Jean Mabire (1927-2006) est l’auteur d’une œuvre considérable (une centaine de livres) dont les horizons sont extraordinairement variés : Normandie, Europe, Asie, Grand Nord… Chantre des patries charnelles, des héros et des dieux, il eut à cœur de rappeler à la jeunesse française et européenne sa plus ancienne mémoire, de lui enseigner la vaillance et la tenue, le sens de l’action et de la contemplation. L’Association des amis de Jean Mabire (1 rue de l’Église, Baulne-en-Brie, 02230 Vallée-en-Champagne), édite régulièrement un magazine dédié à sa mémoire (études sur son œuvre, actualités, etc.).
Parmi ses amis, nous avons réuni Philippe Randa, éditeur (Dualpha) et romancier dont les livres sont principalement édités au Fleuve noir et aux Presses de la cité, Franck Buleux, enseignant, essayiste ("L’unité normande", L’Harmattan, et les Qui suis-je ? sur Savitri Devi et Jacques de Mahieu aux Éditions Pardès) et Laurent Schang, écrivain et journaliste à Eléments ("Constat d’Occident", "Alexipharmaque" éditeur Le Polémarque).
Parmi ses amis, nous avons réuni Philippe Randa, éditeur (Dualpha) et romancier dont les livres sont principalement édités au Fleuve noir et aux Presses de la cité, Franck Buleux, enseignant, essayiste ("L’unité normande", L’Harmattan, et les Qui suis-je ? sur Savitri Devi et Jacques de Mahieu aux Éditions Pardès) et Laurent Schang, écrivain et journaliste à Eléments ("Constat d’Occident", "Alexipharmaque" éditeur Le Polémarque).
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00:26 Bienvenue dans cette nouvelle émission des "Idées à l'endroit"
00:30 aujourd'hui consacrée à Jean Mabir,
00:32 écrivain, essayiste, historien, romancier.
00:37 Il nous laisse une œuvre considérable, une centaine de livres,
00:40 et une œuvre extraordinairement variée.
00:44 On songe, lorsque l'on est un lecteur de Jean Mabir,
00:47 au premier chef à sa Normandie, à sa chère Normandie,
00:50 mais Jean Mabir c'est aussi un homme d'Europe,
00:54 l'Europe en particulier des éveilleurs de peuple,
00:57 celle de Patrick Peirce, l'Europe irlandaise.
01:00 Jean Mabir c'est aussi un homme de l'Asie,
01:03 auquel on pense peu souvent, l'Asie des samouraïs,
01:07 l'Asie du baron fou, Ungern-von Sternberg.
01:12 Et puis peut-être par-dessus tout, Jean Mabir c'est l'homme du Nord,
01:16 un Nord certes géographique, mais aussi un Nord polaire,
01:21 le Nord de l'étoile, le Nord du mythe.
01:25 Ce n'est pas parler évoquant le mythe, ce n'est pas parler de fable,
01:29 mais c'est aussi parler de direction philosophique,
01:34 de direction poétique, peut-être même de direction métaphysique.
01:38 C'est pour évoquer sa mémoire, c'est pour évoquer l'ensemble de ses ouvrages
01:45 que j'ai convié aujourd'hui à venir évoquer Jean Mabir, Philippe Randa.
01:51 – Bonjour.
01:52 – Philippe Randa, vous êtes écrivain,
01:54 vous avez publié de très nombreux ouvrages,
01:56 essentiellement aux éditions non du fleuve noir,
02:00 mais aussi aux presse de la cité,
02:02 "Romans d'espionnage", "Romans policiers",
02:03 "Romans d'anticipation", "Romans de science-fiction".
02:06 Vous êtes également éditeur, puisque vous présidez
02:08 au destiné de la maison d'édition, du ALPHA,
02:11 et il se trouve que vous avez édité et réédité Jean Mabir.
02:15 J'aurai l'occasion à la fin de cette émission
02:17 de présenter un certain nombre d'ouvrages.
02:20 Avec nous également Franck Buleu.
02:22 – Bonjour.
02:23 – Franck Buleu, vous êtes enseignant, essayiste,
02:26 vous avez publié notamment un ouvrage sur l'unité normande,
02:30 aux éditions "L'Armatan".
02:32 Vous êtes également biographe,
02:34 vous avez publié dans l'excellente collection "Qui suis-je ?"
02:37 chez Pardes, un ouvrage consacré à Savitri Dévy,
02:40 un autre consacré à Jacques de Mailleu,
02:42 et vous avez été pendant 4 ans, de 2018 à 2022,
02:47 président de la société des écrivains normands.
02:49 Il sera beaucoup question de normandie dans cette émission,
02:52 en tout cas pour commencer.
02:53 Avec nous également Laurent Chang.
02:55 Laurent Chang, vous êtes journaliste à la revue "Eléments",
02:59 spécialiste d'histoire militaire.
03:02 Vous avez publié plusieurs ouvrages également,
03:05 en recueil de nouvelles, "Constat d'Occident",
03:08 c'est aux éditions Alexis Farmac.
03:10 Vous avez également publié deux biographies,
03:13 l'une consacrée au grand maître et au fondateur de l'Aïkido,
03:18 Ueshiba, c'était aux éditions Pygmalion,
03:21 et également aux éditions Perrin,
03:22 une somme biographique sur le feldmaréchal von Hundstedt.
03:27 – Exactement, bonjour.
03:29 – Bonjour, et vous avez également vous-même connu Jean Mabir,
03:33 vous avez réalisé un certain nombre d'entretiens avec lui.
03:36 Donc Jean Mabir nous sera bien sûr très présent,
03:40 y compris par la mémoire et par le souvenir.
03:44 Alors Franck Bulle, la Normandie, je le disais,
03:47 est au point de départ en quelque sorte,
03:50 et peut-être au point d'arriver aussi en un certain sens,
03:52 de l'œuvre de Jean Mabir.
03:54 C'est une œuvre d'un homme enraciné,
03:57 c'est l'œuvre d'un homme des patries charnelles,
04:01 des patries organiques, des peuples charnels,
04:03 j'évoquais les éveilleurs de peuples.
04:05 Comment peut-on comprendre cet enracinement de Jean Mabir
04:10 et cet enracinement normand singulièrement ?
04:13 Qu'était la Normandie à ses yeux ?
04:15 – Une sorte de territoire d'éveil justement,
04:23 pas la Normandie en tant que telle.
04:25 Jean Mabir est né à Paris,
04:28 Jean Mabir aurait pu être alsacien,
04:31 il aurait pu être écossais, il aurait pu être catalan,
04:34 mais il avait cette envie de Normandie
04:40 parce qu'il en était originaire,
04:42 parce qu'il était de famille entre Vire et Cherbourg,
04:47 entre la Manche et le Calvados.
04:50 Et la Normandie l'avait choisie,
04:56 ce n'est pas lui qui avait choisi la Normandie.
04:59 Ses textes les plus intéressants
05:01 sont des textes sur justement ce que vous disiez,
05:04 sur les éveilleurs, pas que sur la Normandie.
05:07 – Bien sûr, bien sûr.
05:08 – Il faut vraiment sortir Jean Mabir de la Normandie
05:11 pour au mieux justement le recadrer après en tant que normand.
05:15 – Oui.
05:15 – C'est un homme qui a toujours,
05:19 dans son "nationalisme" que je vais mettre entre guillemets,
05:23 il n'a jamais cherché ce nationalisme jacobin,
05:26 ce nationalisme qu'on pourrait appeler…
05:30 – Abstrait.
05:31 – Abstrait, ou à son époque le nationalisme tsidos,
05:35 puisque j'ai écrit une biographie sur Tsidos.
05:38 Donc, mais un nationalisme enraciné,
05:41 un nationalisme que l'on pourrait qualifier aujourd'hui de ruralité.
05:48 Je crois que c'est un mot qui revient à la mode,
05:51 l'expression est un petit peu désuète,
05:54 mais c'est cette ruralité, ce retour à la terre,
05:58 au sens d'inspiration, au niveau des paysages.
06:02 Mabir, c'est le lavarende du peuple.
06:08 – Pourquoi lavarende du peuple ?
