• il y a 10 mois
Un déjeuner partagé avec Emmanuelle Jary, critique gastronomique pour parler des influenceurs food qui font la pluie et le beau temps sur la gastronomie. Faut-il suivre leur avis? Au menu également les cuisses de grenouilles. La France est le premier importateur de ces batraciens, mais derrière l'assiette au restaurant se cache une réalité sombre.

Brigitte Boucher et Jean-Pierre Montanay partagent un repas avec une personnalité : politiques, chefs cuisiniers, artistes.... L'occasion d'aborder un thème d'actualité, autour de reportages et d'un menu élaboré avec des plats typiques de leur région, souvenirs d'enfance ou qu'ils apprécient particulièrement. Comment le contenu de nos assiettes impacte-t-il nos modes de vie ? Tout en parlant gastronomie, c'est l'avenir de notre société et les enjeux de demain qu'ils questionnent.

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Transcription
00:00 *Musique*
00:17 Bonjour à tous et bienvenue dans Politique à table sur LCP.
00:21 Nous sommes ensemble pendant une heure, on va parler cuisine, alimentation, agriculture, écologie et aussi un peu politique.
00:27 Et cette semaine nous recevons Emmanuel Jarry. Bonjour.
00:31 Bonjour.
00:31 Et merci d'avoir accepté notre invitation.
00:33 Et avec moi pour présenter cette émission, Jean-Pierre Montané.
00:36 Bonjour Jean-Pierre.
00:37 Bonjour Brigitte. Bonjour Emmanuel Jarry.
00:38 Bonjour Jean-Pierre.
00:39 Alors vous êtes critique gastronomique version 2.0.
00:42 On peut vous suivre depuis 2016 sur votre chaîne YouTube.
00:45 C'est meilleur quand c'est bon.
00:47 Là on vous voit généralement attablé dans un petit restaurant.
00:49 Un bistro, un commerce de bouche, c'est pas du 4 étoiles, c'est simple, c'est authentique.
00:54 Vous commentez les plats, vous tapez la discute avec le chef.
00:57 C'est plus qu'une critique, c'est une tranche de vie.
00:59 Alors ce concept vous l'avez décliné en livre et en trimestriel.
01:03 Un magazine qui s'appelle aussi "C'est meilleur quand c'est bon".
01:06 Cette aventure vous l'a lancée avec votre mari, Mathieu Pensa, qui vous filme mais dont on ne connaît que la voix.
01:12 Alors ça décolle vraiment en 2019 avec une vidéo à 40 millions de vues chez Air One.
01:17 Carton assuré.
01:18 On vous arrête dans la rue, vous la femme de presse écrite qui a étudié 10 ans l'ethnologie de la cuisine.
01:23 Et c'est là que ça se complique quand vous nous avez donné votre menu.
01:27 On a été obligés avec Jean-Pierre d'ouvrir une encyclopédie.
01:30 Oui, une soupe oubliée, inédite, au drôle de nom, une soupe châtrée, on vous en dira plus tout à l'heure.
01:34 Et en dessert, une mousse au chocolat.
01:37 Dans le dessous des plats, les influenceurs food font la pluie et le beau temps sur la gastronomie.
01:42 Faut-il suivre leur avis, les précisions de Clément Perrault ?
01:45 Dans les pieds dans le plat, ma torde cuisse de grenouille à la persiane.
01:47 Attention, le reportage à venir pourrait bien vous en dégoûter.
01:52 Allez, on passe à table, tout de suite, cuisine et confidence.
01:56 D'abord, Emmanuel Jary, pour vous dire qu'en recevant une critique gastronomique dont le slogan est "c'est meilleur quand c'est bon",
02:08 on était plutôt rassuré d'avance avec Brigitte sur votre choix culinaire du jour.
02:12 Bon, c'est déjà meilleur que quelconque ou que médiocre.
02:15 Notre seul doute se résumait à cette question en berlificoté, ce sera seulement bon ou alors meilleur que bon.
02:21 Bref, pour dénicher des indices, je me suis plongé d'abord dans votre livre.
02:24 Mais c'est le numéro 3 de votre revue datée de décembre 2023 qui m'a permis d'y voir plus clair avec ses recettes d'hiver oubliées
02:31 que vous avez exhumées, comme la pinta de farcier ses marrons, la pella des aravis, les ouillettes de langue.
02:37 Vous connaissiez les ouillettes de langue, Brigitte ?
02:39 Ce sont des chaussons farciés aux canards confits.
02:41 Mais vous avez souhaité nous réchauffer nos corps et nos âmes avec une bonne soupe de montagne au fromage, la soupe châtrée.
02:48 Adjectif pour le moins curieux, qui désigne d'ordinaire plutôt un chapon qu'une soupe anti-gaspi confectionnée à partir de reste,
02:55 que vous-même, de votre propre aveu, vous n'avez jamais goûté, mais qui vous fait terriblement envie.
03:01 Voilà donc l'occasion qui fait le larron, en espérant que vous allez nous dire, comme une enfant gourmande, c'est beaucoup meilleur.
03:08 Oui, ça c'est important pour moi, ces recettes-là.
03:12 Pourquoi je les ai pas goûtées ? Parce que justement, c'est des recettes qu'on ne connaît pas, mais moi la première.
03:16 Pour cette revue dont vous avez parlé, je travaille avec des stylistes culinaires, avec des photographes,
03:22 et je leur ai demandé justement de faire ce travail.
03:24 Alors moi, j'ai toute une collection de Lille de Cuisine, depuis 20 ans que je m'intéresse à ça, et elle aussi,
03:29 et donc on a exhumé comme ça des recettes.
03:31 Mon idée, c'est pas de... Comme je disais, dans la revue numéro 2, il y avait une recette, je l'ai déjà dit, qui m'a un peu traumatisée,
03:37 c'était une quiche aux saumons et aux poireaux.
03:39 C'est un peu banal, on peut en prouver un.
03:41 C'est un peu banal, et j'ai dit surtout, on n'a pas besoin...
03:44 Non mais c'est une super recette, mais on n'a pas besoin de ces meilleurs quand c'est bon, en fait, pour donner ces recettes-là.
03:49 Mais là, ce sont des recettes régionales, qui sont oubliées, ou qu'on consomme quand même très localement ?
03:54 Parce que moi, je ne les connaissais pas, j'avoue.
03:56 Non mais vous voyez, c'est possible.
03:57 La soupe châtereuse, je ne connaissais pas.
03:58 Moi, je pense que dans certaines familles, on les fait encore, mais pour avoir quand même beaucoup parcouru la France,
04:03 et filmé des restaurants, ou pour faire des reportages avant ou après ces crises, je n'ai jamais mangé dans des restaurants les soupes châterées.
04:08 Donc pas à la carte.
04:09 Voilà, c'est ça.
04:10 Je trouve qu'il y a une uniformisation des goûts en France, du fait de la restauration, notamment, parce que les chefs cuisinent toujours les mêmes choses.
04:16 Et donc, je me suis dit, à ces meilleurs quand c'est bon, on va faire ce que j'aime, aller retrouver des recettes qu'on ne fait plus,
04:23 mais qui parlent d'une région.
04:25 C'est ça.
04:26 Un peu comme les vieux légumes qu'on exhume, et qu'on met quand on est en local.
04:29 Oui et non, parce que les vieux légumes, c'est des produits.
04:32 Moi, ce que je déplore, parce que souvent, quand j'ai fait mes reportages, et je dis, vous faites bien une cuisine locale,
04:37 on me dit, oui, oui, j'achète chez le maraîcher à côté.
04:39 Et pour moi, une cuisine locale, ce n'est pas parce qu'on achète les produits à 5 km,
04:43 ça tombe sous le sens d'acheter local aujourd'hui.
04:46 Ce qui est important, une cuisine locale, c'est de cuisiner en Anjou, à Marseille, marseillais, en Anjou, une cuisine anjouine,
04:53 et en Alsace, cuisine alsacienne.
04:55 Alors, il se trouve que les Marseillais, ils ont encore une culture culinaire qu'ils ont su préserver, le Pays Basque aussi,
05:00 il y a plein de régions comme ça, l'Alsace, beaucoup.
05:02 La région de Nice aussi, il y a pas mal de régions.
05:04 Bien sûr, oui, mais je cite toujours l'Anjou, les pauvres Anjouins, ils doivent se dire, à chaque fois qu'elles parlent de nous,
05:08 mais parce que j'ai fait un reportage en Anjou, impossible de trouver une recette anjouine.
