• il y a 8 mois

Frédéric Bizard, économiste spécialiste des questions de protection sociale et de santé et président fondateur de l'Institut Santé, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Le montant des franchises médicales a doublé, il passe à un euro sur chaque boîte de médicaments, au lieu de 50 centimes auparavant, à hauteur de 50 euros maximum par an.

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Transcription
00:00 - Europe 1, il est 6h41. - C'est donc l'un des changements à noter pour vous à partir de ce lundi 1er avril.
00:07 Depuis hier, la franchise médicale sur les boîtes de médicaments est multipliée par deux.
00:12 - Et vous en parlez avec votre invité sur Europe 1 ce matin, Alexandre Lemaire.
00:15 Il s'agit de Frédéric Bizarre, économiste de la santé, président de l'Institut Santé.
00:19 - Bonjour Frédéric Bizarre. - Bonjour Alexandre Lemaire.
00:23 - Première question déjà concrètement, qu'est-ce que cela va changer pour les Français
00:27 qui se rendent en pharmacie le doublement de cette franchise médicale ?
00:31 - Alors c'est un prélèvement obligatoire supplémentaire, c'est-à-dire que ça ne va rien changer
00:39 dans le concret quand vous allez à la pharmacie ou quand vous allez voir votre médecin,
00:44 parce que c'est une franchise médicale que vous ne payez pas directement du fait du tiers payant,
00:49 c'est-à-dire que ça soit plutôt l'assurance maladie ou la complémentaire santé
00:56 qui paye le médecin ou le pharmacien. Donc ça ne va pas changer.
01:02 Ce qui va changer c'est que vous allez être moins remboursé de 1 euro par boîte de médicaments
01:07 ou de 2 euros par consultation médicale ou de 4 euros par transport sanitaire.
01:12 Et c'est là la limite de cette mesure puisqu'elle se veut responsabilisante.
01:16 C'est-à-dire que ce que le gouvernement veut c'est de dire qu'il faut arrêter la santé gratuite
01:20 et il faut donc participer à votre consommation médicale.
01:25 On sait bien que l'objectif c'est de faire faire des économies à l'assurance maladie,
01:30 c'est-à-dire de diminuer les dépenses de l'assurance maladie.
01:33 Mais en fait c'est un moindre remboursement que vous aurez.
01:36 Et la difficulté pour l'assurance maladie ça va être de récupérer cet argent
01:41 puisqu'encore une fois avec le tiers payant vous ne payez pas.
01:43 Donc on va vous demander de faire un virement en fin d'année du total de ces franchises médicales
01:50 ou lorsque vous allez aller voir votre kinésithérapeute
01:54 où vous allez avoir une consommation médicale où vous devez payer en direct,
01:57 là vous serez moins remboursé du total de ces franchises médicales.
02:01 - Alors on précise que les mineurs, les femmes enceintes, les personnes au revenu modeste
02:05 ne sont pas concernées par cette mesure.
02:08 Vous parliez il y a un instant Frédéric Bizarre de santé gratuite.
02:11 Il ne faut pas laisser cette impression, en tout cas il faut veiller à ce que même de manière symbolique
02:17 on garde une partie du coût de la santé justement qui soit supportée par les usagers, par les patients.
02:23 - Oui c'est la logique de notre modèle social.
02:27 C'est-à-dire que dans le modèle de 1945 il y avait ce qu'on appelle des tickets modérateurs.
02:32 C'est-à-dire que la logique c'est que vous devez participer à l'essentiel de votre consommation médicale
02:37 en termes de participation financière sauf une liste d'exonération
02:45 dont celle que vous avez citée, c'est-à-dire les personnes les plus modestes
02:49 mais aussi les participations financières élevées, notamment les affections de longue durée.
02:55 Et c'est là où cette mesure-là est relativement inique.
02:59 C'est-à-dire que certes il y a les personnes à bas revenu qui sont exonérées
03:05 mais dans notre modèle social vous avez aussi les personnes très malades,
03:10 les personnes qui ont des dépenses de santé élevées et évidemment ce n'est pas de leur faite pour la plupart.
03:16 C'est du fait que ça peut tous nous arriver.
03:19 Il y a 13 millions de Français qui souffrent d'une ou plusieurs affections de longue durée,
03:23 des cancers, des maladies cardiovasculaires, du diabète, etc.
03:27 C'est 13 millions de Français, c'est presque 20% des Français aujourd'hui.
03:30 Et là il y a une brèche dans notre modèle social avec cette participation financière,
03:35 c'est que vous faites participer à votre dépense médicale, vous faites payer ces personnes-là.
03:44 - Un peu la double peste, c'est ce que vous voulez dire.
03:46 - En même temps, Macronien là-dessus est particulièrement terrible
03:50 parce qu'on vous dit que vous ne participez pas au financement de vos lunettes,
03:54 de vos prothèses dentaires et de vos audioprothèses.
03:56 - Qu'est-ce qu'il faudrait faire ? Il faudrait cibler davantage peut-être les médicaments de confort ?
04:00 Il y a encore de la marge de ce côté-là ?
04:01 - Non, c'est très simple, il faut être cohérent.
04:04 Je pense que d'abord il faut éviter ces impôts cachés parce que si vous voulez...
04:07 - C'est un impôt caché pour vous ?
