• il y a 10 mois
Grand témoin : Vincent Duclert, historien, chercheur à l'école des hautes études en sciences sociales et auteur de « La France face au génocide des Tutsi : le grand scandale de la Vème République » (Tallandier)

GRAND DÉBAT / Crise du logement : quel sera l'impact du plan Attal ?

« Le récap » par Bruno Donnet

Afin d'essayer de débloquer le marché de l'immobilier, Gabriel Attal a fait une annonce de taille. Le Premier ministre veut faire rentrer le logement intermédiaire dans les quotas de HLM par commune. Il souhaite ainsi réformer la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) qui impose à certaines communes un taux minimal de logements sociaux. En 2023, 2,6 millions de français ont fait une demande de logement social alors que seulement 82 000 agréments ont été accordés. Les plus précaires payeront-ils le prix de la réforme voulue par Gabriel Attal ? Entre 2018 et 2023, le prix de vente médian au mètre carré a augmenté de 22,38%. Les taux d'intérêt sont repartis à la hausse et empêchent beaucoup de ménages d'accéder à la propriété. Edouard Philippe avait qualifié la pénurie de logements en France de « bombe sociale », son successeur parviendra-t-il à solutionner la crise ?

Invités :
- Maud Gatel, députée Modem de Paris,
- Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre,
- Yamina Saheb, chercheuse à l'OFCE,
- Éric Allouche, directeur exécutif du réseau de franchises ERA Immobilier.

GRAND ENTRETIEN / Vincent Duclert : génocide rwandais, autopsie d'une faillite française

À plus de 6000 km de la France, enclavé au coeur de l'Afrique, le Rwanda est pour Vincent Duclert le lieu du « grand scandale de la Vème République ». Dans son livre La France face au génocide Tutsi, l'historien revient sur le rôle de l'Etat français lors du massacre de cette ethnie entre avril et juillet 1994. Inspiré du rapport de 1200 pages remis à Emmanuel Macron le 26 mars 2021, cet ouvrage revient sur ce « petit groupe d'hommes » responsable de la montée de la haine dans ce petit pays et que « les Français auraient désavoué ». Il pointe la politique du président Mitterrand qui, à de nombreuses reprises, a ignoré les signaux prémonitoires de cette catastrophe. Après avoir admis une « responsabilité accablante » dans le génocide, l'Etat français doit-il être considéré complice de ce massacre ?

Grand témoin : Vincent Duclert, historien, chercheur à l'école des hautes études en sciences sociales et auteur de « La France face au génocide des Tutsi : le grand scandale de la Vème République » (Tallandier)

LES AFFRANCHIS

- Bertrand Périer, avocat,
- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- « Action planète » : Léa Falco, membre du collectif « Pour un réveil écologique ».

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de

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Transcription
00:00 [Générique]
00:05 [Musique]
00:07 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde" ce soir.
00:10 Le plus grand scandale de la 5ème République.
00:14 Ce sont vos mots Vincent Duclert, bonsoir.
00:16 Bonsoir.
00:17 Et merci beaucoup d'être notre grand témoin ce soir.
00:19 Le grand scandale, c'est la responsabilité de l'Etat français dans le génocide au Rwanda.
00:23 Vous êtes historien, vos travaux font autorité sur le sujet.
00:27 La France face au génocide des Tutsis chez Taillandier, c'est la prolongation de votre rapport remis au chef de l'Etat en 2021.
00:34 Vous avez revisité l'intégralité des archives, on va en parler.
00:37 Génocide, un mot aussi que l'on retrouve beaucoup ces dernières semaines dans le débat public avec le retour des guerres.
00:43 Vous nous direz ce que vous en pensez tout à l'heure.
00:45 Notre grand débat ce soir, la crise du logement est-elle une fatalité ?
00:50 Avec la hausse des taux d'intérêt, le marché de l'immobilier est complètement bloqué.
00:55 Gabriel Attal promet un choc d'offres et suscite la polémique sur le logement social.
01:01 Le Premier ministre veut faire rentrer le logement intermédiaire dans les quotas de HLM par commune.
01:06 Les plus pauvres vont-ils trinquer ? Nous en débattons avec mes invités dans un instant sur ce plateau.
01:12 Enfin, nos affranchis ce soir, le billet d'humeur de Bertrand Perrier, le mot de la semaine de Mariette Darrigrand, et puis Action Planète.
01:19 C'est la chronique du vendredi de Léa Falco.
01:22 Pour le sommaire, on y va Vincent Duclert ? Ça vous regarde, ça commence maintenant.
01:26 C'est une bombe sociale dont les déflagrations touchent toute la société française.
01:44 Que l'on soit étudiant ou jeune actif, riche ou pauvre, en HLM ou en location privée,
01:48 la crise du logement a des répercussions sur des pans entiers de la vie quotidienne.
01:53 Et pour y remédier, Gabrielle Attal a fait des annonces cette semaine, mais elles ne plaisent pas à tout le monde.
01:59 Bonsoir, Maude Gattel. Merci d'être avec nous.
02:01 Vous êtes députée Modem de Paris. Vous dialoguez, vous débattez ce soir avec Manuel Domergue.
02:07 Bonsoir. Merci d'être là, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre,
02:11 la fondation qui a remis son rapport sur le mal-logement hier.
02:15 On en dira un mot. Bonsoir, Yamina Saeb.
02:18 Bienvenue. Vous êtes économiste à l'OFCE, spécialiste, entre autres, du logement.
02:23 On vous connaît comme membre du GIEC sur le climat, mais c'est du logement dont on parle ce soir.
02:27 Enfin, bonsoir, Éric Allouche. Bienvenue. Directeur exécutif du réseau de franchise ERA.
02:33 Immobilier, c'est un réseau d'agences immobilières présents dans toute la France.
02:38 Vincent Duclert, le logement, évidemment, ce n'est pas votre sujet, mais ça concerne tout le monde.
02:43 C'est un sujet technique, donc n'hésitez pas à intervenir si vous avez besoin de précision,
02:48 un peu de pédagogie avec nos invités.
02:51 On commence par planter le décor, l'ampleur de la crise, les solutions du Premier ministre.
02:55 C'est dans le récap de Bruno Deneb, bien sûr.
02:58 Et bonsoir, mon cher Bruno. Bonsoir, Myriam. Bonsoir à tous.
03:02 Vous vous êtes plongé à la fois dans les chiffres et dans les archives de la politique du logement
03:06 pour établir un état des lieux. Exactement. Et preuve que le sujet n'est pas neuf, Myriam.
03:10 Je vous propose de commencer par un document sonore.
03:14 Il date d'il y a tout juste 70 ans.
03:16 Et celui qui fait alors trembler les ondes de Radio Luxembourg s'appelle l'Amepière.
03:21 Mes amis, au secours. Une femme vient de mourir gelée, cette nuit, à 3h, sur le trottoir du Boulevard Sébastopol.
03:33 Hiver 54, la crise du mal-logement s'invite à la radio.
03:38 Le problème, c'est que 70 ans plus tard, elle y est toujours.
03:42 Écoutez, ça s'est passé ce matin sur France Info.
03:45 Nous avons un grave problème de logement et ce n'est pas simplement moi qui le dis.
03:50 La fondation Apepierre parle d'une année noire pour le logement.
03:54 Une année noire pour le logement. Alors, est-ce que c'est vrai ?
03:58 Eh bien, la réponse, c'est oui. Oui, mais ce n'est pas moi qui le dis.
04:02 Le logement est en crise. C'est vrai. Mais on a un système qui est un maquis.
04:06 C'est très compliqué. Le fond, c'est trop cher. Les délais sont trop longs.
04:09 Tout ça crée du coup, pour nous tous, quand on veut acquérir un logement ou quand on l'oublie.
04:14 Alors, pour établir précisément l'état des lieux, je suis allé chercher quelques chiffres.
04:20 S'agissant tout d'abord du logement social, 2,5 millions de ménages sont aujourd'hui inscrits sur une liste d'attente.
04:27 En 2021, la France a construit 87 000 logements, alors qu'elle en construisait 125 000 tous les ans avant 2017.
04:35 Et sur le front du logement tout court, maintenant, eh bien là, les difficultés sont absolument partout.
04:40 Les taux de crédit sont passés de moins de 1 % en 2021 à 4 % aujourd'hui.
04:45 Les prix des terrains à bâtir ont été multipliés par 3 en l'espace de 20 ans.
04:49 Enfin, le nombre de constructions s'effondre. En 2023, 373 000 logements seulement sont sortis de terre.
04:57 Les spécialistes estiment qu'il faudrait en construire au moins 450 000 tous les ans.
05:02 Oui, on n'y est pas, les chiffres sont mauvais, mais ce que les oppositions, au fond, reprochent au gouvernement, c'est son inaction.
05:08 Oui, vous l'avez entendu, l'insoumise Clémentine Autain l'a dit il y a un instant, mais du côté des Verts, eh bien c'est exactement la même chose.
05:16 Il renvoie Emmanuel Macron à son bilan.
05:18 Neuf condamnations, neuf condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme, c'est ce qu'a eu la France sous Emmanuel Macron,
05:26 pour son inaction face à ses problèmes de logement.
05:29 Alors est-ce que la France manque d'ambition pour le logement ? C'est la grande question.
05:35 Gabriel Attal le sait. Voilà pourquoi c'est avec ce sujet-là qu'il a choisi de débuter mardi son discours de politique générale.
05:43 Mesdames et messieurs les députés, beaucoup d'entre vous me l'ont dit, s'il est un secteur qu'il faut déverrouiller, c'est bien le logement.
05:50 Il a commencé par la porte, en faisant sauter les verrous, très bien. Et puis, et puis, il a eu une autre formule.
05:58 Nous voulons avancer pour un choc d'offres.
06:00 C'est pour un choc d'offres. Alors là, qu'est-ce que c'est ? Je ne sais pas ce que c'est qu'un choc d'offres,
06:06 mais en me replongeant ce matin dans ma grande collection d'archives politiques, j'ai fait une petite découverte.
06:13 Le document date de 2017. Un certain Emmanuel Macron est en pleine campagne présidentielle.
06:19 Il répond à une question sur le coût des logements et voici ce qu'il dit.
06:24 C'est comme ça que vous réduisez le coût, très concrètement. C'est en créant un choc d'offres.
06:28 Quel choc, en effet, et quelle étrange gémellité. Alors, le poids des mots vaudrait-il davantage que le choc des mesures ?
06:37 Je ne sais pas, je sais simplement qu'aujourd'hui, la France n'a toujours pas de ministre du logement.
06:42 Les Grincheux, ils voient là un symbole, mais ils ont probablement très mauvais esprit.
06:46 Merci beaucoup Bruno Deneb pour ce billet fort éclairant.
