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Anne Brassié reçoit Andreï Makine de l'Académie française pour son dernier roman "Prisonnier du rêve écarlate" chez Grasset. Un ouvrier français communiste part à Moscou en 1939. Mauvaise date ! Critique du rêve écarlate mais critique aussi à son retour de la France devenue rouge elle aussi. Grand livre qui rappelle Tolstoï et Virgil Gheorghiu et sa Vingt-cinquième heure.
Puis, Renaud de Bourleuf nous emmène au cinéma pour deux films, un italien superbe, "Vermiglio ou la mariée des montagnes", et un français : "Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan", sur le fantastique pouvoir des mères ! Drôle et fin.

Catégorie

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Éducation
Transcription
00:00Musique
00:01Chers amis de TV Liberté, bonjour.
00:24Nous avons la joie et l'honneur de recevoir ce matin André Imakine.
00:29Bonjour André.
00:30Bonjour.
00:31Nous, de l'Académie française, je dois rajouter, non pas que je, je crois que c'est très important
00:39que vous honoriez de votre présence cette Académie française.
00:44Vous offrez à vos lecteurs, qui sont de plus en plus nombreux, ce dernier roman qui s'appelle
00:50Prisonnier du rêve écarlate.
00:54C'est publié chez Grasset.
00:55C'est un livre, je le dis à chacun de vos livres, mais c'est un livre magnifique.
01:04C'est un livre sur, Daudet parlait du stupide 19e siècle.
01:10On pourrait dire que le 20e est le siècle criminel.
01:17Vous nous exposez ce siècle qui a été criminel, pas seulement à l'Est, mais aussi à l'Ouest,
01:25dans tous les recoins de la Terre.
01:28Prisonnier du rêve écarlate, pouvez-vous nous parler de ce titre ?
01:31– Le titre n'était pas facile à trouver, mais je pense que c'est très condensé.
01:38Il est prisonnier d'un rêve.
01:40Et à mon sens, Lucien Baer, le personnage, le héros de ce livre, ressent quelque chose qui ressemble à de l'amour.
01:53Parce qu'on est amoureux d'un idéal.
01:56Un idéal qui peut être fou, qui peut être complètement fallacieux, complètement faux,
02:00mais il a cette attirance amoureuse vis-à-vis du communisme.
02:06Et tout le livre explique non seulement, si vous voulez, cette passion pour un idéal, du communiste,
02:17mais pour n'importe quel idéal, pour n'importe quelle utopie.
02:20– Il y a plusieurs utopies dans le livre.
02:22Plusieurs utopies dans le livre.
02:23– Alors, Lucien Baer est un ouvrier mécanicien dans le nord de la France, à Roubaix.
02:31Nous sommes en 1939 et il va partir à Moscou, pour toucher son rêve de près.
02:43Il va commencer des années d'errance, toutes plus apocalyptiques les unes que les autres.
02:50J'ai pensé à la 25e heure de Vergine Georgiou en lisant votre livre.
02:57Est-ce que cette comparaison vous sied ?
02:59– Une comparaison peut-être plus terre-à-terre.
03:02Vous connaissez sans doute Anne, le chanteur français Renaud.
03:07– Oui.
03:07– Renaud.
03:08– Connexiez-vous son grand-père maternel ?
03:11– Non.
03:13– Son grand-père maternel, Oscar Mérieux, jeune communiste, un mineur,
03:18qui a quitté l'école à l'âge de 13 ans, mais un vrai prolétaire,
03:22qui part à Moscou, qui part à Moscou, émerveillé comme Lucien Baer.
03:25Donc le destin n'a rien d'exceptionnel, émerveillé,
03:28mais une foule de gens qui étaient amoureux de la Russie.
03:31Mais il revient à la Russie soviétique.
03:34Mais il en revient complètement décié, déçu.
03:38Il s'engage pendant l'occupation, il s'engage d'ailleurs dans le parti de Jacques Doriot,
03:43la Parti populaire français, il est jugé après la libération.
03:48Donc c'est un destin un peu concassé, mais qui aurait pu être celui de Lucien Baer.
03:54Donc le cas n'est pas unique.
03:55Et d'ailleurs, il voyage, il ne voyage pas seul.
03:58Céline a voyagé seule à Moscou et a rapporté une sorte de libelle
04:04violente contre le communisme.
04:07– Gide aussi.
04:07– Gide, c'est un peu différent.
04:09Gide a écrit tout un livre, Le Retour de l'Ours,
04:12c'est-à-dire que la fameuse Méaculpa de Céline, c'est une vingtaine de pages.
04:17– Violente.
04:19– Une vingtaine de pages assassine pour le régime.
04:23Et d'ailleurs, on fait ça par parenthèse, ça aurait pu être le cas de Baer,
04:28mais ce n'est pas un intellectuel, c'est ça son intérêt.
04:32C'est un prolétaire, c'est un homme du peuple.
04:34Et bien sûr, vous voyez, l'une des déceptions de Céline,
04:38c'était un manque de spiritualité.
04:41Elle pensait trouver un homme nouveau, mais surélevé, élevé spirituellement.
04:48Et elle a dit, mais finalement, le seul désir du communisme,
04:53la seule idée, c'est bouffer.
04:55Bouffer, il le dit ça avec cette, comment vous dire,
04:58cette exagération célinelle.
05:00– Ce réalisme, tout de même, parce qu'il est toujours très concret.
05:02– Il a trouvé trop matérialiste, cette société.
05:05Et ce qui est arrivé aussi à Lucien Baer,
05:07mais Lucien Baer, il était mieux préparé que Céline,
05:10en ce sens qu'il a appris le russe.
05:13Et puis, voyez-vous, son communisme, peut-être naïf,
05:17avait quand même des fondements assez importants.
05:20Son père a fait la Première Guerre mondiale,
05:22il est revenu, donc la Grande Guerre, il est revenu blessé.
05:25Et tout à coup, ce jeune garçon, il est né en 18,
05:28il est né un jour avant l'armistice.
05:30Et il découvre qu'il y a quelque part un pays
05:34où, si vous voulez, le premier acte du nouveau pouvoir,
05:38le pouvoir soviétique, l'ignine, a été le décret sur la paix.
05:44Donc, tout à coup, la Russie se retire de la guerre,
05:47elle refuse de faire ces guerres impérialistes.
05:50Et quand même, ça frappe.
05:51Quand on a un père, un ancien combattant, ça frappe.
05:54D'où le départ de son rêve écarlate.
06:00– Mais pour continuer la comparaison avec Céline,
06:05votre personnage comme Céline,
06:09et c'est la conclusion de votre livre qui est magnifique,
06:12c'est que rien ne vaut,
06:14aucune idéologie ne tient devant la nécessité de l'entraide.
06:20L'amour fraternel.
06:22– Oui, c'est presque plus que l'entraide.
06:25Je dirais qu'il s'agit de la communion.
06:30Vous ne voyez pas du communisme.
06:31– Non, non.
06:32– Pas du communisme, pas de la communication, mais communion.
06:34– La communion, oui.
06:35– Quand l'un, l'autre devient indispensable,
06:38mais spirituellement indispensable.
06:40– Absolument.
06:40C'est-à-dire qu'on pourrait, à la limite,
06:42s'en passer au niveau matériel.
06:45Voyez-vous, ce n'est pas un profit,
06:47ce n'est pas l'esprit mercantile qu'on trouve dans nos sociétés.
06:51Mais spirituellement, elle est…
06:52– Est-ce que le mot fraternité vous convient ?
06:56S'il n'était pas galvaudé sur…
06:59– Je me méfie de Stoyev, ce qui le disait très bien.
07:01Il disait, ne me parlez pas de fraternité,
07:04soyez frères, soyez fraternels.
07:06– Voyez-vous, il est beaucoup plus difficile d'être en communion fraternelle
07:11que d'être…
07:12– Déjà, le mot fraternité, c'est la théorie,
07:15c'est le début de l'idéologie.
07:17– C'est plus que ça, cela est devenu un slogan, un mot d'ordre.
07:22– La propagande.
07:23– Vous savez, quand quelqu'un me dit où il faut aller,
07:27nos chemins bifurquent, ça c'est très clair.
07:31– Alors, vous avez une très jolie phrase au début du livre,
07:36« La culpabilité la plus lourde à porter nous vient toujours de ces âmes muettes
07:44que nous abandonnons à l'oubli. »
07:48Tous vos derniers livres sont en effet des résurrections de Russes
07:54dont la vie a été massacrée.
07:57– Pas seulement des Russes, parce que là, elle s'agit d'un Français.
08:01– Bien sûr, mais après on parlera de Français.
08:03– Voilà, imaginez ce Lucien Baer qui survit et qui, je ne sais pas,
08:07à l'âge de 90 ans, vous le croisez dans la rue.
08:10Vous imaginez quel mystère.
08:12Nous avons parlé, juste avant l'émission, de ces hommes et ces femmes
08:16qui avancent dans l'âge, qui représentent de véritables encyclopédies,
08:20des bibliothèques vivantes.