05:13 Donc, je suis allée les chercher, et j'ai demandé avec les personnes, parce qu'on est une vingtaine à travailler pour cette revue,
05:18 notamment les six culinaires, j'ai dit, trouvez-moi des recettes que même moi, je ne connais pas.
05:22 Donc, la souffle châterette, je ne l'avais jamais goûtée.
05:24 Alors, goûtez-la et dites-nous effectivement si vous la trouvez bonne.
05:29 Et puis, pendant ce temps-là, trois choses à savoir ?
05:33 Parce que comme on ne la connaît pas, pour une fois, cette rubrique peut servir à quelque chose.
05:37 La littérature culinaire est peu prolique sur l'histoire de cette soupe châterette.
05:41 Ce qui semble sûr, c'est que cette recette est restée confinée à un petit territoire, autour du village de Morillon,
05:46 près de Samoens, ceux qui font du ski le connaissent, qui revendiquent d'ailleurs, Morillon, la paternité de cette soupe.
05:52 Pour la confectionner, il faut superposer une couche de pain sec, une couche de fromage, une couche de pain sec, une couche de fromage.
05:58 Vous remplissez votre soupière et à la fin, vous arrosez le tout avec une soupe aux oignons, mais attention, une soupe aux oignons filtrée,
06:05 c'est-à-dire sans les oignons, et vous faites ça cuire au four plus d'une heure à 180 degrés.
06:10 Voilà, la soupe va ainsi gratiner et le fromage qu'on mange, là, va durcir.
06:15 Voilà pourquoi il faut la châtrer. Jonathan, qui s'est occupé de ça tout à l'heure, l'a découpée avec un couteau.
06:20 Il faut la châtrer, l'émasculer, j'allais dire.
06:23 Les puristes déciment la savoure d'ailleurs avec une fourchette.
06:26 Et autant dire qu'après une soupe châtrée, c'est bien l'appétit qui est coupé.
06:30 Alors c'est une soupe d'hiver, mais on la mange aussi le 21 août.
06:33 Ah d'accord, on la mange l'été aussi ? Oui, pour la Saint-Christophe.
06:35 Mais ça n'a rien d'une soupe, on est d'accord.
06:37 Non, parce que, oui, je vous dis, les puristes la mangent à la fourchette, parce qu'en fait le pain a absorbé tout le jus de la soupe qui avait été versée dessus.
06:45 Alors est-ce que là, elle est un peu sèche, j'en sais rien, mais en tous les cas, c'est bon et c'est gourmand.
06:49 Et c'est bon, non ?
06:51 Moi j'aime beaucoup parce qu'il y a du fromage fondu, du pain, et c'est vraiment…
06:54 C'est d'atome.
06:55 C'est cette cuisine que j'aime beaucoup, un peu paysanne, dans laquelle on utilise les restes.
06:59 Là, on voit bien que c'est une recette ancienne, parce qu'on imaginait qu'il restait des restes de croûte à un moment donné de l'année.
07:05 Il nous reste un peu de pain, il est dur comme du béton, donc qu'est-ce qu'on fait ?
07:08 On le mouille avec un peu d'eau, on met des oignons parce que ça parfume.
07:10 C'est assez économique en plus.
07:12 Voilà, c'est ça.
07:13 Et en fait, après une journée de ski, je pense qu'on est content de manger ça.
07:16 On est content, ça cale bien.
07:18 C'est pour ça que je trouve ça dommage l'uniformisation des goûts et de se dire qu'aujourd'hui on va trouver du foie gras.
07:24 Le foie gras, c'est le truc qu'on trouve partout, la souris d'agneau.
07:27 Parce que si vous êtes sur la côte d'Azur, vous n'avez pas du tout envie de manger ça.
07:30 Les recettes, elles n'ont pas été inventées pour rien.
07:33 La cuisine a son histoire et tout.
07:35 Désolée pour les restaurateurs qui nous écoutent, tout le monde ne fait pas ça.
07:38 Mais ceux qui nous proposent toujours la même chose, du foie gras, de la souris d'agneau, de…
07:44 Je ne sais plus…
07:45 - Et là, vous partez en guerre contre plein de petits restos, contre tous les bistrots, contre…
07:49 Non, parce que la cuisine de bistrot, c'est un peu toujours la même.
07:52 - Surtout la bistronomie, en fait.
07:54 Moi, je pars en guerre contre la bistronomie.
07:55 Mais il en faut aussi parce que la bistronomie, ça a permis d'apporter la haute cuisine à un prix moins cher.
08:00 Parce qu'il n'y a pas tout le service de la haute gastronomie que j'aime aussi beaucoup, tout le rituel du service.
08:04 Mais bon, ça a permis d'apporter au plus grand nombre.
08:06 - Le démocratiser finalement toute cette gastronomie.
08:08 - Voilà, exactement.
08:09 Mais il ne faut pas…
08:10 En fait, on parle toujours du fast-food pour l'uniformisation des goûts.
08:13 Je le dis, moi, je pense qu'il n'y a pas que les fast-foods.
08:15 Il y a aussi les chefs qui, à un moment donné, ont voulu tous faire la même chose.
08:19 Parce qu'il y a des modes.
08:20 Et que la mode en cuisine, c'est vraiment appauvrir la cuisine.
08:23 - Donc, vous leur demandez quoi ? Plus d'être créatif ?
08:25 - Oui, d'aller rechercher.
08:26 Si vous êtes dans une région…
08:27 Alors, vous pouvez avoir envie d'être créatif et c'est super.
08:30 Mais tout le monde ne peut pas être un chef créatif.
08:33 Donc, déjà, aller chercher ce que les siècles nous ont laissé, c'est bien aussi.
08:37 - Et cultiver les produits du terroir.
08:39 - Oui, ça, ça me paraît évident.
08:41 - Ça me paraît assez logique.
08:42 - C'est complètement absurde d'aller chercher des produits dans le Nord si on habite à Menton.
08:47 - Tout un peu dur avec la bistronomie, parce qu'on en a souvent parlé sur ce plateau.
08:51 Vous dites que c'est uniforme.
08:52 Au contraire, on reproche aussi à la bistronomie d'être trop inventive, créative pour être créative,
08:57 avec des slashs, anchois, pampelmousse, kiwi, burrata.
09:01 Il y a eu plein de créations.
09:03 Après, elle ne s'est pas uniformisée.
09:05 Je trouve que quand on va dans la bistronomie, elle procure et elle propose un éventail de plats et de recettes.
09:11 - Je trouve qu'en fait, tout le monde n'a pas la capacité d'être un chef créatif.
09:15 Ça, je pense.
09:16 Et la créativité des grands chefs, il y en a vraiment des très grands chefs français.
09:20 C'est ce qu'il fait aussi notre grande cuisine.
09:22 Mais tout le monde ne peut pas.
09:24 Vous savez, il y a l'artisanat dans la peinture et puis il y a les grands maîtres de la peinture.
09:27 Donc voilà, je pense qu'en cuisine, c'est pareil.
09:29 Et donc la bistronomie, les slashs, pour moi, ce n'est pas de la création.
09:33 C'est de l'originalité pour être originale.
09:36 Mais je résiste toujours.
09:37 La bistronomie, les navets, les betras, les kiojia coupés à la mandoline avec l'huile de noisette.
09:45 Voilà, pour moi, c'est ça la mauvaise bistronomie.
09:48 - La caricature de la bistronomie.
09:50 - Voilà, c'est ça.
09:51 Parce qu'en même temps, il y a des chefs comme Mathieu Garel au Bélizer à Paris dans le 15e,
09:55 qui est un chef qui fait une très, très grande bistronomie.
09:58 Et ça, j'applaudis des deux mains.
10:00 Ce que je n'aime pas, c'est ces personnes qui n'ont pas forcément le talent pour.
10:03 Et je leur dis, alors faites-nous un boeuf bourguignon et on sera très contents.
10:06 D'autant plus qu'on m'avait parlé d'un sondage, un cabinet de sondage m'avait dit,
10:11 c'est des chiffres très approximatifs, mais en gros,
10:13 c'est 70% des Françaises ne vont que deux fois par an au restaurant.
10:16 Et à cette occasion, on dépense 17 euros moins.