06:50 Maud Gatel, c'est vrai que les alertes sont là. Au fond, tous les indicateurs sont au rouge.
06:56 Et on a l'impression quand même que ce n'est pas son sujet, le logement, à son gouvernement.
07:00 Certes, là, enfin quelques annonces, mais il était temps. Est-ce que vous n'avez pas sous-estimé cette crise qui couvre depuis bien longtemps, avant même la hausse des taux d'intérêt ?
07:10 Alors, cette crise, elle couvre, et effectivement, c'est la première mesure que nous avons demandé au sein du groupe MoDem.
07:16 C'est une grande loi logement, parce que le logement bloqué, ce sont des vies qui sont bloquées.
07:21 Ce sont des étudiants qui ne se déplacent pas pour aller suivre les études de leurs rêves.
07:26 Ce sont des couples qui ne décohabitent pas parce qu'ils n'ont pas de perspective.
07:30 Ce sont des travailleurs qui ne prennent pas un nouvel emploi à cause de cela.
07:33 On dit même que le troisième bébé, sur la natalité, ça peut avoir des conséquences, parce qu'on ne peut pas le loger.
07:39 Je suis députée à Paris, et effectivement, quand vous entendez faire un enfant en tant que couple, en général, vous quittez la capitale.
07:45 Donc, c'est à chaque étape du parcours résidentiel que c'est bloqué, l'hébergement d'urgence, et on sait à quel point.
07:52 En dépit de l'augmentation du nombre de places d'hébergement, il y a, chaque nuit, dans les rues, des familles à la rue.
07:58 Sur le tas des lieux, tout le monde est d'accord, mais Bruno Donnet nous montre bien, avec ce choc d'offres déjà promis par Emmanuel Macron il y a quelques années,
08:04 que ça ne change pas 450 000, 500 000 logements nécessaires par an à construire.
08:10 Si vous rajoutez à ça un marché complètement bloqué, on se dit qu'il y a un problème d'action des pouvoirs publics.
08:16 Ce choc d'offres, déverrouiller, c'est l'idée, toutes les procédures en les simplifiant, c'est le nouveau mot magique.
08:22 Ça peut marcher ? Vous y croyez ?
08:24 Alors, il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Je parlais de l'hébergement d'urgence et de l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence.
08:30 Ça ne suffit pas, on le voit tous les soirs. Néanmoins, ça a été fait.
08:33 Mais il y a effectivement, il y a eu, au début des années 2020, un ralentissement effroyable de la mise en construction.
08:39 Ralentissement qui date de 2007. Donc, ça ne date pas de 2017, mais néanmoins, c'est à chaque étape qu'il faut agir.
08:46 C'est le crédit, l'accès au crédit. Aujourd'hui, vous avez des gens qui, potentiellement, auraient les moyens d'acheter,
08:51 qui ne peuvent pas, parce que les banques verrouillent le crédit.
08:55 Ça signifie qu'ils restent dans le parc locatif. Donc, le parc locatif est bloqué.
08:59 Le logement social, moins de 4 % à Paris de taux de rotation. La moyenne d'âge, c'est 50 ans.
09:05 Ce qui signifie que les jeunes couples qui débutent, les gens qui prennent soin de nos enfants, de nos aînés,
09:12 n'ont pas les moyens d'accéder. Aujourd'hui, vous avez 12 000 logements sociaux à Paris qui sont attribués
09:19 et vous avez 250 000 demandeurs de logements sociaux. Donc, on voit bien que, évidemment, ça ne va pas.
09:25 Donc, c'est à chaque niveau, le crédit, la simplification, la rénovation thermique des bâtiments,
09:30 parce qu'on connaît aussi, à la fois, l'absolue nécessité et, en même temps, le risque d'attrition, de diminution du parc locatif.
09:36 Donc, c'est à tous les niveaux qu'il faut agir et c'est une urgence absolue.
09:40 Alors, ça y est, on y est tous, le Premier ministre l'a dit, le président l'a dit, Éric Allouche,
09:45 pour bien comprendre l'état du secteur. On ne vend plus et on n'achète plus ?
09:49 Alors, non, ce n'est pas si simple que ça. On vend toujours, on achète toujours, mais, effectivement,
09:54 on a une difficulté actuelle. Actuellement, nous avons des acquéreurs qui ont du mal à acheter,
09:59 tout simplement, parce que les banques, pendant un temps, alors ça s'améliore un petit peu en ce moment,
10:03 mais ne prêtent pas, ce n'est même pas une question de taux. Alors, effectivement, les taux montent,
10:07 ce qui provoque une insuffisance d'argent pour les acheteurs qui ne peuvent pas acheter la surface qu'ils souhaiteraient,
10:14 mais même avec ça, on a des banques qui ne prêtent pas. Donc, ça, c'est un véritable problème aujourd'hui.
10:19 Et tout ça, ça vient toujours du même problème qui a été diagnostiqué de manière très précise, très pointue, très sagace,
10:25 en 2017, par Emmanuel Macron, s'il y a un choc d'offres, il y a un manque de biens, tout simplement.
10:31 Effectivement, depuis 2017, on le sait, mais il se passe quoi ? Il ne se passe rien.
10:35 Donc, il y a besoin vraiment d'avoir plus de logements sur le marché, tout simplement,
10:39 parce que tout ça, ça va faire baisser les prix, ça va avoir un effet vertueux sur le marché.
10:44 Alors, on voit bien ce qui se passe, parce que, du coup, les prix des loyers augmentent, il faut aussi l'expliquer,
10:48 puisque la demande explose, vous dites, il faut construire. Le foncier, le prix s'est envolé,
10:54 s'est envolé également. Les dispositifs fiscaux pour inciter, je ne suis pas spécialiste, mais Pinel,
11:00 tout le monde en parle, on l'a supprimé. Est-ce qu'aujourd'hui, ça coûte trop cher pour un particulier
11:06 de s'engager à acheter un terrain et à faire construire ?
11:09 Je crois qu'il faut travailler sur toute la chaîne du logement. Il faut travailler avec les professionnels,
11:13 sur tout ce qui amène à produire un logement, sur tout ce qui a des conséquences sur le prix,
11:18 puisqu'effectivement, il y a un problème de prix. Le neuf, ce n'est pas comme l'ancien,
11:22 dans le neuf, on dépend du prix des matériaux, alors que dans l'ancien, c'est une question d'offre et de demande.
11:26 Mais il faut fluidifier aussi l'ancien pour qu'il y ait un taux de rotation suffisant,
11:30 pour qu'effectivement, les gens puissent vendre plus facilement et acheter plus facilement.
11:33 Donc, il y a tout un travail de fonds à faire.
11:35 Oui, il faut construire, mais pour l'instant, on ne vend pas. Donc, on peut se poser la question vous-même,
11:39 vos agences, on sait que tout le secteur, les notaires, les agences immobilières, les promoteurs,
11:44 Nexity, le géant de l'immobilier, ils ont un plan social, vous-même, vous allez fermer ?
11:49 Ah non, non, on n'a pas de plan social. Nous sommes un réseau de franchise,
11:53 donc effectivement, les agences ont un peu plus de difficultés en ce moment,
11:56 mais nous sommes là pour les aider, effectivement, et pour leur permettre de tenir cette période.
12:00 Emmanuel Domergue, cet état des lieux, à nouveau, cette crise, c'est en premier lieu,
12:05 les plus modestes qui sont frappés, le rapport de la Fondation Immobiliaire,
12:09 15 millions de Français ont un problème de logement, 4 100 000 mal logés,
12:14 2 400 000 sont en attente d'un logement social, en fait, la bombe sociale, elle a explosé, cette année.
12:20 Oui, tout à fait, la crise du logement, évidemment, ne date pas d'il y a un an ou deux ans,
12:24 elle ne date pas de 2017 et d'Emmanuel Macron, mais les choses s'aggravent,
12:27 et là, de manière récente, c'est assez spectaculaire.
12:30 Vous citiez le chiffre de 2,4 millions de ménages en attente de logement social,
12:35 ça, c'était il y a deux semaines, maintenant, c'est 2,6 millions de ménages,
12:38 ça a augmenté de manière drastique en une seule année, en 2023.
12:41 Au début du quinquennat d'Emmanuel Macron, on n'était même pas à 2 millions de ménages en attente,
12:45 on a rajouté 600 000 ménages, plus d'un million de personnes qui attendent un logement social.
12:49 Et pendant qu'elles attendent un logement social, où est-ce qu'elles vivent ?
12:52 Certaines vivent dans des conditions difficiles, certaines sont dans des conditions dramatiques.
12:56 330 000 personnes sans domicile en France, soit en hébergement, soit à la rue,
13:01 des personnes en bidonville, des personnes qui dorment à la rue,
13:04 des personnes particulièrement vulnérables qui sont à la rue, des enfants, des femmes enceintes, des nourrissons,
13:09 c'est des choses qu'on ne voyait pas à ce point-là il y a cinq ou dix ans.
13:12 Donc vous êtes d'accord avec l'objectif, il faut construire plus, d'ailleurs, pour construire du logement social aussi.
13:17 Et cette idée de déverrouiller toutes ces procédures qui seraient trop longues, trop contraignantes, vous y croyez ?
13:23 Votre archive était très cruelle, le même président en 2017 n'avait pas vraiment d'idée sur le logement,
13:29 la simple idée qu'il avait, comme pour tous les secteurs, c'était "on va simplifier et tout va s'arranger".
13:33 Est-ce qu'il a eu ces temps pour le faire ? Est-ce que tout s'est arrangé ?
13:37 Non, au contraire, ce n'est pas un choc de l'offre, c'est une chute de l'offre.
13:40 On est maintenant à 82 000 logements sociaux produits en 2023,
13:44 on est passé sous les 300 000 logements tout compris mis en chantier cette année,
13:48 c'est 100 000 de moins que l'année précédente.
13:50 Donc évidemment, il y a des normes en France, on ne construit pas des logements n'importe comment.
13:54 On construit des logements pour 100 ans.
13:55 Vous croyez qu'on va supprimer l'état de droit et la possibilité pour les voisins de faire des recours ?
13:59 Bien sûr que non, on ne va pas supprimer les normes de construction.
14:01 Vous savez, ils se sont amusés, il y a six mois, à changer une norme,
14:04 à dire "OK, pour qu'il y ait plus de logements, on va autoriser les logements avec une hauteur sous plafond de 1,80 m".
14:09 C'est bien ça ? C'est intéressant de faire ça ?
14:11 Peut-être qu'on aura plus de logements, on ne pourra pas se tenir debout dedans.
14:14 Donc il y a un moment, les normes, elles protègent aussi les gens qui y habitent.
14:17 Le ministre du Logement qu'on avait avant, il faisait 2,02 m.
14:19 Il a autorisé des logements dans lesquels il ne peut pas entrer debout.