08:22Mais lui, c'est une bibliothèque historique.
08:24Et il aurait pu passer inaperçu dans cette foule multicolore
08:28qu'on voit dans les rues de Paris.
08:30Sauf que cet homme qui vacille au bord de l'effacement, au bord du néant,
08:40trouve tout à coup une plume ou une voie que je lui prête.
08:43C'est la seule différence entre tout ce défilé des personnes
08:48qui ont vécu des vies formidables et qui ne trouvent pas tout simplement
08:52la chance de cette rencontre.
08:55– Un aède pour les raconter.
08:57– Non, tout simplement un scribe très modeste et très humble.
09:01– Un aède, c'est le mot grec pour scribe.
09:07Et vous avez rencontré quelqu'un de ce genre ?
09:09Vous connaissiez la vie du grand-père de Renaud ?
09:12– Oui, dans la première partie, le roman commence ainsi d'ailleurs dans le prologue,
09:18on voit la rencontre avec le cinéaste franco-polonais
09:23avec lequel j'ai fait ce voyage.
09:26J'ai rencontré la femme, et on n'en parle pas assez à mon avis,
09:30de cette femme de Daria qui a sauvé Lucien.
09:33C'est une femme russe.
09:34– Absolument.
09:34– On oublie un peu le nombre d'étrangers qui sont arrivés là-bas,
09:40qui sont installés, mais guidés par leurs idéaux communistes
09:44et qui se sont retrouvés dans cet enfer stalinien
09:47sans aucune possibilité de repartir,
09:51qui ont purgé parfois 15 ans, 20 ans au Goulag.
09:55Et finalement, qu'est-ce qu'ils deviennent ?
09:57J'en ai rencontré quelques-uns, par exemple, Elena Frischer.
10:01C'est une prisonnière du Goulag qui est morte en 1984,
10:08en laissant des mémoires, mais malheureusement,
10:11qui ne sont pas à la hauteur, disons, de Chalamoff.
10:14C'est évident. Mais voyez-vous, quand je lui ai posé la question,
10:18mais Elena, maintenant, vous pouvez repartir en Tchécoslovaquie ?
10:23Il disait, on ne me comprendra pas là-bas.
10:27Elle était tellement, si vous voulez, dans cet univers incompréhensible,
10:31pénible, torturant, mais qui était le sien.
10:35Et c'est la même chose pour Lucien Baer,
10:39qui, à mon sens, nous a apporté quelque chose d'essentiel.
10:45Non pas la connaissance des idéologies,
10:47ça on peut connaître à la limite grâce aux essayistes, grâce aux philosophes,
10:52mais le mystère du dépassement, de la transcendance.
10:58Comment, en ayant vécu une vie aussi détruite,
11:03et Daria l'a aidée de se reconstituer,
11:06comment peut-on arriver vers la lumière ?
11:08Voilà, c'est ça le thème du livre.
11:10– Absolument.
11:11C'est aller au-delà de l'idéologie,
11:14et encore une fois, de s'entraider,
11:18puisque le premier contact entre Lucien et Daria,
11:24Lucien sauve Daria.
11:26– Oui.
11:27– Il va d'ailleurs la sauver deux fois.
11:29– Oui, mais…
11:30– Et en retour, Daria va l'aimer,
11:34et va lui offrir enfin la paix, la paix et le bonheur.
11:40Et très étonnamment, c'est dans la forêt.
11:43C'est dans la forêt.
11:44Vous avez souvent dans vos livres un amour pour la forêt,
11:50et la forêt serait en quelque sorte un endroit
11:54où le civilisé n'arrive pas, avec tous ses désordres,
11:58avec toute sa cruauté, avec…
12:00– Oui, c'est plus que la forêt, c'est le cosmos.
12:02Le cosmos, c'est notre berceau.
12:04C'est notre berceau, on l'oublie.
12:06– Oui, mais on est loin de la ville.
12:08– Oui, mais…
12:08– Et les relations sont plus honnêtes,
12:11et on est dans la survie, puisque la vie dans la forêt,
12:14c'est extrêmement dur.
12:15– Là, on s'est construit son nouvel habitacle,
12:20ces villes, comme vous dites, mais qui sont des enfers.
12:24Vous voyez, en venant ici, j'ai vu cet enfer qui circulait,
12:27qui défilait le long du périphérique, c'est affreux.
12:31C'est affreux, c'est une image infernale, voyez-vous.
12:35Mais le retour vers le cosmos, vers la nature,
12:39leur donne la possibilité de se sentir eux-mêmes.
12:42Tout à coup, ils sont là, en face du cosmos,
12:46en face de l'univers, en face de Dieu.
12:48Il y a une sorte de solitude extrêmement enrichissante
12:52dans cette grande forêt, c'est plutôt la taïga,
12:54c'est bien plus vaste que n'importe quelle forêt qu'on connaît ici.
12:58– Je parle de la forêt, parce qu'en fait, c'est un monde de vérité.
13:02Or, ce livre est un livre sur le mensonge,
13:06à l'est comme à l'ouest.
13:09Vous y revenez sans arrêt.
13:11Et le mensonge qui est laid, Lucien a cette phrase extraordinaire,
13:15vous êtes faux, tout est faux, et vous êtes laid.
13:19Très intéressant.
13:20– Ça aurait été beaucoup plus simple que si c'était un simple mensonge.
13:25C'est un mensonge extrêmement attractif, séduisant, ça change tout.
13:29– Comme tous les mensonges.
13:30– Vous voyez, quand Lucien vient en urs, mais tout n'est pas faux.
13:34Tout n'est pas faux, il trouve une société où il n'y a pas de chômage.
13:37Il n'y a pas de chômage.
13:39Ou les femmes commencent à voter en 1917.
13:43Il apprend ça comme ça.
13:44Il ne s'agit pas d'exprimer mon avis.
13:46– Ne présentez pas ça comme un progrès.
13:48Pour voter pour qui, je pense que ce n'est pas un gain pour les femmes que de voter.
13:53– Oui, mais il faudrait vous envoyer dans la taille gare.
13:55Ça vous aurait peut-être donné des idées plus calmes et détachées.
13:59– Non, excusez-moi, mais les événements récents font que les élections me sortent par les yeux.
14:04– Voilà, mais en tout cas, c'était vrai et les femmes devenaient, dans les années 20, ambassadrices, ministres, etc.
14:13– Oui, conducteurs d'avions, de bombardiers, conducteurs de camions,
14:18et elles répandaient le bitume sur les trottoirs.
14:24– C'est tout à fait, tout à fait.
14:25– Oui, progrès.
14:26– Mais, là, je ne parle pas du progrès, je parle de la perception de Lucien.
14:32Je ne défends pas du tout cette idée, n'est-ce pas ?
14:35Voilà, je sais que votre réaction est basée sur vos engagements anti-femilistes.
14:41– Non, il n'y a aucun engagement, ce n'est pas du tout politique, c'est ontologique.
14:48– En tout cas, quand il apprend ça, il est séduit.
14:51Un pays où l'ouvrier n'a pas tout le temps la peur dans le ventre
14:58parce qu'il va être jeté de l'usine demain.
15:04Il n'a pas ça, ça n'existe pas.
15:06Ça peut être attractif, vous voyez ?
15:08Mais qu'est-ce qui se cache derrière ces acquis ?
15:11Ça, il faut savoir toujours, et Dostoyevsky a posé ce problème,
15:15le prix d'une utopie, le prix du paradis futur qu'on nous promet.
15:22Et vous vous souvenez, dans les frères Karamazov, c'est extrêmement violent,
15:26quand Aliocha parle avec Ivan, et Ivan mentionne juste une larme d'enfant
15:35qu'il faudrait verser pour construire ce monde meilleur, il dit non.
15:39– Non.
15:39– Je vous rends mon ticket pour ce paradis-là.
15:42Ce paradis ne m'intéresse pas parce qu'il y a une souffrance.
15:44– Aucune larme d'enfant ne vaut ça.
15:46– Il n'y a aucune larme d'enfant.
15:48Et donc, voyez-vous, il faut toujours supposer les pours et les contres.
15:52Et ce qui est intéressant dans la perception de Lucien,
15:56ce n'est pas la perception de Makin qui compte,
15:58c'est voir…
15:59– La perception de lui.
15:59– C'est pour ça qu'on écrit des romans.
16:02Sinon, on aurait pu écrire un essai anticommuniste.
16:06Ça ne m'intéresse pas du tout, voyez-vous.
16:08C'est comment ce jeune communiste est décié.
16:11Et il est décié grâce au marxisme.
16:14Pourquoi le Marx, avec tout ce qu'on pourrait dire
16:16et tout ce qu'on pourrait trouver de faux chez lui,
16:20il nous apprend une certaine lucidité.
16:24Oui, on vous parle de la guerre pour le patriotisme, etc.
16:27Mais non, les intérêts financiers derrière,
16:30comme aujourd'hui en Ukraine, n'est-ce pas ?
