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En moins de deux siècles, les submersibles ont connu de formidables évolutions technologiques. Retour sur leur histoire, de l’exploration des fonds marins à leur rôle stratégique lors des conflits. Ce premier volet retrace le développement des submersibles du milieu du XIXe siècle jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Conçus au départ pour réaliser l’exploration des fonds marins, ils ont bénéficié au fil des décennies de nombreux progrès techniques permettant d’assurer l’autonomie en oxygène des équipages, de concevoir des coques résistant aux pressions en eaux profondes, et d’améliorer leur vitesse grâce à de nouveaux modes de propulsion.

Maîtrise des mers
Permettant de se déplacer en surface et dans les profondeurs des océans, les sous-marins, qui font rêver depuis toujours, ont connu au cours des deux derniers siècles une fulgurante évolution technologique. Illustrées par de riches archives, les interventions de sous-mariniers, d’historiens et d’experts replacent chacune des grandes avancées techniques dans leur contexte historique, et éclairent le rôle joué par les submersibles lors des deux premiers conflits mondiaux pour assurer aux belligérants la maîtrise des mers, au prix le plus souvent de naufrages dramatiques et de lourdes pertes humaines, tant civiles que militaires.

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Transcription
00:00 Véritables monstres d'acier, les sous-marins sont des machines d'une grande complexité,
00:10 bardées de technologies et d'armements.
00:12 Une structure impressionnante, doublée d'une puissance de feu terrifiante.
00:17 La propagande les a mythifiés et a nourri leur réputation d'invincibilité.
00:29 Pourtant, beaucoup d'équipages ont perdu la vie à bord de ces sarcophages de métal.
00:34 Mais le submersible est aussi au service de la recherche.
00:41 Grâce à sa coque ultra-résistante, les scientifiques peuvent explorer à loisir le
00:46 fond des océans, un monde aussi hostile que mystérieux.
00:50 Exploration et fascination, menaces et destructions, voilà les deux visages du sous-marin.
01:05 C'est le plus grand navire jamais construit à l'époque.
01:25 Le Lusitania, un paquebot de luxe britannique.
01:28 Lorsque ce géant des mers quitte le port de New York, le 1er mai 1915, la Première
01:35 Guerre mondiale fait rage depuis déjà neuf mois.
01:38 Le Lusitania doit effectuer une traversée transatlantique à destination de Liverpool.
01:43 A son bord, près de 2000 passagers, des civils, loin de se douter de la catastrophe qui les
01:50 attend.
01:51 Seuls quelques-uns ont remarqué un entrefilet inhabituel dans le journal.
01:59 C'est un avertissement, signé par l'ambassadeur de l'Empire allemand aux États-Unis.
02:08 Plusieurs annonces dans les journaux ont prévenu le navire qu'il risquait de se faire
02:12 torpiller par des sous-marins.
02:14 Et tous les passagers l'auraient su aussi s'ils avaient lu la presse.
02:17 Mais comme les paquebots sont des bateaux énormes et très rapides, personne n'imaginait
02:24 qu'un simple sous-marin puisse couler le Lusitania.
02:28 Dès sa mise en chantier, le Lusitania a été envisagé par le gouvernement britannique
02:37 comme un éventuel croiseur de compléments.
02:39 Il était donc prévu dès le départ de l'équiper d'armes et de matériel de ce genre.
02:45 D'ailleurs, il faisait partie des navires que l'Empire allemand surveillait de très
02:49 près.
02:50 Le 7 mai 1915, le sous-marin allemand U-20 patrouille au large de la côte sud de l'Irlande.
02:59 Peu après 14 heures, il attaque le paquebot.
03:02 1198 passagers périssent dans le naufrage.
03:07 Le responsable de cette offensive est le commandant allemand Walter Schfiger.
03:12 Il n'a tiré qu'une torpille, mais elle a touché un point vulnérable du Lusitania.
03:18 La première explosion a été suivie d'une seconde, due à une chaudière ou à la poussière
03:22 de charbon.
03:23 Et les dégâts ont été beaucoup plus importants que prévus.
03:26 Même si la torpille utilisée était assez rudimentaire, le naufrage a été une catastrophe
03:33 terrible.
03:34 1200 victimes, dont environ 120 américains.
03:37 Le monde civilisé est sous le choc.
03:40 Et aux Etats-Unis, l'attaque fait basculer l'opinion publique en faveur de la guerre
03:44 contre l'Allemagne.
03:46 Ce qui a particulièrement joué contre les Allemands, c'est qu'ils ont célébré ce
03:52 torpillage avec enthousiasme, et même frappé des médailles commémoratives pour l'occasion.
03:58 Et le camp britannique, celui des alliés, en a profité pour montrer l'Allemagne du
04:05 doigt et prouver qu'elle était vraiment différente, en la présentant comme une
04:10 sorte de puissance brutale qui tuait des femmes, des enfants et des bébés en pleine mer.
04:16 Donc en réalité, ce naufrage a servi la cause des alliés dans cette guerre.
04:21 Le Lusitania a fait entrer la guerre sous-marine sur la scène diplomatique.
04:26 Pas seulement entre les Britanniques et les Allemands, mais sur la scène diplomatique
04:30 internationale.
04:31 Par exemple, aux Etats-Unis, c'est aussi devenu un sujet.
04:33 Aujourd'hui encore, les sous-marins font toujours planer la crainte d'une attaque
04:41 surprise.
04:42 Élément essentiel des forces navales d'un État, ils restent à l'affût dans les
04:47 mers du monde entier, mieux camouflés que jamais.
04:50 Il existe des écarts considérables de taille, de profondeur d'immersion, de système de
04:55 propulsion et d'armement entre les navires submersibles des différentes marines militaires.
05:00 Mais ils partagent tous un point commun.
05:02 Ils mènent leurs opérations à couvert, depuis les profondeurs des océans.
