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00:00 - 7h46, on met les accents à l'honneur ce matin dans votre 6/9 sur France Bleu, Saint-Etienne, Loire sur France 3, Loire également en image.
00:07 C'est évidemment le Gaga, notre préféré bien sûr. On n'est pas sectaire au festival des accents à l'Arika Marie et à Saint-Etienne aujourd'hui.
00:13 On vous écoute d'ailleurs ce matin à ce sujet. Vous en pensez quoi de votre accent ? Est-ce que vous en êtes fier ? Est-ce que vous le trouvez honteux ?
00:19 Appelez-nous au 04 77 10 0 0 10, Louise 1. - Et on en parle avec un spécialiste.
00:24 Bonjour, Médéric Gasquet-Cyrus. - Bonjour tout le monde. - Alors vous êtes, on l'entend, un maître de conférence.
00:29 - Un sociologien linguistique.
00:31 On le devine de l'université Ex-Marseille. Vous participez ce matin à une des conférences à l'Épale Théâtre à l'Arika Marie.
00:38 Alors je vous propose de rentrer direct dans le vif du sujet avec Sonia qui habite à Saint-Etienne et qui résume au final assez bien le paradoxe des accents.
00:45 - C'est pas super chic mais ça fait partie de nous. Donc oui, oui, quand même un petit peu. Un petit peu fier quand même.
00:51 - C'est pas très chic, on en est fier. Médéric, comment ça se fait qu'on a ce rapport ambivalent avec les accents ?
00:58 - Parce qu'un accent il dit beaucoup de choses de nous, y compris des choses parfois qu'on ne veut pas montrer
01:03 parce que par exemple c'est qu'il y a des stéréotypes sur les régions qui sont très injustes ou sur les classes sociales
01:07 et en parlant on dit qu'il en est d'où l'on vient et on peut être jugé avec des préjugés sur le sujet.
01:12 Donc voilà, ça peut nous jouer des tours mais c'est aussi un moyen de nous rattacher à notre famille, à notre territoire, à notre identité.
01:18 Donc voilà, on a ce rapport ambivalent et au gré de l'évolution de notre vie, on aime plus ou moins notre accent.
01:23 - On a Monique qui nous racontait ce matin qu'elle en a souffert de son accent. Elle est née en 1947 à Villars et ça n'a pas toujours été facile.
01:32 - C'est vrai que notre accent il n'est pas joli.
01:34 - Vous en avez honte un peu ?
01:36 - Oui, moi oui. Enfin maintenant ça craint plus rien.
01:40 Mais c'est vrai qu'autrefois j'essayais de me corriger mais on en prend l'habitude et puis on ne se rend pas compte.
01:49 - C'est difficile des fois d'avoir un accent qu'on ne considère pas joli
01:52 parce que personne ne décide qui a un accent joli et qui a un accent pas joli.
01:55 - Exactement, ça n'existe pas. Les accents jolis pas jolis, c'est un jugement social et c'est vrai qu'il y a beaucoup de personnes.
01:59 Notamment là ça va un peu mieux, je dirais que ces derniers temps on est plus ouvert à la diversité.
02:03 Mais c'est terrible ce qu'ont subi certaines personnes dans les différentes régions de France.
02:07 Et c'est de la vraie discrimination et c'est pas cool ça.
02:10 - Et ça vous fait réagir d'ailleurs ce matin sur France Bleu Saint-Etienne-Loire. On accueille Cécile. Bonjour Cécile !
02:15 - Bonjour !
02:16 - Vous vous êtes de Montbrison. Alors comment ça se passe vous avec votre accent ?
02:20 - Alors moi j'ai une petite anecdote. Il y a quelques années j'étais à Dublin parce que j'ai fait une fac d'anglais.
02:27 Et on était dans une salle de billard et j'ai parlé anglais avec l'accent stéphanois.
02:34 - Wow !
02:35 - Ça devait être quelque chose.