16:32Tout simplement des intérêts économiques.
16:34Une guerre impérialiste qui peut être considérée comme cela
16:38et pour la Seconde Guerre mondiale aussi.
16:40– Bien sûr.
16:41– Donc, les intérêts financiers.
16:42On vous parle de, je ne sais pas quelle entente cordiale
16:47entre l'ouvrier et le patron, non.
16:49Tout simplement, la plus-value qui l'intéresse, le profit.
16:52– Rapport de force.
16:53Mais ce qui est amusant, c'est que le Français
16:56qui arrive avec son appareil de photo,
17:00parce que Lucien a un appareil de photo,
17:02il prend une photo et très, très vite,
17:05il se rend compte qu'on lui présente un village Potemkin.
17:08– Ah, tout à fait.
17:10– Et il surprend même des conversations
17:14de vieux ouvriers et de vieilles ouvrières
17:17qui disent, ils sont partis les comédiens.
17:20– Donc, il y a une mise en scène du bonheur communiste
17:24qu'il sent tout de suite.
17:28Est-ce que c'est parce qu'il est français
17:29ou est-ce qu'il est curieux ?
17:31Mais il le voit tout de suite.
17:32– Oui, Anne, je voudrais vous décevoir.
17:36Les villages Potemkin n'ont jamais existé.
17:38– Ah bon ?
17:39– Voilà, c'est une expression…
17:40– C'est devenu un symbole.
17:41– C'est devenu un symbole.
17:43Potemkin, pour recevoir la Tsarine,
17:45mais quand même la Tsarine se déplace à travers toute la Russie.
17:47il décorait un tout petit peu les façades des Isbas.
17:51Mais ce n'est pas grand-chose.
17:52– Ce n'est pas plus.
17:53– Il y a beaucoup plus de villages Potemkin
17:55aujourd'hui en France ou ailleurs, n'est-ce pas ?
17:57Des vrais villages Potemkin.
17:59– Qui coûtent beaucoup d'argent.
18:01– Maintenant, en ce qui concerne la vitrine,
18:03le paravent idéologique, c'est vrai que ça existait en Ur,
18:06c'est de façon extrêmement puissante.
18:08Il y avait une vraie propagande.
18:10Mais est-ce que cette propagande est absente
18:11de nos sociétés dites occidentales ?
18:13– Ah non, non, mais n'imaginez pas que je me réjouise
18:17de ce livre parce qu'il y a une révélation,
18:21une mise en scène parfaite de la propagande soviétique.
18:26Nous avons la même en France.
18:28Et votre livre le montre parfaitement.
18:31Au moment du basculement, Lucien revient
18:35et il est pris en main par une journaliste,
18:38une sotte de journalistes engagées de gauche frénétiques.
18:43– Vous la simplifiez.
18:45La forme est plus profonde.
18:46– C'est très…
18:47– La forme est plus complexe.
18:47– Écoutez, André, j'ai fréquenté ces gens-là.
18:50J'étais un hater en 68.
18:52Donc, no pitié.
18:53Ça, vraiment, je suis désolée, mais j'ai connu tout ça.
18:56J'ai connu les manifs contre la guerre au Vietnam.
19:01J'ai tout connu.
19:02– Mais ça, c'est plutôt plaisant.
19:03Les manifs contre la guerre au Vietnam.
19:04– Oui, oui, mais enfin, c'était à ce moment-là,
19:07c'était le dilemme, c'était le monde communiste
19:10contre le monde libre, vous voyez.
19:11Et il y a 50 ans, j'étais encore pour le monde libre.
19:15Je croyais que mon monde libre était vraiment libre.
19:18Je me suis trompée, mais à coup le pas.
19:20Mais ne me parlez pas des intellectuels de gauche
19:23avec beaucoup d'admiration, non.
19:25– Ah, les villages brûlés au napalm, ce n'est pas très joli.
19:28– Bien sûr, mais évidemment.
19:30– Mais non, les intellectuels de gauche…
19:32– Évidemment, mais ils existent toujours
19:33et on continue à brûler les gens.
19:35– Les intellectuels de gauche que vous rejoutez…
19:39– Français, les Français.
19:40– Français ou Allemands ou Américains,
19:42le problème n'est pas là.
19:43Le problème, ce sont des âmes égarées.
19:45Donc, il faut trouver quelque chose.
19:49Même dans ces âmes égarées, vous savez,
19:52Saint-Issac le Syrien,
19:53prier même pour les démons.
19:56Donc, vous qui êtes un catholique…
19:57– Saint-Isaac.
19:58– Saint-Isaac.
19:59– Je ne suis pas Saint-Isaac.
20:00– Même pour les démons.
20:01– Même pour les démons.
20:01– Je ne vous parlez de mémoire.
20:02– Et non seulement pour les gens perdus.
20:03– Ce n'est pas bien du tout,
20:04mais je ne peux pas prier pour les intellectuels de gauche
20:06qui m'ont foutu en l'air ma jeunesse,
20:08qui ont foutu en l'air mon université
20:09et qui ont entraîné des milliers de Français
20:14dans la bêtise la plus terrifiante.
20:18– C'est un moment négatif de l'histoire.
20:19Il faut passer par là pour voir si…
20:21– On y est toujours, on n'en est pas sortis.
20:25– Je vous assure.
20:25– On n'en est pas sortis.
20:26– Les voix se lèvent
20:27et même les gens que vous rejetez,
20:30ils commencent quand même à…
20:31– Dieu vous entend.
20:33– À être un peu raisonnés.
20:33– Dieu vous entend.
20:34Mais il y a en effet toujours des gens qui raisonnent,
20:38mais leur nombre est très petit.
20:41Et nous avons maintenant des procès soviétiques en France.
20:44en 2025, on a des procès soviétiques
20:48comme dans les années 30 à Moscou.
20:51C'est quand même pas un progrès, si ?
20:53Qu'est-ce que vous en pensez ?
20:54Je ne fais aucune allusion au récent procès
20:58qui éradique une femme politique
21:01de la course à la présidence.
21:04– Un dissident russe de ma connaissance
21:07disait aux Français
21:09« J'ai vécu dans votre futur ».
21:11– Oui absolument, comment s'appelle ?
21:13Bérezowski, comment s'appelle celui qui l'a dit ?
21:17– Je ne vous donne pas son nom.
21:19– Si, si.
21:20– Voilà, j'ai vécu dans votre, c'est ça.
21:22– Et il n'a pas marché.
21:23– Ce n'est pas le nom qui est con, c'est la pensée.
21:26– Et il n'a pas marché.
21:26– Je ne vais plus dans l'autre futur.
21:27– Oui, à propos de l'Europe.
21:29– À propos de la France.
21:31– Oui, non mais à propos de Bruxelles aussi.
21:34– Voilà, à propos de l'Occident et de l'Occident.
21:36– Non, je sais bien, je sais bien.
21:38– En tout cas, votre Lucien est d'une grande perspicacité
21:44et quand il va être pris en main par cette journaliste,
21:51il va accepter dans un premier temps
21:55et tout d'un coup, il va se rendre compte qu'on lui fait jouer un rôle.
21:59Et ce rôle, il va le détester.
22:02– Oui, mais est-ce que cette journaliste que vous détestez
22:05est consciente de ce qu'elle fait ?
22:08C'est ça, sa profondeur, elle est consciente.
22:11Et à la fin, cette femme qui a vieilli,
22:14qui a été, comment vous dire, usée par les mensonges qu'elle proférait,
22:20elle comprend qu'elle s'est fourvoyée complètement.
22:23Et la profondeur de ce personnage est là.
22:25Si c'était juste un schéma que j'aurais décrié
22:28en disant que ça aurait été une œuvre idéologique,
22:30et que ce n'est pas un roman à thèse du tout.
22:32– Non, absolument, non, c'est rien.
22:34– Chacun de nos frères humains, de nos sœurs humains,
22:39on peut trouver cette étincelle appelée la divine d'humanité.
22:43Toujours, il faut la chercher.
22:44Et à mon avis, la position d'un vrai chrétien, c'est ça,
22:47c'est ne jamais laisser tomber autrui,
22:49même si cette autrui vous insupporte.
22:52– Vous dites très joliment, la vraie démence
22:55et cette extrême facilité avec laquelle les autres vous laissent tomber.
23:01– C'est ce qui est arrivé à Lucien, ce qui est arrivé dans sa patrie,
23:05voyez-vous, parce que, enfin, les lecteurs vont le découvrir,
23:08c'est qu'en disant la vérité, il est pris pour un fou.
23:11– Absolument.
23:12– Oui, ça devient, ça devient, les gens sans doute n'ont pas lu…
23:15– Ça devient le maître et Marguerite.
23:17– Les gens n'ont pas lu sans doute les écrits de Saint Paul
23:20qui disaient « Dieu a rendu folle la sagesse de ce monde ».
23:24C'est-à-dire, ce qu'on nous prend pour la sagesse de ce monde,
23:29elle est folle, tout simplement.