06:08 Parce qu'on pourrait songer, il a écrit d'ailleurs un essai sur lavarende,
06:11 j'aurais l'impression d'y revenir.
06:15 Est-ce que c'est, selon vous, une manière de le distinguer du "nationalisme"
06:19 avec des guillemets là encore de lavarende,
06:21 qui était lui d'orientation plus classique, plus traditionnelle,
06:24 c'est-à-dire plus monarchiste, effectivement.
06:27 Ce n'était pas du tout le cas de Jean Mabir.
06:29 Quand vous parlez de peuple, c'est un mot, je crois, important concernant Jean Mabir.
06:34 Il ne s'intéresse pas du tout aux États,
06:37 enfin en tout cas, il ne considère pas que l'origine de la cité, de la police,
06:43 dépend de la constitution de l'État,
06:45 de ce que l'État va faire d'un peuple en quelque sorte.
06:47 Mais ce qui est premier, c'est précisément le peuple.
06:50 Il y a quelque chose, en ce sens, de profondément populaire chez Mabir.
06:54 On va retrouver chez lavarende le côté aristocratique,
06:59 et on va retrouver chez Mabir, dans les années 50,
07:03 c'est-à-dire lorsqu'il lance la revue "Viking" en 1949,
07:08 on va retrouver ce besoin d'exaltation du peuple
07:12 au sens positif du terme, bien évidemment,
07:14 c'est-à-dire l'enracinement d'un peuple sur une terre,
07:19 dans un cadre, si j'ose dire,
07:23 de ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui, de manière très négative,
07:27 mais qui est positive dans ma bouche, de folklore.
07:29 – Oui. – Le folk.
07:30 – Oui, le folk, on l'entend. – Le folk au sens folklore.
07:33 C'est-à-dire ces communautés organiques,
07:35 ces communautés populaires qui font d'une population sur un territoire,
07:41 non pas un État, mais un peuple.
07:44 – Il serait bon peut-être de rappeler justement pour son enracinement normand,
07:48 une période de sa vie qui est assez occultée,
07:51 mais qui pour lui était extrêmement importante,
07:54 c'est les 10 ans qu'il a passés comme journaliste à la presse de la Manche.
07:57 – Absolument.
07:58 – Qui lui a permis, effectivement, dans les reportages qu'il faisait
08:02 sur le peuple normand, sur le petit peuple,
08:06 ou grand peuple, il n'y a pas que l'histoire,
08:09 ces 10 ans ont été pour lui extrêmement importants.
08:12 – Ça a été très formateur aussi.
08:14 – Ça a été extrêmement formateur,
08:16 et je pense que c'est ce qui l'a aussi beaucoup enraciné en Normandie.
08:20 Au bout de ses 10 ans, il a été appelé à aller à Paris,
08:24 c'était un peu l'ambition de tous les journalistes,
08:26 beaucoup de journalistes locaux,
08:28 donc lui est parti faire une autre carrière à Paris.
08:30 – Oui, au milieu des années 60.
08:32 – Voilà, des années 60, mais il a toujours effectivement été marqué
08:37 par ses 10 ans de journaliste à la presse de la Manche,
08:41 et pour lui, c'est une remarque qu'il m'avait fait,
08:44 c'est là où il a appris son métier, vraiment, à connaître les gens,
08:48 et ça lui a permis d'apprendre à écrire,
08:51 c'est-à-dire à fignoler son écriture et tout,
08:54 et après ça se ressent dans tous les livres qu'il a écrits,
08:56 que ce soit ensuite sur le Nord, sur l'histoire militaire,
09:00 ou sur des personnages, à chaque fois ça se rattache à une terre.
09:05 Pour lui c'était la Normandie,
09:06 après il a parlé de gens et d'autres terres bien sûr.
09:09 – Il y a quelque chose qui me paraît intéressant,
09:11 en particulier dans ce que vous dites,
09:12 vous avez insisté très justement sur la dimension terrienne,
09:16 Télérique, la Normandie,
09:18 la Normandie évidemment, la mer n'est pas loin,
09:21 c'est le moins que l'on puisse dire,
09:22 il y a aussi dans cet enracinement de Jean Mabir,
09:27 quelque chose de maritime.
09:28 – Énormément.
09:28 – C'est très important.
09:29 – Énormément de textes sur les marins, qui sont d'ailleurs moins connus,
09:34 qu'il a d'ailleurs écrit avec Mme Mabir,
09:37 Catherine Antique, qu'on peut saluer.
09:39 – Oui, tout à fait.
09:40 – Et toujours cette recherche vers les pôles,
09:44 toujours cette aventure, le normand,
09:48 le normand c'est d'abord quelqu'un qui aime la mer.
09:53 – D'où la fascination et tous les livres que Jean Mabir a écrits
09:56 sur les vikings, forcément, qui sont indissociables de la Normandie.
09:59 – Et la première revue viking, qui est quasiment mythique.
10:02 – Également, et petite anecdote, petite parenthèse que je referme tout seul,
10:06 ses deux fils étaient tous les deux marins,
10:09 enfin navigateurs exactement, navigateurs et sous-marins.
10:12 Il a fait "Pêcheur du Cotentin" sur reportage.
10:15 Mais je pense que tout ça, ça fait participe de son amour,
10:19 de son arracinement pour la Normandie.
10:21 On ne peut pas dissocier Mabir de tout le reste de ses livres,
10:24 quel qu'il soit, sans le rattacher à une terre.
10:28 – Moi j'ai lu récemment, alors ça peut ne rien avoir à voir,
10:34 et pourtant, le dernier bouquin de Tesson.
10:39 – Avec les fées.
10:40 – Avec les fées, c'est du Mabir, mais limité au peuple, on va dire celte.
10:46 On ne va pas jusqu'en Islande, mais on n'est pas loin.
10:50 Et quand j'ai lu ce magnifique essai,
10:56 entre le… quand il nous parle du menhir face au calvaire,
11:02 on retrouve également cet enracinement entre paganisme et catholicisme
11:07 que l'on retrouvera chez Mabir.
11:08 – Alors ça, on va y venir bien entendu, parce que c'est un élément très important.
11:12 – Je voulais le… disons qu'en lisant Tesson, j'ai retrouvé du Mabir.
11:17 Voilà. – D'accord.
11:20 Laurent Chang, on a évoqué la terre, la mer, la Normandie.
11:24 Il y a chez Mabir, me semble-t-il, contrairement aux idées reçues,
11:28 peut-être, qui le verraient précisément,
11:30 et c'est toujours en risque quand on parle d'enracinement, évidemment,
11:33 mais quelque chose de… la perception d'un enfermement,
11:38 éventuellement quelque chose d'assez réduit, or pas du tout.
11:41 Il y a… j'ai évoqué au début… – C'est tout le contraire.
11:43 – C'est tout le contraire.
11:44 J'ai évoqué ces grandes zones géographiques.
11:47 Il y a quelque chose d'aventurier et d'aventureux profondément chez Mabir.
11:52 À la limite, il me semblerait que l'on pourrait y voir, à sa manière,
11:56 un explorateur, que l'on pourrait voir en lui un explorateur,
11:59 un aventurier.
12:01 Vous êtes d'accord avec cet élargissement des horizons dans l'œuvre de Mabir ?
12:05 – Je vous dirais que quand on n'a pas de problème avec son enracinement,
12:08 quand on l'assume, quand on le vit pleinement,
12:11 son problème s'intéressait aux autres peuples, aux autres continents.
12:17 Jean Mabir était un ami de tous les enracinés,
12:21 quels que soient les peuples, quelles que soient les civilisations.
12:24 On en avait discuté.
12:27 On pourrait dire de lui que c'était aussi un ethniciste,
12:31 un ethnologue, mais littérairement parlant.
12:36 Il est certain que son intérêt pour l'Asie
12:41 contredit totalement l'image d'un vieil Européen
12:46 qui, effectivement, vit son enracinement comme une claustration.
12:51 – Alors justement, on peut vraiment bien connaître les autres,
12:55 leur culture ou leur passé, leur histoire,
12:58 que si on connaît bien son passé, son enracinement, sa terre.
13:01 – Bien sûr.