14:22 Non mais...
14:23 Il n'y vivra pas.
14:24 Il n'y vivra pas parce que les personnes qui ont des moyens importants
14:26 ne sont pas concernées par la crise du logement.
14:28 Les trois quarts des Français sont satisfaits de leur logement.
14:30 Donc pour vous, ce gouvernement est déconnecté de la réalité de la crise du logement ?
14:33 Ce n'est pas les classes moyennes supérieures, ce n'est pas les classes aisées,
14:34 c'est les personnes qui sont avec des petits salaires ou qui sont sans domicile.
14:37 Yamina Saeb, la hausse des taux d'intérêt n'explique pas tout, on peut le dire comme ça.
14:42 Elle n'est pas le seul facteur responsable de la crise, elle date de bien avant.
14:46 Qu'est-ce qui fait qu'on a ce problème un peu endémique depuis tellement d'années en France ?
14:52 Parce que tout simplement, le logement qui est le lieu de vie des gens est devenu inactif.
14:57 Et donc on a financialisé, on a fait du foncier, c'est devenu une valeur financière.
15:04 Et la même chose du logement, on a supprimé les aides à la puissance publique,
15:08 on a cassé la puissance publique qui produit du logement pour les citoyens modestes.
15:13 Et on a augmenté, il y a tellement de niches fiscales pour que des investisseurs voraces
15:19 viennent se jeter là-dedans.
15:21 Et donc du coup, on n'a pas du tout, on est sorti de la logique du lieu de vie.
15:26 Et ça, c'est le rôle d'un gouvernement de garantir un lieu de vie pour chaque citoyen.
15:32 Un droit au logement.
15:34 C'est un droit au logement.
15:35 Le fameux droit opposable au logement.
15:36 Il faut constitutionnaliser le droit au logement pour sortir de cette crise.
15:39 C'est la seule façon, en vérité, de sortir de cette crise.
15:42 Alors on se souvient d'une certaine Christine Boutin qui avait posé la question, ce droit opposable.
15:47 Ça change quelque chose si on sanctuarise dans la norme fondamentale ce droit ?
15:51 Pour le rendre effectif pour les gens ?
15:54 Vous avez le droit au logement opposable, vous pouvez être reconnu d'allô.
15:58 Et la réalité, c'est qu'en Ile-de-France, vous avez 12 000 personnes qui sont reconnues d'allô.
16:02 Et chaque année, 2 000 personnes simplement qui sont relogées.
16:06 Donc ça existe.
16:08 Et d'ailleurs, l'État est condamné de ne pas pouvoir reloger ces personnes.
16:12 Je crois qu'il ne faut pas chercher tant des responsabilités que des solutions.
16:16 C'est-à-dire, comment on fait ?
16:17 Alors donnez-nous un chemin.
16:18 Parce que c'est vrai que j'ai l'impression que c'est toujours les mêmes débats.
16:21 L'état des lieux, tout le monde est d'accord.
16:23 Mais les solutions, c'est beaucoup plus compliqué.
16:25 Alors on parle des constructions, mais il y a aussi remise sur le marché locatif d'un certain nombre de biens.
16:30 Il y a les biens vacants, évidemment.
16:32 Les bureaux ?
16:33 Alors, les bureaux, les lieux vacants.
16:37 Et puis aussi, éviter que, c'est particulièrement le cas à Paris,
16:41 que vous ayez une fuite vers les meublées touristiques, les meublées de tourisme.
16:46 Et c'est ce qu'on a fait cette semaine en votant la PPL.
16:50 La proposition de loi Airbnb.
16:52 Exactement.
16:53 Qui supprime la niche fiscale, pour essayer de libérer du logement pour les gens qui travaillent et pas seulement les touristes.
16:58 Ça n'a aucun sens que vous soyez plus taxé en tant que propriétaire
17:02 quand vous mettez à la location pour de la location longue durée que de la location courte durée.
17:07 Mais ça, ça résout vraiment le problème de l'accès du logement ?
17:10 Le problème, il est absolument global.
17:12 C'est-à-dire qu'il faut agir sur tous les leviers.
17:14 Simplification, rénovation thermique, c'est indispensable.
17:17 Mais il faut qu'on simplifie la manière de faire appel le calendrier.
17:21 L'écologie, c'est une bonne question.
17:23 Parce que certes, il va y avoir de la simplification sur ma prime rénov'
17:26 pour remplacer une vieille chaudière par exemple.
17:28 Et en même temps, on sent monter des voix qui s'élèvent sur le DPE.
17:33 Là, je me tourne vers l'agent immobilier.
17:35 J'imagine que vous faites des visites.
17:36 Et donc, en permanence, on vous dit C Classé G, à Paris notamment, C Classé F.
17:42 Et donc, vous ne pourrez plus le louer à partir de l'année prochaine ou un peu plus tard.
17:45 Il faut changer ça ? Il faut assouplir le calendrier ?
17:48 Il faut rendre les choses possibles pour les propriétaires.
17:51 Alors, est-ce qu'il faut changer ? Je ne sais pas.
17:53 Mais en tout cas, quand vous êtes propriétaire et que vous devez faire des travaux
17:55 qui représentent plusieurs dizaines de milliers d'euros, vous vous posez la question.
17:58 Soit vous vendez le bien, soit vous faites les travaux.
18:01 Si vous faites les travaux, il y a un certain nombre d'inconvénients.
18:03 Si vous vendez le bien, vous prenez votre argent, vous allez le mettre ailleurs.
18:05 Qu'est-ce qu'on veut aujourd'hui ?
18:07 Est-ce qu'on veut qu'il y ait moins de logements à la location à Paris ou pas ?
18:09 Et si, effectivement, on ne change pas ce calendrier,
18:12 si on ne permet pas cette souplesse, on aura moins de logements à Paris.
18:15 Alors qu'il y a déjà un déficit du logement.
18:18 Et ce n'est pas en plafonnant les loyers que vous allez régler le problème.
18:20 Donc, il faut vraiment se poser les bonnes questions et amener les bonnes réponses.
18:23 À la certaine fait, le fond, notamment à Paris, Anne Hidalgo,
18:25 plafonne, encadre les loyers. Vous ne pensez pas que c'est une bonne solution ?
18:28 Mais ce n'est pas ça. Ce n'est que ça ne résout rien.
18:30 Ce n'est pas ça qui va amener plus de stocks, plus d'offres, pour reprendre M. Macron, à Paris.
18:35 Yamina Sayeb ?
18:37 Moi, je suis toujours étonnée.
18:39 La baube sociale, elle concerne les gens qui ne sont pas logés
18:42 ou alors les gens qui sont mal logés. On est d'accord.
18:45 Et là, on parle de crédit, donc propriété privée, et on parle de rénovation,
18:49 de gens qui ont déjà des logements. Ça, c'est un problème important.
18:51 C'est pour ça qu'elle touche tous les publics, en fait.
18:53 Non, mais en fait, ce sont deux problèmes différents.
18:56 C'est grave d'avoir les deux en même temps, mais ce sont deux problèmes différents.
19:00 Si on construit du logement neuf, il faudra construire des logements
19:03 qui soient très basse consommation, pour éviter, surtout lorsqu'on construit
19:07 pour des ménages modestes, pour éviter qu'ils tombent après
19:11 dans des situations de précarité énergétique,
19:13 ils ne pourront pas payer leurs factures énergétiques.
19:15 Il semble des millions de concitoyens ne pas pouvoir payer leurs factures énergétiques.
19:18 Maintenant, quand on parle du logement existant,
19:21 il faut rénover aussi au niveau basse consommation,
19:24 parce que, en particulier, lorsqu'on rénove dans les logements occupés
19:28 par les foyers les plus modestes, parce que c'est la seule façon
19:32 d'éviter de réduire le poids, en fait, la part du logement
19:38 dans le... -Dans le budget.
19:40 -Le budget. -Mensuel.
19:42 C'est le premier budget, 20 % des dépenses.
19:44 -Pour ces familles-là, il y a des familles...
19:46 Quand vous avez votre budget logement,
19:48 qui représente 50-60 % de ce que vous gagnez,
19:51 combien il vous reste pour manger ? Pas rien du tout.
19:53 -Avant de parler du logement social,
19:55 c'est un peu la mesure qui fâche, qui fait réagir,
19:58 un dernier mot, c'est la spécialiste du climat,
20:00 la détermination du bâtiment, Yamina Saeb, le ZAM.
20:03 Vous avez vu le vet de bouclier sur le zéro artificialisation net,
20:07 c'est pour arrêter de bétonner, parce que ça pollue,
20:10 et donc faire en sorte que soit on construise en hauteur,
20:12 soit on reste dans les coeurs de ville.
20:14 Vous dites qu'il faut continuer, ou il faut entendre aussi
20:16 ceux qui vous disent que si vous les construisez,
20:18 il faut dégager des terrains.
20:20 -En fait, il y a aussi des chiffres qui viennent
20:23 de l'Agence de l'Environnement, de la transition écologique,
20:26 qui montrent qu'il y a 20 % de logements déjà construits
20:29 qui ne sont pas utilisés ou sous-utilisés.
20:31 Donc la première chose à faire, s'ils veulent faire
20:34 un choc d'offres, ou je ne sais plus quelle était l'expression,
20:39 la première chose à faire, c'est de récupérer
20:42 les logements qui sont déjà là, disponibles,
20:44 de les récupérer, et d'y loger les gens
20:47 qui n'ont pas de logement. -Mais pas touchés
20:50 à cet objectif de désartificialisation.
20:52 -C'est la première chose à faire. Ensuite,
20:54 ça, c'est les logements qui sont déjà là.
20:56 Ils sont construits, ce sont des logements.
20:58 On a des mètres carrés qui sont construits,
21:00 qui ont été construits pour d'autres raisons,
21:02 qui ne sont plus utilisés. Ces mètres carrés-là,
21:05 il faudra les rénover, les adapter pour en faire des logements.
21:09 Ensuite vient la question de la construction,
21:13 en fait, elle vient vraiment en dernier.
21:15 Parce que ce qu'il faut garder en tête dans cette offre de choc,
21:18 c'est qu'on ne construit pas un logement
21:20 comme on prépare un gâteau. Pour construire un logement,
21:22 il faut au moyen de 2-3 ans.
21:24 Ca veut dire qu'on ne répond pas à la question
21:26 qui est posée maintenant. Pour répondre à la question,
21:28 il faut récupérer tous les mètres carrés existants,
21:30 en faire du logement, du logement basse consommation,
21:33 en particulier lorsqu'il s'agit des foyers modestes.
21:35 C'est comme ça qu'on redondera confiance aux citoyens.
21:38 -On sent que ça pourrait même être
21:40 la grande cause nationale de ce quinquennat.