23:30Et on vit dans cette folie aujourd'hui, n'est-ce pas ?
23:32Et celui qui essaie de la dénoncer passe pour un fou.
23:36– Oui, mais c'est ce qui a été fait pendant le Covid.
23:42Nous avons mis un grand savant dans un hôpital psychiatrique.
23:47Nous vivons aujourd'hui ce que vous avez vécu à Moscou
23:52dans les années 30, 50 et tout ça.
23:55– Pas tout à fait.
23:55– Pas tout à fait.
23:56– Non, pas tout à fait.
23:57– Soyons, soyons.
23:58– Bien sûr, de façon beaucoup moins douloureuse.
24:02– Tout ce qu'on se dit là, aujourd'hui, vis-à-vis de la doxa,
24:07nous aurait valu l'envoi dans le blague tout de suite.
24:10– Tout de suite, absolument.
24:11– Ou peut-être, vous voyez, contre ce mur vert,
24:13on nous aurait planté une balle dans la tête.
24:15Donc, on n'est pas là.
24:17– Non, non, bien sûr.
24:17– Donc, essayons de pondérer les choses.
24:19Sauf que les voix sont étouffées, tout à fait.
24:21Le livre, vous voyez, il n'y a qu'un article dans les grands médias, etc.
24:24Et ça me réjouit, ça m'honneur, ça m'honneur, mais ça n'a aucun sens,
24:32parce qu'avoir un petit article de complaisance, quel sens a tout cela.
24:37– Et alors, ce qui est très amusant aussi, c'est qu'à la fin,
24:44le seul homme qui va aider Lucien, c'est un royaliste.
24:49Alors ça, c'est très amusant.
24:50– C'est un royaliste.
24:52Voyez-vous, nous sommes toujours dans les schémas idéologiques.
24:55C'est une femme de gauche, c'est un royaliste, etc.
24:57Mais derrière cette femme de gauche, il y a une femme, avant tout.
25:00Il y a notre sœur humaine qui s'est perdue, qui s'est fourvoyée.
25:04Tendons-lui la main, juste donnons-lui cette chance.
25:08Et le roman, c'est de lui donner la chance,
25:10de ne pas voir en elle une pâme belge,
25:13complètement crétinisée par l'idéologie, etc.
25:15De dire non, il y a quand même quelque chose qui survit, qui vacille en elle.
25:19La même chose pour un royaliste.
25:21Elle serait tellement facile de le réduire à son engagement monarchiste.
25:26Mais non, elle est beaucoup plus riche.
25:28C'est un ancien résistant, déjà.
25:30C'est un ancien résistant.
25:31C'est-à-dire, c'est une façon de dire,
25:32mais écoutez, il y avait des gens avec un engagement monarchiste très fort,
25:37mais ils ont résisté.
25:39– La droite était au rendez-vous à l'ingriotrait.
25:42– Voilà, contre les nazis.
25:43Donc, les personnages ne sont jamais univoques dans ce livre.
25:47– Absolument.
25:48Mais ce n'est pas votre genre de faire des caricatures.
25:50– Non, mais ce n'est pas seulement.
25:51Parce que nous ne sommes jamais des caricatures.
25:53Et à mon avis, écrire des romans à thèse n'a aucun intérêt.
25:58– Absolument, absolument.
25:59Mais c'est tout de même étonnant, et vous le savez bien,
26:02de montrer que cet homme qui est…
26:07qui est plus tourné vers les richesses du passé
26:13que vers les promesses fallacieuses de l'avenir.
26:18C'est tout de même cet homme qui est…
26:21qui s'aide, qui propose son aide,
26:24et qui va être déterminant pour le sort de Lucien,
26:27je n'en dirais pas plus.
26:28– Et pourquoi cet homme, d'après vous ?
26:30Vous êtes une grande et bonne lectrice.
26:32Pourquoi elle est allée voir l'ancien communiste
26:35qui a été exclu du parti pour son orthodoxie ?
26:38Pourquoi tout d'un coup ce royaliste va voir cet homme
26:41et engage même une sorte d'amitié ?
26:44Ça, ça arrive aussi.
26:45Il est à la limite plus radicale encore que Lucien.
26:48– Parce que tout individu avec cette rupture,
26:53tout individu en rupture,
26:56est plus apte à comprendre quelque chose
26:58que celui qui est enfermé dans son…
27:00– Excellente réponse, mais il y a autre chose aussi.
27:03Il y a une foi.
27:04– Une foi, oui.
27:05– Voyez-vous, il y a des hommes sans foi
27:07que Onamuno appelait, Miguel de Onamuno appelait
27:10les eunuques spirituels, les eunuques spirituels.
27:13Ils sont castrés du point de vue spirituel.
27:16Voyez-vous, il y a des hommes, on rejette leur idéologie,
27:20je ne suis pas monarchiste, je ne suis pas communiste,
27:22mais c'est des hommes qui avaient des convictions,
27:25qui avaient des convictions, vous voyez, je préfère,
27:27vous avez des convictions fortes,
27:28et c'est pour ça qu'on se comprend.
27:29– Voilà, votre sortie sur les femmes soviétiques
27:33était assez extravagante, à mon sens,
27:36mais ça ne m'empêche pas de vous parler.
27:39– Ce n'est pas qu'elles soient extravagantes,
27:41c'est qu'elles ont annoncé la situation des femmes aujourd'hui,
27:45qui sont obligées de partir à 8h du matin,
27:48et qui rentrent le soir à 7h,
27:49et qui ont confié leurs enfants à des organismes de l'État,
27:54et ce qui fait que l'État, maintenant, possède les enfants,
27:56il n'y a plus de famille, il n'y a plus rien,
27:58je veux dire, et que les femmes ont trois métiers,
28:01et qu'il n'y a plus d'enfants,
28:04parce qu'on ne peut pas faire d'enfants,
28:06on ne peut pas faire deux ou trois ou quatre enfants
28:08quand on a des horaires comme on les a,
28:10et qu'on arrive donc à des pays qui sont foutus,
28:13et qui n'ont plus de démographie.
28:14On y est, on y est.
28:16Je vous signale qu'en ce moment,
28:18vous avez un président en Russie
28:20qui offre des crédits illimités
28:23pour acheter un appartement
28:25aux familles qui ont plus de deux enfants, je crois.
28:29Nous en sommes loin en France.
28:30Ce serait plutôt une allocation aux familles
28:33qui ne font pas d'enfants
28:34pour ne pas dévorer le CO2.
28:38Vous le savez, nous sommes dans la religion climatique.
28:40Donc, si vous voulez, c'est hallucinant de voir
28:43que tout ce dont vous parlez dans ce livre
28:46nous arrive aujourd'hui.
28:48Excusez-moi, mais j'en suis…
28:50J'ai vécu dans votre futur.
28:52Vous avez vécu dans mon futur, absolument.
28:54Mais ce qui est étonnant chez vous,
28:57c'est André, et je le vois…
28:59Le dissident s'appelait Zinoviev,
29:00vous le savez très bien.
29:01Zinoviev, bien sûr.
29:04Plus j'avance en avant dans votre œuvre
29:07et à chaque livre,
29:08je vous découvre de plus en plus chrétien
29:12et de plus en plus attentif
29:16à l'être qui est à côté de vous
29:20et à celui qui est pauvre ou malheureux.
29:24Et ce livre vraiment dit cet amour pour l'autre.
29:30Vous parlez de Saint-Paul, vous parlez de foi,
29:31vous parlez de…
29:32J'ai envie de vous dire,
29:33quand est-ce que vous devenez orthodoxe
29:36ou quand est-ce que vous êtes…
29:38Vous êtes un fantastique messager du ciel,
29:45de l'amour évangélique.
29:46C'est quand même très étonnant.
29:48– Voilà, vous ne m'avez pas encore canonisé.
29:51– Bientôt.
29:52Au prochain bouquin, je vous canonise.
29:53– TV Liberté pourrait s'en charger.
29:57Vous connaissez la meilleure définition du chrétien.
30:02– Oui.
30:02– Afobero stanatu, celui qui n'a pas peur de mourir.
30:05– Oui.
30:06– Tout est dit.
30:07– Oui.
30:08– Et quand on n'a pas peur de mourir,
30:09on se donne à l'autre, on souffre à l'autre.
30:11– Oui.
30:11– Oui, justement parce que cette peur de mourir
30:14qui nous rend anxieux, qui nous rend possessifs,
30:17qui nous rend accumulateurs, n'existe plus.
30:20Et dans la dernière partie du roman, justement,
30:23cet idéal se réalise.
30:25Oui, vous allez dire un idéal chrétien.
30:28Vous savez, Chesterton le disait très bien,
30:30les idées modernes, ce sont des idées chrétiennes devenues folles.
30:35– On dit ça du communisme aussi,
30:36parce que finalement le communisme proposait ça.
30:38On dit souvent d'ailleurs que Marx était le pion du peuple,
30:42il était contre la religion.