13:03 – Les gens qui refusent leur civilisation en disant
13:05 qu'il n'y a que la civilisation des autres,
13:07 s'ils ne connaissent pas leur civilisation, ils ne peuvent pas découvrir les autres.
13:10 Et quand on est très enraciné, quand on connaît bien sa civilisation, sa culture,
13:14 on découvre les autres civilisations où il n'y a absolument pas de hiérarchie,
13:18 il n'y a pas de chose, c'est enrichissant et non pas clivant.
13:21 – Absolument, et on évite toutes les dérives idéologiques
13:25 de ces fameuses personnes qui aiment l'autre pour ne pas aimer le prochain,
13:30 et pour ne pas s'aimer soi.
13:32 – C'est ça, on ne va aimer soi-même.
13:34 – Bien entendu.
13:34 – C'est le nomaseuchisme.
13:35 – Oui, oui, c'est ça, tout à fait.
13:37 Alors, vous avez évoqué l'Asie, peu importe,
13:40 on va faire des allers-retours, on va voyager,
13:42 on va explorer également l'œuvre de Mabir par ses grandes zones,
13:46 mais passons directement de la Normandie à l'Asie.
13:50 Vous m'avez confié Laurent Chanc que la découverte de Jean Mabir,
13:56 chez vous, était passée d'abord par ce prisme de l'Asie.
14:00 Alors, quelle Asie, en particulier, j'ai évoqué votre biographie de Ueshiba,
14:04 c'est un domaine que vous connaissez très bien,
14:06 quelle Asie selon Jean Mabir,
14:09 et pourquoi cette découverte première de son œuvre à travers ce prisme-là ?
14:15 – Ça s'est fait par le plus grand des hasards,
14:16 en vérité, je me suis rendu compte,
14:19 mais à postériori, que je lisais Jean Mabir depuis mon adolescence,
14:23 voire même, voire, pardon, à ma pré-adolescence,
14:27 quand j'achetais "Troupe d'élite",
14:28 ou quand mes parents m'achetaient "Homme de guerre",
14:30 mais à l'époque, bien sûr, j'étais trop jeune pour m'intéresser aux auteurs,
14:33 mais seulement après que je me suis rendu compte que je lisais déjà Jean Mabir,
14:40 petit à parté, ayant reçu un prix, une récompense au collège,
14:46 le collège m'avait attribué, entre autres livres,
14:48 "La Brigade Frankreich" de Jean Mabir, chose qu'on n'imagine plus de nos jours.
14:52 – C'est impensable aujourd'hui.
14:53 – Trop de temps, trop de versus.
14:56 Donc, comment je suis arrivé à Mabir ?
15:00 C'est par, effectivement, le version asiatique, c'est par Ungern.
15:04 – C'est par Ungern, le baron fou.
15:06 – Voilà, terme que lui-même récusait,
15:09 titre qui lui avait été imposé par sa première éditrice.
15:12 – Et titre qui a changé d'ailleurs lors de la réédition.
15:14 – "Le Dieu de la guerre", etc.
15:16 Et j'avais trouvé le livre dans une bouquinerie,
15:20 j'étais dans, jeune étudiant, j'étais dans ma période Malraux,
15:23 c'était Exupéry, Malraux, von Salomon, Laurence d'Arabie.
15:27 – La tentation de l'Occident, pourrait-on dire.
15:29 – Oui, on connaît tous "Le portrait de l'aventurier" de Roger Stéphane.
15:34 – Oui, très important.
15:35 – Et puis, en farfouillant chez mon bouquinis préféré,
15:37 je tombe sur la version de poche d'Ungern,
15:41 avec cette couverture très far-ouest,
15:43 je me laisse aller, et puis c'était parti.
15:47 Et puis, je l'ai lu, je l'ai relu même,
15:51 c'est assez rare que je relise des livres,
15:52 mais lui je l'ai lu plusieurs fois.
15:55 Et c'est après que j'ai contacté,
15:57 c'est sur cette base-là que j'ai contacté Jean Mabillan.
16:00 – Et que votre amitié, votre relation est née.
16:03 – Oui, je ne me permettrais pas de parler d'amitié,
16:07 je ne l'ai jamais appelé "maître Jean" par exemple.
16:12 – Oui.
16:12 – Je l'avais rencontré, mais je l'ai rencontré par le biais de dédicaces,
16:18 donc j'ai moins de légitimité que nos deux amis.
16:22 – Vous avez une légitimité littéraire.
16:23 – Voilà, mais parce qu'on a eu une longue correspondance
16:28 pendant plusieurs années, 5-6 ans,
16:30 on a vraiment eu une longue correspondance,
16:33 qui s'est faite également par le biais d'Ungern,
16:35 parce qu'ayant fait, je ne veux pas m'attarder,
16:38 mais ayant fait un stage dans un grand journal parisien,
16:42 j'avais commis un article sur Ungern,
16:47 à l'époque c'était les éditions des Cirque,
16:48 je crois qu'ils avaient publié un livre russe d'un certain Yusefovich
16:53 sur le baron sanglant, je crois le titre,
16:55 et j'avais bêtement dit que, je voulais citer Mabir,
17:00 mais j'avais mis que dans mon article que l'intérêt du livre de Yusefovich
17:04 était qu'à l'inverse de Mabir,
17:06 il se terminait par une grosse bibliographie.
17:11 Et une semaine plus tard, Jean Mabir m'écrivait une lettre,
17:15 mais vraiment très gentille,
17:16 mais accompagnée de la bibliographie de son Ungern,
17:21 et en fait c'est né de là, je me suis platement excusé bien sûr,
17:25 et on a commencé à discuter, enfin à échanger,
17:29 et nos conversations ont pratiquement toujours tourné autour de l'aventure et de l'Asie.
17:36 Alors il y a eu "Les Samouraïs" qui précède d'ailleurs l'écriture d'Ungern,
17:41 il y a eu les grands...
17:45 un livre qui m'échappe, je crois que c'est vous qui l'avez édité d'ailleurs,
17:48 "Les grands aventuriers de l'Asie" ou...
17:49 - Non, "Les guerriers de l'Asie".
17:53 - "Les guerriers de l'Asie", très beau livre également,
17:55 avec un très beau portrait de Jean de Solines.
17:57 - Voilà, pour le seul personnage que Christophe Delbaud est très bien traité,
18:01 donc Jean m'a dit, autant lui demander s'il a la permission,
18:04 c'est le seul portrait qui n'est pas de Jean Mabir,
18:06 et tous les autres c'est lui qui les a portés.
18:09 - Et puis il y avait "L'été rouge de Pékin", très gros livre,
18:12 très très beau livre aussi, très bien documenté là aussi bien évidemment.
18:16 - Alors vous avez évoqué...
18:18 - Et l'Asie le passionnait, parce que...
18:20 et je veux juste terminer là-dessus,
18:22 Jean Mabir il n'a certainement pas fait d'ailleurs qu'avec moi,
18:24 mais il a eu la gentillesse au fil du temps de m'offrir des livres de sa bibliothèque,
18:31 qui concernaient justement le Japon,
18:33 auquel le rattachait aussi d'ailleurs son paganisme.
18:35 - Oui, le Chine-Tours.
18:38 - Oui, on avait échangé à ce sujet-là.
18:42 Donc des livres sur le Japon, des livres sur le lamaïsme,
18:45 des livres donc le bouddhisme tibéto-mongol.
18:48 Et c'est lui qui m'a fait connaître également Jean Fontenoy,
18:52 avec "Shanghai secret".
18:54 Donc nos conversations ont beaucoup tourné autour de ces questions effectivement.
18:57 Et puis ensuite on a dérivé vers l'histoire militaire.
19:00 - Voilà, c'est où je voulais en venir,
19:02 parce que vous écoutant, vous avez Philippe Randa, Laurent Chan,
19:05 vous avez évoqué la guerre, enfin le versant des guerriers d'Asie,
19:10 l'aspect militaire,
19:13 vous avez cité un des livres qu'il a consacré à l'histoire de l'armée allemande.
19:19 Le regard qu'il a porté à la fois sur l'Asie, sur l'Europe,
19:24 c'était un regard aussi de combattant,
19:27 de combattant pour l'Europe,
19:29 de combattant dans une perspective, disons,
19:33 où, j'allais presque citer Héraclite,
19:35 "le combat est le père de toute chose".