05:07 Les sous-marins modernes sont des machines multifonctionnelles et ultra-performantes,
05:14 qui coûtent des milliards, transportent tout un arsenal et peuvent plonger jusqu'à 600
05:19 mètres de profondeur.
05:20 Ceux à propulsion nucléaire sont même capables de rester plusieurs semaines sous l'eau,
05:26 sans jamais remonter à la surface.
05:27 Les sous-marins naviguent en secret, agissent en secret.
05:37 On a souvent des connaissances très limitées sur leur fonctionnement, que ce soit l'aspect
05:42 technique ou l'aspect opérationnel.
05:44 Ça reste assez mystérieux et les gens aiment bien le mystère.
05:50 Les premiers sous-marins étaient vraiment sommaires au niveau de l'autonomie.
05:56 Une fois les écoutilles refermées, il fallait se contenter de l'air qui était à l'intérieur
06:01 pour respirer.
06:02 Le développement du sous-marin reflète les avancées technologiques de chaque époque.
06:09 Les projets les plus anciens vont du simple scaphandre ou du batiscafe à une place aux
06:14 engins plus importants.
06:16 Les premiers modèles sont actionnés à la manivelle ou par d'autres procédés mécaniques.
06:21 Dès le début, c'est l'usage militaire qui est privilégié.
06:29 La toute première intervention d'un submersible dans un conflit a lieu aux États-Unis en
06:34 1864, lors de la guerre de sécession.
06:37 Cette nécessité d'aller sous l'eau, c'est comme un alpiniste qui monte une montagne
06:43 parce qu'elle est là.
06:44 Nous, il y avait cette troisième dimension que l'homme voulait explorer.
06:48 Il y a chez l'être humain une curiosité naturelle qui le pousse à vouloir plonger.
06:54 C'est comparable à son envie de voler.
06:58 En fait, dès sa naissance, il cherche à repousser ses limites.
07:03 Si les sous-marins renforcent la foi dans le progrès technique, ils constituent aussi
07:10 des armes furtives redoutables, comme le Nautilus dans les romans de Jules Verne.
07:15 Pour des générations de lecteurs, le laboratoire de recherche flottant de 20 000 lieues sous
07:20 les mers est l'incarnation suprême du sous-marin.
07:24 Des scientifiques ont même cherché à vérifier la vraisemblance des inventions extraordinaires
07:29 de son fameux capitaine Nemo.
07:31 Jules Verne a imaginé à quoi pourraient servir les sous-marins.
07:40 Par exemple, à explorer le fond des océans.
07:43 Dans le roman, Nemo va vraiment étudier les merveilles des profondeurs.
07:49 En fait, l'auteur a fait la synthèse de tous les progrès de l'époque et a extrapolé
07:54 la suite.
07:55 Iago est le seul batiscafe exploratoire habité d'Allemagne.
08:01 Son rôle est d'aider les scientifiques à sonder les mystérieux fonds marins.
08:05 Il est capable de descendre à 400 mètres de profondeur, où règne un univers encore
08:11 largement méconnu.
08:12 Pour les pilotes, chaque plongée est une expérience unique.
08:16 On a l'impression de flotter, mais on descend très lentement et il fait de plus en plus
08:25 froid.
08:26 Au fond de la mer, la température de l'eau n'est plus que de 4 degrés.
08:32 On se dit que là, toute vie est impossible, surtout avec une pression aussi forte.
08:37 Et pourtant, on aperçoit des poissons bizarres qui nagent, qui rampent ou qui sortent la
08:42 tête de leurs grottes.
08:43 C'est un monde absolument fascinant.
08:47 Entièrement dédié à la science, Iago permet aux chercheurs d'observer l'environnement,
08:56 de réunir des informations et de collecter des échantillons.
08:59 Le hublot offre un aperçu de ce royaume aussi secret qu'inaccessible pour le commun des
09:12 mortels.
09:13 Quand le submersible n'est pas en mission, il est mis à sec dans son port d'attache,
09:24 le centre de recherche océanographique de Geomar, à Kiel, tout au nord de l'Allemagne.
09:29 L'engin de 3 tonnes est alors pris en charge par Jürgen Schauer, son concepteur et constructeur.
09:40 Pour moi, c'est comme un petit voyage sur la Lune.
09:54 On va dans un endroit où aucun homme n'a jamais mis les pieds et on observe, on découvre
09:58 des choses, on rapporte des échantillons.
10:01 On se sent vraiment comme un explorateur.
10:03 Le Batiscaf a la place pour un pilote et un observateur.
10:12 Son habitacle fait à peine 1,30 m de largeur et de hauteur.
10:15 Dans la cabine, on a une autonomie de 96 heures, c'est-à-dire 4 jours.
10:26 Ça inclut les réserves d'oxygène pur, les protections contre le froid, l'eau potable,
10:34 en gros les mêmes choses que sur un bateau de sauvetage.
10:37 C'est très peu, mais ça suffit pour survivre si jamais on se retrouve échoué au fond
10:42 de la mer.
10:43 Au début du XXe siècle, presque toutes les marines militaires commencent à développer
10:50 et à utiliser des sous-marins en guise d'armes.
10:54 Les progrès techniques de l'industrialisation ouvrent grand le champ des possibles.
10:59 Dans les usines, armement et munitions sont fabriqués en masse.
11:03 La technologie moderne sert désormais à changer la façon de faire la guerre, comme
11:10 le prouvera bientôt la Première Guerre mondiale.
11:17 Au tournant du siècle, les constructions en métal ont le vent en poupe.
11:27 Et la fonction du sous-marin est de plus en plus envisagée sous un angle militaire.
11:32 Car depuis l'invention de la torpille, on dispose d'une arme qui peut être installée
11:37 à son bord.
11:38 Les Américains et les Britanniques possèdent déjà des navires submersibles depuis la
11:44 fin du XIXe siècle.
11:46 Quant à l'Empire Ottoman, ils développent lui aussi ses propres sous-marins.
11:50 Mais c'est en France que l'enthousiasme est le plus fort.