30:43C'était beaucoup plus nuancé.
30:45Il disait la religion, c'est le soupir d'un être,
30:49d'une créature accablée.
30:50C'est l'âme d'un monde sans cœur.
30:55L'âme d'un monde sans cœur.
30:56Donc il n'était pas si négatif que ça.
30:59Il comprenait pourquoi l'homme cherche Dieu.
31:01– Oui, c'est quand même réduire la religion.
31:04S'il y a une religion, c'est parce que les âmes souffrent.
31:06Ça signifie que vous apportez le bonheur à une âme,
31:09elle ne va plus avoir la foi.
31:11Ce qui est complètement faux.
31:12C'est une version extrêmement réduite de notre religion.
31:16On peut très bien, devant la beauté du monde ou devant un grand bonheur,
31:21remercier Dieu et chanter les grâces.
31:23Donc c'est déjà une malformation de la religion.
31:25– Ce qui expliquait Céline quand elle disait,
31:28finalement le seul but du communisme, c'est bouffer.
31:30– Donc tout est réduit à la nourriture terrestre,
31:33et non pas en nourriture céleste.
31:35– Absolument.
31:35– Pas la cité de Dieu qui est recherchée.
31:37– Oui.
31:39Mais je…
31:40Non mais on ne comprend rien à Céline si on n'a pas compris
31:43que c'était un médecin,
31:44et qu'un médecin est entièrement consacré aux soins
31:49et à sauver le malade qui est en face de lui.
31:51C'est le drame de Céline, il est là.
31:53Et on l'accuse de tous les mots, on dit que c'est un violent,
31:56que c'est un épouvantable bonhomme.
31:58En réalité, il a vu qu'on se précipitait dans la Deuxième Guerre mondiale,
32:03il a vécu la Première Guerre mondiale,
32:05et il a crié au feu, et il a crié au feu tout le restant de sa vie.
32:09Et en fait c'est par amour pour ses frères.
32:13Il y a des témoignages de ses soins aux jeunes malades
32:17qui étaient extraordinaires.
32:20Je crois qu'on n'a pas encore tout à fait compris qui était Céline.
32:22On comprendra peut-être dans 50 ans.
32:24– Moi non plus, je vous dis, pour l'instant ce n'est pas ma tasse de thé.
32:27Il faudra que je le redécouvre.
32:29– Non mais c'est parce que vous êtes, comment vous dire,
32:31vous êtes très au-dessus de la mêlée.
32:36– Mais non, mais non.
32:36– Si, vous êtes très au-dessus de la mêlée.
32:38– Écrire des livres, ce n'est pas du tout être au-dessus de la mêlée.
32:40– Non, mais c'est votre esprit qui est extraordinaire.
32:42Parce que vous êtes un personnage de roman, André Mackin.
32:46Vous avez vécu mille et une vies,
32:49vous la gardez secrète et très bien,
32:51mais vous avez vécu mille et une vies.
32:54– Que je raconte dans mes livres.
32:55– Que vous racontez, on le sent là,
32:59l'expérience de guerre et l'expérience de prison.
33:02Je ne sais pas si vous avez fait de cette prison et de ce goulag,
33:05mais en tout cas c'est d'une précision.
33:10Vous témoignez comme si vous aviez bien vécu.
33:14En tout cas, les scènes de guerre sont effrayantes et très justes.
33:19Mais, donc vous avez acquis une sorte de recul extraordinaire
33:27pour accueillir, pour atteindre cette sagesse
33:32qui est en vous extraordinaire et qui fait du bien indiscutablement.
33:36Vos livres font du bien.
33:37C'est un des grands charmes de vos livres.
33:42C'est que vous donnez ce bonheur, ce bonheur de l'amour.
33:47Daria et Lucien vivent une histoire extraordinaire.
33:52Et puis cette mise en joue du mensonge,
33:56du mensonge tout azimut, le mensonge qui rend lait.
34:00Ça c'est très amusant votre idée.
34:02Le mensonge qui rend lait.
34:03– La laideur, oui, la laideur.
34:04– La laideur.
34:04– Et comment cet homme se rend compte petit à petit
34:11qu'il l'est manipulé.
34:14Ça c'est étonnant.
34:15– Mais voyez-vous, il vient quand même en Russie
34:18avec cette doxa marxiste qui permet d'être lucide.
34:23Au moins, qui ne permet pas d'être toujours dans la vérité,
34:26mais lucide.
34:27Il vient en tant que détective presque.
34:29Presque Charles Cromes.
34:30C'est-à-dire, on lui montre une chose,
34:32il dit non, non, ça aurait été très simple.
34:34Et la même chose en France, quand il arrive,
34:36il est séduit au début.
34:38Parce qu'il faut, après 30 ans passés quand même
34:41dans la Russie soviétique,
34:42quand on vient en France, dans les années 60,
34:45les 30 glorieuses, on est séduit par, comment vous dire,
34:48la facilité de tout ce qui s'offre.
34:50La nourriture, le matériel, l'amour,
34:53parce que c'est l'émancipation quand même assez délérante à l'époque.
34:57– L'amour, l'amour au ce qui ressemble à l'amour.
34:59Parce que vous avez des descriptions,
35:01des scènes de partouze de ces fameuses intellectuelles
35:03qui sont ratinées.
35:04– Oui, elles sont réelles.
35:06Elles m'ont été racontées de quelqu'un.
35:08– Bien sûr, non mais on les connaît.
35:09– Voyez-vous comme je suis assez tolérant.
35:13Parmi mes amis, il y avait quelques 68 ans repentis,
35:17pur et dur.
35:18– Donc ils vous ont raconté.
35:20– Voilà, ils m'ont raconté tout ça.
35:21– Oui, mais le problème, c'est qu'ils se sont peut-être repentis,
35:26mais c'est devenu à la mode.
35:30La baisse généralisée, la grande liberté,
35:34l'avortement généralisé, c'est venu de cette période-là
35:38de relâchement total.
35:41Et ça s'est répandu, mais comme une mer,
35:44comme un bateau lâche son fioul dans l'océan
35:48et toutes les côtes sont abîmées.
35:50On en est là.
35:51– Mais où fallait-il passer par là pour dépasser ?
35:56Vous savez, il faut être un peu dialectique.
35:57– Dépassons.
35:58– Oui, il faut dépasser.
35:59– Dépassons.
36:00– Sinon, on serait toujours tenté par cette expérience.
36:03Vous savez, le fruit est défendu.
36:05– Le fruit est défendu.
36:06Et voilà, encore une image de la Bible.
36:12Mais…
36:12Et alors…
36:14Alors, cette Daria,
36:17cette Daria est un personnage extraordinaire,
36:20parce que c'est un personnage très russe,
36:22elle a une force,
36:24elle a une force en elle extraordinaire.
36:26– Il y avait beaucoup de femmes qui ont sauvé des hommes.
36:28Vous imaginez les Italiens, les Asiatiques,
36:31les Scandinaves arriver là,
36:33avec les meilleurs espoirs du monde,
36:35et puis se retrouver ou bien au goulag,
36:36ou bien tout simplement envoyés à la guerre,
36:39comme les Espagnols.
36:40Les Espagnols qui ont fui Franco,
36:43ils se sont retrouvés après dans l'armée soviétique.
36:46Et donc, quand ils ont tout perdu,
36:50où aller ?
36:51Ce sont des étrangers,
36:52mais pas seulement des étrangers,
36:54mais des étrangers suspects.
36:56Éternellement suspects.
36:57Pourquoi ?
36:57Parce qu'ils ont été ennemis du peuple,
37:00ils sont des repris de justice.
37:02Et donc, c'est à ce moment que ces femmes intervenaient
37:04avec cet amour oblatif,
37:07non pas un amour captatif,
37:08mais qui essaie de profiter.
37:08– Non, complètement oblatif.
37:09– Oblatif, qui se donne, qui s'offre.
37:11Mais Daria, vous l'avez très bien dit,
37:14il a été sauvé, non pas seulement physiquement,
37:16tout à coup, il a découvert
37:18qu'il y a une autre lecture du monde.
37:20Parce que c'est en français.
37:21Il voit le monde différemment.
37:23Il voit le monde, à la limite,
37:25il voit le monde russe mieux que les Russes eux-mêmes.
37:27Les Russes sont dans la routine.
37:29Ils disent, mais attendez, tout cela,
37:30écoutez, on est sous Staline,
37:31c'est ainsi, c'est à prendre ou à laisser.
37:33Donc, il dit, mais non, non, non,
37:36il y a un décalage.
37:37Vous voyez, c'est le même Céline que vous citez.
37:39Cité, il disait, écoutez,
37:41chez nous, en France, au moins, nous pouvons râler.
37:44Nous pouvons râler.
37:45Tandis qu'en Union souhaitique,
37:47puisque c'est un paradis,
37:48on ne peut pas râler.
37:49Tout est parfait, déjà.
37:50Donc, si vous commencez à râler,
37:52vous allez en Sibérie.