19:38 Il s'est beaucoup intéressé à ces questions-là.
19:41 C'était un des axes de sa vie, de sa pensée, de son écriture,
19:45 le versant plus spécifiquement militaire.
19:48 Est-ce qu'il avait au fond une vision assez proche de celle du Jünger,
19:54 de la guerre à notre mère,
19:55 quelque chose de... la guerre comme expérience spirituelle ?
19:58 Est-ce qu'on peut aller jusque-là ?
20:00 Ou était-ce simplement de sa part un intérêt purement documentaire ?
20:05 Ce que j'aurais du mal à croire,
20:06 mais quelle est cette relation de Mabir avec le monde guerrier ?
20:10 – Déjà, c'est sa propre expérience.
20:13 – Oui.
20:14 – Bon, j'irais peut-être pas, moi, jusque-là,
20:17 mais sa propre expérience, c'est-à-dire, il a été parachutiste,
20:22 il a fait donc, dans les années 50,
20:25 – Chasseurs alpins.
20:26 – Chasseurs alpins et parachutistes.
20:28 – A breveté parachutiste à Pau.
20:30 Il avait suivi l'école de la troupe à l'aéroporté.
20:32 – Et puis ensuite, évidemment, il a été rappelé,
20:34 comme tous les jeunes de l'époque, en 58-59,
20:38 pour les événements d'Algérie.
20:40 Je dis bien événements,
20:41 puisque on ne peut pas être en guerre contre son même pays.
20:47 Donc...
20:48 – Guerre civile.
20:49 – Voilà, guerre civile.
20:50 Mais bon, on va dire événements comme à l'époque.
20:53 Et donc, ce point est important,
20:57 mais je ne pense pas que Jean Mabir, par exemple,
21:00 pour en revenir aux événements d'Algérie
21:02 ou à son expérience à Pau et à Montauban,
21:06 en faisait un absolu, je veux dire, esprit des guerriers.
21:13 – Oui, ce n'était pas déterminant.
21:14 – C'était un métapolitique.
21:16 Pour moi, c'est d'abord un métapolitique.
21:18 – Je veux juste une petite anecdote de lui-même,
21:21 parce que ça m'a frappé,
21:22 parce que Jean Mabir a participé à une émission d'Apostrophe,
21:25 la célèbre émission d'Apostrophe de Bernard Pivot.
21:27 – Oui, en 89.
21:28 – Et il a parlé de son expérience pendant la guerre d'Algérie.
21:31 Et une chose qui m'avait frappé quand je l'avais entendu,
21:34 il dit, il en était peiné, il dit,
21:36 donc il commandait une unité avec des appelés, avec des Arabes.
21:44 – Oui, oui, des musulmans.
21:45 – Et donc il traversait les paysages, les territoires algériens,
21:49 et il dit, mais c'est terrible, moi j'étais fasciné,
21:52 là c'est Jean Mabir qui parle,
21:53 j'étais fasciné par ces paysages extraordinaires de l'Algérie.
21:58 Et je le disais aux gens avec moi,
22:00 je dis, mais regardez comme c'est fantastique, c'est beau.
22:02 Et il dit, pouh, quand est-ce qu'on rentre à la maison ?
22:05 Il y en a marre, c'est long, c'est quand la bouffe…
22:09 – C'était pas le…
22:10 – Et il dit, moi j'étais le seul à être fasciné par ces paysages.
22:14 Il y a toujours effectivement cet attachement à la terre,
22:17 même la terre algérienne qui n'était pas la sienne.
22:20 Mais il en éprouvait une passion extraordinaire.
22:23 Je referme vite la parenthèse.
22:25 – J'étais avec lui dans une autre partie du monde, à Astings,
22:30 commémoré le 14 octobre 2000.
22:35 Nous étions avec Didier Pate également et d'autres amis.
22:39 Et c'est pareil, il y avait ce ressenti de la terre anglo-normande,
22:43 puisque l'intérêt, une des passions aussi de Jean Mabir,
22:50 c'était aussi la Normandie au-delà de ses frontières actuelles.
22:54 Donc c'est pareil, on le retrouve au nord, on le retrouve à l'est,
22:56 on le retrouve au sud, on retrouve un homme de…
23:01 – Comme il était totalement enraciné, toute autre terre lui parlait.
23:05 – Il en reconnaissait la valeur et l'intérêt,
23:08 et même donc dans son aspect le plus élémentaire,
23:11 dans son aspect le plus cosmique, si j'ose dire.
23:13 C'est une sensibilité très profonde aux paysages,
23:17 aux ciels, aux éléments en général.
23:20 – Pas qu'au château, voilà, c'est ce qu'on disait par rapport,
23:22 pas qu'au bâti, voilà, pour qu'on parle plus globalement.
23:26 – Pour revenir sur son histoire, sur évidemment sa partie militaire…
23:32 J'irais malheureusement, quand on parle de Jean Mabir aujourd'hui,
23:34 on parle à l'auteur des livres militaires sur les unités allemandes.
23:40 Alors je tiens déjà à rappeler que les unités allemandes
23:43 dont il a parlé de la Waffen-SS, ce n'est qu'une partie de son œuvre militaire,
23:48 puisqu'il a écrit pas autant, je ne veux pas calculer à l'exemplaire près,
23:52 mais il a écrit énormément de livres sur les unités anglaises, américaines,
23:57 sur les chasseurs alpins français.
23:59 Donc il ne s'est pas intéressé qu'aux Allemands,
24:01 et peut-être qu'effectivement l'engouement du public à cette époque…
24:06 – Ça a été déterminant, enfin il s'en plaignait lui-même.
24:08 – Voilà, il s'en plaignait, vous savez, vous parliez de mon expérience
24:13 d'auteur au fleuve noir, l'auteur phare du fleuve noir c'est San Antonio,
24:16 il se plaignait aussi que son personnage de San Antonio
24:20 lui ravit sa carrière littéraire, parce que Frédéric Dard,
24:24 qui a écrit des romans paussiers sous son nom, Frédéric Dard,
24:28 que je trouvais extraordinaires par ailleurs,
24:30 mais on ne connaît que ses romans de San Antonio.
24:33 Jean Mabir, on ne connaît que, et on parle toujours de lui,
24:36 il se vient de rappeler qu'il a écrit énormément sur les Anglais,
24:41 les Français et d'autres…
24:43 – C'est pour cela que bon, on ne va pas trop s'attarder sur le garçon militaire,
24:46 il me semblait important de le signaler.
24:48 – Mais quelle que soit la nationalité des soldats, des unités dont il parlait,
24:52 il était attaché surtout avant tout à la bravoure,
24:57 au sacrifice de ses soldats, à l'héroïsme,
25:00 avant tout bien au-delà de l'enjeu politique.
25:04 – Bien sûr, bien sûr.
25:06 – C'est bon de le rappeler,
25:06 parce qu'on croit qu'il n'a été qu'un auteur militaire, et il en a souffert,
25:11 comme tous les gens qui ont eu un succès,
25:12 pas forcément là où il l'aurait voulu.
25:14 – Oui, puis c'était une nécessité économique, si j'ose dire, vitale pour lui…
25:17 – Il devait être sa plume.
25:19 – Il devait être sa plume, donc il devait répondre aux commandes des éditeurs.
25:21 – Je peux me permettre de critiquer les éditeurs, forcément.
25:24 Le problème c'est qu'à l'époque, les éditeurs le faisaient vivre,
25:29 et ils répondaient à l'attente des éditeurs,
25:31 et les éditeurs voyaient qu'une chose, forcément le chiffre d'affaires,
25:35 et disaient "quand on fait sur tel sujet, on vend deux fois plus".
25:39 – Un de ses livres préférés était celui sur les grands aventuriers,
25:43 qu'il avait publié de mémoire…
25:45 – Les grands éveilleurs de peuple.
25:46 – Voilà, les grands aventuriers, en sous-titre, les éveilleurs de peuple.
25:49 Et donc, il l'avait publié, je crois, de mémoire en 82,
25:53 et aux éditions de Fayard, il y a eu 2000 exemplaires,
25:59 et il en était très déçu, parce que c'était son livre,
26:01 ou un de ses livres préférés.