02:37 - Voilà c'était quelque chose. Et il y a une fille, enfin une femme de Bordeaux qui m'a dit "toi tu es de Saint-Etienne".
02:48 - Ah oui. - Elle avait l'oreille.
02:50 - Et là je me suis dit "merde !"
02:53 - Cécile, qu'est-ce que ça donne quelqu'un qui parle anglais avec l'accent stéphanois ?
03:02 - Let's do it !
03:03 - Ah ben j'avais 14 ans, à l'époque j'étais nulle en anglais. Après j'ai fait une fac d'anglais.
03:08 - Vous en avez 20 maintenant, ça doit pas avoir beaucoup changé !
03:10 - Je donne...
03:13 - Ouais un petit "my name is rich".
03:17 - "Hello, I don't understand". Voilà.
03:22 - Ah oui.
03:23 - Et je me suis fait cramer.
03:27 - Ah bon ?
03:28 - Gaga or not Gaga, that is the question.
03:31 - That is the question.
03:34 - Du coup vous avez arrêté l'anglais après ?
03:36 - J'ai été prof d'anglais, voilà.
03:40 - C'est bien.
03:42 - Mais n'empêche que l'accent, effectivement, comme vous disiez, fait l'appartenance à une région.
03:51 - Oui c'est ce que vous disiez, mais Déric, on entend, on sait d'où on vient en fait avec un accent.
03:55 - Oui c'est ça, parce que c'est quelque chose de fort qu'on ne maîtrise pas forcément toujours.
03:58 - Alors il y en a qui peuvent en jouer, il y en a qui peuvent s'amuser à passer d'un registre à l'autre, d'un style à l'autre.
04:01 - Il y a des comédiens, Jean-Luc Eppal notamment, qui sait très bien faire ça.
04:05 - Mais c'est vrai que parfois on est porté en fait par cette identité, qu'on le veuille ou non.
04:10 - Et bon voilà, il faut vivre avec ça.
04:12 - Et on accueille maintenant Yoël. Bonjour Yoël !
04:15 - Oui, bonjour.
04:16 - De Saint-Maurice-l'Exil. Alors comment ça se passe vous avec les accents ?
04:20 - En fait, moi ce qu'il y a, c'est que je suis né dans la vallée du Gier, sur Saint-Charles.
04:27 - J'ai grandi jusqu'à mes 10 ans, après en hiver pendant 10 ans, de mes 10 à 20 ans, je suis revenu à Saint-Etienne jusqu'à mes 30 ans.
04:34 - Et là je réhabite en hiver.
04:35 - Mais en fait, ce qu'il y a, c'est que quand je suis arrivé en CM2 en hiver, et du coup j'avais l'accent de Saint-Etienne.
04:43 - Vous ne l'avez pas complètement perdu Yoël, il reste un peu derrière quand même.
04:47 - Pas du tout, c'est ça. Et ce qu'il y a, c'est que je me rappelle, le maître que j'avais en CM2,
04:52 il m'avait interrogé et après il m'a demandé de venir au tableau et de dire le son "ang".
04:58 - Et je ne comprenais pas pourquoi toute la classe rigolait en fait.
05:01 - Du coup, c'était juste par rapport à l'accent que j'avais, et là je retravaille dans la même école que quand j'étais petit.
05:08 - Et il y a une maîtresse, elle me dit "t'as bien l'accent de Saint-Etienne en coeur, je vois que tu viens de là-bas".
05:13 - Alors que, c'est ça, mais j'en suis extrêmement fier de cet accent.
05:18 - Et voilà, j'ai même ma meilleure amie qui paye exprès de me pousser à l'énervement, parce qu'il n'en sort plus pousser quand je m'énerve.
05:25 *Rires*
05:27 - Du coup je suis super content.
05:29 - Est-ce qu'on peut vous énerver sur un truc ? Vous êtes prof, c'est ça Yoël ?
05:34 - En fait je suis AESH, j'accompagne le Médecin de la réfection dans l'IBIAP.