10:19 Donc vous voyez, ce que je veux dire, c'est que la bistronomie,
10:22 c'est déjà un grand moment d'aller dépenser 40 euros à table, etc.
10:26 - C'est pour qu'on puisse trouver quelque chose d'assez exceptionnel.
10:29 - C'est parisien, c'est un peu dans les grandes villes.
10:31 - Exactement.
10:32 Et quand vous disiez, moi, je m'attarde souvent dans les petites tables,
10:35 c'est parce que j'essaie de m'adresser au plus grand nombre.
10:37 Et je ne suis pas du tout contre les...
10:39 J'ai même filmé un étoilé Michelin.
10:41 - Mais vous n'êtes pas très étoilé.
10:43 Et puis d'ailleurs, on les connaît bien mieux que la cuisine du terroir.
10:47 - Exactement.
10:48 Non, mais j'ai dit, en fait, ils ont déjà beaucoup de...
10:51 Ils sont déjà très médiatiques,
10:52 donc ils n'ont pas besoin de ses mercancés bons pour faire leur publicité.
10:55 Et puis je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne vont jamais dans un étoilé de leur vie.
10:58 Et s'ils y vont, c'est une fois ou deux.
11:00 - Et vous, vous regardez, par exemple, le prix du restaurant,
11:02 avant d'y aller, en vous disant, moi, je reste à moins de 20 euros, par exemple ?
11:05 - Non, je ne me dis pas ça.
11:06 Je regarde le rapport qualité-prix.
11:07 Il y a des restaurants, ça vaut 12 euros et c'est super à 12 euros.
11:10 Et si c'était à 40, ça ne serait pas bien, mais à 12 euros, c'est formidable.
11:13 Il y a des restaurants comme l'étoilé que j'ai filmé, la Réserve Rimbaud à Montpellier.
11:17 Ils proposent un menu à 45 euros le midi.
11:20 Dans ce cadre-là, cette qualité-là... - Ce n'est pas cher pour un étoilé.
11:22 - Ce n'est pas cher du tout.
11:23 Mais alors, je lui avais posé cette question.
11:25 Comment vous arrivez à faire entrée, plat, dessert, avec ce service,
11:27 l'argenterie, le cristal, etc.
11:29 Alors qu'à Paris, la veille, j'avais mangé un plat à 45 euros.
11:32 - Oui, mais à Paris ?
11:33 Sans doute que les loyers...
11:35 - Peut-être, c'est vrai qu'il y a toutes ces considérations.
11:37 - Mais alors, il vous a dit qu'il rentrait dans ses frais, qu'il équilibrait son affaire ?
11:40 - Non, il a dit que c'était peut-être un menu d'appel,
11:42 mais que surtout, pour pouvoir faire des prix pas chers, il fallait cuisiner.
11:46 Et je l'ai dit dans une interview récemment, j'ai dit,
11:48 quand on n'a pas d'argent, la solution pour moi, c'est de cuisiner.
11:51 Parce que je pense qu'on ne va pas...
11:52 Un beau produit, les chefs le disent, on n'a pas besoin de cuisiner.
11:55 Alors que quand on a des pommes de terre, pour bluffer quelqu'un, il faut aussi mettre un peu.
11:59 - Ça améliore un petit peu.
12:00 - Donc la cuisine, c'est la solution.
12:01 - Des bonnes pommes de terre avec juste un petit peu de beurre ou d'huile d'olive, c'est parfait aussi.
12:04 - Et quelqu'un comme Guy Savoie m'a épaté quand j'avais 20 ans,
12:07 et c'est peut-être ça qui m'a donné aussi envie, entre autres, de faire ce métier,
12:09 c'est que j'avais mangé chez lui, j'avais été invitée chez Guy Savoie pour mes 20 ans,
12:13 et j'avais mangé une soupe de lentilles à la truffe.
12:15 - Ah, elle est très connue, ce soupe de lentilles.
12:17 - À la truffe, non mais ce que je veux dire, c'est qu'il faut arriver à épater,
12:21 pour arriver à ce prix-là, à épater quelqu'un, il faut beaucoup travailler la lentille.
12:25 - Donc vous, vous n'êtes pas très étoilé, on pourrait dire, mais pourtant votre révélation,
12:29 en fond, vous l'avez dans un étoilé, chez Georges Blanc.
12:32 - J'avais 18, je venais dans le bac, et chez Georges Blanc à Vona,
12:36 parce que je suis originaire de la Brèze, de l'Inde, dans le département de l'Inde,
12:40 et de la Dôme, je dis la Brèze parce que je suis née à Bourg-en-Bresse,
12:42 et donc mon père m'a dit "si t'as une mention au bac, je t'offre un étoilé".
12:46 Donc j'ai travaillé, j'ai une mention, et j'ai choisi...
12:48 - Il y avait carotte. - Voilà, c'est ça, il y avait une carotte.
12:51 - Ça marche.
12:52 - Non, il m'avait dit "je t'offre un 3 étoiles",
12:54 et donc j'ai choisi Georges Blanc parce que j'en avais beaucoup entendu parler, évidemment,
12:58 et en fait, je m'attendais à manger quelque chose d'incroyable,
13:01 et ce qui m'a bluffée dans son restaurant, c'est le service,
13:06 et qui a fait qu'après j'ai voulu faire des études d'ethnologie de la cuisine
13:09 pour comprendre ce que c'était ce service,
13:12 que je ne soupçonnais pas les cloches qui se soulèvent,
13:15 vraiment le balai des serveurs entre eux qui se regardaient,
13:18 qui se donnaient un petit signal, et hop, ils soulevaient les cloches,
13:21 pour qu'il y ait vraiment un... - C'est synchronisé.
13:23 - Il y a toute une mise en scène, en fait.
13:25 - Voilà, exactement, cette mise en scène, pour moi, j'ai senti qu'il y avait autre chose derrière,
13:29 et donc j'ai fait des études, au début je voulais faire une école hôtelière,
13:32 et je n'avais pas envie de faire de la compta, et tout ce que ça suppose,
13:35 et donc j'ai commencé des études d'ethnologie.
13:37 - Et pourquoi alors l'ethnologie de la cuisine, dites-nous-en ?
13:40 - Il se trouve que l'ethnologie travaille sur les différentes cultures dans le monde,
13:46 les différentes cultures, on va les étudier,
13:48 et la façon dont on mange est une des façons de vivre des humains.
13:51 On peut travailler sur les systèmes de parenté, mais aussi comment mangent,
13:54 je ne sais pas, moi, les papous en Nouvelle-Guinée, vous voyez,
13:57 et moi j'avais décidé de réfléchir à comment mangent les Français de la haute bourgeoisie.
14:02 Et donc, certains professeurs m'ont dit, oui, c'est pas vraiment ethnologique comme sujet,
14:08 et puis j'ai trouvé quand même ma directrice d'hôtesse, qui était journaliste à Routier,
14:11 et qui a dit, si, si, tout est intéressant, en fait,
14:13 parce qu'effectivement, ce que j'ai découvert en lisant les travaux de Norbert Elias,
14:17 qui est un sociologue historien des manières de table, entre autres, pas que,
14:21 c'est que le rituel du grand restaurant est emprunté à l'étiquette de la cour,
14:25 à l'époque de Louis XIV à Versailles,
14:27 donc c'était un outil de pouvoir pour Louis XIV sur sa cour,
14:33 et en fait, chaque table dans les grands restaurants, c'est une petite cour,
14:36 enfin c'était mon postulat de ma mémoire de maîtrise,
14:38 parce que j'ai commencé une thèse, mais je ne l'ai pas soutenue ensuite sur la Trophiculture,
14:41 donc là, c'était en maîtrise d'ethnologie,
14:43 et donc chaque table est une petite cour reconstituée,
14:47 et les serveurs sont, enfin, le client est le roi,
14:51 d'ailleurs, les serveurs le disent, le client est roi.
14:53 - Le client est roi, c'est un peu la réflexion.
14:55 - J'ai dit, mais prenez cette phrase au pied de la lettre,
14:57 et allez voir ce qui se passait à la cour du roi,
14:59 et effectivement, on retrouve énormément,
15:01 dans les interactions entre le client et le serveur,
15:07 des usages de l'étiquette.
15:09 - Et vous avez travaillé un an chez Lucas Carton,
15:11 vous avez retrouvé ça ? - Oui, j'ai trouvé ça.
15:13 - Le client était roi là-bas, respecter ses usages.