21:42 Alors, faut-il ouvrir la loi SRU
21:44 qui oblige les grandes communes à construire
21:46 25 % de logements sociaux ?
21:48 Gabriel Attal a suscité la polémique.
21:50 Il veut faire rentrer les catégories intermédiaires
21:53 et les quotas de HLM par commune.
21:55 Explication Clément Perron.
21:57 -Qu'est-ce que la loi SRU ?
22:04 -Elle date de l'an 2000 et du gouvernement Jospin.
22:07 La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain,
22:11 mieux connue sous le nom de SRU.
22:13 Son principe est simple,
22:15 obliger toutes les communes situées en zone urbaine
22:18 à proposer selon les cas
22:20 entre 20 et 25 % de logements sociaux.
22:22 Si ces quotas ne sont pas respectés,
22:24 les villes doivent payer des amendes.
22:26 Le Premier ministre veut intégrer
22:32 à la part obligatoire de logements sociaux
22:34 des logements dits "intermédiaires".
22:36 Ce sont des logements destinés
22:38 aux classes moyennes et moyennes supérieures
22:40 qui ont des revenus trop importants
22:42 pour bénéficier de logements sociaux,
22:44 mais qui peuvent avoir des difficultés
22:46 à se loger dans le parc privé.
22:49 -Quels sont les critères de revenus
22:51 des logements intermédiaires ?
22:53 -Il existe deux types de logements intermédiaires.
22:56 D'abord, le PLS, prélocatif social.
22:59 Pour en bénéficier,
23:01 les plafonds de revenus net imposables
23:03 sont à Paris et région parisienne
23:05 de 32 715 euros pour une personne seule,
23:08 48 894 euros pour un couple sans enfant.
23:12 En province,
23:14 ces chiffres passent à 28 441 euros
23:17 et 37 982 euros.
23:20 L'autre type de logement intermédiaire
23:22 est le prélocatif intermédiaire, PLI.
23:25 Les plafonds sont plus élevés,
23:27 39 363 euros pour une personne seule
23:30 en région parisienne,
23:32 58 831 euros pour un couple.
23:35 En province, il existe trois zones géographiques,
23:38 mais le plafond peut descendre
23:40 à 28 876 euros pour une personne seule
23:43 et 38 560 euros pour un couple.
23:46 Les logements intermédiaires existent depuis 2014.
23:49 Ils sont 10 à 15 % moins chers
23:51 que les prix constatés sur le marché libre.
23:54 Assez méconnu, il en existe un peu moins
23:56 de 100 000 en France,
23:58 mais le gouvernement en voudrait
24:00 30 000 de plus chaque année.
24:02 -Emmanuel Domergue, vous avez bondi
24:04 quand vous avez entendu Gabriel Attal.
24:06 Pourquoi ?
24:08 -La loi SRU fait partie du patrimoine
24:11 de la nation.
24:13 Elle est devenue assez consensuelle
24:15 car elle a été combattue par beaucoup de maires
24:17 qui ne voulaient pas faire de logement social.
24:19 Tout le monde s'accorde à dire
24:21 que c'est une bonne idée de répartir
24:23 les logements sociaux un peu partout,
24:25 d'autant plus qu'on en a de plus en plus besoin.
24:27 Elle n'est pas respectée partout.
24:29 Ce n'était pas dans les cartons
24:31 d'affaiblir cette loi SRU.
24:33 Le précédent ministre, il y a 3 semaines,
24:35 Patrice Vergrit, avait dit que la loi SRU
24:37 "j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux".
24:39 "C'est moi qui l'ai écrite, je n'y toucherai jamais."
24:41 Là, on a une annonce sans aucune concertation
24:44 pour servir les gens.
24:46 Dans votre reportage, vous parlez des logements intermédiaires PLS.
24:49 C'est déjà des logements sociaux.
24:51 Là, ce qu'il veut ouvrir, c'est les logements
24:53 locatifs intermédiaires pour des gens
24:55 qui sont au-delà des plafonds.
24:57 C'est des gens des 7e et 8e décile.
24:59 - Donnez-nous un revenu moyen par mois.
25:01 C'est 2 500 euros ?
25:03 - Non. A Lyon ou à Lille,
25:05 pour un couple avec deux enfants,
25:07 le plafond de ressources pour accéder
25:09 aux logements que ce gouvernement veut promouvoir,
25:11 c'est 90 000 euros par an. 7 500 euros par mois.
25:13 - En couple. - On n'est pas sur des cadres,
25:15 on est sur un couple de cadres.
25:17 Est-ce que c'est eux qui ont besoin de la politique du gouvernement ?
25:19 2,6 millions de ménages attendent un logement.
25:21 Des enfants dorment dehors.
25:23 Est-ce que c'est juste de se dire
25:25 qu'on va couper les vivres du logement social
25:27 comme c'est le cas depuis 2017,
25:29 et au lieu de les aider au moment où ça se casse la gueule,
25:31 on va aider le locatif intermédiaire pour les cadres ?
25:34 Et les communes qui ne veulent pas accueillir des pauvres,
25:36 on va leur permettre de respecter la loi
25:38 en accueillant des cadres ?
25:40 - Elle est électoraliste, cette mesure ?
25:42 - Elle est électoraliste. Elle est juste injuste.
25:44 - Pour sélectionner les classes moyennes ?
25:46 - Les classes moyennes supérieures.
25:48 - Alors, Maud Gatel, qu'est-ce que vous répondez ?
25:50 Vous êtes députée de la majorité, députée modem,
25:52 il y aura peut-être une loi logement,
25:54 et il va falloir voter ou ne pas voter
25:56 cet élargissement des critères
25:58 de la loi SRU
26:00 pour y faire entrer les classes moyennes,
26:02 parce que c'est ça dont il s'agit.
26:04 C'est vraiment à elle
26:06 que s'adresse le Premier ministre et ce gouvernement.
26:08 - Alors, c'est aussi,
26:10 comment est-ce qu'on déverrouille à chaque étape ?
26:12 Parce que c'est bien ça, la question.
26:14 La question, c'est produire davantage,
26:16 je ne dis pas construire davantage,
26:18 je dis produire davantage, et ce, à chaque étape.
26:20 La proposition de faire évoluer la loi SRU,
26:24 il y a aussi peut-être une conséquence à cela,
26:28 et bien évidemment, je rappelle quand même
26:30 qu'il y a des mesures
26:32 qui ont été annoncées par Elisabeth Borne
26:34 au mois de novembre, de dire 50%
26:36 de la création de logements qui sera du logement social.
26:38 Donc, on ne revient pas en arrière
26:40 par rapport aux annonciers.
26:42 - Je me trompe ou je vous sens quand même
26:44 assez mal à l'aise avec cette mesure ?
26:46 C'est votre droit le plus absolu de résider dans la mesure.
26:48 - Je voudrais vous dire, parce que...
26:50 - Vous voulez inventer. - Elle a été annoncée
26:52 au mois de novembre. - Non, c'est faux.
26:54 - Si, absolument, 50% de la production totale
26:56 de logements... - Vous dites n'importe quoi.
26:58 Vous ne connaissez pas le sujet.
27:00 On produit 300 000 logements par an,
27:02 82 000 logements sociaux.
27:04 Est-ce que vous êtes en train de dire
27:06 que vous avez évoqué tout à l'heure le fait
27:08 qu'en l'occurrence, le nombre
27:10 de mises en construction était moins importante
27:12 cette année que l'année précédente ?
27:14 Et l'objectif, c'est de remonter
27:16 la pente, puisqu'on voit bien qu'on a
27:18 des problèmes à chaque étape
27:20 du logement. Par rapport à la loi ICRU,
27:22 il y a aussi le sujet, et vous l'avez évoqué
27:24 tout à l'heure, la question du foncier, du coût du foncier.
27:26 Quand aujourd'hui, vous avez un programme
27:28 qui est mis en oeuvre,
27:30 un programme de mis en oeuvre, il y a à la fois
27:32 de l'accession sociale à la propriété
27:34 et du social, avec
27:36 PLAI, PLUS, PLS.
27:38 La question, c'est le coût
27:40 in fine pour le promoteur
27:42 entre le social
27:44 et l'accession sociale
27:46 à la propriété. Et donc, il faut regarder
27:48 qu'est-ce qui permet au maximum
27:50 de produire du logement.
27:52 Parce que c'est ça, et je crois, excusez-moi,
27:54 mais je pense que c'est ce qu'on veut tous.
27:56 - Mais madame, ce qu'on comprend tous, sans être expert,
27:58 c'est que si vous retirez une part,
28:00 je ne sais pas si c'est 5%, 10%,
28:02 dans les 25%
28:04 aux plus modestes,
28:06 ils vont être libidés vers l'hébergement social.
28:08 - Ils mettent en concurrence les plus modestes
28:10 avec les cadres. Vous imaginez un peu ?
28:12 Ce n'est pas du déverrouillage que vous allez faire.
28:14 Vous tirez sur la loi ESR,
28:16 vous tirez sur le pilier de l'égalité de la République.
28:18 C'est ça que vous allez faire.
28:20 - Alors, Éric Gallou, je ne sais pas forcément,
28:22 c'est un débat très politique, mais qu'est-ce que vous en pensez ?
28:24 Ce qu'il a dit aussi, Gabriel Attal, c'est
28:26 qu'il faut redonner du pouvoir au maire
28:28 sur le logement social dans l'attribution.
28:30 Ça fait très longtemps qu'il le réclame.
28:32 Et pas seulement aux officiers HLM,
28:34 aussi aux maires,
28:36 pour mieux répartir,
28:38 mieux décider de qui habite dans l'habitat social.
28:40 - C'est un autre sujet.
28:42 Il y a deux sujets. Le premier, sur la loi ESR,
28:44 moi j'avoue, je ne comprends pas trop,
28:46 parce que vous avez une enveloppe,
28:48 une casserole, disons, qui est consacrée
28:50 au logement social, et vous rajoutez
28:52 d'autres choses dedans. Forcément, il y a un effet de dilution
28:54 qui s'opère. Vous avez forcément moins
28:56 de logements sociaux. Pour moi, ça s'appelle
28:58 un tour de passe-passe. Effectivement,
29:00 on dit ça comme on veut, on emploie le terme
29:02 qu'on souhaite. - Vous avez tous compris
29:04 qu'on faisait entrer dans les 25 %.
29:06 C'est pas "on rajoute", c'est "on en rajoute".
29:08 - C'est très clair. - C'est intégrer à l'intérieur.
29:10 - C'est bien ça dont il s'agit. C'est d'intégrer
29:12 de nouveaux... - Une part, une part.
29:14 - De nouveaux couples, voilà, avec d'autres
29:16 critères sociaux. - Dit autrement, madame,
29:18 ça veut dire réduire la part des logements sociaux.