37:53Vous voyez, il a eu cette vision,
37:54bon, extrêmement schématique,
37:56mais assez juste.
37:57– Il y a aussi une peinture
38:00qui est extraordinaire.
38:01C'est ce Colcause qui est rayé de la carte
38:04par les autorités, après la guerre,
38:07parce qu'il n'a plus d'avenir.
38:08Alors, on les laisse,
38:10on laisse les habitants
38:12sans plus aucun secours,
38:15on leur coupe l'électricité,
38:18parce que ces paysans,
38:21il faut les dégager.
38:22C'est ce qui se passe aujourd'hui en France.
38:24– Oui, vous voyez,
38:24on est toujours dans votre futur.
38:26Je n'ai vécu dans votre futur.
38:27Mais là, c'est un peu plus,
38:29si vous voulez,
38:30un processus plus long,
38:31parce que c'est la collectivisation
38:32forcée des années 30
38:33qui a complètement rasé la campagne russe.
38:37– On a collectivisé,
38:38on a formé justement ces Colcause.
38:40Ça n'a jamais véritablement bien marché.
38:42– Non.
38:42– Oui.
38:44Et donc, ils ont été…
38:46Enfin, le système était exsangue.
38:48– Oui.
38:48– Exsangue.
38:49Et dans les années 80,
38:5180, oui, dans les années 70,
38:53ça a commencé déjà,
38:54tout simplement,
38:54on les supprimait.
38:56et les gens se retrouvaient nulle part,
38:58comme ces gens-là.
38:59Mais c'est dans ce nulle part,
39:01parce qu'elle dit,
39:02Daria, elle dit,
39:03c'est nulle part.
39:04C'est nulle part.
39:05C'est là où tout à coup,
39:06l'homme était dénudé,
39:09complètement dénudé,
39:10mais débarrassé, libéré,
39:11affranchi de tout ce qui est idéologique et politique.
39:14Tout à coup,
39:15il se retrouvait seul face à l'univers,
39:17face à ce grand tout qui nous entoure.
39:19– Et il se retrouve libre.
39:22– C'est une forme de liberté.
39:23– Oui, c'est une forme de liberté tragique, certes,
39:26mais c'est une liberté.
39:27– Libre, libre.
39:29Et là, j'avoue que cette description de ce village
39:32qui lutte pour survivre,
39:35et qui accueille d'ailleurs tous les gens
39:38qui viennent de la ville
39:39et qui ne peuvent plus survivre.
39:42– C'est les années 90 déjà.
39:44– Oui, c'est ça.
39:44– Un éclatement de l'Union soviétique.
39:46– On voit vraiment tout le film soviétique
39:52depuis 1939 jusqu'aux années…
39:57– Ce qu'il faudrait que nos gouvernants comprennent,
40:00justement, s'ils veulent comprendre la Russie,
40:02ils doivent voir toute cette histoire soviétique.
40:06Sinon, ils ne comprennent rien.
40:07Vous voyez, tout ce qui se passe aujourd'hui
40:09entre la France et la Russie,
40:10c'est un désastre total politiquement et humainement,
40:14parce que là, il y a beaucoup d'Ukrainien qui meurent,
40:17il y a des Russes qui meurent,
40:18mais on oublie qu'il y a sans doute déjà des Français qui meurent.
40:21– Bien sûr.
40:22– Pour l'instant, on ne nous dit rien.
40:23– Bien sûr.
40:23– Les Anglais, c'est sûr,
40:24les Polonais sont très, très présents dans ce conflit.
40:27– Bien sûr, bien sûr.
40:27– Voyez-vous ?
40:28Et comprendre la Russie,
40:29comprendre les horreurs qu'elle a vécues,
40:32ne serait-ce que dans les années 90,
40:34où finalement, c'est les gangsters qui menaient le bal,
40:37on ne peut rien comprendre.
40:38– Non, mais enfin, imaginez qu'Ursula,
40:42cette grande, grande aristocrate allemande,
40:46puisse comprendre quelque chose de la souffrance des Soviétiques,
40:54c'est un doux rêve, cher André.
40:56Penser que les politiques français,
40:59les députés français dans la grande majorité,
41:01puissent comprendre quelque chose au goulag,
41:04vous rêvez là, je vous aime beaucoup,
41:07mais revenez sur terre.
41:08– Je ne parle pas même du goulag, je ne parle pas du goulag.
41:09– Nous avons des députés qui…
41:10– J'ai les pieds sur terre, Anne.
41:12– Nous avons des députés qui sont incomplètement hermétiques
41:16à toute idée de souffrance.
41:19Sinon, ils ne voteraient pas les avortements,
41:22l'euthanasie, les impôts qui écroulent,
41:26qui ruinent tout le monde.
41:29Non, non, nous sommes chez des sans-cœurs absolument parfaits.
41:33– À qui la faute, cher ami ?
41:35À qui la faute ?
41:35À nous ?
41:37– Démocratie, cher ami, au vote, au vote, au vote.
41:39– Vous savez ce que vous dites maintenant ?
41:41Vous me reprochez un tout petit peu gentiment
41:44mes citations chrétiennes.
41:46– Non, je ne vous les reproche pas,
41:48elles m'interrogent.
41:49Je m'en réjouis énormément, André.
41:51– Interrogez-vous sur cette citation de Saint-Augustin
41:53qui disait, oui, vous dites,
41:55les temps difficiles, les temps affreux.
41:59– Oui, oui.
42:00– Mais les temps, c'est nous.
42:02– Oui.
42:02– Et tout est dit.
42:03– Les temps, c'est nous.
42:04C'est la faute aux intellectuels.
42:07Il ne faut pas charger tout simplement les gouvernants.
42:09Il faut leur ouvrir patiemment les yeux.
42:12Et les livres servent à cela, leur ouvrir les yeux.
42:14Ils ne veulent pas les lire, ils les liront un jour.
42:17Voyez-vous, le testament français a été lu par toute la classe,
42:20la classe dirigeante d'aujourd'hui,
42:23parce qu'ils avaient l'âge d'être au collège, au lycée.
42:25– Donc, ils sont passés par maquine.
42:27– C'est sûr.
42:27– Qu'ils le veillent ou non.
42:28– C'est sûr, oui, c'est sûr.
42:30Mais les hommes futurs ne sachant pas lire,
42:37le problème est résolu,
42:38puisqu'on a foutu en l'air l'enseignement
42:40et que rien n'est fait pour changer.
42:43Donc, si vous voulez, mon pessimisme est grave.
42:48Et heureusement, j'ai votre livre pour me remonter un petit peu
42:52et pour me rappeler qu'en effet, l'entraide, l'amitié et l'amour
42:56sont les choses qui peuvent vous faire continuer à marcher.
43:03Mais je peux vous dire qu'en lisant ce livre,
43:09on voit très, très bien, encore une fois,
43:11que notre Europe, c'est cet avenir qui n'a pas marché.
43:17Donc, merci pour ce constat.
43:22Vous ne pouvez pas vous empêcher de…
43:24Vous ne pouvez pas gérer la réaction du lecteur.
43:28Vous écrivez quelque chose.
43:29– C'est tout, c'est tout ce qui nous intéresse.
43:31– Mais la réaction du lecteur est une réaction…
43:37Vous faites du bien à ce lecteur, indiscutablement,
43:41mais par ailleurs, quand il est conscient,
43:45est un peu lucide et un peu au courant des choses,
43:48il est quand même effroyablement conscient
43:53de cet avenir que le marxisme a voulu construire
43:58et la démocratie en Europe, même combat, je vous rassure.
44:02Je ne pense pas que l'Europe, la vieille Europe
44:06ait des leçons à donner à la Russie.
44:08Loin de moi cette idée.
44:09Et si on est dans le pétrin aujourd'hui,
44:11c'est bien parce que nous vivons dans le mensonge
44:14et dans la propagande.
44:15– Nous vivons un moment négatif, de négation.
44:18Et le dépassement viendra, j'en suis certain.
44:21Mais il faut passer par cette Europe, cette Union européenne
44:23qui ne correspond pas du tout à l'idée européenne que je me fais.
44:27Ce n'est pas l'Europe, on parle de l'Europe
44:28comme si tout se redisait à la Commission et à Madame Ursula.
44:33Ça, c'est un épiphénomène.
44:35Ça passera, ça va être balayé,
44:36c'est déjà à moitié dans les poubelles de l'histoire.
44:38– Le balai tarde à venir.
44:41J'ai envie de rappeler votre beau livre,
44:43Cette France que l'on oublie d'aimer.
44:47Parlez-moi de ce livre.
44:48Il était extraordinaire.
44:50C'était un constat que vous avez fait déjà il y a 20 ans, je crois.
44:54– Oui, presque 20 ans.
44:55– Presque 20 ans.
44:55– Mais il y a de plus en plus d'actualité.
44:58La France est en train d'être rayée des cartes.
45:00– C'est étonnant ce livre-là, oui.