15:16 - Par exemple, on ne contredisait jamais le client,
15:18 et je me souviens de lors d'une prise de commande,
15:20 moi j'enregistrais avec un tout petit dictaphone discrètement,
15:22 parce qu'il ne fallait pas que ça se voie,
15:24 une table commande un poisson et une viande.
15:26 Arrive, un poisson et une viande.
15:28 Et un des convives dit, non, on a commandé deux poissons.
15:31 Donc le maître d'hôtel dit, non mais madame...
15:33 Et on vous dit, si madame vous dit qu'elle a commandé un poisson,
15:36 c'est qu'elle a commandé un poisson.
15:38 Hop, on ramène tout, donc là, panique en cuisine,
15:40 parce qu'il faut quand même que ça sorte très rapidement,
15:42 on offre le champagne au client pour faire passer la pilule,
15:45 et après, nous, quand on a déroché, j'ai entendu,
15:48 et on m'a dit, le client a toujours raison.
15:50 - Mais là, c'est pas le client est roi, c'est le client est chiant,
15:52 c'est Cédric, c'est Cédric au caprice.
15:55 - Mais c'est pour vous dire jusqu'où ça allait.
15:57 Et je pense qu'on ne contredisait jamais Louis XIV, en effet.
16:00 Et il y avait énormément de choses comme ça,
16:02 et il y avait aussi d'autres choses incroyables,
16:04 c'est qu'il fallait le plus possible reconnaître.
16:07 Donc une fois qu'il s'était annoncé,
16:09 on faisait d'une manière, il y avait toujours une communication parallèle,
16:12 par des petits gestes derrière, comme ça, que le client ne voyait pas.
16:14 Tout ce qu'il avait dit, il fallait que ça soit acquis.
16:17 Et donc si monsieur Dupont arrivait,
16:20 et qu'il allait dans un petit salon,
16:22 on se débrouillait pour faire passer le message que c'était monsieur Dupont qui arrivait,
16:24 donc quand il arrivait à l'étage du petit salon, on disait "bonjour monsieur Dupont",
16:26 comme le roi, évidemment, on le reconnaissait aussi.
16:29 Donc voilà, c'est assez intéressant, cette hiérarchie.
16:31 - Alors la cuisine est universelle, le fait de se nourrir est universel,
16:34 mais vous, l'ethnologue, est-ce que vous avez trouvé,
16:36 selon des peuples, des ethnies, des différences d'appréhension
16:39 de cette façon de consommer, de cette façon de cuisiner ?
16:43 - Ah oui, bien sûr, parce que d'abord, les dégouts,
16:46 il n'y a pas plus compliqué que de s'investir dans la cuisine de quelqu'un d'autre.
16:51 Après je suis devenue journaliste, et par exemple j'ai fait un reportage en Mauritanie,
16:55 et on m'a servi un couscous de bosse de chameau.
16:59 Et la bosse de chameau, c'est quelque chose de très gras,
17:03 qui sent très fort, qui sent un peu les pieds, je disais,
17:06 et vous voyez, pour se donner cette odeur rance, un peu...
17:09 - Vous avez été obligée de le manger ?
17:11 - Je l'ai mangé, par correction.
17:14 Il fallait manger avec la main, et moi je déteste manger avec la main,
17:17 parce que j'ai pas cette habitude.
17:19 - Alors que dans plein de pays on mange avec la main.
17:21 - Ah, le couscous se mange traditionnellement avec la main.
17:23 - Et donc là on était chez des nomades, on avait passé deux jours sous la tente,
17:25 ils ont préparé la semoule, qui avait énormément de sable à l'intérieur,
17:28 parce que quand on le prépare dans le désert, le sable se mélange,
17:32 mais c'est pas grave, ils le mangent comme ça,
17:34 et en fait avec la main il fallait faire une boulette et la manger.
17:36 Moi ça tombait, je trouvais ça dégoûtant,
17:38 et donc je me souviens que la personne qui m'accompagnait,
17:40 qui était un Mauritanien du désert,
17:42 il me disait "mais enfin, il faut t'habituer,
17:44 ce sont nos traditions, tu dois..."
17:46 Alors bon, je le faisais.
17:47 Et puis après quand on est retournés dans la ville à côté,
17:49 on a mangé un poulet rôti comme ça,
17:51 avec je sais plus, bon, peut-être des pommes de terre,
17:54 il a pas aimé, et je lui ai dit "tu vois ?"
17:56 Parce qu'il m'a dit "c'est pas ça que je mange, c'est pas ma culture."
17:58 Je lui ai dit "tu vois, de la même manière que moi j'ai eu du mal
18:00 et je l'ai fait parce que tu m'as reçu,
18:02 ben toi aussi tu as cette appréhension culturelle, c'est ça."
18:05 Donc je pense que c'est la chose la plus compliquée d'aller manger.
18:09 On est allés avec un photographe manger à Borneo,
18:16 et en fait on nous a servi du serpent, des œufs de serpent,
18:18 et tout ça, c'était compliqué.
18:20 Enfin voilà, il a fallu manger, mais vous voyez donc c'est...
18:22 - Il y a une appréhension, c'est comme aujourd'hui...
18:24 - Il y a un dégoût énorme en fait.
18:25 - Voilà, les insectes, on a une petite appréhension,
18:27 on en mangera peut-être tous demain, mais c'est vrai que...
18:29 - C'est bien pour ça que ça prend pas,
18:31 alors que ça serait peut-être la solution pour avoir des protéines.
18:33 - Mais ça c'est des plats de niche, le serpent,
18:35 moi j'en ai mangé au Vietnam,
18:36 mais à contrario, on assiste aussi à une mondialisation de la cuisine,
18:39 tous les peuples mangent peu ou prou la même chose aussi maintenant,
18:42 donc pas la même chose, mais quand même.
18:44 - Alors c'est vrai que...
18:46 - Les cuisines étrangères, exotiques, ont du succès dans les pays occidentaux, etc.
18:52 - Alors c'est-à-dire que oui, dans nos pays à nous,
18:55 mais je veux dire, honnêtement, pour avoir beaucoup voyagé,
18:57 alors dès qu'on sort des restaurants un peu occidentaux,
18:59 parce que c'est l'Occident qui s'exporte,
19:01 et puis les touristes en fait...
19:02 - Oui, la pizza, mais c'est aussi les cantonais qui s'exportent aussi.
19:05 - Oui, c'est vrai, mais honnêtement, si on s'enfonce un petit peu dans les campagnes,
19:09 et quand on voyage, moi j'ai vraiment découvert des choses,
19:11 par exemple au Cambodge, on m'a servi des tarantules frites,
19:14 c'est compliqué, moi je suis arachnophobe,
19:16 donc manger des succès, des pâtes de tarantule...
19:18 - Même les méduses en Chine, c'est pas toujours évident.
19:20 - Oui, ça j'y arrive davantage, mais effectivement, c'est pas forcément évident,
19:23 et puis après, bon, les Anglais qui n'arrivent pas à manger des lapins ou des grenouilles,
19:28 vous en parliez, enfin vous voyez, donc...
19:29 - Et vous, votre culture culinaire, elle vient d'où ?
19:33 Qu'est-ce qu'on mangeait chez vous à table quand vous étiez enfants ?
19:37 - Moi je viens de la Bresse et de la Dôme, donc on mangeait des volailles,
19:41 du poulet, le poulet du dimanche, mais comme beaucoup de Français d'ailleurs,
19:44 on mangeait, ma grand-mère, mes deux grands-mères, paternelles et maternelles,
19:47 habitaient dans le même village et elles cuisinaient toutes les deux beaucoup, beaucoup.
19:50 - Une cuisine assez simple, traditionnelle...
19:53 - Il y avait les deux, il y avait vraiment la cuisine du dimanche,
19:55 on pouvait faire par exemple un civet de lièvre, ça prenait 4 jours,
19:58 mais ça c'était pour des repas de fête,
20:00 et puis aussi des cuisines, des recettes tout à fait simples,
20:04 je ne sais pas, une viande grillée...
20:06 Je me souviens en revanche qu'on mangeait toujours les légumes avant
20:08 et ensuite la viande, on ne mangeait jamais...
20:10 - Ah oui, ni en même temps et dans ce sens-là.
20:12 - Et puis par exemple il y a des traditions comme ça, régionales,
20:15 on mange souvent la salade, on la mangeait plutôt en début de repas.