26:02 – Oui, bien sûr.
26:03 – Et évidemment, par rapport à l'offre et à la demande…
26:05 – Il avait prévu toute une suite, parce qu'il n'y avait pas que…
26:08 – Thomas, c'était Thomas, l'origine.
26:09 – C'était le Thomas, et il n'y a pas eu de Thomas de Gaulle.
26:12 – Il n'y a pas vu le jour.
26:13 – Il aurait pu l'écrire avec le temps, le temps, mais il n'a pas eu le temps.
26:17 – Oui, bien sûr.
26:19 – Et concernant l'aspect militaire, quand vous lisez "Commando de chasse",
26:26 c'est un livre d'aventure, c'est un livre de guerriers,
26:29 c'est un livre de militants.
26:32 – Birn n'avait pas un esprit militaire, un esprit guerrier, oui,
26:36 un esprit aventurier, comme on l'avait dit, un esprit militant.
26:40 De même qu'il respecte, il admire la bravoure…
26:43 – Il ne peut pas dire "ma lunette", bien sûr je précise,
26:45 c'est pas mon truc, c'est parce que vous l'étiez.
26:47 – Bien sûr que non, non, non, non, au contraire.
26:48 – Il était d'une parfaite honnêteté dans ce qu'il a…
26:50 – Complètement, complètement.
26:52 Je parle de lui, là, en l'occurrence.
26:55 C'est ça, c'est l'aventure, et c'est le… que vous retrouvez aussi bien.
27:01 Tout est lié, tout est relié, chez lui, le normand s'intéresse à la mer,
27:09 le marin s'intéresse à l'exploration, l'européen se tourne vers l'Asie,
27:13 ou se tourne vers effectivement des grandes époques,
27:18 des époques de grandes aventures.
27:20 – Voilà, que peut-on dire précisément du style de Jean Mabillard ?
27:24 Je veux dire, par là, donc ses sujets d'intérêt sont très variés,
27:28 il y a beaucoup de souffle dans sa façon d'écrire.
27:32 – La jeunesse aussi, l'esprit de la jeunesse.
27:36 – C'est très important.
27:37 – Il faut absolument le noter, la revue "Viking"
27:41 s'appelait la revue de la jeunesse normande, pour la jeunesse viking.
27:46 Il y avait ça en sous-titre,
27:49 quand il recréait la communauté des oiseaux migrateurs en 1992.
27:54 En 1992, on est 14 ans seulement avant sa disparition.
27:58 Donc il a un certain âge, il recréait les oiseaux migrateurs,
28:02 "vanderwegel" en allemand.
28:04 Il y a toujours eu cette envie de formation.
28:08 – Il y a un côté scout ?
28:09 – Oui, oui absolument, il y a un côté scout.
28:13 D'ailleurs, "Europe jeunesse", Jean Mabillard,
28:18 on ne va pas rappeler, on peut rappeler qu'Europe jeunesse…
28:20 – Oh, rappelons-le, "Europe action" enfin…
28:22 – Non mais "Europe jeunesse", c'est le scoutisme des militants du Grèce,
28:27 donc a été lancé par Jean Mabillard notamment.
28:33 Donc il y a tout cet aspect de volonté de transmettre
28:38 qu'on va retrouver chez Jean Mabillard,
28:40 y compris quand il est sur les chemins scabreux de Normandie,
28:46 lors des solstices.
28:48 – Oui.
28:48 – Je veux dire, il y a tout cet environnement,
28:50 jusqu'en 2000, il est décédé en 2006,
28:54 jusqu'en 2002 ou 2003.
28:56 Il deviendra d'ailleurs président d'honneur
28:59 du mouvement normand en 2002 ou en 2003,
29:02 mais jusqu'à cette période-là, on va avoir Jean Mabillard
29:05 qui va être militant, justement au sens, sur les chemins…
29:10 – Le militant c'est celui qui marche,
29:11 le militaire c'est le soldat, c'est celui qui marche, qui arpente.
29:14 – Voilà, et on le retrouve aux solstices, on le retrouve…
29:19 Il a créé en Normandie la haute école populaire,
29:24 née des territoires danois, de ces fameuses traditions scandinaves.
29:30 Il faut aussi le rappeler.
29:32 – On peut rappeler aussi que le logo, comment on va appeler ça,
29:35 le logo, j'aime pas le logo, mais le sigle du Drakkar avec le N,
29:42 qui est sur toutes les voitures normandes
29:44 qui a été utilisée par tout le monde,
29:46 c'est Jean Mabillard qui l'a créé, qui l'a fait,
29:48 qui ne l'a pas déposé, et donc à chaque fois il me dit
29:52 "Ah tiens, c'est quoi ? Je pense que c'est moi."
29:54 Et on voit ça partout, et c'est lui qui l'a fait.
29:56 – Alors ça, l'origine, pour dire un petit mot là-dessus,
29:59 on est en 68, et donc on a eu le fameux mois de mai,
30:05 c'est-à-dire tous les événements gauchistes, rotskistes et autres,
30:10 et à la fin du mois de mai, on a cette grande manifestation gaulliste,
30:14 enfin nationale gaulliste, qui balaie l'esprit,
30:19 on va dire, révolutionnaire.
30:21 Et dans ces manifestants rouennais,
30:25 nous avons les militants de la Fédération des étudiants de Rouen,
30:28 l'Affaire. L'Affaire c'est qui ? C'est Didier Pate.
30:33 Et quand, à la fin de 68, Jean Mabillard vient pour faire un reportage
30:43 sur les étudiants normands de droite,
30:47 ou en tout cas qui ne sont pas de gauche, plus exactement à l'époque,
30:51 il rencontre Didier Pate.
30:53 Et c'est à ce moment-là que va naître cette collaboration
30:56 avec justement le fameux SNEC, Drakkar normand,
31:01 et évidemment l'année d'après, 1969,
31:05 la création du mouvement de la jeunesse normande, à Lisieux,
31:09 qui deviendra deux ans après, en 1971, à Bernays, le mouvement normand.
31:15 Il y avait chez Mabillard, me semble-t-il, ce que vous dites,
31:18 m'y fait penser, quelque chose d'assez artisanal,
31:21 un goût de l'artisanat et de l'illustration populaire.
31:26 - À la base, il était graphiste. - Exactement.
31:28 - À la base, il faisait tout à la main.
31:30 Les premiers numéros de Viking sont quasiment tous faits à la main,
31:36 avant d'être même pas photocopiés à l'époque,
31:38 c'était reprenus haut.
31:40 Mais avant, il avait créé d'ailleurs un atelier,
31:44 le terme exact, la télégraphie des imagiers normands,
31:49 et il en était très fier et nostalgique.
31:51 C'était vraiment, à la base, un artisan.
31:54 - Voilà, c'est l'artisanat, donc comme art, et puis comme...
31:58 C'est cette version esthétique, au fond, et populaire.
32:01 - Dans la revue Viking, on a eu la première revue Viking,
32:04 donc de 1949 à 1955, qui est vraiment fait main, si j'ose dire.
32:10 Et c'est la deuxième série, 1956-1958,
32:14 qui sera déjà un petit peu plus élaborée,
32:16 et qui sera plus une revue traditionnelle,
32:21 comme on pourrait dire aujourd'hui.
32:22 - Puisqu'on parle de mai 68, il y a eu quand même un changement,
32:26 là, dans la vie de Jean Mabir, sur une confidence qu'il m'a fait,
32:29 donc je ne veux pas qu'on se méprenne sur mes propos,
32:32 c'est que là, il m'a dit, on a compris, un certain nombre de gens,
32:36 qu'en 68, le monde avait changé.
32:39 - C'est-à-dire que...
32:40 Mais changé, parce que, pour lui, ce qui s'est passé en mai 68,
32:44 ce qui les a fait, ce qui a éveillé,
32:46 notamment son regard, et à quelques autres aussi,
32:50 c'est que tout le monde d'avant était terminé,
32:54 et que c'était en fait les conséquences de la Seconde Guerre mondiale.