11:54 Le pays est d'ailleurs, à l'époque, le premier constructeur de sous-marins au monde.
11:59 Concernant l'aspect pratique des sous-marins, les chefs de file étaient plutôt les Allemands
12:07 et les Britanniques.
12:08 Mais la marine française était tout aussi capable de créer des modèles efficaces.
12:13 Le problème venait plutôt du regard que portait le public sur ces engins et sur les
12:21 individus qui travaillaient dedans.
12:22 Ils ne les trouvaient pas très ragoûtants.
12:26 Donc les gens se disaient, pas la peine de se préoccuper de ces sous-marins tant qu'on
12:32 n'est pas obligé de s'en équiper.
12:34 Ainsi, l'empereur allemand Guillaume II leur préfère de loin les grands navires prestigieux,
12:45 tels que le paquebot de luxe Bismarck, mis à l'eau en juin 1914 à Hambourg.
12:49 Guillaume II était passionné par la marine.
13:02 Pour lui, c'était l'instrument qui allait asseoir définitivement la stature internationale
13:07 de l'Empire allemand.
13:08 Mais les sous-marins ne l'intéressaient que de façon très marginale.
13:12 Ce qui mobilisait son attention, c'était les gros navires de guerre, les cuirassés.
13:18 L'Allemagne n'a jamais été une grande nation de marins.
13:23 Mais Guillaume II compte bien changer la donne.
13:25 Et son projet est ambitieux.
13:27 Il veut que sa flotte devienne la deuxième plus puissante du monde après celle des Britanniques.
13:32 Au début du XXe siècle, il y a eu une véritable course aux armements.
13:42 D'abord entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne, mais très vite avec d'autres nations aussi
13:48 et comme les Allemands n'avaient jamais trouvé la moindre utilité aux premiers sous-marins,
13:53 ils ont préféré construire des cuirassés pour rivaliser avec les navires britanniques.
13:57 En effet, l'empereur, soutenu par ses amiraux, continue d'investir des milliards dans la
14:05 construction de puissants cuirassés.
14:07 Grâce à ces prestigieux navires aux équipages impressionnants, l'Allemagne espère tenir
14:14 tête à son ennemi potentiel, la Grande-Bretagne, jusque sur les mers.
14:17 Le premier sous-marin allemand ne sera commandé qu'en 1904 par le secrétaire d'Etat à la
14:25 Marine impériale, l'amiral Alfred von Tirpitz.
14:28 Baptisé U1, l'engin militaire est une merveille d'innovation technologique.
14:36 Il est capable de plonger à 30 mètres de profondeur et de rester 12 heures sous l'eau.
14:41 "Peut-être faut-il rappeler que les premiers sous-marins n'étaient pas vraiment des sous-marins,
14:49 c'était des submersibles, c'est-à-dire des bateaux qui voguaient à la surface avec
14:56 une vitesse d'environ 15 nœuds, c'est-à-dire presque 30 km/h, et qui plongeaient lorsqu'il
15:02 y avait une alerte, lorsqu'il y avait un bateau qui les menaçait, lorsqu'il y avait un avion
15:07 qui les menaçait."
15:08 "Les sous-marins ne jouaient quasiment aucun rôle dans les opérations militaires, à
15:14 vrai dire on ne les tenait pas en très haute estime.
15:16 Il faut dire qu'à l'époque les combats obéissaient à certaines règles de courtoisie,
15:23 et c'est une qualité qu'on n'associait pas trop aux sous-marins, c'est aussi pour
15:28 ça qu'ils n'inspiraient que de l'indifférence."
15:31 Le U1 est assemblé à l'arsenal Germania, le chantier naval de Kiel, qui a déjà construit
15:37 trois sous-marins pour le compte des Russes.
15:40 Aujourd'hui, c'est de ce même chantier naval que sont lancés les sous-marins les
15:50 plus modernes du monde.
15:51 L'Allemagne est d'ailleurs l'une des nations les plus en pointe dans ce domaine.
15:55 Mais si l'on sait que la coque est la pièce maîtresse, il est difficile d'en savoir
16:00 plus.
16:01 Dans cette industrie, tout est strictement confidentiel.
16:04 Matériaux, composants, détails techniques, y compris la profondeur exacte à laquelle
16:09 la coque doit résister à la pression hydraulique.
16:11 Le chantier fait appel aux techniques les plus révolutionnaires.
16:16 Grâce à un casque de réalité augmentée, l'ouvrier peut voir les plans de construction
16:21 en 3D et suivre les instructions à la lettre.
16:24 L'acier utilisé est amagnétique, afin de protéger l'engin des balises et des
16:32 mines.
16:35 La société ThyssenKrupp Marine Systems fabrique des sous-marins ultramodernes pour
16:41 des clients aussi bien allemands qu'internationaux.
16:44 Aucun engin nucléaire a son catalogue.
16:47 Ils sont tous à propulsion classique.
16:49 L'avantage des modèles allemands, c'est qu'ils sont petits, silencieux et extrêmement
16:55 difficiles à détecter.
16:56 C'est le cas par exemple du prototype 212 Alpha.
17:02 Quel que soit le modèle, il est toujours capable de plonger et de revenir à la surface,
17:11 bien sûr.
17:12 Mais aussi d'entendre les sons à distance et de bien communiquer grâce aux moyens les
17:17 plus modernes.
17:18 Pour pouvoir descendre et remonter, le sous-marin dispose de réservoirs, qu'on appelle balastes.
17:25 Ceux-ci, en se remplissant d'eau, alourdissent le submersible et l'entraînent vers le
17:29 fond.
17:30 Il suffit ensuite de les vidanger en chassant l'eau avec de l'air comprimé pour émerger
17:36 à nouveau.
17:37 Quand ils naviguent en surface, les sous-marins traditionnels utilisent un moteur électrique
17:50 alimenté par un groupe électrogène diesel qui a besoin d'air pour fonctionner.
17:54 Mais sous l'eau, la propulsion ne peut s'effectuer qu'avec un dispositif anaérobie, tels que
18:01 les piles à combustible.