20:18 - Alors qu'on a actuellement la mange au fromage.
20:20 - À Paris, quand je suis arrivé à Paris, on m'a toujours servi la salade avec le fromage.
20:23 - Ah oui, c'est une hérésie au début.
20:24 - Et oui, moi je n'aime pas du tout ça, j'aime la manger en entrée,
20:27 la viande et ensuite, enfin d'abord les légumes,
20:29 mais ensuite la viande avec la salade.
20:31 Donc, mais c'est surtout qu'on passait du temps en cuisine,
20:34 on passait du temps en parler, on passait du temps à table.
20:37 - Et vous cuisinez d'ailleurs ? Vous aimez cuisiner ?
20:39 - Oui, j'aime beaucoup.
20:40 - D'accord.
20:41 - De moins en moins en vieillissant,
20:42 mais à 20 ans je cuisinais des repas incroyables
20:45 et tous les gens de la fac venaient chez moi et disaient
20:47 "Ah, quand on va chez elle, c'est génial" et tout, alors que j'étais étudiante.
20:50 - Quel genre de plats ?
20:52 - Ah bah par exemple j'ai commencé à faire des...
20:54 Alors c'était déjà des plats un peu traditionnels,
20:56 mais je faisais des blanquettes, je faisais des osso bucco, j'adorais ça,
20:59 je faisais des plats mijotés assez longs, j'allais chercher de la bonne viande,
21:02 alors que j'avais pas tellement d'argent parce que j'étais étudiante,
21:05 mais je mettais un peu tout là-dedans.
21:07 Et plus le temps passe et moins j'aime cuisiner en fait,
21:11 plus je cuisine...
21:13 - Vous pensez que ça vous inspire, vos escapades gourmandes, les rencontres des chefs ?
21:17 - Oui c'est vrai, mais je suis tellement dans la cuisine et puis maintenant que je me filme...
21:19 - Toute bouffe, tu la bouffes ?
21:20 - Oui voilà, exactement.
21:22 Je suis tellement dans les restaurants à me filmer,
21:24 bah c'est-à-dire que quand j'étais étudiante, j'allais pas beaucoup au restaurant,
21:26 donc on faisait des repas à la maison.
21:28 Aujourd'hui je fais quand même énormément de restaurants,
21:30 je sais pas combien mais plusieurs centaines par an,
21:32 que quand je rentre chez moi, on me dit toujours "comment vous gardez la ligne ?"
21:35 C'est que je ne mange que quand je suis filmée à présent.
21:37 - Ah ça marche !
21:39 Alors en revanche, pour accompagner ce plat, vous nous avez proposé un bourgogne,
21:44 donc c'est un... on a aussi Bourgogne à Ligoté.
21:46 On est sur des départements comme Lyon, la Côte d'Or, la Saône-et-Loire et le Rhône,
21:50 c'est à peu près les quatre départements où on peut trouver ce cépage-là.
21:54 Ça descend du Pinot Noir,
21:56 et c'est un millésime 2022,
21:59 et ses caractéristiques, arômes de pêche, d'abricots, de fleurs blanches,
22:03 embouchent une attaque assez fraîche, c'est dans la place au gras,
22:06 et en finale une puissance minérale qui est assez typique du terroir.
22:09 Pourquoi vous avez choisi ce vin-là ?
22:11 - Parce que j'ai eu un coup de foudre, d'abord il est pas cher,
22:13 je crois que c'est moins de 10 euros la bouteille,
22:15 donc je trouve que c'est quand même intéressant de pouvoir acheter...
22:17 - C'est vrai Brigitte ?
22:18 - C'est un tout petit peu plus de 10 euros, mais c'est autour de 10 euros.
22:21 - Moi je l'ai acheté à Nuit Saint-Georges, et il était à 9 euros dans la boutique dans laquelle je l'ai acheté.
22:25 L'aligoté on en trouve de moins en moins,
22:27 et c'est avec ces vins-là qu'on faisait le Kyr, le vrai Kyr.
22:31 J'adore ça, j'adore la Bourgogne, j'adore toute l'histoire du cassis, de ce fruit.
22:36 En fait j'adore tout ce qui me rappelle une région.
22:38 Je suis originaire de la Bresse, on s'arrêtait toujours en Bourgogne
22:41 quand on descendait en Dôme avec mon père pour acheter du vin,
22:43 donc c'est des vrais souvenirs,
22:45 et c'est là que je suis tombée sur ce Bourgogne Aligoté-là.
22:48 D'abord parce qu'on fait de moins en moins, on fait des Kyrs avec n'importe quel vin blanc,
22:51 alors que moi j'aime respecter la tradition.
22:54 Et donc voilà, j'ai beaucoup aimé, je trouve qu'il est très agréable à boire, facile.
23:00 Je ne sais pas, j'aime beaucoup ce vin, donc bon rapport qualité-prix,
23:03 je me suis dit on va le mettre en avant.
23:04 - Et ça se marie très bien avec le fromage, le comté, le chèvre,
23:07 et donc avec cette soupe châtrée.
23:11 - Donc on peut le boire avec ça, et puis n'hésitez pas aussi à l'apéritif,
23:14 parce que je crois qu'ils sont de la même famille,
23:17 un producteur de crème de cassis, la Ferme Pouirouge,
23:20 et ça a été un énorme coup de foudre dans nos vidéos l'année dernière,
23:22 vraiment on a l'impression de plonger dans un grain de cassis.
23:25 - Retour aux Kyrs.
23:26 - Et puis j'allais dire un petit peu de liquide avec une soupe,
23:29 c'est la première fois que je mange une soupe solide,
23:31 on la mange avec un couteau et tout.
23:33 - Oui c'est ça, avec une cuillère, tout à fait.
23:35 - Peut-être qu'il faut verser un peu de vin dans la soupe.
23:38 - On va voir si vous êtes vraiment incollables à présent, et c'est le quiz.
23:43 - Alors, Emmanuelle, vous adorez les grenouilles,
23:47 surtout celles, alors je ne sais plus comment on dit,
23:49 de la dombe ou des dombes, pourtant je n'habitais pas très loin quand j'étais petit.
23:52 - On dit la dombe, mais il y a un S, alors souvent on dit des,
23:54 parce que le village où je suis originaire c'est Villars-les-Dombes,
23:57 mais normalement c'est la dombe.
23:58 - Donc celle de la dombe où habitaient vos grands-parents,
24:01 vous nous l'avez dit, sauriez-vous nous dire si ces affirmations
24:04 concernant les matraciens sont vraies ou fausses.
24:06 Au XIVe siècle, circulait déjà une recette de pâtes de grenouilles farinées,
24:11 puis frites dans le sein doux. Vraie ou fausse ?
24:14 XIVe siècle. L'ethnologue. - Oui, je dirais possiblement.
24:20 - Historienne. - Oui.
24:21 - Oui ? - Oui.
24:22 - Bravo. La grenouille de la dombe est la rousse, nommée Rana temporaria.
24:26 Vraie ou fausse ? - Non, je dirais non.
24:29 - Fausse. - C'est fausse.
24:30 - Ça, c'est celle du Jura, dans les dombes, ou dans la dombe, c'est la verte, la Rana esculenta.
24:35 Dans les années 70, la plupart des grenouilles consommées en France
24:40 sont importées vivantes de Yougoslavie.
24:43 - Oui, c'est possible. - Oui, vrai.
24:46 La vente des grenouilles est interdite depuis l'an 2000 en France.
24:51 - Oui. - Faux.
24:52 L'arrêté qui les protège est plus ancien, date de 1980.
24:56 Donc, on peut pêcher des grenouilles pour son confort personnel, son plaisir,
25:03 mais on ne peut pas les vendre pour soutenir l'espèce qui était en voie de disparition.
25:09 On verra tout à l'heure un reportage édifiant, puisque aujourd'hui, après la Yougoslavie,
25:12 la plupart de nos grenouilles sont importées d'Asie et d'Indonésie en particulier.
25:17 - Trois bonnes réponses sur quatre, c'est déjà très bien.
25:19 Deuxième quiz. Vous avez découvert l'univers de la gastronomie chez Georges Blanc,
25:24 on le disait tout à l'heure, à Vona.
25:27 - Vona. - Vona.
25:28 - Vona. - Vona.
25:29 - Sauriez-vous nous dire si ces affirmations sont vraies ou fausses ?