32:57 Le Nouvel Ordre mondial s'était mis en place,
33:00 avec la guerre froide et tout,
33:02 mais que dans leur esprit, jusqu'alors, jusqu'aux événements de mai 68,
33:06 il n'y avait que des péripéties historiques,
33:09 la Seconde Guerre mondiale, les suites et tout,
33:13 n'étaient qu'une sorte de continuation historique,
33:16 et là, on a découvert que ça avait vraiment basculé,
33:20 et c'est là d'ailleurs où il va essayer,
33:23 ça correspond, ce n'est jamais une date fixe bien sûr,
33:26 à son départ, au Prou, je ne suis pas, une année près,
33:31 de la Normandie, son arrivée à Paris, avec Philippe Edoui,
33:34 pour faire l'esprit public, s'attaquer vraiment à "faire de la politique",
33:40 bien qu'il était fait pour tout, pour faire de la politique,
33:43 ça a d'ailleurs été, j'ai eu l'occasion d'en faire d'ailleurs,
33:46 un grand article pour le prochain bulletin des amis de Jean Mabir,
33:51 "Jean Mabir et la politique", où j'explique tout ça,
33:55 en fonction de ce qu'il a écrit, et des confidences qu'il a pu faire,
33:58 mais le mai 68, pour lui, ça y est, il avait compris
34:00 qu'il y avait un changement de siècle, un peu comme on a dit,
34:03 c'est après l'attentat de Sarajevo, que le 19e siècle,
34:07 que le 20e siècle est né, et probablement avec l'épidémie de Covid,
34:10 qu'on est rentré dans un autre monde, dans un autre univers.
34:14 – Tout à fait.
34:14 – Et c'est vrai que c'est là qu'on retrouve le terme
34:17 que j'ai employé tout à l'heure, du "métapolitique",
34:20 c'est-à-dire qu'on va retrouver le Grèce,
34:22 on va retrouver le mouvement normand,
34:24 on va, et d'ailleurs, Mabir refuse d'adhérer au MNP,
34:32 le Mouvement Nationaliste de Progrès,
34:36 qui va être mis dans l'action après Philippe Edwi, etc.,
34:40 dans les années 65-66.
34:42 Moi, il y a quand même un bémol, et là-dessus,
34:47 sur l'aspect politique, il y a eu un moment dans sa vie,
34:51 et ça, je l'ai lu, je l'ai relu, je l'ai développé,
34:54 je crois, dans l'unité normande, où il y a une tentation politique,
34:59 et c'est 1973, et c'est très peu connu.
35:02 1973, c'est les législatives,
35:05 et le seul élu régionaliste en France, et normand,
35:10 c'est François Darcourt à Bayeux.
35:13 Et la campagne de Darcourt à Bayeux,
35:16 c'est le mouvement normand, c'est Mabir.
35:18 La revue "Aro-Leuph",
35:21 c'était la revue du mouvement normand à l'époque, peu importe,
35:24 qui était mensuelle,
35:26 de décembre 1972 à mars 1973,
35:31 Mabir enfonce, enfonce le candidat gaulliste,
35:34 donc Triboulé, qui était élu depuis 1946,
35:38 et on sent qu'il a envie de créer,
35:44 le mouvement normand existe déjà,
35:46 mais de créer un mouvement politique normand,
35:48 c'est très clair, et ça, c'est très peu connu.
35:51 Alors, cette envie sera perdue assez rapidement,
35:56 parce que François Darcourt nous décevra à l'Assemblée nationale,
36:01 enfin je dis "nous", j'étais jeune, mais je veux dire,
36:03 décevra la Normandie, parce qu'il rejoindra l'Union centriste,
36:07 et puis il y aura plus de choses.
36:09 – Mais précisément, parce que c'était effectivement un épisode très réduit de la vie.
36:14 – Réduit, mais c'était la preuve qu'une vieille famille normande,
36:17 comme les Darcourt, pouvait battre un baron gaulliste comme Triboulé,
36:23 et croyez-moi que battre Triboulé en 1973,
36:27 c'était comme si on avait battu, je ne sais pas moi,
36:32 un candidat très connu aujourd'hui, c'était inespéré,
36:37 c'était, comme on dit, une surprise.
36:41 – Alors, beaucoup plus essentiel,
36:43 pour revenir plus concrètement sur l'œuvre de Jean Mabir,
36:46 beaucoup plus essentiel, me semble-t-il, on a fait évoquer cette question-là,
36:50 mais il faut y revenir, son paganisme,
36:54 qui est partie prenante des patries charnelles,
36:58 de tout ce que l'on a évoqué à propos de son goût des paysages,
37:01 et des éléments cosmiques.
37:05 Il s'est intéressé de très près, dans cette quête du Nord,
37:08 aux dieux du Nord, les dieux maudits, à la mythologie nordique.
37:13 Comment peut-on comprendre, qualifier, expliquer le paganisme de Jean Mabir ?
37:21 Est-ce purement "réactif" à l'endroit de la chrétienté, du monde chrétien ?
37:27 Il est ancien élève de Stanislas, il est issu d'un milieu catholique,
37:31 est-ce une explication beaucoup trop courte, beaucoup trop peu subtile ?
37:36 Quelle est la part de ce paganisme dans l'œuvre de Jean Mabir ?
37:42 – Moi, je peux juste me permettre deux anecdotes.
37:45 La première, c'est qu'il était d'une famille plutôt catholique,
37:52 et d'ailleurs, il m'a expliqué un jour qu'à une messe de minuit,
37:55 donc longtemps après, brusquement, sa famille,
37:58 qui devait réveillonner ensuite avec lui, le voit venir à la messe de minuit,
38:03 en disant "Votre Général, vous êtes là, vous allez venir à la messe de..."
38:07 Il dit "Bah oui, bien sûr, à chaque occasion,
38:10 c'est un côté sacré qui lui plaisait".
38:13 Il n'était absolument pas en phase de conversion du tout,
38:18 mais il dit "Pourquoi pas, moi je ne l'ai jamais vu
38:21 avoir la moindre agressivité et hostilité vis-à-vis des religions monothéistes".
38:28 D'ailleurs, il connaissait très bien un abbé que j'ai eu le plaisir et l'honneur
38:33 de publier, l'abbé Molin, et il me disait "Oh là là, lui je le connais,
38:36 il faut s'en méfier, c'est avec lui, on risquerait de se convertir".
38:40 Alors, il avait beaucoup du bourre et il n'était absolument pas hostile,
38:44 mais la deuxième chose, c'est que son enracinement,
38:48 et on revient toujours aux mêmes choses, son enracinement avec la terre,
38:52 avec les peuples et tout, allait tout à fait à l'encontre
38:55 des religions monothéistes et universalistes.
39:00 Parce qu'autant il respectait toutes les religions locales de chaque peuple,
39:04 ce qui est le propre du paganisme, autant une seule religion universaliste
39:08 qui devait faire la loi sur la terre, je pense que là, il était totalement
39:12 hostile et réfractaire à cette position.
39:16 – Bien sûr.
39:16 – Une autre anecdote, pour aller dans le même sens, c'est qu'il regrettait,
39:20 il regrettait qu'on apprenne, en tout cas on apprenait,
39:23 parce que maintenant on apprend peu de choses,
39:25 mais qu'on apprenait beaucoup la mythologie grecque,
39:29 on apprenait beaucoup la mythologie romaine,
39:32 mais qu'on n'apprenait pas suffisamment, en tout cas à ses yeux,
39:35 la mythologie scandinave.
39:37 – Je l'ai quasiment découverte avec Jean Mabir, en ce qui me concerne.
39:41 – Et c'est la raison pour laquelle il a publié "Les dieux maudits",
39:44 parce que justement il trouvait que sur notre terre,
39:48 en tout cas au nord de l'Europe, on va dire,
39:50 – Oui, la terre européenne, qui n'est pas…
39:52 – On ne connaît pas Odin, on ne connaît pas Balder,
39:54 on ne connaît que Thor, on connaît Thor et Odin éventuellement,
39:59 et encore souvent grâce au Marvel américain, et donc ça il le regrettait.
40:05 Et en ce sens c'était aussi faire œuvre de missions,
40:10 d'enracinement et de liens, parce qu'il ne peut pas,
40:15 c'est ce que je disais tout à l'heure quand je parlais du bouquin de Tesson,
40:19 il ne peut pas y avoir de catholicisme enraciné sans paganisme initial.