45:02Je pensais répondre, si vous voulez, à une émotion très, comment vous dire,
45:10très circonstanciée.
45:12Vous voyez, à ce jour-là, ce qui se passait, c'était la révolte dans les banlieues.
45:15Et le livre est né comme cela, comme une réponse.
45:18Et finalement, quand on a visé quelque chose, justement,
45:23et quand on était honnête avec ses pensées,
45:25le livre survit malgré la fuite du temps.
45:29Et j'ai rencontré, j'étais à Aix, en Provence, il y a quelques jours,
45:33et j'ai rencontré encore les lecteurs qui étaient enflammés par ce livre,
45:38justement parce qu'ils trouvaient les correspondances.
45:40Ils disaient, mais comment vous avez pu deviner ?
45:42– Devinez ! – Je n'ai rien deviné, j'ai déclaré la situation actuelle.
45:45– Les premières pages du livre, c'est extraordinaire,
45:47c'est que vous rentrez dans une église,
45:50et vous voyez que la pierre est légèrement incurvée
45:53par le nombre de pas qui ont foulé cette pierre.
45:58Et vingt ans plus tard, nos églises sont vendues,
46:01transformées en salles de sport, en salles de spectacle,
46:06en bar à vin ou à bière, et vous avez donc bien tout le vu.
46:12– Vous avez, vous êtes à votre manière,
46:18vous êtes ce personnage qui voit, comme tous les grands écrivains.
46:23Dernière question, Dostoyevsky ou Tolstoy ?
46:26En quoi vous, en qui vous reconnaissez-vous ?
46:30– Tolstoy, certainement, parce que Dostoyevsky,
46:34pour moi déjà, il est un peu trop occidental.
46:35Et puis, à mon avis, il y avait quelque chose en lui
46:38qui me gêne un peu, il essayait de mettre
46:41les préceptes évangéliques dans le romanesque.
46:45Et on se sent un peu à saisir, on se sent quelque chose…
46:48– Trop orthodoxe, Dostoy.
46:49– Non, non, c'est vrai, vous savez, nous n'avons pas parlé
46:52du marxisme et de ses idées devenues folles,
46:56mais lui, Blanc, le disait très bien,
46:59le socialisme, c'est l'évangile en action.
47:02Vous voyez, il y avait déjà cette sensation
47:04que finalement, ce qu'on va construire
47:07du point de vue sociologique, politique et idéologique,
47:10il vaut mieux quand même se référer,
47:11non pas à la copie, mais à l'original.
47:16Cette pensée les habitait Marx et les autres,
47:18tous, même Staline, l'ancien séminériste.
47:20– Oui, oui.
47:21– En tout cas, merci beaucoup André Mackin,
47:26prisonnier du rêve écarlate, chez Grasset.
47:31Lisez ce beau livre, chers amis, et vous en serez heureux.
47:35Merci André Mackin.
47:36– Merci à vous.
47:36– Chers amis de TV Liberté, nous poursuivons cette émission
47:45avec Renaud de Bourloff.
47:47Bonjour Renaud.
47:47– Bonjour Anne.
47:48– Et nous sommes heureux de vous parler de cinéma,
47:51de trois films, peut-être même quatre films.
47:56Vous avez vu le beau film, Vermiglio,
48:00La mariée des montagnes.
48:02– Voilà, le film qui a eu le grand prix du jury
48:04à la Mostra de Venise l'année dernière.
48:06– Oui, ce n'est pas n'importe quoi.
48:07– Oui, en fait, on l'appelle aussi le lion d'argent.
48:09En gros, c'est ce qui récompense le deuxième meilleur film
48:12de l'année dans ce festival de cinéma international.
48:18– Ce qui est intéressant de noter, c'est que le lion d'or à Venise l'année dernière,
48:22c'était la chambre d'à côté.
48:23Vous avez le film de propagande de Pedro Almodovar,
48:26le grand cinéaste adoré dans la gauche caviar,
48:32qui nous faisait l'apologie de l'euthanasie.
48:34– Bien sûr, quand ce n'est pas l'euthanasie, c'est le transgenrisme,
48:37quand ce n'est pas le transgenrisme, c'est l'homosexualité.
48:40– Non, mais avec Almodovar, on a tout.
48:42Ce qui m'a surpris dans cette édition de la Mostra de Venise,
48:46c'est que le lion d'or est attribué à l'apologie de la culture de mort.
48:51– Oui.
48:51– Et le lion d'argent est donc, pour ce film Vermiglio,
48:53– Le contraire.
48:54– Qui est l'apologie de la vie.
48:55– Oui, mais ça, c'est le charme de l'Italie, si vous voulez.
48:58– Les Italiens ont grand peine à se laisser enfermer
49:05dans une seule propagande, dans une seule idéologie.
49:09Et ils ont toujours des contre-feux extraordinaires.
49:13– Alors là, nous sommes dans un petit village du nord de l'Italie.
49:17– Du Trentin.
49:17– Du Trentin, exactement.
49:20– Après la guerre mondiale.
49:22– Nous sommes dans la Seconde Guerre mondiale.
49:24– Oui, oui.
49:24– Parce que c'est dans ce petit village où…
49:26– Les soldats reviennent.
49:27– Le soldat en question, qui est l'un des personnages principaux,
49:31c'est un soldat déserteur, précisément.
49:32– Oui.
49:32– La guerre n'est pas encore finie au début du film.
49:34– D'accord, oui.
49:35– Et en fait, l'arrivée de ce soldat dans ce petit village
49:38va bouleverser la vie d'une famille.
49:40– Avec un villageois d'une coin, puisque son meilleur ami…
49:43– Oui, son meilleur ami, c'est un villageois du coin.
49:44– Qui l'a sauvé, est de ce village.
49:48– Et donc, il rencontre la famille, les cousins de ce villageois,
49:52parmi lesquels les trois personnages principaux sont les trois filles.
49:56– Voilà, une jeune femme d'une vingtaine d'années
49:59et ses deux plus jeunes sœurs.
50:02Et en fait, il va y avoir une romance entre la fille aînée et ce soldat.
50:07– C'est bon, voilà, le soldat cache un lourd secret
50:10qui va finalement bouleverser toute la famille
50:13et à commencer par la vie de cette jeune femme.
50:14– Et il y a deux autres personnages, c'est les parents.
50:19Le père instituteur qui met sur son gramophone un disque
50:28qui le fait venir de Milan ou de Rome, je ne sais plus.
50:33Et cette femme qui a eu sept enfants
50:36et qui est d'un grand courage et d'une grande liberté aussi.
50:45Alors, c'est prodigieusement filmé.
50:47Il y a des images.
50:48– C'est l'Italie en fait un soin très important,
50:52attaché à chaque détail, à chaque détail même de la vie quotidienne.
50:55C'est tout à fait ça le cinéma italien.
50:57– Et chaque personnage a une vérité.
51:00On a l'impression que ce sont des gens qui ont existé,
51:03que c'est vraiment, qu'on va les rencontrer.
51:05– Exactement, c'est ce qui reste un peu du néo-réalisme
51:08qui avait fait beaucoup parler dans les années 40-50.
51:12C'est un peu rester dans la manière de filmer des Italiens.
51:14Ils nous transportent dans des histoires où on y croit vraiment,
51:17on se croit dans ce village.
51:18– C'est vraiment fabuleux.
51:18– On croit que les personnages sont des personnages réels,
51:21tant ils semblent concrets, ils semblent cohérents.
51:25– Les acteurs et actrices sont peu connus d'ailleurs.
51:28– Absolument fous.
51:30Bon, on n'en dit pas plus, si ce n'est que ce film vaut vraiment la peine d'être vu.
51:34Peut-être pas avec seulement des grands adolescents,
51:37pas avec des gens plus petits.
51:40Alors, vous vouliez nous parler aussi d'un autre film.
51:43– Mais alors, le dernier souffle, vous avez parlé tout à l'heure
51:45du film de propagande sur l'euthanasie.
51:47Alors là, on a encore un autre film sur la fin de vie,
51:50réalisé par Costa Gavras.
51:51– Oui, vous quand même, c'est méfier quand même.
51:53– Costa Gavras, je sais, ça fait peur.
51:55Costa Gavras, le fameux cinéaste de propagande de gauche,
51:59on a eu l'apologie du communisme dans Z, dans L'Aveu,
52:03avec Yves Montand, oui bien sûr.
52:07Donc Z et L'Aveu qui sont de véritables chefs-d'œuvre
52:09sur le plan cinématographique, mais alors sur le plan politique,
52:12on est dans la propagande pure et simple.
52:14– La bonne propagande, du beau mensonge.
52:15– La propagande avec des gros sabots presque.
52:18Et puisque vous parlez de mensonge, Costa Gavras est aussi le cinéaste
52:21de la diffamation contre le pape Pie XII.
52:24– Absolument.
52:25– Pie XII, on peut espérer qu'il sera béatifié un jour.
52:27– Absolument.
52:29Non mais il est de tous les combats de gauche.