25:31 Sa mère, appelée la Mère Blanc, a fait partie de l'âge d'or des Mères Lyonnaises en cuisine,
25:36 avec les Mères Jean, Brasier et Bernard. - Oui.
25:40 - Faux. La Mère Bourgeois à la place de la Mère Bernard.
25:43 - C'était la Mère Jean, Brasier et Bourgeois.
25:45 - Ah, je pensais, est-ce qu'elle a fait partie de la... La question est, est-ce qu'elle faisait partie des Mères Lyonnaises ?
25:50 - Partie de la... Ouais, voilà. - Non, c'était les noms, d'accord.
25:52 - C'était les noms. - OK, pardon, pardon.
25:53 - Piège. Il y a des pièges, attention. - Il y a des petits pièges.
25:55 - Pour Mme Benjari, j'ai été obligé de mettre des pièges, parce que trop, c'est trop facile.
25:59 - La Mère Blanc, Elisa, est désignée meilleure cuisinière du monde en 1933.
26:05 - Alors, c'est la date, c'est sur cette date que vous me posez la question.
26:09 Je sais qu'elle a eu deux étoiles en 1933 au Guinée de Michelin,
26:12 et c'est Kurnonsky qui l'avait désignée meilleure cuisinière du monde, mais est-ce que c'est en 1933 ?
26:16 Non, pas en 1933 ? - Si !
26:22 - Allez, Georges Blanc, qu'il a remplacé, décroche la troisième étoile en 1978.
26:28 On parle de la date, 1978. - Là, on est sur la date.
26:31 - Ah, la date, oh là là...
26:33 Vraiment, au pif, oui !
26:35 - Non ! 80 !
26:37 - Non, parce qu'il reprend, je crois qu'il reprend le restaurant en 78, et il attend quelques années.
26:41 Mais Kurnonsky, c'était très bien, c'était plus dur que la date de savoir que c'était Kurnonsky.
26:45 - Non, Pi 33, elle a eu ses deux étoiles, parce que c'est l'année où toutes les mères sont rentrées.
26:49 La Mère Brasière a eu trois étoiles.
26:50 - Allez, la dernière question, mais là, vous avez...
26:52 - Sa spécialité était la quenelle de cendres en viennoise. Vrai ou faux ?
26:56 - Non, je dirais non.
26:57 - Non, c'est faux, effectivement. L'éclaté de homard au vin jaune et fine raviole à l'oseille.
27:01 - Voilà. Vous vous souvenez de ce que vous avez mangé chez Georges Blanc ?
27:04 - Ah oui, je me souviens. Un Mélimélo printanier au citron confit, un cendre au savanien, un omble chevalier...
27:09 - Ah oui, un omble chevalier, oui. Ça, c'est un poisson d'eau douce, non ?
27:12 - Oui, tout à fait, et je ne connaissais rien de tout ça. Je ne savais pas que le savanien, c'était un cépage.
27:17 Je ne savais pas que l'omble chevalier était un poisson. Ce qui fait que quand c'est arrivé, je me suis dit
27:21 "Mince, j'ai commandé un omble chevalier et j'ai vu un poisson arriver, je n'ai pas osé dire mais non, je n'ai pas commandé ça."
27:25 - Vous vous souvenez du menu de vos 18 ans ?
27:27 - Oui, mais ça, c'est bon signe, parce que quand on se souvient comme ça du menu du restaurant...
27:31 Parce que souvent, dans les grands restaurants, on est un peu perdus. Je ne me souviens plus.
27:33 C'est comme les blagues, on ne s'en souvient plus.
27:35 - Et soupe sauvage glacée au solilège, je ne savais pas ce qu'étaient les solilèges, comment ça s'écrivait et tout.
27:40 Non, mais ça a été une telle sidération ce moment que...
27:44 - Alors c'est souvent autour de la table, autour d'un déjeuner, que se racontent les meilleures histoires, et c'est la brève de Consoir.
27:49 Alors Emmanuel Jarry, on vous a demandé de vous souvenir d'une anecdote autour d'un repas.
27:57 Est-ce qu'il y a un souvenir que vous avez à nous raconter ?
28:00 - Alors je me souviens d'un tournage qui a été très marquant pour nous, puisqu'on en a parlé, c'est chez Erwan,
28:04 le restaurateur à Bourdonnay dans les Yvelines, qui nous a fait connaître, puisqu'on a fait tant de vues.
28:09 - 40 millions. - 40 millions, tout à fait.
28:11 - C'est énorme, 40 millions ! - Oui, c'est assez fou.
28:14 - Sur 68 millions de Français, c'est pas mal !
28:16 - Parce qu'on est suivi, les réseaux sociaux, vous savez, ça part à l'étranger,
28:19 parce qu'il y a des personnes qui m'ont dit de l'avoir vu en Argentine et tout ça.
28:22 En fait, on m'a souvent demandé pourquoi cette vidéo-là.
28:25 Alors c'est sûr que lui, c'est un personnage, mais il se trouve que dans cette vidéo,
28:29 j'ai eu une petite émotion que je n'ai pas réussi à cacher,
28:32 parce que ça m'a rappelé, on parlait de mes grands-parents,
28:35 les repas dominicaux chez mes grands-parents,
28:38 ou quand on allait chez Georges Blanc, à la petite auberge.
28:40 Et donc j'ai eu les yeux un peu brillants,
28:42 et Mathieu Penseur, qui me filme, l'a vu, et il en a parlé,
28:45 et ça a fait couler une larme que j'ai essuyée.
28:48 Et j'avais dit, je refuse de garder ça au montage,
28:51 parce que ça me gênait de montrer cette émotion, c'est quelque chose de personnel.
28:54 Et Mathieu m'a convaincue de la garder, et je crois qu'on a bien fait,
28:57 on en a tellement parlé, ça a participé à diffuser cette vidéo.
29:02 Et je pense que c'est ça aussi qui caractérise, on dit souvent,
29:05 "mais pourquoi vos vidéos elles marchent ?"
29:07 C'est que Mathieu m'a dit, "sois sincère, dis ce que tu penses."
29:10 Donc on ne prépare rien, et quand je suis devant un plat...
29:13 - Vous êtes comme dans la vie. - Voilà, je suis comme là, comme avec vous.
29:16 Et en fait, cette larme le prouve.
29:20 J'ai essayé de la cacher, je n'ai pas réussi,
29:22 quand elle a coulé, j'ai fait ça, et le geste, on le voit.
29:25 - Et ça a fonctionné, 40 millions de vues.
29:27 - Ça veut dire aussi que l'émotion est très liée à la table,
29:30 et à ce qu'on mange, ou au souvenir que ce que l'on mange rappelle.
29:34 C'est intéressant aussi. - Oui, complètement.
29:36 - C'est une émotion, et c'est aussi ça, sans doute, qui a fait le succès de ces vidéos.
29:40 - Oui, je crois que c'est ça. En fait, il y a plein de gens qui se sont reconnus là-dedans,
29:43 parce qu'on a tous ressenti ça, Proust le premier,
29:45 quand j'ai lu ce passage de "La Madeleine à 15 ans",
29:48 je me suis dit, c'est tellement extraordinaire,
29:50 quand parfois on a quelque chose qui nous percute les papilles,
29:52 ou même, parfois, ça peut être une odeur, et ça nous transporte,
29:55 c'est plus que de le souvenir, on revit l'instant,
29:57 c'est ce qu'il décrit très très bien.
29:59 Je ne suis pas Proust, donc je le dis moins bien,
30:01 mais en tout cas, je crois que les gens se sont reconnus là-dedans,
30:04 parce qu'on a déjà tous eu, si on boit un petit verre de blanc en plus,
30:08 une émotion à table comme ça de...
30:10 Je l'ai dit, on ne guérit jamais de son enfance,
30:12 donc c'était un peu ça, ce qui s'exprimait dans cette vidéo.
30:14 - Ce qui fait qu'aujourd'hui, vous êtes critique culinaire,
30:16 et sur les réseaux sociaux, on en trouve beaucoup, des critiques culinaires comme vous,
30:19 et aussi des influenceurs, quelles différences peut-on les croire
30:22 quand ils donnent leur avis, le dessous des plats ?
30:24 La cuisine, grande star des réseaux sociaux,
30:32 les vidéos des influenceurs food font parfois des millions de vues,
30:36 résultat, les restaurateurs courent après une chronique pour augmenter leur clientèle,
30:40 tout est fait pour rendre l'offre alléchante,
30:43 Clément Perreault et Yvan Hanavion nous mettent l'eau à la bouche.