18:02 Celle-ci transforme l'oxygène et l'hydrogène en électricité, qui est ensuite stockée
18:08 dans une batterie afin d'alimenter le moteur.
18:10 À Kiel, la technique des piles à combustible a été développée dès les années 80.
18:17 En 2005, le chantier naval l'a appliquée pour la première fois à un sous-marin de
18:24 la marine allemande.
18:25 Nul doute que ce système de propulsion très novateur représente une solution d'avenir.
18:31 Au cours des décennies précédentes, on n'a jamais cessé d'améliorer l'autonomie
18:41 des sous-marins, c'est-à-dire le temps qu'ils pouvaient passer sous l'eau.
18:44 Dans ce domaine, la technique des piles à combustible a constitué une vraie révolution.
18:49 On est passé d'une autonomie de quelques jours à une autonomie de plusieurs semaines,
18:55 ce qui a permis de redéfinir complètement les missions des marines militaires aux quatre
18:59 coins du monde.
19:00 Les sous-marins actuels n'ont plus grand-chose à voir avec ceux de la Première Guerre mondiale.
19:08 Ce sont désormais des bijoux de technologie, dont la complexité nécessite l'intervention
19:14 de spécialistes.
19:15 Techniquement, deux hommes suffisent pour piloter les sous-marins qu'on construit de
19:23 nos jours.
19:24 Sauf que ces engins ne sont pas conçus pour faire de jolies croisières dans un monde
19:28 en paix, mais pour des interventions militaires.
19:31 Donc, tout est prévu pour que chaque élément à bord puisse passer immédiatement en mode
19:37 manuel.
19:38 La société ThyssenKrupp propose à ses clients un programme de formation en réalité virtuelle.
19:47 Ceux-ci ont la possibilité de s'exercer dans un sous-marin en 3D, où toutes les manettes
19:53 de pilotage et de commandes peuvent être actionnées.
19:55 Ainsi, les équipages peuvent se familiariser avec cette technologie complexe avant de
20:15 prendre la mer.
20:16 Début août 1914, la première guerre mondiale éclate en Europe.
20:31 L'Empire allemand mobilise ses soldats.
20:34 Des millions d'hommes partent faire la guerre, et pas seulement sur la terre ferme.
20:38 Les Britanniques instaurent un blocus maritime afin d'empêcher l'Allemagne d'importer
20:46 la moindre matière première.
20:47 Leur objectif est d'affamer l'ennemi.
20:49 Tout navire allemand qui s'aventure hors de son port prend le risque de se faire s'aborder.
20:57 Au début de la guerre, la Grande-Bretagne possède la flotte la plus importante, avec
21:03 pas moins de 76 sous-marins.
21:05 En 1914, les grandes puissances maritimes disposaient effectivement de quelques sous-marins,
21:15 mais qui n'étaient pas du tout fiables techniquement.
21:18 En fait, les armées avaient tout misé sur les navires de surface, les gros cuirassés.
21:24 C'est comme ça qu'on raisonnait à l'époque.
21:27 On avait des sous-marins parce que les autres en avaient, mais à ce moment-là, en août
21:31 1914, on ne savait pas trop quoi en faire.
21:34 Au début de la guerre, la marine allemande possède déjà 28 sous-marins, et elle compte
21:42 bien s'en servir.
21:43 Même si ces machines sont encore assez mal connues, un certain nombre de marins se portent
21:49 volontaires pour combattre à leurs bords.
21:50 Les commandants étaient des hommes assez jeunes, entre 20 et 30 ans, et c'était pareil
22:07 pour le reste de l'équipage.
22:09 En général, ils étaient tous jeunes.
22:13 Ça attirait ceux qui avaient un tempérament aventureux, téméraire, un peu pirate, les
22:22 gars qui aimaient prendre des risques, qui se fichaient totalement des conventions et
22:26 qui n'avaient pas peur de voir un cuirassé foncer sur eux à toute vitesse.
22:30 Aussi difficile que périlleuse, la mission est un véritable défi technique, marin et
22:37 militaire.
22:38 Sans parler de l'aménagement intérieur qui, dans un sous-marin de la première guerre
22:44 mondiale, est tout sauf confortable.
22:46 Cet étroit cylindre de métal peut contenir 24 membres d'équipage, coincés entre l'étorpille
22:53 et le moteur diesel.
22:54 Les premiers temps, il n'y avait pas de chauffage, et ça sentait le carburant, parce qu'il
23:06 devait allumer le diesel quand la mer était agitée et les gaz étaient évacués directement
23:11 dans l'habitacle.
23:12 Les hommes ne pouvaient pas se doucher parce que l'eau était rationnée.
23:19 Et aux toilettes, ils devaient faire vite parce qu'il n'y avait qu'un seul WC pour
23:26 24.
23:27 Originaire de Hambourg, Michael Zetzer a été sous-marinier dans l'armée allemande.
23:34 D'abord comme jeune officier de car au début des années 80, puis comme commandant du U-27
23:40 et du U-14 du temps de la guerre froide.
23:43 Aujourd'hui, il est président de l'association des sous-mariniers allemands.
23:47 A l'époque de la première guerre mondiale, les navires submersibles ont des équipages
23:53 100% masculins.
23:55 Leur accès est strictement interdit aux femmes.
23:58 Il faut dire qu'au sein de l'armée, les sous-mariniers jouissent d'une réputation
24:02 un peu particulière.
24:03 Les amiraux des cuirassés n'avaient que du mépris pour les sous-mariniers.
24:09 Ils les trouvaient répugnants.
24:11 Et pour être franc, c'est vrai qu'ils l'étaient.
24:15 Parce qu'ils travaillaient dans des petits habitacles confinés où l'air était vicié.
24:19 Souvent, ils se vomissaient dessus.
24:21 Et la plupart des sous-marins n'avaient même pas de toilettes.
24:25 Donc oui, ils étaient assez peu ragoûtants et ils sentaient mauvais.