40:25 – C'est pour ça que lorsqu'on parle des racines judéo-chrétiennes de l'Europe,
40:29 non, il y a une influence incontestable judéo-chrétienne,
40:32 mais les racines sont forcément païennes, c'est une appropriété.
40:36 – Paganisme, pagousse, pays, pays la terre, les paysans, c'est tout simplement ça.
40:42 Et effectivement, ce qu'a fait Jean Mabir,
40:47 c'est tout simplement rappeler aux Européens leur religion primordiale,
40:52 ce qui participe tout simplement, oui là aussi, d'un réenracinement,
40:57 ce qui ne faisait pas de lui un bouffeur de curé, effectivement, comme vous dites.
41:00 Au contraire, même d'ailleurs, comme je vous l'avais rappelé,
41:02 Philippe Rambin, dans une perspective païenne,
41:05 "écoutez, le Christ, oui, c'est un dieu parmi d'autres,
41:08 enfin, c'est ce que faisait Walter Liszt, ce qu'il associait à Dionysos et…"
41:12 – "Christ blanc de Péguy ou d'Audrieu-la-Rochelle", sur lequel Mabir a aussi écrit,
41:17 ça, écrit à Jésus européanisé en quelque sorte.
41:24 – Je rappelle une anecdote dans le prochain bulletin des amis de Jean Mabir,
41:30 sur peut-être la seule fois où je lui ai vu,
41:33 et ce n'était pas agressif, c'était juste factuel, ce n'était pas contre,
41:37 un jour, je lui ai demandé, "tiens Jean, en fait,
41:40 on n'a jamais parlé de la franc-maçonnerie, on se tutoyait,
41:45 qu'est-ce que tu en penses ?"
41:46 Il me dit, "oui, rien, la moitié de mes amis croient que j'en suis,
41:51 l'autre moitié pense que ce n'est pas possible",
41:53 donc il ne l'était absolument pas, du coup,
41:56 comme ceux qui pensaient qu'il l'était ne lui ont pas demandé de rentrer,
41:59 dans la maçonnerie, et ceux qui ne l'étaient pas,
42:02 ne voulaient surtout pas qu'il y rentre.
42:04 Donc il a été totalement étranger à ça, à la franc-maçonnerie,
42:07 je lui ai dit, "ok d'accord, mais tu en penses quoi ?"
42:10 Vraiment, parce qu'on dit plein de choses,
42:12 il dit, "à une certaine époque historique,
42:15 c'était la seule façon de pouvoir exister quand on n'était pas catholique,
42:19 quand on n'était pas dans la hiérarchie catholique et autres,
42:23 dans l'armée notamment et tout, c'est pour ça qu'il y a eu une telle hostilité,
42:27 c'est la seule fois où il m'a fait une remarque qui n'était pas hostile
42:30 à la religion catholique, qui était juste factuelle,
42:32 en disant, "si ça s'est développé, c'est aussi parce qu'il y avait
42:35 un monopole de la religion catholique par ailleurs".
42:38 C'est la seule remarque que j'ai entendue depuis une dégâte,
42:42 ce n'est même pas négatif, c'est factuel.
42:44 – Je l'avais interrogé, il ne faut pas évidemment s'imaginer Jean-Mabie
42:48 revêtir une toge et courir danser en cercle autour de Pierre Levé,
42:54 son paganisme il est aussi philosophique, c'est un paganisme des valeurs,
43:00 ce qui fait se rejoindre avec Alain de Benoît.
43:04 – Oui.
43:06 – Il est là d'abord, il est dans une certaine colonne vertébrale,
43:11 morale, spirituelle.
43:12 – Une certaine tenue dirait Dominique Vénère.
43:13 – Tout simplement, oui, c'est exactement ça, qu'on retrouve chez les guerriers,
43:16 qu'on retrouve… tout est toujours relié.
43:19 – Chez les éveilleurs de peuple également.
43:21 – Absolument.
43:22 – C'est presque un postulat…
43:24 – Chez les chambourailles.
43:25 – Les chambourailles bien entendu, c'est presque un postulat moral.
43:28 C'est une manière à la fois éthique et esthétique d'envisager le monde,
43:32 enfin de le comprendre.
43:33 – C'est de l'écologie de base.
43:37 – Aussi.
43:38 – C'est aussi de savoir que la nature a une certaine supériorité sur l'homme.
43:46 – Oui, c'est une manière de lutter contre les tentatives promethéennes,
43:51 contre certaines formes…
43:52 – Transhumanistes.
43:53 – Transhumanistes aujourd'hui, certaines formes d'hubris, d'orgueil.
43:57 C'est une manière de vivre au rythme de la nature.
44:01 Alors, est-ce qu'il y avait de ce point de vue-là,
44:03 enfin du point de vue spirituel, et spirituel et politique d'ailleurs,
44:07 est-ce que Jean Mabir était animé par une espérance ?
44:11 Bon, le soleil reviendra, "Sol in victus".
44:15 Est-ce qu'il y avait chez lui une espérance de réveil européen,
44:21 qui serait donc à la fois d'ordre spirituel, peut-être d'ordre politique,
44:27 ou bien ce n'est pas tout à fait le cas ?
44:29 Comment le perceviez-vous cela ?
44:32 – Je viens de rétudier ça justement Jean Mabir et la politique.
44:37 Donc je l'ai dit, je le répète,
44:38 Jean Mabir était fait pour tout, sauf pour la politique.
44:41 Il l'admettait, il le disait.
44:42 – Oui, d'ordre métapolitique.
44:43 – Il s'est retrouvé souvent entraîné plutôt un peu contre son gré,
44:48 je ne connaissais pas l'épisode des députés à Harcourt,
44:53 et en fait à chaque fois il n'était pas fait pour ça.
44:56 Il n'était absolument pas pessimiste pour l'avenir, je ne crois pas.
45:00 Je crois qu'il était au-delà des problèmes politiciens de l'Associé,
45:05 on parlait comme tout le monde,
45:07 on peut être amené à parler des problèmes du jour, oui très souvent,
45:11 mais il n'était pas un acteur de cette politique
45:16 et donc il ne pouvait faire que des constats qui ne l'intéressaient pas.
45:20 Ce qui l'intéressait là où il pensait qu'il y avait du travail à faire,
45:23 on en revient à ce que disait Franck tout à l'heure,
45:26 c'est la formation des jeunes notamment.
45:30 Il était fasciné par le fait de former des jeunes à relever le drapeau
45:34 et à continuer une idée.
45:37 – Voilà, continuer le pouvoir.
45:38 – Voilà, et pour ça il était très optimiste.
45:42 Il pensait que lui avait été un relais comme d'autres bien sûr
45:46 et qu'il y avait une espérance à ce niveau-là.
45:48 Ce qui allait se passer aux prochaines élections…
45:50 – Oui, oui, au sens politicien, non.
45:52 Je vous conseille la politique au sens plus général.
45:57 Je me souviens d'une phrase de Mabir disant,
45:59 je reviens au domaine pour le coup plus directement politique et pas politicien,
46:04 lorsqu'il disait vouloir passer du nationalisme français au socialisme européen.
46:09 – Oui, mais ça il était vraiment sincère.
46:11 – Exactement.
46:12 – Il ne disait pas de droite, le mot droite on revient au peuple.
46:16 – Voilà, c'est ça.
46:18 – Et un socialisme qui n'avait évidemment rien à voir
46:20 avec le socialisme de Mendes France, de Mitterrand.
46:24 – C'était Proudhon et Sorel et non pas Marx et Engels.
46:29 – Bien sûr, d'accord.
46:31 – Et son européanisme n'était évidemment pas celui de l'Union Européenne.
46:40 – Bien entendu.
46:41 – Ça on est bien d'accord.
46:42 Quelqu'un a dit, je ne sais plus qui dernièrement, une chose très juste,
46:46 en fait tout le monde est européen, c'est qu'elle Europe.
46:49 Là on peut différer.
46:51 – Naturellement.
46:52 – Et même si on est plutôt majoritairement pour certains contre l'Union Européenne,
46:56 on n'est pas contre l'Europe, ce serait un non-sens d'être contre l'Europe.