52:31– Tous les combats de gauche.
52:31– Et alors, alors ce film ?
52:32– Alors du coup, on se dit, qu'est-ce qu'on va voir ?
52:34Costa Gavras avec la fin de vie, ça va être l'apologie de l'euthanasie.
52:36– Oui.
52:37– Eh bien non, pas du tout, on est dans l'apologie des soins palliatifs.
52:39– Ah.
52:40– Et oui, parce que…
52:40– Bah c'est normal parce qu'il vieillit,
52:41donc il sent qu'il se rapproche de la fin du film.
52:44– Il préfère avoir des soins palliatifs plutôt qu'une piqûre.
52:48– Alors effectivement, on peut faire cette interprétation.
52:51– Je suis méchante.
52:52– Mais ce n'est pas absurde.
52:53Alors lui, ce qu'il dit, c'est qu'il a découvert,
52:55et c'est peut-être vrai d'ailleurs,
52:56qu'il a découvert les soins palliatifs à travers un livre de Régis Debré,
52:59qu'il connaît bien.
53:00– Oui.
53:00– Régis Debré avait co-écrit un livre sur les soins palliatifs
53:06avec un médecin qui dirigeait une unité à Houdan, dans les Yvelines,
53:10une unité de soins palliatifs qui a fermé en 2024, l'année dernière.
53:15C'est ce livre qui a servi de matériau pour ce film,
53:18où on voit un philosophe, joué par Denis Podalides,
53:20qui visite une unité de soins palliatifs,
53:24dirigée par un médecin joué par Cadmerade.
53:26Donc on a plusieurs scènes, plusieurs tranches de vie,
53:30on voit des familles qui sont dans le déni, puis dans l'acceptation,
53:34des familles qui se déchirent et qui se réconcilient.
53:39Bon, il ne faut pas voir la phobie des hôpitaux
53:42et des maladies nozocomiales, parce que si…
53:43– Oui, moi j'ai…
53:44– Ou nozocomiales, excusez-moi.
53:45– Je n'ai pas pu y aller avec mon mari,
53:46parce qu'il serait parti à la deuxième image.
53:48– Oui, oui, bon, du coup je suis quand même allé le voir,
53:50parce qu'il fallait bien commenter ce film,
53:52qui est sur un sujet malheureusement d'actualité.
53:54– Absolument, vous êtes parfait.
53:55– Malheureusement d'actualité.
53:55– Vous allez voir les films que je ne vais pas voir, Renaud.
53:57– Il y a quelqu'un, il faut lui donner un peu de sa personne, quand même.
54:00Non, non, ça vaut le coup de le voir, il y a quand même quelques réserves.
54:07– Donc il y a des possibilités d'échapper à l'euthanasie d'après Costa Gravasse.
54:10– Oui, parce qu'en fait Costa Gravasse a voulu faire de ce film
54:12un outil pour interpeller les politiques sur la nécessité
54:16de développer l'exprime palliatif.
54:18– Très bien.
54:18– Tant mieux, il ne nous fait pas l'apologie de l'euthanasie,
54:20du moins pas avec les gros sabots.
54:21– Très bien.
54:22– Je mets quelques réserves, parce qu'il y a quand même quelques ambiguïtés.
54:24Il y a notamment cette scène au début du film,
54:26où on voit une femme âgée jouée par Charlotte Rampling,
54:29qui a donc un tout petit rôle dans ce film,
54:31qui se plaint auprès de son médecin de tous ces, je cite,
54:37tous ces médecins croyants qui ne veulent pas toucher à la vie.
54:39Si tous les médecins étaient des croyants qui ne veulent pas toucher à la vie,
54:41ça se saurait, il y aurait moins d'avortements.
54:44Non, mais c'est vraiment, c'est même surprenant que mon remarque.
54:45Et surtout, c'est un peu l'impression qu'il fait passer un message subliminal sur l'euthanasie.
54:50Mais évidemment, bon, enfin bref.
54:52– Donc, il aborde quand même le sujet de façon subliminale, de façon subtile.
54:57Bon, ce n'est pas forcément les gros sabots qu'on craignait.
54:59Et heureusement, l'essentiel du film, c'est les soins palliatifs.
55:01– Très bien. Parfait. Merci Renaud.
55:03Et alors, le troisième film que nous avons aimé tous les deux…
55:06– C'est le film dont tout le monde parle en ce moment.
55:08– Donc…
55:08– C'est Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan.
55:10– Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, ce qui est quand même très drôle.
55:13– Oui, un titre assez surprenant.
55:15En fait, c'est un film inspiré d'une histoire vraie.
55:17– Oui.
55:17– C'est l'histoire d'un homme, d'un avocat qui a raconté son autobiographie.
55:22– Il est le septième enfant.
55:24– Voilà, d'une famille nombreuse.
55:26– D'une juive marocaine.
55:27– Qui a tout fait, voilà, à Paris, qui a tout fait pour se battre.
55:32– Il a un pied beau à la naissance.
55:33– Pour qu'il puisse marcher malgré son pied beau.
55:35– Il a un pied beau à la naissance et elle lui fait la promesse.
55:39Mon chéri, tu seras un homme comme les autres
55:41et tu auras un très beau mariage et tu auras une très belle profession.
55:45Et elle va réussir, comme toutes les mamans juives.
55:48Mais je dois dire que moi qui suis une mère bretonne,
55:51j'ai beaucoup ri.
55:54Parce qu'elle est remarquable, l'actrice.
55:57– Oui, bien sûr, c'est drôle, c'est émouvant.
55:59– Comment ça s'appelle, l'actrice ?
56:00– C'est Leïla…
56:02– D'Actri.
56:02– Voilà, c'est ça.
56:03– Et elle joue de façon extraordinaire, avec une foi inouïe,
56:08même les services sociaux qui sont sur le point de lui retirer son enfant.
56:14– Ils finissent par reconnaître son action finalement.
56:16– Et elle aura sa médaille de la famille, ce qui est quand même étonnant.
56:21C'est quand même très très joli.
56:23Qu'est-ce que…
56:24Il y a des petites finesses tout le long du film.
56:26– Puis surtout, en fait, on voit le parcours de cet homme et son lien avec sa mère
56:31depuis sa naissance jusqu'à ce qui est la quarantaine à peu près, voilà.
56:35Et comment il va découvrir peut-être tardivement quel est le rôle que sa mère a joué,
56:41parce que tout au long de sa vie, il la trouvera vraiment trop présente.
56:44– Elle est très très envahissante, c'est sûr.
56:47Elle est très envahissante et d'ailleurs, il essaye de couper son cordon homilical
56:52plusieurs fois dans le film.
56:55Donc, vous vous réjouirez et c'est un film où j'ai ri beaucoup, j'ai beaucoup ri
57:02et ça fait du bien de rire.
57:05Ce quatrième film, c'est donc 20 ans d'écart avec deux acteurs fantastiques,
57:10Pierre Ninet et Virginie Effira.
57:14Et là aussi, c'est un très joli petit tableau de la société
57:22avec une femme hyper efficace, cadre, dans un journal à la Noa,
57:32un journal qui vante, qui s'appelle Rebelle.
57:35Et alors, elle, elle vit uniquement dans l'idée de l'efficacité de son job
57:43et elle est quand même un peu à la ramasse.
57:47Elle n'a plus d'énergie en elle et plus d'idées.
57:50Et donc, elle va être dégagée.
57:52Et alors, elle va s'inventer une liaison avec un jeune.
57:56Mais tel est pris qu'il croyait prendre.
57:59Je ne vous en dis pas plus.
58:00Mais c'est extrêmement joli, extrêmement fin.
58:05Ils jouent tous les deux de façon merveilleuse.
58:08Le jeune homme qui est Pierre Ninet, qui joue toujours magnifiquement,
58:13qui, lui, va tomber fou amoureux de cette femme de 40 ans
58:16qui a 20 ans de plus qu'elle.
58:19Alors, il y a des propos sur la femme d'un certain âge
58:21qui est donc périmée.
58:24C'est absolument inouï.
58:27Mais c'est très drôle.
58:29Et on passe un très, très bon moment.
58:31Vous avez des choses à voir
58:33qui ne sont pas encore sorties, que vous allez voir ?
58:37Non.
58:38À l'heure actuelle ?
58:38Non, pas beaucoup.
58:39On n'est quand même pas...
58:40Il faut beaucoup chercher, beaucoup gratter pour trouver.
58:42Le programme, en ce moment, est vraiment très beau.
58:45On vous a sorti les quelques pépites.
58:46On vous a sorti, absolument.
58:48On n'a pas grand-chose de plus.
58:50On se reverra au mois de mai.
58:51On parlera du Festival de Cannes.
58:53Absolument.
58:53On va rire encore une fois.
58:54On va sûrement encore avoir des perles.
58:56Merci beaucoup, Renaud.
58:57C'est moi qui vous remercie, Yann.
58:59Chers amis de TV Liberté, à très vite.
59:03Sous-titrage Société Radio-Canada

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