24:28 Très vite, les éclaireurs se transforment en chasseurs.
24:35 Les submersibles allemands cherchent à forcer le blocus des britanniques en s'attaquant
24:40 principalement à leurs cargos et à leurs navires marchands.
24:42 Le 22 septembre 1914, le commandant de sous-marins Otto Wedigen réussit un coup inattendu.
24:53 À bord du U9, il parvient à couler pas moins de trois cuirassés britanniques regroupés
25:02 au large des côtes néerlandaises.
25:04 L'attaque fait 1459 victimes parmi les marins britanniques qui meurent noyés ou écrasés
25:14 par les débris de bateaux.
25:16 La Grande-Bretagne est sous le choc.
25:18 Que ce soit au sein de la Royal Navy ou de la société britannique, personne n'imaginait
25:28 qu'un sous-marin puisse causer autant de dégâts.
25:30 Le public était sidéré qu'on puisse faire disparaître des centaines de vies aussi
25:35 brusquement avec une simple torpille sortie de nulle part.
25:38 En Allemagne, ça a déclenché un véritable engouement pour les sous-marins et la naissance
25:46 d'un mythe qui a perduré pendant toute la Première Guerre mondiale.
25:49 Du jour au lendemain, tout le monde s'est mis à croire que les Allemands possédaient
25:55 une arme miracle capable de vaincre l'Angleterre.
25:58 À l'époque, la prestigieuse flotte hauteurrière était clouée à quai.
26:04 Des chansons populaires commençaient même à s'en moquer.
26:08 "Chère patrie, dors tranquille, nos navires sont immobiles."
26:11 Et soudain, le sous-marin est apparu et a montré de quoi il était capable.
26:16 Et Otto Wedigen est devenu l'incarnation de ce renversement de situation.
26:20 Les sous-mariniers allemands sont fêtés comme des héros dans leur pays.
26:27 Et les commandants acquièrent un peu partout une image de chasseurs silencieux.
26:32 "Après avoir accompli des actes héroïques, ils se sont prêtés au jeu de la personnification.
26:41 Ils ont accepté de devenir les symboles vivants du succès.
26:45 Aujourd'hui, on pourrait dire qu'ils ont fait une campagne de communication.
26:49 On savait avec exactitude combien de navires, combien de tonnages ils avaient coulé.
26:57 Leurs exploits militaires étaient mesurés à la virgule près.
27:00 Comme les résultats d'une compétition.
27:03 D'ailleurs, on retrouvait ce côté sportif chez les commandants de sous-marin.
27:07 Ils étaient tous jeunes, célibataires, élégants, charismatiques.
27:10 En fait, c'était un peu les boys-band de l'époque."
27:16 Ce nouveau statut de héros est bien loin de la réalité et du danger que ces équipages affrontent à chacune de leurs opérations.
27:26 A la base navale des Kornfurde, située sur la mer Baltique près de Kiel, la première escadre de sous-marins prépare la relève.
27:34 Depuis deux ans, son centre de formation est doté d'un simulateur de pilotage dernier cri et absolument unique en son genre.
27:42 Il est capable de reproduire tous les mouvements et les positions d'un sous-marin.
27:46 Tous ceux qui souhaitent embarquer un jour à bord d'un navire submersible de la Marine Nationale doivent d'abord se faire la main sur cet appareil.
27:54 "Un équipage de sous-marins est composé de 29 hommes et femmes et chacun est essentiel.
28:02 Ça veut dire qu'on ne peut se permettre ni d'avoir un doublon à bord, ni qu'un officier spécialiste en forme un autre une fois qu'on est en mission en mer."
28:14 Dans le poste de commandement, reproduit à l'identique, les futurs officiers spécialistes apprennent à localiser un sonar.
28:21 "Un sous-marin n'a pas de hublot. Ça ne servirait pas à grand chose parce qu'il fait plutôt sombre dans les fonds marins.
28:32 En revanche, il y a des capteurs spéciaux qui entendent et enregistrent aussi bien les sons dans l'eau que les bruits à la surface."
28:39 La localisation de signaux acoustiques fait partie des missions les plus importantes d'un sous-marin.
28:47 Autre rôle essentiel à bord, l'officier de car.
28:51 Même si aujourd'hui ce poste reste majoritairement occupé par des hommes, un certain nombre de femmes suivent également la formation.
28:59 "Comme le commandant ne peut pas être aux manettes 24h/24, c'est l'officier de car qui le supplé pour les manœuvres et les opérations en mer.
29:09 Donc je dirige le car, je décide du cap et de la vitesse.
29:14 Autrement dit, c'est par moi que passent toutes les informations opérationnelles."
29:20 Au bout d'un an de formation sur la terre ferme, il est temps pour les élèves de mettre leur connaissance en pratique, y compris dans les situations d'urgence.
29:29 "Dans un sous-marin, un incident peut vite devenir mortel.
29:39 Imaginez un incendie par exemple. Le feu consomme l'oxygène qui se trouve dans l'air.
29:45 Donc s'il se produit en vase clos, il va forcément être beaucoup plus dangereux que dans un lieu qui dispose d'une fenêtre, d'une porte, d'une cloison coupe-feu ou d'un système d'aération vers l'extérieur."
30:01 Lors de ces deux semaines de formation et d'examens en immersion, les élèves doivent se servir de leurs acquis, mais aussi apprendre à travailler en équipe.
30:11 Leçon du jour, les manœuvres tactiques au périscope. Les élèves utilisent l'instrument pour la première fois.
30:26 "C'est un report avec des sérums d'émergence. On commence sur le phénomène de gauche 30, 1150..."
30:34 Ces deux semaines en mer correspondent à la phase pratique. On les forme à la sécurité, au maniement du périscope, à la technique ou aux manœuvres pour les officiers de pont.
30:48 Et ils sont testés tous les jours.
30:52 "On va faire un test de vitesse."
30:54 "Vite à 40 mètres."