29:20 C'est ça, ce que ça veut dire. Alors qu'on est en pleine
29:22 crise de bombe sociale, quoi.
29:24 - Alors, Éric Allouche, vous répondrez
29:26 après à Maud Gatel. - Le problème, pour moi,
29:28 il vient même pas de là. Il vient qu'il est absolument
29:30 anormal que dans notre pays, on puisse pas se loger
29:32 et qu'on ait besoin de logements sociaux.
29:34 Le vrai problème, il est là.
29:36 Est-ce que l'Etat va continuer
29:38 à rendre absolument indispensable
29:40 la création de logements sociaux ?
29:42 Ou est-ce qu'on va libérer, par un choc de l'offre,
29:44 par exemple, les créations
29:46 de nouveaux logements ? C'est ça, le vrai problème,
29:48 il est là. - Il faut forcément choisir. On peut faire les deux, non ?
29:50 - On peut faire les deux, mais si le logement
29:52 privé devient tellement petit
29:54 et diminue tellement
29:56 au détriment du logement social, on change de société.
29:58 - On n'en est pas encore là. Maud Gatel,
30:00 il faut forcément une loi pour
30:02 changer les critères d'attribution de la loi
30:04 SRU ? - Je le crois,
30:06 effectivement. - Vous voterez cette loi ?
30:08 - Aujourd'hui, on a 5,15
30:10 millions de logements sociaux.
30:12 On parlait, là,
30:14 de 100 000 personnes
30:16 environ concernées par le PLI.
30:18 - Donc vous dites que c'est très peu, en fait.
30:20 - D'abord, c'est très peu. - Ça va pas changer la donne.
30:22 - Bien évidemment. Enfin, moi,
30:24 j'ai toujours été une défenseuse de la loi SRU et des 25 %.
30:26 Je considère que tout le monde
30:28 doit faire, sur son territoire,
30:30 de la mixité sociale. Au contraire,
30:32 je suis favorable à ce qu'on cape
30:34 le logement social, parfois, et là, on ne se rend pas d'accord,
30:36 puisque je considère que, en plus de la mixité...
30:38 - Qu'est-ce que ça veut dire, "caper le logement social" ?
30:40 - C'est-à-dire que vous avez parfois des villes,
30:42 notamment, alors, des arrondissements à Paris,
30:44 où vous avez, par exemple, le 19e arrondissement
30:46 à 46 % de logements sociaux,
30:48 on a besoin d'un accompagnement par rapport...
30:50 - Ça veut dire quoi ? De la mixité sociale
30:52 à l'intérieur même des immeubles HLM ?
30:54 - Alors, l'idéal, à l'intérieur des immeubles,
30:56 en tout cas, à l'échelle du quartier.
30:58 Et donc, il y a aussi cet effort
31:00 à faire pour faire en sorte que
31:02 chaque territoire prenne sa part.
31:04 Aujourd'hui, on est à 17 %, il faut atteindre les 25 %.
31:06 - Bon. Le regard de l'historien
31:08 sur un débat où, forcément,
31:10 la question du logement est centrale ?
31:12 - Oui, en tout cas, on voit, il y a une forte intensité
31:14 du débat, et ça montre que c'est pas du tout...
31:16 Enfin, que c'est bien sûr
31:18 un enjeu technique, mais un enjeu universel.
31:20 Je pense que les personnes,
31:22 dans leur vie intime, dans leur vie sociale,
31:24 ont besoin... On a parlé de lieu de vie,
31:26 c'est très juste. Moi, je voudrais faire référence
31:28 à la grande historienne Michelle Perrault
31:30 qui a écrit un livre sur l'histoire des chambres.
31:32 Et donc, si on veut que, en fait,
31:34 les personnes, aux concitoyens, se projettent dans l'avenir,
31:36 il faut qu'ils aient un ancrage, vous voyez.
31:38 Et cet ancrage, il est essentiel pour se retrouver,
31:40 pour avoir de l'équilibre.
31:42 Et donc, tout ce qui a été dit,
31:44 je le trouve très important. Et peut-être juste
31:46 un dernier point sur, effectivement,
31:48 la position de la fondation
31:50 Abbé Pierre Emmaüs.
31:52 Ça nous renvoie à ce qu'a fait l'abbé Pierre
31:54 le 1er février 1974. -Il y a 30 ans.
31:56 -70 ans. -70 ans, pardon.
31:58 -Et en fait,
32:00 il faut le rappeler,
32:02 l'abbé Pierre était très courageux,
32:04 parce qu'il a mis aussi une réputation en jeu,
32:06 et sa réputation, c'était un grand résistant.
32:08 Il était très proche du général de Gaulle,
32:10 et effectivement, il met sa réputation
32:12 dans une cause extrêmement forte.
32:14 Ça touche à l'importance, je crois, du sujet.
32:16 -Alors, quelles sont vos attentes pour terminer
32:18 sur cette mesure ?
32:20 -Le dernier combat de l'abbé Pierre,
32:22 six mois avant de mourir, il est venu
32:24 à l'Assemblée nationale, en fauteuil roulant,
32:26 parce que des députés voulaient détricoter l'LOA-SRU.
32:28 Et il a gagné. Et je pense qu'on gagnera aussi.
32:30 -Quelque chose me dit que c'est pas fait,
32:32 cette mesure sur le SRU,
32:34 parce qu'il y a une majorité à l'Assemblée,
32:36 et parfois même, la Macronie est fracturée
32:38 sur les sujets sociaux. On verra bien.
32:40 Merci beaucoup. On s'arrête là.
32:42 Merci d'être venu débattre
32:44 de cette crise du logement sur LCP.
32:46 Vous restez avec moi, Vincent Duclert.
32:48 Dans une dizaine de minutes, les parties prises
32:50 de nos affranchis. Ce soir,
32:52 le regard de maître Bertrand Perrier
32:54 sur cette création d'un homicide routier
32:56 à l'Assemblée, vous le savez, poussé par
32:58 le chef étoilé Yannick Allénaud après la mort de son fils.
33:00 "Agriculture", c'est le mot de la semaine
33:02 de Mariette Darré-Grand.
33:04 Et puis, de quoi nous parlez-vous, Léa Falco,
33:06 dans Action Planète, cette semaine ?
33:08 -Suff qu'il peut, on va parler de la dotation
33:10 de Paris et de la votation sur les SUV.
33:12 Est-ce qu'il faut pénaliser
33:14 les propriétaires de très grosses voitures ?
33:16 -SUV, suff' qu'il peut. Bravo pour le genou.
33:18 -Merci. -Pour le week-end.
33:20 Merci. A tout à l'heure, les amis.
33:22 Mais d'abord, on va plonger avec vous,
33:24 Vincent Duclert, dans l'horreur
33:26 du génocide au Rwanda.
33:28 1994,
33:30 entre 800 000 et 1 million de morts
33:32 en trois mois. Votre livre "La France
33:34 face au génocide des Tutsis"
33:36 chez Taillandier prolonge donc
33:38 le rapport de la commission que vous avez présidée
33:40 en 2021. C'est un livre
33:42 important, essentiel. On voit
33:44 cela dans l'invitation d'Hélène Bonduelle,
33:46 interview juste après.
33:48 Musique douce
33:50 ...
33:52 -Si on vous invite,
33:54 Vincent Duclert,
33:56 c'est parce que 30 ans tout juste,
33:58 après le génocide des Tutsis,
34:00 et alors que les Rwandais exhument
34:02 toujours des corps de victimes,
34:04 vous donnez à lire au grand public
34:06 votre analyse sur les responsabilités
34:08 de l'Etat français dans ce génocide.
34:10 Du 7 avril au 4 juillet
34:14 1994,
34:16 1 million de Tutsis ont été massacrés
34:18 par le gouvernement rwandais
34:20 et les milices Hutus.
34:22 Historien des génocides,
34:24 Vincent Duclert, en 2019,
34:26 vous présidez une commission de recherche
34:28 commandée par Emmanuel Macron
34:30 et plongée dans les archives
34:32 de l'histoire du génocide.
34:34 Pour vous, la France a demeuré aveugle
34:36 face à la préparation de ce génocide.
34:38 -Notre constat de ces responsabilités
34:40 accablants de la France,
34:42 qui n'a rien compris,
34:44 qui n'a pas mesuré
34:46 la gravité
34:48 de son action au Rwanda,
34:50 qui a contribué
34:52 au processus génocidaire sans le savoir.
34:54 -Une responsabilité de la France
34:56 tue pendant près de 30 ans
34:58 par des présidents successifs.
35:00 -Elle n'a pas été complice,
35:02 mais la France a un rôle,
35:04 une histoire
35:06 et une responsabilité
35:08 politique au Rwanda.
35:10 -Ces mots ont bien
35:14 plus de valeur que des excuses.
35:16 -Dans votre ouvrage,
35:20 "La France face au génocide des Tutsis,
35:22 le grand scandale de la Vème République",
35:24 vous allez plus loin.
35:26 Vous démontrez la profondeur
35:28 des liens entre le président Mitterrand
35:30 et le régime d'Abayar Imana.
35:32 Vous affirmez,
35:34 grâce à des archives et des témoignages inédits,
35:36 que de multiples alertes
35:38 ont été lancées par des militaires,
35:40 par des civils aussi.
35:42 Mais que dites-vous
35:44 de nombreuses irrégularités
35:46 dont le président Mitterrand, son entourage
35:48 et ses Etats-majors diplomatiques et militaires
35:50 sont comptables ?
35:52 Alors, Vincent Duclert,
35:54 nous avons une question.
35:56 La France aurait-elle pu
35:58 arrêter ce génocide ?
36:00 -Réponse, Vincent Duclert.
36:04 -Oui, et c'est effectivement
36:06 l'aspect dramatique qu'il faut regarder
36:08 très en face. La France pouvait
36:10 absolument arrêter le génocide.
36:12 Elle pouvait l'arrêter, je dirais,
36:14 à trois reprises. Premièrement,
36:16 lorsque le génocide se prépare.
36:18 Un génocide, quand on parle de 1994,
36:20 c'est la phase paroxysmique.
36:22 C'est un million de morts en 100 jours.
36:24 Mais pour qu'il y ait cette phase paroxysmique,
36:26 il faut une préparation, un processus génocidaire.
36:28 Or, la France est très présente
36:30 pendant que se met en place ce processus
36:32 et il est mis en place par le régime
36:34 que la France soutient. Donc déjà,
36:36 à ce moment-là, la France pouvait
36:38 s'imposer au président Abiyarimana,
36:40 obliger le président Emmania
36:42 à cesser d'encourager
36:44 les milices, d'encourager la haine contre les Tutsis.
36:46 Et la France n'a pas eu ce
36:48 langage de fermeté, cette
36:50 volonté de faire plier.
36:52 -Et au moment des faits ? -Au moment des faits.