05:38 - Vous avez trop de vacances. - Ouais, trop de vacances, les jours fériés, tout ça.
05:43 - Vous aimez le WEM, c'est ça ? Vous dites "je t'aime le WEM" ?
05:46 - Ouais c'est énervant, mais... - Pas du tout.
05:49 - Il est très calme Yoël, mais c'est vrai que Médéric, on ne l'entend pas forcément qu'on a un accent.
05:54 - C'est quand on est au contact des autres, potentiellement qui viennent d'une autre région, que là on découvre qu'en fait on ne parle pas tout à fait comme eux.
06:00 - C'est ça, c'est un phénomène d'altérité, c'est-à-dire qu'on a tous en fait un accent.
06:03 - Les gens qui disent "j'ai pas d'accent", c'est pas vrai. En fait ils ont un accent dit standard, dit neutre, mais il n'est pas neutre en fait.
06:08 - C'est l'accent du groupe dominant. Donc quand vous avez quelqu'un, moi à Marseille, qui me dit "oh moi j'ai pas d'accent",
06:13 - Ben en fait si mon collègue t'a un accent pour moi, et en fait on te repère comme parisien,
06:19 - L'accent normal à Marseille c'est d'avoir l'accent marseillais, comme ici l'accent stéphanois je dirais c'est le fond de base.
06:24 - Mais Eric, qu'est-ce qui fait que quand on s'énerve on reprend notre accent ?
06:27 - Ben c'est ce côté, en fait quand on parle, comme ici, on maîtrise notre diction, l'intention qu'on veut donner,
06:35 - Quand on est dans le lâcher prise, effectivement on lâche tout, on lâche les choses.
06:39 - On va faire un petit tour du côté de Saint-Chamond, je vais la tenter, je sais que Jean-Luc Eppal me regarde et m'écoute.
06:44 - On va faire un petit tour du côté de Saint-Chméant, ce matin.
06:47 - Saint-Chméant ?
06:48 - Chez Jean-François.
06:49 - Ah Saint-Chamond !
06:51 - Oui, oui.
06:52 - Bonjour Jean-François !
06:53 - Bonjour Jean-François !
06:54 - Bonjour !
06:55 - Saint-Chamond, tout le monde décercle.
06:57 - Vous l'avez bien l'accent vous aussi ?
07:01 - Ah ben c'est entre eux, mais je peux pas faire des surprises au téléphone parce que tout le monde connaît un peu,
07:06 - Et tout de suite ils me disent "ah ben c'est Jean-François".
07:08 - Je suis mort d'avance.
07:10 - Alors j'ai deux petites histoires courtes à faire moi.
07:14 - D'une époque j'étais devenu roche, j'étais triste, j'étais rentré dans un petit théâtre amateur à Saint-Chamond,
07:21 - Un polygone pour pas dire.
07:22 - Et là je jouais quelques pièces et puis il y avait un collègue jeune,
07:28 - Il me dit un jour "mon père il vient au théâtre, tu sais pourquoi ?"
07:32 - Je lui dis "non, et ben c'est pour t'entendre parler".
07:35 - Il adore t'entendre parler.
07:37 - Comme quoi finalement l'accent ça peut aussi vous entendre ?
07:39 - Alors la version inverse, quelques années après j'ai fait de la chorale,
07:45 - Maintenant je suis un peu sur le Chambon sur l'Union avec ma compagne.
07:48 - Donc je faisais partie de la chorale et on m'avait choisi comme j'avais fait du théâtre pour présenter les chansons.
07:54 - Elle me dit, la présidente, "vous allez présenter les chansons comme tu sais faire du théâtre un peu".
08:00 - Alors je présente les chansons, ma compagne qui était au milieu de la salle, il y a une dame à côté d'elle, à l'entrée,
08:05 - Je lui dis "ben, leurs chorales ils sont super beaux, mais l'homme qui présente c'est une horreur, c'est une horreur".