30:58 L'officier de car est le seul à avoir un aperçu de l'extérieur. Tout repose donc sur ses mesures et sur ses observations.
31:09 "Aux taupes, aux taupes, en blanc."
31:14 "39 bars."
31:22 "1, 2, 3, 4, on va faire des blagues."
31:29 Lors de cette mise en pratique, plus d'un élève atteint ses propres limites. Force est de constater que l'entraînement sur simulateur n'a pas grand-chose en commun avec l'intervention dans un vrai sous-marin.
31:40 Entre 1914 et 1918, la guerre maritime est d'une férocité qui n'a rien à envier à celle du conflit qui sévit sur le continent européen.
31:52 Les sous-mariniers allemands ont la réputation d'être des barbares sans foi ni loi qui coulent les cargos britanniques avec tout leur équipage.
31:59 "Il y a aussi eu des phases où la réglementation militaire et le droit international ont été respectés."
32:05 "Le navire était arrêté et contrôlé par le sous-marin, son équipage se mettait à l'abri, puis il se faisait s'aborder."
32:11 "C'était la procédure et les commandants de sous-marins ont accepté de s'y plier."
32:18 Mais pour les stratèges allemands, ces engins submersibles doivent exploiter pleinement leur capacité à attaquer par surprise.
32:25 "Les amiraux allemands ont commencé à prendre part à ces débats houleux."
32:37 "D'après eux, il fallait écraser la Grande-Bretagne, la Perfide Albion, par tous les moyens et sans aucune limite."
32:46 L'Allemagne déclare la guerre sous-marine totale et sans sommation à trois reprises.
32:51 Elle coule alors plus de 3000 navires marchands et bateaux de pêche.
32:55 De façon assez symptomatique, c'est donc le sous-marin allemand qui engendre cette nouvelle façon de faire la guerre en mer.
33:09 "À cause de cette manière d'attaquer en cachette et sans sommation, la guerre sous-marine allemande a été perçue comme fourbe et contraire à l'éthique militaire."
33:21 "Au bout d'un moment, c'est devenu comme un jeu de bataille navale pour les sous-mariners."
33:32 L'objectif principal est de couler le plus de tonnage possible pour empêcher la Grande-Bretagne d'être ravitaillée en matière première.
33:39 Et tant pis si des équipages entiers et de nombreux jeunes matelots doivent sombrer avec.
33:45 Cette guerre fera près de 15 000 victimes parmi les marins britanniques.
33:56 La propagande des britanniques et des alliés fait du sous-marin allemand le symbole de la perfidie, de la cruauté et de l'inhumanité.
34:03 Elle ne manque pas une occasion de revenir sur les attaques menées contre les civils innocents et les paquebots tels le Lusitania.
34:19 "En février 1915, les allemands ont établi une zone de guerre tout autour de la Grande-Bretagne, où chaque navire, les britanniques, pas les neutres, seraient coulés sans avertissement.
34:30 C'était une sorte de contre-blocus en réaction à celui que leur imposaient les britanniques.
34:36 Et en effet, ils ont commencé à couler des navires sans sommation, y compris des paquebots de croisière, car ceux-ci pouvaient être utilisés à des fins militaires.
34:48 Profondément marqué par le sabordage du Lusitania, le président américain Woodrow Wilson commence à revoir ses positions concernant la non-intervention de son pays dans le conflit.
34:58 La guerre sous-marine totale des allemands joue un rôle déterminant dans sa décision d'entrer en guerre, en 1917.
35:12 Les ressources considérables des Etats-Unis modifient le rapport de force en Europe au profit des alliés, notamment de la France et du Royaume-Uni.
35:22 Chasseurs devenus gibiers, les sous-marins allemands subissent de plus en plus de pertes.
35:29 Ils se font anéantir à coups de canons et de grenades sous-marines.
35:37 Les victimes de cette guerre maritime totale sont désormais les sous-mariniers eux-mêmes.
35:46 Malgré leur engagement sans faille, malgré toutes ces semaines passées dans des tubes de métal exigus aux équipements rudimentaires, souvent au péril de leur vie, ils ne sont pas en mesure de faire basculer le conflit.
36:05 Une des différences fondamentales entre les sous-mariniers de la Première Guerre mondiale et ceux d'aujourd'hui, c'est que ceux de la Première Guerre subissaient une énorme pression psychologique.
36:16 Ils savaient pertinemment que les chances de rentrer chez eux sains et saufs étaient très minces.
36:23 Environ 5000 sous-mariniers allemands sont morts au cours de la Première Guerre mondiale.
36:33 Sur les 300 sous-marins que possédait l'Empire allemand, 184 ont coulé.
36:38 Malgré quelques succès, la prétendue « arme miracle » n'aura pas été décisive dans cette guerre maritime.
36:47 Après la capitulation de l'Allemagne, plusieurs de ces sous-marins sont saisis par les Britanniques et leurs équipages gardés en captivité.
36:56 Les puissances victorieuses s'intéressent particulièrement au système de propulsion extrêmement efficace des engins allemands.
37:03 Le 11 novembre 1918, la signature d'un armistice met fin au combat.
37:11 À Paris, comme dans tous les autres pays alliés, tout le monde fête la fin de la guerre.
37:16 Un sous-marin amarré en bord de Seine est même ouvert au public.
37:24 Le traité de Versailles, signé en juin 1919, met officiellement fin à la guerre et détermine les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne.
37:32 Celle-ci se voit imposer, entre autres, des restrictions sévères au sein de sa marine.
37:37 Le nombre de ses cuirassés est désormais limité à 6, et il lui est formellement interdit de construire ou de posséder des sous-marins.
37:49 D'ailleurs, faut-il continuer à utiliser le submersible comme arme de guerre ? Sur ce point, les avis des différentes nations sont très partagés.
37:57 On a totalement interdit aux Allemands d'avoir des sous-marins, d'en piloter ou même d'en fabriquer sur leur territoire.
38:05 Ils ont disparu du paysage. D'ailleurs, les Britanniques ont cherché à les faire interdire partout, mais n'ont pas réussi.