30:47 Ils sont là pour vous faire saliver en ligne, et accessoirement consommer.
30:51 - Pour les amateurs de frangispan 100% classique,
30:53 celle-ci, c'est vraiment celle qu'il vous faut.
30:55 Sur les réseaux sociaux, ils partagent leurs recettes, bons plans restos ou produits,
30:59 voyages culinaires, le tout dans une ambiance ultra positive.
31:03 - Tu vas voir, c'est juste une dinguerie.
31:05 On les appelle les influenceurs food, même si eux préfèrent le terme de créateurs nains.
31:11 Parmi les comptes les plus suivis, celui d'Alexis Thiebaud,
31:15 baptisé le Paris d'Alexis, 315 000 abonnés.
31:19 Il est aujourd'hui dans un resto parisien qu'il vient découvrir et faire découvrir.
31:24 - Alors pour l'entrée, on est sur un mélange sucré-salé qui est vraiment hyper équilibré.
31:30 La sessina, elle est extrêmement fine, limite elle fond sur la langue, c'est très agréable.
31:34 - Micro sur le col et smartphone à la main,
31:37 Alexis connaît par cœur les recettes pour faire du clic sur les réseaux.
31:41 - Il faut capter l'attention des gens dans les 5 premières secondes, sinon ils swipent.
31:44 Et encore quand je dis 5, c'est plutôt dans les 3 premières secondes,
31:47 donc il faut être assez percutant dès le début.
31:49 Ces vidéos tournent souvent autour de 200 000 vues et peuvent régulièrement dépasser le million.
31:55 Pour les restaurateurs, elles peuvent constituer une formidable publicité.
32:00 Élise Bond, chef du restaurant et ancien candidat de l'émission Top Chef, en est bien conscient.
32:06 - Dès l'instant qu'ils jettent un hameçon, en gros ils ne pêchent pas un poisson
32:10 parce qu'en gros ils ont tout enfilé derrière et ils ont attrapé pas mal de personnes
32:14 qui étaient prêtes à regarder ce contenu-là.
32:16 Si Alexis est toujours invité par les restaurants,
32:21 la plupart de ses vidéos ne donnent pas lieu à une rémunération.
32:24 L'essentiel de ses revenus vient de contenus publicitaires spécifiques commandés par des marques.
32:30 On appelle cela des collabs.
32:32 Si les grosses écuries de l'alimentaire restent le cœur de ce marché,
32:37 de petits restaurants commencent également à ouvrir leur portefeuille
32:41 pour profiter des réseaux des influenceurs.
32:43 C'est le cas de cet établissement parisien au pied de la butte Montmartre.
32:47 Sébastien Cardinal, qui tient un compte spécialisé dans la cuisine végane,
32:52 est venu présenter un burger dont il a concocté la recette
32:56 et qui sera ajouté pour quelques semaines à la carte.
32:59 - Je pense que je vais le manger à la main.
33:01 C'est un test, c'est un crash test, c'est avec vous, on va voir.
33:03 Est-ce que j'en mets partout ? Est-ce que c'est sale ? Est-ce que c'est décadent ?
33:06 On espère.
33:08 L'influenceur touchera 1 euro par burger vendu.
33:12 Sa vidéo sera diffusée en cross-post, c'est-à-dire en même temps sur son compte
33:17 et sur celui du restaurant, qui peut ainsi gagner des abonnés.
33:20 - Pour être connecté avec ta clientèle et ta communauté,
33:23 il faut être présent sur les réseaux sociaux.
33:25 Il faut s'intéresser, il faut offrir ce que ta communauté
33:28 ou tes clients sont intéressés d'entendre.
33:32 Le compte Instagram de ce restaurant dépasse désormais les 11 000 abonnés.
33:36 Son recours fréquent à des influenceurs n'y est pas pour rien.
33:40 - Emmanuel Jarrez-Vous, vous êtes critique culinaire.
33:45 Est-ce qu'il y a une différence entre critique culinaire et influenceur food ?
33:48 - C'est-à-dire qu'à présent, je crois que je suis devenue influenceuse.
33:50 On m'a souvent posé la question en disant que j'avais une carte de presse, je l'ai rendue.
33:53 Oui, il y a quand même une différence parce que quand on est critique,
33:59 qu'on critique en positif ou en négatif, on teste et puis on dit j'ai aimé, j'ai pas aimé.
34:03 Par exemple, François Simon, à l'époque du Figaro,
34:05 c'était vraiment un critique où il donnait son avis.
34:08 - Il le fait toujours François Simon ? - Il le fait toujours.
34:10 - Mais vous, c'est plutôt positif ?
34:12 - Moi, c'est toujours positif. On a fait une vidéo négative,
34:15 mais comme une vidéo c'est quatre jours de travail,
34:17 entre le tournage, le montage, etc.
34:19 À la fin, avec Mathieu, on s'est dit, est-ce qu'on fait quatre jours pour dire n'y aller pas ?
34:23 Non. En fait, quand on n'aime pas, on n'en parle pas.
34:25 Et puis, en plus, tempérament, moi, je suis plutôt joyeuse et tout ça,
34:29 et donc j'aime m'enthousiasmer et quand je n'aime pas, je ne sais pas quoi dire.
34:32 Donc voilà, on a choisi de ne parler que de ce qu'on aime.
34:35 - Mais là, je parle d'influenceurs parce qu'on les voit,
34:37 il y a parfois du placement de produits, il y a de la publicité,
34:40 c'est comme ça aussi qu'ils sont rémunérés.
34:42 C'est quoi votre modèle économique à vous ?
34:44 - Eh bien, nous, en fait, on fait des part...
34:46 Alors, on a les produits dérivés, comme les revues, les livres,
34:49 et puis on fait des partenariats avec les régions.
34:51 La ligne qu'on ne dépassera jamais, c'est que, contrairement à l'influenceur qu'on a vu,
34:55 jamais je ne me ferai payer par un restaurant pour le film.
34:57 - Oui, c'est ce que j'allais vous demander.
34:58 - Les restaurants nous demandent parfois, des grands groupes, en fait,
35:00 en disant combien c'est pour avoir une vidéo.
35:02 Il n'y a pas de tarif.
35:03 - Vous vous refusez tout l'argent qui peut venir ?
35:05 - Et vous payez votre repas ?
35:06 - Et je paye mon repas. Ça, c'est... Bon, ça, c'est pas grand-chose.
35:08 - Non, non, mais lui, il ne le fait pas.
35:09 - Oui, oui, non, seulement, il ne le paye pas, mais en plus, on le paye pour faire ça.
35:11 Moi, j'ai dit, non, jamais je ne dépasserai...
35:13 - Mais il le dit, c'est transparent.
35:14 - Oui, oui, non, mais... Alors, ça ne me pose aucun problème.
35:15 Mais moi, c'est la ligne rouge parce que...
35:16 - Je ne suis pas sûr que le restaurant paye Alexis.
35:18 - Ah non, il touche un euro par...
35:20 - Non, ça, c'est le deuxième involucre.
35:21 - Ah, Alexis !
35:22 - Le pari d'Alexis, non.
35:23 - Alexis dit qu'il ne paye pas son revenu, mais je ne pense pas qu'il est rémunéré par le...
35:27 - Oui, vous êtes invité, j'imagine, parfois, non ?
35:29 Vous tenez, forcement, à payer vos additions.
35:31 - Oui, alors, en fait, maintenant, ils veulent toujours nous inviter, on refuse.
35:32 Parce qu'on a dit, bon, voilà, maintenant, on a cette règle, donc on l'applique à tout le monde.
35:36 Et parfois, il faut vraiment se battre pour payer l'addition.
35:38 Et donc, voilà.
35:40 Et même, je dis, écoutez, ils veulent m'offrir la moitié.
35:43 Je dis, non, non, parce qu'à la fin, on met le ticket de casse.
35:45 Et les gens, ils ont envie de voir combien...
35:47 Tout ce qu'ils ont vu, combien ça a coûté.
35:48 Ça, c'est très important.
35:49 Alors, on m'offre le café, bon, voilà.
35:51 Mais...
35:52 - Vous, c'est les publicités qui arrivent avant ou après qui vous rémunèrent.
35:55 - En fait, voilà, quand les vidéos sont très virales, une vidéo à 40 millions de vues,
35:58 ça fait quand même un peu de...