08:12 - Alors je lui dis au président, il me dit "Jean-François ne change rien, reste comme ça".
08:19 - C'est très clivant au final les accents médiéviques.
08:21 - Et puis alors la dernière anecdote qui me pique vraiment,
08:24 - J'étais au camping avec mon épouse et elle me dit "je vais chercher du lait".
08:30 - C'était à deux heures du midi.
08:32 - Je vais chercher du lait, alors je lui dis "Madame, c'est une jeune".
08:35 - Elle me dit "il faudrait du lait".
08:36 - Ça a duré cinq minutes.
08:38 - Elle ne comprend pas ce que je disais.
08:40 - Alors après je lui fais un geste, je lui explique, elle me dit "mais c'est du lait".
08:46 - Je dis "ouais, c'est du lait".
08:48 - Non du lait on n'en a plus depuis longtemps, on ne fait que du lait nous chez nous.
08:51 - Comme quand on peut en parler des heures, des accents, on en est fier des fois,
08:55 - On se sent agressé parce que les gens ne nous comprennent pas, cette histoire de lait, alors ça nous fait rire.
08:59 - Mais quand on est en vacances et qu'on ne comprend pas ce que les gens attendent de nous,
09:03 - Ou qu'ils ne nous comprennent pas, on peut le vivre, Amédérique, un peu comme une agression finalement.
09:08 - Je suis un étranger.
09:09 - C'est ça, ça peut être vécu comme un handicap à certaines personnes, ça peut être vécu comme une discrimination.
09:13 - Il y a une loi qui a été votée, qui n'est pas votée au Sénat mais qui est votée à l'Assemblée,
09:16 - Qui est là pour lutter contre la discrimination de l'accent, parce qu'en milieu professionnel,
09:19 - Ici on est sur une radio, ça arrive à des gens à qui on dit "mais non, tu n'auras pas de spot,
09:23 - Tu ne pourras pas faire du média parler parce que tu as un accent".
09:25 - Et ça ce n'est pas juste, ce n'est pas normal.
09:27 - Mais alors, remontons quand même à l'origine du problème,
09:29 - Comment ça se fait qu'on ne parle pas de la même manière quand on habite à Saint-Étienne,
09:33 - Quand on habite à Marseille, quand on habite dans le Nord ?
09:35 - Alors ça c'est l'influence des langues régionales qui étaient autrefois massivement parlées,
09:38 - Avant que le français s'impose partout, et donc les gens qui parlaient ici des variétés de Franco-Provençal,
09:42 - De Provençal dans le Sud, de Breton, de Picard, etc.
09:45 - On gardait des traits, des habitudes de prononciation qui se sont transférées,
09:48 - Qui se sont enquillées dans la langue française, et qui se transmettent de génération en génération.
09:52 - Parce que même si la langue provençale n'est plus parlée depuis longtemps, quotidien à Marseille,
09:57 - Il y a des jeunes qui vont dire "peng maman", parce qu'ils reproduisent ce qu'ils entendent autour d'eux.
10:01 - L'accent c'est la dernière chose qui meurt dans une langue, c'est ce qui continue de...
10:05 - De vivre au final.
10:07 - Oui, oui.
10:08 - Et puis avant de se quitter, mais Derrick, on voudrait quand même vous faire découvrir quelqu'un,
10:11 - Lui, il a l'accent stéphanois, il est d'ici, et il le revendique, et même il le chante,
10:15 - Il s'appelle MC Pampy, parce que chez nous la Pampy c'est la fête et ça donne ça.
10:18 - Saint-Etienne, ma ville, le sang, qui coule dans mes veines, et vert et blanc,
10:28 - Saint-Etienne, mise à rouge chanson,
10:35 - Je peux dire que les mecs d'Aïab derrière, ils pleurent.
10:37 - Alors là, là, Ken Athon il est en train de rendre ses disques d'or, c'est bon, moi je pars en exil.
10:42 - C'est pas la funky family là.
10:44 - Ah ça c'est autre chose.