04:09 - Oui, bien sûr, puisque vous ne le voyez pas.
04:12 Vous ne le verrez pas aujourd'hui, tous ceux qui iront à la pharmacie aujourd'hui ne le verront pas.
04:15 Donc c'est un impôt caché, ce n'est pas un impôt responsabilisant,
04:18 même si ce n'est pas un vrai impôt, c'est une franchise médicale,
04:21 mais c'est une forme de participation financière.
04:23 Donc un, c'est quelque chose de caché, de masqué, donc ce n'est pas quelque chose de responsabilisant.
04:27 Deux...
04:27 - Ce n'est pas une mesure vertueuse pour vous, c'est ce que vous voulez dire ?
04:30 - Ce n'est pas une mesure vertueuse, donc ce n'est pas une mesure très courageuse.
04:34 Il faut du courage politique.
04:36 Si vous voulez inverser l'évolution de notre modèle social
04:39 et revenir à un modèle social responsabilisant comme il l'était avant,
04:43 il faut avoir une politique qui soit cohérente.
04:44 C'est-à-dire que vous décidez que le ticket modérateur,
04:48 c'est 30% de ticket modérateur quand vous allez chez le médecin,
04:52 vous dites maintenant, ce sont les Français, c'est vous qui allez le payer.
04:56 Donc il faut sortir du remboursement par les mutuelles de ce ticket modérateur,
05:02 qui fait que vous confiez à un assureur le financement de cela,
05:06 et il faut aller vers un financement avec un assureur unique.
05:10 C'est-à-dire, soit c'est l'assurance maladie, soit c'est la mutuelle qui paye.
05:14 Et ça, ça peut être véritablement extrêmement vertueux,
05:17 parce qu'il y a une logique et une lisibilité au financement de la santé en France.
05:23 Et vous savez, c'est 16 milliards d'euros de dépenses administratives.
05:27 Le fait d'avoir un système à deux étages avec la mutuelle qui paye le ticket modérateur.
05:32 Là, on a rajouté un troisième étage avec une franchise médicale.
05:36 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand vous allez à la pharmacie,
05:38 vous avez la franchise médicale, l'assurance maladie,
05:41 donc l'assureur public plus la mutuelle qui paye.
05:44 On est dans une usine à gaz qui est extrêmement coûteuse sur le plan administratif.
05:48 Bruno Le Maire fait cette proposition qui n'est pas passée inaperçue,
05:51 qui soulève d'ailleurs un vent d'opposition chez une partie des sénateurs.
05:55 Il évoque l'idée du ministre de l'économie de moduler, en quelque sorte,
05:58 le remboursement de certains soins médicaux en fonction des revenus.
06:02 Là, on passerait, et ce n'est pas un maigre changement,
06:04 on passerait d'un système fondé sur l'égalité à un système fondé sur l'équité.
06:10 Oui, mais parce que Bruno Le Maire, et il y a un certain nombre de dirigeants
06:14 qui sont comme ça, est favorable au modèle anglo-saxon,
06:17 c'est-à-dire de limiter, si vous voulez, le financement public à une partie de la population,
06:22 et puis d'avoir un modèle privé avec un financement privé et une offre privée.
06:26 Mais il faut qu'il l'assume, si vous voulez.
06:28 Il faut assumer, il y a une partie de la population,
06:30 mais elle est de mon point de vue extrêmement minoritaire,
06:32 qui est pour la fin de ce modèle universel et solidaire.
06:36 Le modèle français, c'est un modèle universel et solidaire,
06:38 c'est-à-dire, solidaire ne veut pas dire l'assistanat.
06:41 Il faut le protéger, ce système, quel est votre point de vue, Frédéric Bizard, sur cette question ?
06:44 Oui, parce qu'on est dans une république qui veut l'égalité des droits,
06:50 c'est-à-dire qui veut qu'on soit tous dans le même système de santé,
06:53 tous dans le même système de retraite.
06:55 On peut ne pas aimer ça, mais il y a une révolution pour ça.
06:58 C'est l'égalité des droits, c'est le modèle solidaire, c'est l'universalité,
07:01 on est tous dans le même système.
07:02 Et il y a une solidarité verticale des plus riches vers les plus pauvres,
07:05 et une solidarité horizontale des bien-portants vers les malades.
07:08 Voilà, c'est ça, c'est la France.
07:11 Il faut réformer ce système-là, mais pour le régénérer,
07:15 pour garder ses fondamentaux en matière de valeur, et pas le détruire.
07:19 Il n'est pas coûteux à cause des fondamentaux de notre modèle,
07:22 il est coûteux parce qu'on a un modèle essentiellement curatif
07:25 qui n'incite pas à l'espérance de vie et en bonne santé.
07:28 Et donc, c'est quand même la faiblesse des dirigeants depuis une vingtaine d'années
07:32 de ne pas avoir été capables de régénérer ce modèle.
07:34 Donc c'est un peu la solution de facilité, de dire
07:36 "On va le changer parce que c'est trop coûteux".
07:39 Non, il faut avoir le courage de le régénérer.
07:41 - On a entendu votre point de vue.
07:43 On rappelle en tout cas ce changement de ce 1er avril à la pharmacie,
07:47 c'est donc le doublement de la franchise médicale sur les boîtes de médicaments,
07:51 la part non remboursée passant de 50 centimes à 1 euro.
07:54 Merci Frédéric Bizarre, économiste de la santé,
07:56 et je le rappelle, président de l'Institut Santé, ce matin sur Europe 1.

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