36:54 -Voilà. -Mais, Juin, est-ce que
36:56 les forces militaires présentes,
36:58 on est un peu avant l'arrivée
37:00 de la fameuse opération turquoise,
37:02 si ordre avait été donné,
37:04 à ce moment-là,
37:06 les massacres aux machettes auraient pu être
37:08 évités ? -C'est une grande
37:10 question, mais il y a quand même beaucoup d'éléments
37:12 qui montrent que lorsque la France
37:14 envoie des forces spéciales, près de 1 000 hommes,
37:16 pour évacuer les ressortissants
37:18 dès le lendemain du début du génocide,
37:20 eh bien, ces forces
37:22 auraient pu, avec d'autres forces
37:24 des Nations unies, il y avait des casse-coules,
37:26 on n'est pas dans la situation de guerre mondiale où on ne peut pas intervenir,
37:28 là, il y a des forces militaires occidentales
37:30 très puissantes qui auraient pu arrêter
37:32 le génocide à ce moment-là,
37:34 et la question doit être posée,
37:36 compte tenu de toutes les informations,
37:38 c'est pas de reprocher 30 ans plus tard
37:40 à des responsables de ne pas avoir
37:42 fait le travail. -Ce que le gouvernement
37:44 savait, au fond, c'est l'histoire
37:46 de la raison d'Etat que vous racontez
37:48 dans ce livre, il faut revenir sur vos mots,
37:50 puisque la France est, à ce moment-là,
37:52 la plus massivement impliquée
37:54 avec Kigali, vous parlez
37:56 d'aveuglement systématique
37:58 qui commence avant le génocide,
38:00 qui, en fait, n'a pas
38:02 permis, alors qu'elle avait les moyens
38:04 d'intervenir, alors que les alertes
38:06 étaient là, et beaucoup d'alertes.
38:08 Qui sont les lanceurs d'alertes ?
38:10 -Les alertes, c'est là où c'est effectivement
38:12 très important et très
38:14 embarrassant, quand même, pour les anciennes autorités,
38:16 et aussi, d'une certaine manière, rassurant aussi
38:18 pour notre pays, c'est que les alertes,
38:20 elles viennent de l'Etat, elles viennent
38:22 aussi du gouvernement, il faut souligner, par exemple,
38:24 le courage du ministre de la Défense,
38:26 de 91 à 83, Pierre Jocques,
38:28 qui, je veux dire, voit bien que
38:30 ce n'est pas possible de continuer
38:32 une coopération, un soutien
38:34 inconditionnel avec un régime, qui est un régime
38:36 raciste, corrompu, violent,
38:38 et donc, ces alertes, elles sont
38:40 aussi sur le terrain, la Tchéchie militaire de défense,
38:42 les officiers sur le terrain,
38:44 les diplomates, si vous voulez,
38:46 et donc, toutes ces alertes, elles remontent,
38:48 et si on parle de raison d'état, c'est que
38:50 ce qui est dit de ces alertes, et ces alertes
38:52 officielles, si vous voulez, d'agents de l'Etat
38:54 qui font bien leur travail, eh bien, c'est
38:56 écarté, et il y a un moment, bien sûr,
38:58 on sait qu'il y a beaucoup d'informations, parfois, on ne voit pas,
39:00 mais quand vous avez des informations systématiques
39:02 et que vous les écartez,
39:04 parce que ça menace, effectivement,
39:06 une politique qui est une politique,
39:08 pensez exécuter
39:10 à la présidente de la République,
39:12 on est sur la chaîne parlementaire,
39:14 le gouvernement, le Parlement sont totalement
39:16 écartés, je veux dire,
39:18 même du contrôle. - Oui, parce qu'il a fallu
39:20 votre rapport, il y a eu des commissions d'enquête,
39:22 et vous le saviez bien mieux que moi, ici, qui ne sont pas allées au bout
39:24 de ce travail, même s'ils étaient importants.
39:26 Là, ce que vous dites va beaucoup
39:28 plus loin. Pourtant, dès le
39:30 16 mai 1994, le début
39:32 du génocide, c'est avril, le ministre des Affaires
39:34 étrangères de l'époque, Alain Juppé,
39:36 lâche ce mot de génocide,
39:38 sans préciser, d'ailleurs, qui
39:40 est génocidaire,
39:42 mais le mot est lâché. Comment c'est possible
39:44 qu'au quai d'Orsay,
39:46 on ne puisse pas, alors qu'on sait ce qui se passe,
39:48 avoir des conséquences
39:50 sur le terrain ?
39:52 - Je voudrais souligner qu'en 1994, c'est la
39:54 cohabitation. C'est certain que François Mitterrand
39:56 ne peut plus, avec l'Elysée,
39:58 avoir la mainmise totale sur ce qu'on appelle
40:00 les domaines réservés, qui ne restent pas
40:02 constitutionnalisés. Il est obligé,
40:04 effectivement, de partager, et c'est vrai que
40:06 le gouvernement d'Edouard Balladur, le ministre de la Défense
40:08 François Laotard, le ministre des Affaires étrangères
40:10 Alain Juppé, sont conscients
40:12 quand même de ce qui se passe.
40:14 C'est vrai qu'Alain Juppé, il faut le dire courageusement,
40:16 il reconnaît le 16 mai
40:18 le génocide
40:20 d'Etoutsi. Ce qui est intéressant,
40:22 c'est qu'il n'est pas du tout suivi.
40:24 Son administration continue
40:26 à ne pas voir le génocide
40:28 aux Nations unies,
40:30 parce que la France est membre permanent du Conseil
40:32 de sécurité, et donc il faut attendre
40:34 le 8 juin pour que
40:36 des actes de génocide soient reconnus par le Conseil de sécurité.
40:38 Donc, ce qui est terrible,
40:40 c'est qu'en fait,
40:42 tout était présent, au niveau de l'Etat.
40:44 -Allez-y, pardonnez-moi.
40:46 -Tout était présent au niveau de l'Etat.
40:48 Il faut penser aux journalistes, aux associations,
40:50 aux intellectuels, aux historiens,
40:52 pour qu'une autre politique
40:54 puisse être menée
40:56 pour arrêter le génocide, et ça n'a pas été fait.
40:58 -Le nom de l'ex-chef de l'Etat, François Mitterrand,
41:00 n'a pas encore été prononcé, pourtant,
41:02 c'est absolument central. Le Rwanda
41:04 interroge le fonctionnement même de la Ve République.
41:06 François Mitterrand est au pouvoir.
41:08 Vous parlez d'un pouvoir sans partage,
41:10 sans contrôle,
41:12 avec des entorses à la Constitution,
41:14 et vous dites que l'Elysée,
41:16 à cette période, mène une politique,
41:18 j'ouvre les guillemets, "spéciale".
41:20 C'est quoi, cette politique ?
41:22 -C'est une politique spéciale, qui vise
41:24 à élargir, au fond, la zone d'influence française.
41:26 En fait, on sait que la France est puissante
41:28 avec ses anciennes colonies,
41:30 les Pays du Champ. Le Burundi et le Rwanda
41:32 ne sont pas des colonies françaises,
41:34 mais d'anciennes colonies belges.
41:36 Et là, il y a une volonté d'élargir l'Empire,
41:38 d'une certaine manière.
41:40 Et donc, comme, effectivement,
41:42 c'est quand même un sujet,
41:44 on voit bien que le régime est très décrié,
41:46 du reste, les Belges partent,
41:48 parce qu'ils ne veulent pas cautionner.
41:50 Et donc, pour cela, pour imposer cette politique
41:52 qui, je veux dire, suscite énormément
41:54 d'interrogations dans le gouvernement,
41:56 eh bien, il faut empêcher
41:58 tout contrôle, empêcher...
42:00 Et donc, c'est vraiment
42:02 un point essentiel. L'exécution
42:04 des ordres de François Mitterrand,
42:06 qui, effectivement, était le donneur d'ordre,
42:08 il n'y a pas, je veux dire,
42:10 de militaires factieux, si vous voulez,
42:12 eh bien, l'exécution est réalisée
42:14 à partir de l'Élysée,
42:16 et donc, on voit se mettre en place
42:18 un dédoublement des institutions.
42:20 Il y a toujours le chef d'État-major,
42:22 mais qui, effectivement, doit accepter une politique
42:24 qui est vraiment fondée à l'Élysée.
42:26 Et tout ça, si vous voulez, c'est pas de la reconstruction,
42:28 c'est des archives qui l'ont dit.
42:30 -C'est-à-dire que vous revisitez avec des documents inédits.
42:32 Hubert Védrine est alors secrétaire général
42:34 de l'Élysée.
42:36 Il ne bouge pas non plus ?
42:38 -En fait, il obéit au président de la République.
42:40 -C'est pas la même génération ?
42:42 -Oui, enfin...
42:44 Le président de la République
42:46 donne des ordres. Hubert Védrine
42:48 envoie des notes, notamment des états-majors
42:50 diplomatiques et militaires.
42:52 Ça revient, et on voit que François Mitterrand,
42:54 et on sait qu'il était malade,
42:56 mais sur le sujet,
42:58 il est extrêmement percutant.
43:00 C'est sa politique qui est appliquée.
43:02 Par exemple, dans le cas de l'accueil
43:04 de la veuve du président Abiy Arimana,
43:06 dont on sait que, semble-t-il,
43:08 elle est quand même assez largement impliquée
43:10 dans la préparation du génocide,
43:12 c'est François Mitterrand,
43:14 dans la Conseil d'instructions de défense,
43:16 qui dit "Oui, monsieur le ministre de la Défense,
43:18 c'est ma décision", et on l'accueille en France.
43:20 -Vous parlez d'une tentation algérienne.
43:22 Expliquez-nous comment la guerre d'Algérie
43:24 a-t-elle influencé la stratégie française au Rwanda ?
43:26 -C'est aussi très intéressant,
43:28 parce que, en fait, l'armée française
43:30 a vraiment tiré des leçons
43:32 dans les écoles militaires,
43:34 dans le règlement des officiers,
43:36 de ce qui s'est passé lors de la guerre d'Algérie,
43:38 au fond, d'une armée qui s'est transformée
43:40 donc en opération
43:42 contre-insurrectionnelle,
43:44 avec tout ce qu'on a vu,
43:46 notamment la dérive
43:48 vers la torture généralisée.
43:50 Les officiers sont formés.
43:52 C'est pour ça que les officiers français
43:54 sont à la laisse par rapport à ce qui se passe.
43:56 Mais, en fait, ce qui va se passer
43:58 à l'Elysée, c'est qu'on explique
44:00 à François Mitterrand, qui le souhaite,
44:02 qu'on va pouvoir tenir des pays,
44:04 des pays amis, avec des forces spéciales,
44:06 avec quelque chose
44:08 qui est très différent,
44:10 et donc la France s'implique
44:12 dans les affaires intérieures.