38:13 Pour faire court, c'était une arme abominable qui ne méritait pas d'exister.
38:19 Mais dans les pays qui avaient une marine plus réduite, qui espéraient rivaliser avec la flotte britannique et rétablir un certain équilibre dans les forces militaires, on préférait garder ses sous-marins.
38:30 Et c'est ce qui s'est passé.
38:32 Dans les marines des nations belligérantes, les officiers généraux commencent à mesurer l'importance stratégique des sous-marins et leurs avantages par rapport aux énormes cuirassés.
38:45 Au cours des deux décennies suivantes, les Etats-Unis poursuivent activement la construction et l'armement de leurs submersibles.
38:57 Parallèlement à la recherche militaire, et comme souvent en matière de technologie, on a étudié les possibilités d'application dans le civil.
39:09 Parce que la plongée présentait aussi un intérêt purement scientifique.
39:15 Comment l'humain pouvait-il survivre, de quelque manière que ce soit, dans un élément aussi hostile que l'eau ?
39:21 Aller au fond des choses, et si possible des océans, c'est exactement ce dont rêve l'ornithologue et naturaliste américain William Beebe.
39:33 Dès 1925, il commence à plonger pour observer de ses propres yeux les habitants de la mer.
39:42 Équipé d'un casque de sa propre invention.
39:45 En 1929, il s'associe à l'ingénieur Otis Barton pour construire un submersible sphérique qu'il nomme Batysphère.
39:57 La boule d'acier, qui mesure 1,50 m de diamètre, est descendue sous l'eau à l'aide d'un câble.
40:07 A l'intérieur se trouvent des bouteilles d'oxygène pour respirer et une ligne téléphonique pour communiquer avec l'extérieur.
40:14 Une fois dans les profondeurs, les deux hommes éprouvent un émerveillement qui balaye aussitôt toutes leurs craintes.
40:22 Ils découvrent avec fascination un monde que personne n'avait jamais vu avant eux.
40:30 Les incroyables créatures des grands fonds leur donnent envie de pousser encore plus loin l'exploration de cet univers sombre et inconnu.
40:37 En 1934, les deux Américains établissent un nouveau record de profondeur en descendant à 923 m.
40:56 Pendant ce temps, le Führer, fraîchement autoproclamé du Troisième Reich, poursuit un objectif bien différent.
41:02 Si la marine allemande cherche désormais à réactiver ses sous-marins, elle n'a pas besoin de tout reprendre à zéro pour autant.
41:09 En effet, depuis le traité de Versailles, les responsables militaires ont continué à développer leur submersible en secret.
41:16 Mais Adolf Hitler s'y intéresse assez peu.
41:21 Pour Hitler, la guerre, c'était terrestre. Pendant la Première Guerre mondiale, il avait été soldat dans l'armée de terre.
41:28 D'ailleurs, son aide de camp avait confié qu'Hitler trouvait la mer inquiétante, qu'il était toujours malade en bateau et que l'eau n'était vraiment pas son élément.
41:36 De manière générale, il ne comprenait pas grand-chose aux questions de marine.
41:42 Dans les années 30, le sous-marin reste toutefois un moyen de propagande très populaire auprès des Allemands.
41:50 Et ce, malgré le fait que cette arme n'ait pas réussi à infléchir durablement le cours de la Première Guerre mondiale, et que de nombreux sous-mariniers ne soient jamais revenus vivants.
41:59 En 1933, le film "L'Aube" de Gustav Utsitski sort en salle.
42:07 Ce drame, situé à bord d'un sous-marin, montre des hommes courageux et patriotes, et n'hésite pas à glorifier la mort héroïque de deux d'entre eux.
42:18 Le film donne naissance à un nouveau genre cinématographique, centré sur les sous-marins et leurs équipages.
42:24 C'était une représentation très positive de la guerre sous-marine.
42:33 Tout au long des années 20 déjà, on avait cessé de mettre en avant les performances militaires.
42:39 On essayait de maintenir cette aura de prestige et les sous-marins y contribuaient.
42:45 Le moyen était bon pour célébrer nos grands héros de la Grande Guerre. C'était comme si on l'avait gagné.
42:50 En principe, un sous-marinier n'a rien de spectaculaire.
42:57 Mais comme très peu de gens ont eu l'occasion de monter à bord d'un sous-marin, une sorte de mythe s'est créée.
43:08 Et les équipages n'ont rien fait pour le démentir.
43:14 Au contraire, leur franche camaraderie et leur esprit de corps n'ont fait que l'alimenter.
43:21 Les chantiers navals, comme celui de Kiel, reprennent la construction de sous-marins dès la fin de l'année 1933.
43:34 D'abord en cachette, puis à partir de 1935 au grand jour.
43:40 Pour remplacer leurs prédécesseurs de la Première Guerre mondiale, on crée les modèles de type 7.
43:45 En matière de profondeur d'immersion, de rayons d'action et de vitesse de propulsion, c'est le nec plus ultra.
43:52 Notamment le fameux 7C.
43:55 Ça a été le type de sous-marin le plus important de la Seconde Guerre mondiale.
44:09 Au départ, il naviguait surtout en surface.
44:11 C'était vraiment rare qu'il plonge.
44:14 Ça se voit particulièrement à la forme de la coque.
44:19 Si on regarde celui qui est exposé sur la plage de Labeux, près de Kiel, on voit que la proue a la même forme que celle d'un navire classique.
44:27 Elle ressemble à une lame de couteau, comme pour fendre les vagues à la surface.
44:38 Le premier sous-marin de ce type est lancé en avril 1940.
44:41 Il mesure près de 67 mètres de la poupe à la proue.
44:45 Sa construction prend 21 mois.
44:49 Afin d'en produire beaucoup et le plus vite possible, plus d'une dizaine de chantiers navals, d'Amdon à Danzig, sont mis à contribution simultanément.
45:07 Ici, on est dans la salle des moteurs diesel.