47:00 – D'ailleurs Jean Mabir en 1965, très déçu par l'esprit public et…
47:11 – Ça c'est Philippe Edwi, c'est l'époque de l'Algérie française,
47:14 c'est tout ce qui nous voulait.
47:15 – Alors qu'il avait même écrit un livre sur Tic-Sé, il venait en cours,
47:18 votera Jean Le Canuet au présidentiel.
47:21 – Je ne savais pas qu'il avait voté Jean Le Canuet.
47:22 – Franck Bulleux est spécialiste de l'histoire politique électorale,
47:25 la plus récente et tout à fait.
47:27 – Il a soutenu Jean Le Canuet, donc voilà, il n'y a pas d'anti-européanisme.
47:32 – Il a probablement voté pour…
47:34 – Parce qu'il était dans le monde.
47:35 – Non, il n'a pas voté, mais il aurait pu voter pour la liste de Jean Lédernalier,
47:38 Picollec et tout, Jean Picollec l'éditeur en 1979,
47:42 si elle avait pu se présenter, il aurait immédiatement voté pour cette liste.
47:45 Parce que le fait de voter, bon, je pense qu'il votait à toutes les élections,
47:52 je ne savais pas qu'il avait voté Le Canuet,
47:54 je pense qu'il a voté autrement après, comme il ne m'a pas dit,
47:59 mais que ça me semble évident pour qui il votait après, c'est une chose.
48:02 Mais ça n'avait pas d'importance pour lui, c'est pas là où le combat se situait.
48:05 – Tout à fait.
48:05 – On peut prendre un autre exemple en 1974, il soutient Hérault,
48:09 le candidat régionaliste…
48:12 – Laurent Chanc vous vouliez ajouter…
48:14 – Pellemel, il faudra qu'on insiste effectivement
48:17 sur le rapport de Jean Mabir à l'âge de naissance, c'est certain.
48:23 – C'est un point vraiment… – C'est la transmission, c'est le flambeau.
48:25 – On l'a vu lorsqu'il quitte Le Monde en 2006,
48:31 cette jeunesse qui porte les drapeaux lors de son enterrement.
48:35 – Oui, oui.
48:36 – Il y a toute une… pas une mise en scène parce que le mot est négatif,
48:39 mais il y a toute une célébration, alors pagano, culturelle, peu importe.
48:45 – C'est le sens du rite.
48:46 – Voilà, il y a un rite, il y a des jeunes qui portent…
48:48 – Bien sûr.
48:49 – On le retrouvera d'ailleurs à l'enterrement de Didier Pate.
48:52 Mais je veux dire, il y a cet élément culturel, on l'emmène,
48:56 les oies sauvages l'emmènent, mais ils ne partent pas tout seuls,
49:00 il y a toute cette expression…
49:02 – Alors, il y a, parce que le temps file très très vite,
49:05 et là, c'est l'œuvre de Mabir qui est évidemment très riche,
49:07 son itinéraire est tout autant, il y a un point sur lequel il me paraît essentiel
49:11 de venir avant que notre émission ne se termine,
49:14 c'est le Jean Mabir lecteur, le Mabir de que lire,
49:17 cette série encyclopédique tout à fait remarquable,
49:21 ses portraits d'œuvres et d'écrivains,
49:24 quel lecteur fut donc Jean Mabir ?
49:26 Comment le qualifieriez-vous ?
49:29 Est-ce que c'est un homme à la curiosité très ample ?
49:33 Est-ce que c'est aussi la subtilité, la finesse de lecture ?
49:37 – J'en ai beaucoup parlé avec lui, j'ai édité ensuite les que lire,
49:41 j'ai été, et je voudrais quand même mettre en avant l'immense honnêteté de Jean Mabir,
49:48 qui s'intéressait, d'abord qu'il ne voulait parler que d'auteurs morts
49:52 pour éviter le moindre problème avec les vivants,
49:56 et il a fait ressortir des portraits d'auteurs qu'il n'aimait pas forcément,
50:03 dont il n'aimait pas forcément ni l'engagement, les idées politiques ou autres,
50:07 mais pour tous, et c'était extrêmement varié,
50:11 il a toujours voulu donner l'envie au lecteur de découvrir cet auteur
50:15 et de chercher dans un auteur ce qui pouvait être formidable et intéresser tout le monde.
50:22 Et il y a des auteurs dont je tairai le nom,
50:25 qui m'ont dit "tu comprends, je ne peux pas parler d'un tel".
50:28 Donc lui c'était fini, mais jamais il n'en aurait parlé pour régler des comptes,
50:33 pour dire des méchancetés, voilà.
50:35 Ça, ce n'était pas le but, le but du Queue lire,
50:37 c'est de donner envie, de faire découvrir un auteur parce qu'il a de meilleurs.
50:40 – Et aux jeunes lecteurs en particulier.
50:42 – Et sur la forme, en 1990, puisque ça a débarqué en 1990,
50:47 quelle ouverture pour National Hebdo,
50:49 parce que n'oublions pas que les premiers textes qu'on va retrouver dans les Queue lire
50:54 sont publiés par le journal de National Hebdo.
50:58 – Tout à fait, c'était l'idée de Lionel Payet, qui était le directeur administratif.
51:01 – Et c'est extraordinaire, parce qu'à l'époque,
51:03 on a un mouvement qui est quand même relativement parisien, pour ne pas dire jacobin,
51:08 qui fait rentrer un régionaliste comme Jean Mabir,
51:12 et qui publie toutes les semaines, donc un texte sur un auteur.
51:19 – Alors, notre émission se termine, mais impossible,
51:22 puisque nous évoquons les livres de Jean Mabir et les Queue lire de Jean Mabir,
51:27 impossible de ne pas terminer par la présentation d'un certain nombre d'ouvrages
51:31 publiés par deux éditeurs, puisque nous avons deux éditeurs sur ce plateau.
51:35 Alors, je les signale de manière très, très rapide,
51:37 mais vous les retrouverez bien sûr incrustés lors de la diffusion de l'émission,
51:43 et leurs références seront tout à fait explicites.
51:46 Donc, aux éditions du Alpha que dirige Philippe Randa,
51:49 vous trouverez notamment de Jean Mabir "La Torche" et "Le glaive",
51:54 je vous montre rapidement ces exemplaires.
51:56 Nous avons évoqué le Mabir historien militaire "Commando de chasse",
52:01 le Mabir plus directement écrivain, disons, avec "L'Aquarium aux nouvelles",
52:07 – Journaliste, "La presse de la manche",
52:09 en fait, c'est l'expérience, la presse de la manche, justement.
52:13 – Qui a été fondatrice, absolument fondatrice.
52:17 Je disais Laurent Chambres, vous êtes éditeur,
52:19 les éditions "Le Pôle et Marques" que vous dirigez ont publié,
52:23 vous avez publié un très joli petit essai de Jean Mabir
52:27 sur Émile Derrian, capitaine d'Henrite, c'est un très beau travail.
52:33 Et tout récemment, c'est important de le signaler,
52:36 vous trouverez une série de rééditions très joliment réalisées
52:40 aux amis de la culture européenne, de textes donc de Jean Mabir,
52:44 "Les ducs de Normandie", "La Varande" dont nous avons parlé,
52:49 "La Varande et nous", grand normand évidemment, grand écrivain.
52:53 Également, "Des poètes normands et de l'héritage nordique",
52:57 alors là on rassemble, que vous avez également publié, Philippe Randa.
53:02 Et puis un ouvrage sur un grand éveilleur de peuple également,
53:07 Friedrich Ludwig Jan, aux éditions "Les amis de la culture européenne".
53:13 Philippe Randa, Franck Buleu, Laurent Chambres, merci beaucoup,
53:16 j'espère que nous vous aurons donné envie d'explorer,
53:19 je reviens à ce terme central, l'œuvre de Jean Mabir
53:21 et de voir en lui ce qu'il fut, un aventurier,
53:25 un aventurier de l'écriture et un aventurier de l'esprit également.
53:30 À très bientôt pour une prochaine édition des "Idées à l'endroit", merci beaucoup.
53:33 [Musique]