44:14 C'est-à-dire que les Tutsis
44:16 ne sont pas des populations
44:18 ugandaises, comme on le dit.
44:20 Ce sont les Tutsis qui sont exilés,
44:22 qui sont en train de se faire
44:24 déguiser comme des populations
44:26 de l'autre côté du gouvernement,
44:28 parce que le pouvoir
44:30 rwandais refuse absolument
44:32 et les traite en ennemis.
44:34 Donc, en fait, c'est des affaires intérieures.
44:36 Or, le problème, c'est qu'il y a
44:38 une petite aile, effectivement,
44:40 et moi, j'ai retrouvé des rapports
44:42 qui avaient été montrés dans la commission
44:44 parlementaire de 1998,
44:46 mais l'ensemble du rapport n'avait pas été révélé.
44:48 C'est un rapport qui montre
44:50 que l'on peut vraiment lutter contre l'ennemi.
44:52 Et quand vous dites "l'ennemi",
44:54 eh bien, tout le monde, surtout au Rwanda,
44:56 parmi le peuple majoritaire,
44:58 l'ennemi, c'est le Tutsi.
45:00 Et le Tutsi, qui est totalement,
45:02 sans armes, désarmé, il n'y a pas de maquis Tutsi,
45:04 il n'y a rien, et en fait,
45:06 ces personnes vont subir un enfer
45:08 et vont être exterminées.
45:10 -Jusqu'à cette colline Bicicero,
45:12 où les soldats turcois sont présents.
45:14 Pourquoi le déni a été si long
45:16 sur ce génocide
45:18 et sur les responsabilités,
45:20 je vous cite, "lourdes et accablantes"
45:22 que vous documentez ?
45:24 Pourquoi ce déni a-t-il duré si longtemps
45:26 et qu'il a fallu attendre au fond 2021 et votre rapport ?
45:28 -Alors, notre rapport, et aussi...
45:30 -La commission d'enquête à l'Assemblée aussi.
45:32 -Oui, alors, ce qui a été très décevant,
45:34 c'est qu'en 1998, beaucoup d'éléments
45:36 sont montrés, du reste, ce fameux rapport
45:38 effectivement Cusac est révélé,
45:40 pas Canavas, pardon,
45:42 mais les conclusions, c'est
45:44 "la France n'a aucune responsabilité",
45:46 jusqu'en 2019,
45:48 où le président Macron décide,
45:50 je veux dire, de permettre
45:52 à des historiens de voir toutes les archives.
45:54 C'est quand même une volonté politique,
45:56 c'est important à souligner,
45:58 et il y a une réussite à Kigali, du président de la République,
46:00 et les paroles de Paul Kagame sont assez fortes,
46:02 de ce point de vue-là, c'est une réussite diplomatique.
46:04 -Pour vous, ça y est, depuis les mots
46:06 d'Emmanuel Macron, on est sortis définitivement
46:08 du déni ? Il n'aurait pas fallu
46:10 qu'il s'excuse ou qu'il demande pardon ?
46:12 -En tout cas, c'est ce que
46:14 Paul Kagame a dit, et moi je pense qu'il a,
46:16 au fond, sur ces questions-là, il faut dire la vérité,
46:18 et le président de la République avait,
46:20 je veux dire, une base des éléments de vérité
46:22 à travers notre rapport, il les allait porter à Kigali,
46:24 et il a redit
46:26 nos conclusions, et donc,
46:28 de ce point de vue-là, moi je pense que c'est
46:30 quand même un exemple de
46:32 démarche diplomatique fondée sur la...
46:34 C'est un peu ce qu'avait fait Jacques Chirac,
46:36 enfin, c'est même complètement ce qu'avait fait Jacques Chirac
46:38 pour le Belgique. Donc pour revenir sur le déni,
46:40 pourquoi il y a eu déni ? C'est parce que,
46:42 effectivement, les plus hautes autorités de l'État
46:44 sont quand même impliquées dans une politique spéciale
46:46 qui finit très très mal, c'est pour ça
46:48 que le sous-titre de mon livre,
46:50 c'est "Le grand scandale de la cinquième République",
46:52 c'est parce que, en fait,
46:54 ce système anticonceptionnel,
46:56 d'une certaine manière, le gouvernement est totalement écarté
46:58 du sujet, et bien ce système
47:00 de raison d'État, et bien,
47:02 bascule, je veux dire,
47:04 dans le génocide, vous voyez, parce que, encore une fois,
47:06 et on revient à la question initiale,
47:08 oui, la France avait tous les moyens
47:10 diplomatiques, politiques, militaires
47:12 pour arrêter le génocide.
47:14 - Merci beaucoup, Vincent Duclert.
47:16 Merci d'être venu nous répondre.
47:18 C'est un livre important, vous l'avez compris,
47:20 "La France face au génocide des Tutsis".
47:22 Ça va au-delà de votre rapport,
47:24 c'est une contribution aussi
47:26 au débat public, pour que
47:28 chaque Français s'empare
47:30 de cette histoire-là,
47:32 à l'heure, et on n'a pas eu le temps d'en parler,
47:34 où ce mot "génocide" est quand même beaucoup utilisé,
47:36 peut-être à tort et à travers.
47:38 Vous restez avec moi, Vincent Duclert.
47:40 On va terminer avec les parties prises de nos affranchis.
47:42 Ils vont vous faire réagir, j'en suis sûre, on les accueille tout de suite.
47:44 Et bonjour, Bertrand.
47:48 Bonsoir, plutôt, Bertrand Perrier.
47:50 Installez-vous.
47:52 Bonsoir, Mariette Darrigrand, sémiologue,
47:54 avocat, commentateur des mots de la semaine
47:56 et de l'actualité. On va commencer par
47:58 Action Planète, comme chaque vendredi.
48:00 C'est la chronique écolo de Léa Falco.
48:02 Bonsoir, Léa. - Bonsoir. - Alors, la mairie de Paris
48:04 veut faire payer plus cher les conducteurs
48:06 de grosses voitures, avec
48:08 une votation ce dimanche.
48:10 Mais c'est quoi déjà un SUV, rappelez-nous ?
48:12 - Un SUV, bonne question.
48:14 Sports Utility Vehicles. Ça vient des États-Unis.
48:16 Ça s'est exporté en Europe
48:18 et ça marche bien. Alors, la catégorie
48:20 n'est pas complètement définie,
48:22 mais ce qu'on peut dire, c'est que c'est des voitures
48:24 qui sont plus larges, plus lourdes
48:26 et surtout plus hautes que leurs équivalents
48:28 en berline ou en compact.
48:30 Et en fait, c'est de là que vient le succès. C'est que ce sont des voitures
48:32 hautes, donc on a le sentiment de dominer le trafic,
48:34 donc d'être plus en sécurité,
48:36 au moins, et c'est là que c'est paradoxal, tant que tout le monde
48:38 n'a pas un SUV. Et pour la mairie de Paris,
48:40 les véhicules qui sont concernés,
48:42 c'est les véhicules de plus d'une tonne
48:44 six dans le cas des thermiques
48:46 et des hybrides, et de plus de deux tonnes
48:48 pour les véhicules électriques. - Alors, la mairie de Paris
48:50 veut faire payer plus cher les SUV électriques.
48:52 Moi, je ne comprends pas. Je me dis que c'est plutôt
48:54 bien pour le climat, les SUV électriques.
48:56 Pourquoi payer plus ? - C'est un peu
48:58 plus compliqué que ça. Alors,
49:00 sur le principe, il n'y a pas de doute.
49:02 Une voiture électrique, par rapport au thermique
49:04 en termes de consommation, de production
49:06 de CO2, c'est meilleur.
49:08 Sur l'ensemble du cycle de vie, c'est-à-dire de l'extraction
49:10 des matériaux jusqu'au recyclage de la voiture,
49:12 c'est ce qu'on voit à l'écran.
49:14 Une électrique, c'est moitié moins de CO2
49:16 émis en Europe, parce qu'on a
49:18 une électricité partiellement décarbonée,
49:20 qu'une voiture thermique. Sauf qu'il y a
49:22 d'autres facteurs à regarder, et notamment le poids,
49:24 en fait. Ça a du sens, mais plus
49:26 un objet est lourd, plus une voiture est lourde,
49:28 plus elle prend d'énergie pour se déplacer,
49:30 moins elle est efficiente. Et donc,
49:32 dans le cas des SUV, c'est que le SUV
49:34 moyen, il demande 20 % d'énergie
49:36 en plus qu'une voiture plus petite
49:38 pour se déplacer. Et ça, c'est quelle que soit
49:40 la motorisation, électrique ou thermique.
49:42 Et il y a un autre critère, qui est
49:44 que ce sont des véhicules plus gros.
49:46 Donc, forcément, vous avez d'autres questions que
49:48 simplement l'impact carbone ou environnemental.
49:50 Déjà, en termes de places, simplement,
49:52 de stationnement dans l'espace public, c'est des places qui,
49:54 souvent, n'ont pas été conçues pour des formats SUV,
49:56 de pollution en particules,
49:58 puisque c'est des véhicules plus gros, ils émettent plus de particules
50:00 au kilomètre parcouru.
50:02 Et puis, en termes de sécurité, surtout,
50:04 parce que départ-chocs plus haut, ça veut dire départ-chocs,
50:06 parfois, à hauteur d'enfant, et paradoxalement,
50:08 plus de risques pour les piétons
50:10 comme pour les automobilistes, lors d'une
50:12 collision avec un SUV.
50:14 Alors, qu'est-ce qu'il aura comme effet, ce vote ?
50:16 Quel sera son impact ?
50:17 Moi, quelque chose que je trouve particulièrement intéressant,
50:19 c'est qu'on a toujours, dans les questions écologiques,
50:21 ce débat entre la responsabilité
50:23 individuelle du consommateur et la responsabilité
50:25 du producteur. Là,
50:27 on a l'occasion, pour les Parisiens,
50:29 d'envoyer un message aux constructeurs automobiles
50:31 français, de leur dire, bon, le
50:33 segment des grosses voitures, qu'elles soient électriques
50:35 ou thermiques, ce n'est pas un segment d'avenir.
50:37 Ce que, par ailleurs, les constructeurs chinois,
50:39 notamment, ont parfaitement compris.
50:41 Donc, envoyer ce système-là, ça veut
50:43 dire que le mieux pour l'industrie française,
50:45 un segment porteur au niveau
50:47 international, c'est de se réorienter, plutôt,
50:49 vers des petites voitures électriques.