45:10 Il y en a deux identiques, d'une puissance maximale de 1 400 chevaux, qui servaient à la navigation en surface.
45:18 Grâce à eux, le sous-marin pouvait atteindre une vitesse de 17 nœuds, soit environ 30 km/h.
45:25 Donc là, on se trouve à l'étage des machines qui procuraient la vitesse.
45:29 Mais en temps normal, les submersibles les utilisaient avec la plus grande parcimonie.
45:36 Parce qu'il fallait toujours veiller à économiser le carburant.
45:39 On ne poussait l'engin à la vitesse maximum que pour des raisons tactiques, quand on voulait poursuivre un ennemi ou lui échapper.
45:46 Sinon, on se contentait d'avancer à 6 ou 7 nœuds, c'est-à-dire moins vite qu'un vélo.
45:53 Ce cylindre exigu peut accueillir jusqu'à 52 membres d'équipage.
46:01 Mais son habitacle de 4,5 m de diamètre est rempli en majeure partie de matériel technique et de torpilles.
46:07 Cette porte étanche sépare le central des postes situés à l'avant.
46:17 Un sous-marin de type 7C est divisé en trois compartiments étanches.
46:23 Ils sont séparés les uns des autres par le même genre de porte, qui résiste à la pression.
46:30 Celle qui se trouve derrière moi, par exemple, est capable de supporter sans problème la pression à 100 m de profondeur.
46:36 C'est particulièrement important quand il y a une voie d'eau dans l'un des compartiments et que l'on n'arrive pas à l'obturer.
46:44 Dans ce cas, le sous-marin devient tellement lourd que fatalement il coule.
46:49 Quand ça se produit, l'officier de car doit tout mettre en œuvre pour ramener immédiatement le submersible à la surface.
46:59 En clair, vidanger par tous les moyens possibles.
47:02 Autrement dit, chasser de l'air à très haute pression dans les ballastes pour permettre au sous-marin de remonter.
47:09 Le 1er septembre 1939, l'invasion de la Pologne déclenche la Seconde Guerre mondiale.
47:17 Dans la baie de Danzig, le navire-école Schleswig-Holstein bombarde des cibles situées sur la terre ferme.
47:24 La marine d'Adolf Hitler n'est pas encore prête pour la guerre.
47:29 Sur mer, les Allemands étaient très faibles.
47:32 Leur armée de terre était très puissante, mais pas leur marine.
47:36 Donc, le sous-marin leur a semblé être la meilleure solution.
47:39 Grâce à lui, ils ont pu acquérir une importance militaire considérable et donner l'impression de constituer une véritable menace.
47:46 Deux jours à peine après le début de la guerre, les sous-marins allemands vont prouver que cette menace n'est pas qu'une impression.
47:54 Le paquebot Athénia a quitté le port de Glasgow en temps de paix et se dirige à présent vers Montréal.
47:59 Plus de 1000 passagers se trouvent à son bord.
48:02 Ce bateau n'aurait jamais dû couler, même selon les règles des Allemands.
48:07 Parce qu'ils essayaient malgré tout de respecter certains protocoles, comme celui de ne pas attaquer les paquebots dans certaines zones délimitées.
48:14 Le 3 septembre 1939, le sous-marin allemand U-30 patrouille au large de la côte nord de l'Irlande.
48:23 Au cours de l'après-midi, le commandant Fritz Julius Lemp, âgé de seulement 26 ans, aperçoit l'Athénia qui navigue sous pavillon britannique.
48:32 Il soupçonne le navire de transporter des troupes, sans chercher pour autant à en avoir le cœur net.
48:38 À 19h40, il tire plusieurs torpilles sans sommation.
48:42 L'une d'entre elles atteint son but, causant la mort de 118 personnes dans les eaux glacées de l'Atlantique.
48:50 Les survivants sont secourus par des bateaux de différentes nationalités.
48:53 Le seul à ignorer les signaux de détresse est un paquebot allemand, en violation totale du droit international.
49:00 Ces questions de droit international, à quel moment un sous-marin a le droit de couler un navire, les conditions d'un blocus, ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas,
49:09 au fond, tout ça n'a joué aucun rôle pendant la Seconde Guerre mondiale.
49:13 Assez vite, tout le monde s'est mis à couler, tout le monde.
49:19 De plus en plus de sous-marins sortent des chantiers navals du Reich.
49:23 Si les militaires s'intéressent principalement à la rapidité et à la puissance de feu des submersibles,
49:28 il en va autrement des scientifiques, tels que l'aéronaute et physicien suisse Auguste Piccard.
49:35 Pour lui, l'essentiel est d'aller plus loin et plus profond dans les abysses inexplorés des océans.
49:42 Il souhaite conquérir les fonds marins, comme il a déjà conquis la stratosphère à l'occasion de vols expérimentaux.
49:49 Il est convaincu que si son aérostat pressurisé a pu monter aussi haut, il doit pouvoir plonger très bas.
50:05 En 1939, Auguste Piccard commence par tester la résistance de sa capsule à la pression hydraulique.
50:12 Il pose ainsi les bases d'une aventure qui, quelques années plus tard, permettra à son fils Jacques de battre le record du monde de plongée.
50:22 Hélas, la Seconde Guerre mondiale interrompt temporairement les ambitieuses recherches du savant suisse.
50:29 Dès 1939, la guerre sous-marine est sans pitié.
50:39 Les submersibles allemands enchaînent les victoires grâce à leur tactique dite de la meute, qui consiste à attaquer en masse comme des loups.
50:48 Seul le décryptage des communications radios permet aux alliés de retourner la situation.
50:58 En cherchant à explorer toujours plus avant le monde mystérieux des océans,
51:03 les pionniers de la recherche scientifique ont établi des records de plongée spectaculaires.
51:08 Forts de ces nouvelles performances et du développement en parallèle de gigantesques modèles équipés d'armes nucléaires,
51:16 le sous-marin n'a décidément pas dit son dernier mot.
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