 sans avoir aucune prise de conscience et sans évaluer les conséquences économiques,
03:08 industrielles, de la viabilité de la filière et surtout de l'intérêt du patient.
03:11 Puisque vous parlez du prix du médicament, Yannick Noder,
03:14 ces menaces de délocalisation de ce labo pharmaceutique dans notre industrie,
03:20 est-ce qu'elles ne sont pas aussi le fait du prix des médicaments trop faibles
03:24 par rapport à nos voisins européens peut-être ?
03:26 Par exemple, si on regarde par rapport à l'Espagne,
03:28 les prix en Espagne sont 30% plus élevés qu'en France
03:33 et c'est à peu près identique en Allemagne.
03:35 Donc on voit bien que finalement, faute de réformes structurelles,
03:39 de vision globale de la santé en France,
03:42 on fait une gestion comptable de la santé
03:45 qui au final se fait au détriment des patients naturellement
03:48 avec toutes les pénuries que l'on constate et puis surtout on déconstruit les filières.
03:52 Je crois qu'Emmanuel Macron avait annoncé en 2023 un grand plan de réindustrialisation.
03:58 Je crois que la première des réindustrialisations, c'est d'éviter les délocalisations
04:02 et surtout dans les différents repreneurs potentiels,
04:07 on a aussi des entreprises comme Benta Lyon en région Auvergne-Rhône-Alpes
04:11 qui sont intéressées de reprendre Biogarant.
04:15 Donc je crois que les régions font beaucoup.
04:17 Moi, je suis élu régional aux côtés de Laurent Wauquiez.
04:19 On fait beaucoup pour la souveraineté économique, pour les relocalisations.
04:23 50% des relocalisations industrielles en France se font en région Auvergne-Rhône-Alpes.
04:29 Les régions peuvent beaucoup puisque c'est aussi leur champ de compétences.
04:33 Mais attention que les filières restent viables et qu'ils puissent avoir un prix.
04:37 Benta Lyon sur les rangs, Yannick Neder en effet pour Biogarant.
04:40 Est-ce que l'Etat a les outils pour jouer un rôle actif dans cette affaire ?
04:46 Empêcher par exemple une vente à des capitaux étrangers ?
04:50 Le code monétaire et financier permet à l'Etat français
04:54 de préserver la souveraineté sanitaire du pays en bloquant effectivement ces ventes.
05:01 D'ailleurs, dans ce courrier que j'ai co-signé avec Eric Ciotti,
05:06 nous demandons justement au président de la République et au ministre l'Escure
05:11 d'utiliser tous les moyens possibles pour garder le contrôle de notre filière du médicament.
05:17 Malgré les régions locales, on le fait beaucoup en Auvergne-Rhône-Alpes,
05:22 il y a quand même toute la constitution de la filière et du détermination du prix.
05:26 Ce prix est fait par le projet de loi de finances de la Sécurité sociale.
05:31 Cela montre bien que nous n'avons pas de vision stratégique
05:34 puisque finalement nous faisons uniquement une gestion comptable du prix des médicaments
05:40 pour adapter un budget alors qu'il faudrait avoir une vision stratégique
05:43 pour ne pas désorganiser la filière, ne pas concourir à sa perte et à sa délocalisation
05:48 et surtout prendre en compte l'intérêt du patient qui doit pouvoir trouver 30% de ses médicaments.
05:53 Vous êtes également médecin, cardiologue, vos patients doivent vous le dire,
05:58 les pénuries en pharmacie, on est obligé d'y penser
06:02 puisque vous nous disiez que Biogarant c'est un tiers de la production de médicaments génériques.
06:05 Est-ce qu'une délocalisation aggraverait encore ce phénomène des rayons vide en pharmacie ?
06:12 Bien sûr que ça aggraverait, ça permettrait de perdre une fois de plus cette souveraineté
06:16 et surtout n'oublions pas que c'est un sujet qui a déjà été longuement évoqué au Parlement.
06:20 Nous avions eu une réponse avec la mission Born,
06:24 Elisabeth Born en 2023 avait effectivement lancé sa mission.
06:28 Maintenant il faut aller plus loin et il faut naturellement réformer l'environnement normatif,
06:34 fiscal de notre pays pour permettre l'attractivité de ces laboratoires.
06:39 Là on envoie un très mauvais signal en Europe et d'une façon générale au monde
06:44 sur l'intérêt de la France pour l'industrie pharmaceutique.
06:49 Et je crois que des projets pharmaceutiques se détournent de la France
06:53 pour s'installer dans d'autres pays européens uniquement par cette absence de vision stratégique
06:58 sur la filière santé.
06:59 Merci Yannick Noder, député Les Républicains de l'ISER,
07:02 vice-président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée.
07:04 C'était l'invité ECHO avec...