50:51 Et quelque chose comme ça, ça fait boule de neige, en fait, parce que
50:53 à partir du moment où un certain nombre de petites
50:55 voitures électriques sont achetées, notamment
50:57 par les entreprises, qui forment le plus gros
50:59 parc, aujourd'hui, en France,
51:01 vous avez factuellement
51:03 et manuellement plus de voitures électriques
51:05 de petite taille qui arrivent sur le marché de l'occasion
51:07 et donc, ça se répand progressivement
51:09 en France. Donc, je ne sais pas s'il suffit
51:11 de traverser la rue pour trouver un travail, mais en tout cas,
51:13 dimanche, il suffira aux Parisiens de traverser
51:15 la rue pour pouvoir voter. - Contre les SUV,
51:17 quelque chose me dit que vous n'avez pas de SUV,
51:19 Vincent Duclert. C'est pas votre
51:21 style, les grosses voitures, ou je me trompe ?
51:23 - J'aime beaucoup marcher quand on peut marcher
51:25 et il faut retrouver, effectivement,
51:27 la ville à travers
51:29 la marche, le piéton de Paris. - Alors,
51:31 on enchaîne avec vous, Bertrand.
51:33 Vous voulez revenir sur l'adoption, cette semaine,
51:35 en première lecture à l'Assemblée nationale, d'une proposition
51:37 de loi destinée à créer un nouveau délit.
51:39 Le délit d'homicide
51:41 routier. De quoi s'agit-il ?
51:43 - Oui, alors, aujourd'hui, vous le savez, Myriam,
51:45 lorsqu'il y a un décès au cours
51:47 d'un accident de la circulation,
51:49 eh bien, la plupart du temps,
51:51 il est appréhendé par notre droit
51:53 sous la qualification d'homicide
51:55 involontaire. Pourquoi involontaire ?
51:57 Parce que, sauf très marginalement, lorsque
51:59 une personne délibérément fonce
52:01 sur quelqu'un pour la tuer,
52:03 eh bien, la plupart du temps, même le pire
52:05 chauffard ne veut pas la mort.
52:07 Et donc, la mort est considérée comme
52:09 involontaire. Sauf que
52:11 un certain nombre de proches de victimes,
52:13 d'associations de victimes, ont considéré
52:15 que cette qualification d'involontaire
52:17 était choquante,
52:19 inaudible, insupportable,
52:21 et notamment ne rendait pas compte
52:23 des situations où l'accident
52:25 mortel survient parce que
52:27 le chauffard conduit
52:29 sous l'emprise de drogue, d'alcool,
52:31 en excès de vitesse. Et donc,
52:33 évidemment, la plus grande
52:35 victime de cela
52:37 et l'un des plus grands
52:39 promoteurs de cette nouvelle loi, c'est le chef
52:41 Yannick Allénaud, qui a perdu son fils
52:43 précisément dans un accident de cette nature.
52:45 - Alors, qu'est-ce qu'il changerait ce texte
52:47 s'il était adopté au Sénat ?
52:49 - Alors, en réalité, ce texte,
52:51 il changerait d'abord une sorte
52:53 de symbolique, une sorte de sémantique
52:55 puisqu'il y aurait une sorte de troisième voie
52:57 entre l'homicide involontaire
52:59 et l'homicide involontaire où on crée
53:01 l'homicide routier à situation
53:03 spécifique, et bien dénomination
53:05 spécifique. Et donc, désormais,
53:07 lorsqu'on occasionne un accident
53:09 mortel parce qu'on est sous l'emprise
53:11 de stupéfiants, d'alcool, parce qu'on roule trop
53:13 vite, parce qu'on roule sans permis, parce qu'on
53:15 roule avec le portable
53:17 à l'oreille, et bien on est
53:19 plus passible d'un homicide involontaire
53:21 mais d'un homicide routier. Et
53:23 effectivement, cette qualification
53:25 d'homicide involontaire apparaissait complètement
53:27 en décalage avec des situations où des conducteurs
53:29 prennent volontairement
53:31 le volant en sachant qu'ils font
53:33 courir un risque aux autres usagers
53:35 de la route. Et ce mot de "involontaire",
53:37 euphémise, mineur,
53:39 atténu, presque banalise
53:41 des drames familiaux, évidemment
53:43 inextinguible. Et ils ne
53:45 rendaient pas suffisamment compte
53:47 de la réalité, et nous le savons bien,
53:49 la phrase de Camus, "mal nommer un objet
53:51 c'est ajouter au malheur du monde".
53:53 - Et pourtant, il y a des juristes qui considèrent
53:55 qu'elle ne sert à rien, cette loi.
53:57 Une coquille vide. - Oui, alors certains le disent
53:59 parce que c'est vrai que la modification
54:01 est essentiellement sémantique.
54:03 C'est l'ajout d'un nouveau mot.
54:05 Mais le régime juridique
54:07 de l'homicide routier est en réalité
54:09 en très large mesure calqué
54:11 sur celui de l'homicide involontaire.
54:13 Les peines sont quasiment
54:15 les mêmes, et donc c'est vrai que
54:17 elles sont déjà peu appliquées,
54:19 et donc on se demande un peu pourquoi
54:21 on a créé cette catégorie
54:23 sui generis, qui juridiquement
54:25 n'aurait pas été très différente de celle
54:27 qui existait déjà. On aurait pu espérer
54:29 qu'il y aurait eu des efforts sur les délais
54:31 d'indemnisation, sur le suivi des victimes. Il n'y a pas
54:33 ça dans la loi, et finalement,
54:35 c'est assez curieux que la même semaine,
54:37 on ait appris cela, et on ait appris aussi le nombre de morts
54:39 sur les routes en
54:41 2023 en France métropolitaine,
54:43 3 170, c'est encore trop.
54:45 Donc là, on a une loi qui est un
54:47 symbole, il faut passer aux actes.
54:49 - Le symbole peut parfois
54:51 accélérer le passage aux actes.
54:53 Merci beaucoup, Bertrand.
54:55 On termine avec vous, Mariette,
54:57 bonsoir à vous. En pleine crise agricole,
54:59 vous avez logiquement choisi comme mot de la semaine
55:01 "agriculteur". - Oui, je voulais
55:03 m'interroger sur ce mot, "agriculteur",
55:05 surtout en le comparant à un autre que l'on a
55:07 entendu beaucoup aussi dans les médias,
55:09 "paysan". Alors, qu'est-ce qui les distingue,
55:11 finalement ?
55:13 Il faut se poser la question. En fait, "agriculteur"
55:15 est un mot moderne,
55:17 c'est-à-dire datant du XVIIe, XVIIIe
55:19 siècle, tout est relatif, et l'agriculteur,
55:21 c'est celui qui reçoit
55:23 une terre, des agris, c'est ça,
55:25 les terres, les champs à cultiver.
55:27 Donc, il est du côté du travail et de
55:29 la technique, et au fil du temps, les
55:31 agriculteurs se sont peu à peu industrialisés,
55:33 d'ailleurs, leurs tracteurs, aujourd'hui, sont des
55:35 outils très techniques. - Donc, c'est cette
55:37 industrialisation qui, à votre avis,
55:39 explique qu'ils s'opposent aux
55:41 écologistes ? - Oui, je crois, parce que les
55:43 écologistes réactifs, et d'autres figures
55:45 qui est celle, justement, du paysan
55:47 ancestral, alors, c'est une figure beaucoup
55:49 plus de notre imaginaire collectif,
55:51 pur et dur, dans la nature, pas dans la
55:53 culture et l'industrie, et du coup,
55:55 il est doté un peu de qualités...
55:57 de qualités un peu mythiques,
55:59 et puis,
56:01 comment dire, identitaires, d'ailleurs, dans
56:03 le paysan, il faut entendre déjà le pays,
56:05 alors, au sens de "on est pays, on est de la même région",
56:07 mais aussi le pays national, donc c'est
56:09 très identitaire, et du coup, quand il y a des crises,
56:11 c'est ce mot-là qui arrive,
56:13 on a parlé des "colères paysannes",
56:15 que 90% des Français soutiennent.
56:17 - Et les Français disent aussi qu'ils ont
56:19 tous, au fond, des racines
56:21 paysannes. - Voilà, alors, elles sont vraies
56:23 ou elles sont symboliques, ces racines, hein,
56:25 c'est vrai que notre pays s'est beaucoup plus développé par l'agriculture
56:27 que par l'industrie, comme
56:29 l'Allemagne ou l'Angleterre, mais aussi,
56:31 il y a eu tout un travail des écrivains,
56:33 des photographes, pensons à Depardon,
56:35 toute notre culture,
56:37 notre fiction a mis en scène
56:39 cette magnifique ruralité,
56:41 et puis, aujourd'hui, il y a
56:43 les néo-ruraux. Alors, pour terminer, Myriam,
56:45 ce que je dirais, c'est que, entre les deux
56:47 figures du paysan et de l'agriculteur, aujourd'hui,
56:49 la modernité, c'est pas Léa qui va me contredire,
56:51 elle est liée au vivant,
56:53 elle est moins liée à la nature qu'à ce qu'on appelle aujourd'hui le vivant,
56:55 et ce terme est arrivé dans la crise actuelle.
56:57 Donc, c'est comme si un troisième Larron
56:59 arrivait, un vivantologue,
57:01 qui serait, à ce moment-là,
57:03 encore à construire. Si l'agriculteur
57:05 a de l'avenir, c'est parce
57:07 qu'il va réussir
57:09 à incarner cette figure-là. -Du vivant.
57:11 Merci beaucoup. Vous êtes
57:13 plutôt paysan ou agriculteur ?
57:15 -C'est ça, ce que je... -T'as beau !
57:17 -Ce que je note, c'est l'évolution
57:19 des mots, et
57:21 comme vous avez mentionné "génocide",
57:23 c'est intéressant, parce que c'est un mot à barbarie,
57:25 c'est-à-dire, c'est le juriste Raphaël Lemkin
57:27 qui, pour la convention
57:29 qui a été signée à Paris, la Convention nationale de l'Union Nationale,
57:31 crée un mot pour définir
57:33 la volonté de détruire
57:35 un groupe, donc groupe "génos",
57:37 c'est la racine grecque, et "sidere",
57:39 c'est l'assassinat à la racine latine.
57:41 C'est intéressant que ce mot,
57:43 qui est aujourd'hui, on le voit,
57:45 tellement débattu, aussi,
57:47 renvoie à une création linguistique
57:49 extrêmement importante, et renvoie aussi
57:51 à un grand texte fondateur, celui
57:53 de la convention signée à Paris, au palais
57:55 d'Ostrocadéro, le 9 décembre 1948.
57:57 - 1948, on s'arrête là.
57:59 Je suis sûre, plein de choses à vous dire
58:01 en dehors de ce studio, pardon d'être en retard.
58:03 Merci, les Affranchies,
58:05 pour vos chroniques, c'est le week-end, profitez bien,
58:07 et à la semaine prochaine.
58:09 (Générique)
58:11 ---
58:21 [Générique de fin]

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