36:00 - Ça génère de la publicité.
36:01 - Voilà, mais ça vous reverse comme ça, parce qu'ils mettent des publicités au début.
36:04 Donc, ça, c'est une partie de notre modèle économique,
36:07 les produits dérivés et après, des partenariats avec les régions.
36:09 Moi, j'ai contacté les régions en leur disant, je peux mettre en avant votre territoire.
36:13 En revanche, on avait fait un gros partenariat avec la Bretagne il y a deux ans.
36:16 On a fait six ou sept vidéos.
36:18 Mais j'ai dit, vous ne me dites pas où je vais.
36:19 Je vais en Bretagne, mais je fais à ma manière.
36:21 Et ils ont dit d'accord.
36:22 Et je crois qu'on avait touché 10 millions de personnes sur cette campagne.
36:25 Donc, mais j'avais choisi les restaurants.
36:27 Et eux m'avaient dit, non, ça, ça ne me plaît pas.
36:29 - C'est vous qui choisissez.
36:30 - Oui, parce qu'en fait, je dis sinon, allez.
36:32 J'avais fait un autre partenariat avec la ville de Lille qui voulait que je filme des étoilés.
36:35 Mais j'ai dit, allez chercher les gens qui filment des étoilés.
36:36 Venez pas me chercher moi.
36:37 Si vous venez me chercher moi, laissez-moi faire à ma manière.
36:40 Et donc, ils ont accepté.
36:41 C'était formidable.
36:42 - Et vous pourriez accepter de faire de la publicité, comme le fait Alexis, par exemple,
36:47 avec un produit de marque et on vous voit goûter ce produit.
36:51 - Non, pour l'instant, on a refusé.
36:52 On nous l'a proposé pour l'instant, non.
36:54 - Vous avez accepté ?
36:55 - Non, je pourrais accepter si c'était des produits qui me plaisent.
36:57 Mais comme c'est l'agroalimentaire et que c'était des produits qui ne me plaisaient pas
37:00 et que je ne mange pas moi, je n'ai pas eu envie.
37:02 En fait, on m'a proposé des tuyautiers pour des marques qui ne me plaisaient pas.
37:05 Donc, j'ai dit non.
37:06 Mais on a quand même un annonceur.
37:07 - Mais le jour où la marque vous plaira, il y a plein de chefs qui font des pubs pour des produits qui s'estiment sains, bons.
37:13 - On le voit dans mes vidéos.
37:14 C'est-à-dire que nous, on fait des vidéos au restaurant, mais on fait aussi des recettes.
37:17 On a commencé pendant le confinement, quand les restaurants étaient fermés.
37:19 On s'est mis à faire ça pour rigoler.
37:20 Ça a tellement bien marché que maintenant, on fait les deux.
37:22 Et bien, Smeg, la marque Smeg, est notre annonceur et notre partenaire officiel.
37:26 Et ils sponsorisent toutes les vidéos.
37:27 Et c'est marqué au début, il n'y a pas de...
37:29 - D'ambiguïté.
37:30 - Voilà. Et je cuisine dans une cuisine Smeg.
37:32 Donc voilà.
37:33 Mais puisque la marque me plaisait, je trouve ça très beau.
37:35 Alors frigo.
37:36 - Vous avez conscience de l'influence que vous pouvez avoir pour faire et défaire des notoriétés.
37:42 Ça vous freine parfois ?
37:45 Non, c'est pas toujours facile de dire ce qu'on pense.
37:48 - Oui, mais moi, je ne défais rien.
37:50 Donc ça ne me freine pas.
37:51 Si, effectivement, je faisais de la critique négative, ça pourrait être un peu problématique pour moi.
37:55 Parce que j'ai...
37:56 Même quelqu'un qui travaille très mal, je n'ai pas envie de vider son restaurant s'il est plein.
37:59 Je m'en fiche.
38:00 Il vit comme il a envie de vivre.
38:01 Et ce n'est pas à moi de juger.
38:02 Mais étant donné que nous, on conseille.
38:03 Récemment, en fait, on m'a invité...
38:05 Un des journalistes m'a invité de la revue dans une crêperie,
38:09 et qui ne marchait pas très bien.
38:11 Et c'était absolument excellent.
38:12 Donc j'ai dit, on va faire une vidéo.
38:13 Et à présent, elle ne peut plus ouvrir midi et soir,
38:15 parce qu'il y a tellement d'affluence qu'elle n'arrive plus à faire de la pâte à crêpes pour les deux services.
38:18 Donc elle n'ouvre que le midi.
38:19 Et...
38:20 - Et alors là, c'est quoi le secret pour faire du clic ?
38:23 Comment vous avez réussi à faire de cette crêperie où il n'y avait personne, un lieu hyper fréquenté ?
38:27 - Eh bien parce qu'en fait, on est suivi par 2 millions de personnes.
38:29 Enfin, on a 2 millions d'abonnés sur l'ensemble des réseaux.
38:31 Et donc les vidéos, ben voilà, elle a fait un million.
38:33 - Vous avez créé une communauté.
38:34 - Oui, voilà, tout à fait.
38:35 Et là, récemment...
38:36 Pardon, on a filmé dans le Cantal.
38:38 On a posté la vidéo il y a 15 jours.
38:40 Et j'ai eu un message hier du chef qui m'a dit "ça y est, je suis plein à 15 jours, le téléphone a arrêté de sonner".
38:44 Alors lui, il n'avait pas de problème de fréquentation.
38:47 Encore que la semaine, parfois, ça pouvait être...
38:49 Donc moi, je suis ravie en fait.
38:50 Et il y a des restaurants à présent, sachant cette affluence-là,
38:53 qui ont refusé que je les filme, en me disant "je ne pourrais pas tenir le choc".
38:57 Et je trouve ça bien.
38:58 Parce que...
38:59 Ça ne sert à rien s'ils refusent après les appels, quoi.
39:02 - L'ethnologue que vous êtes, comment vous analysez cette passion des réseaux sociaux
39:06 pour la nourriture de Jakarta à Angoulême, en passant par San Francisco et Moscou ?
39:10 C'est universel, ça, pour le coup ?
39:12 - Oui, c'est vrai que...
39:13 - Comment vous l'analysez ?
39:14 - Ça prouve quand même...
39:15 Cette universalité, ça prouve qu'il y a une occidentalisation du monde,
39:18 parce que ça passe quand même par Instagram, les réseaux sociaux, enfin tous les réseaux sociaux.
39:22 Parce que je pense que quand même, les gens qui vivent encore au fin fond de l'Amazonie,
39:26 ils n'ont pas forcément cette...
39:27 Donc je pense que ça prouve aussi que...
39:29 - On est à portable, même très loin, même reculé.
39:32 - Oui, mais est-ce qu'ils filment des...
39:34 Mais alors je sais pas pourquoi,
39:36 quand j'ai commencé mes études d'ethnologie sur la cuisine,
39:38 mes profs me disaient "oui, bon, c'est vrai que la cuisine, c'est important,
39:41 mais enfin bon, il faudrait trouver des sujets sérieux,
39:44 vous voyez, c'est de la gourmandise, c'est un vilain défaut,
39:46 on est quand même dans une société vidéochrétienne".
39:48 Et donc je disais "bah non, je comprenais pas".
39:50 Et maintenant, j'ai pas regardé récemment les travaux des ethnologues ou des étudiants,
39:54 mais je pense qu'il y a énormément de gens qui travaillent sur la cuisine,
39:56 et je sais pas l'analyser, je comprends pas pourquoi il y a eu cette mondialisation,
40:01 enfin cet engouement incroyable, je sais pas l'analyser.
40:03 - Brigitte, tu as pris un restaurant où on rentre sans que quelqu'un prenne la photo du plat,
40:06 moi le premier parfois, mais c'est...
40:08 J'ai honte parfois de me dire "pourquoi je prends ce plat en photo ?"
40:11 - Mais au départ, quand je... - Très virale en fait.
40:13 - Ouais, tout à fait. Et en fait, au départ, moi j'étais gênée,
40:16 je le faisais, je me cachais un peu, parce que je trouvais ça affreux.
40:19 Alors maintenant, très décomplexée, je prends toutes les photos,
40:21 parce qu'après il faut que j'annonce et un vrai bouzard.
40:23 - Vous pouvez y aller.
40:24 - Mais les chefs, ils sont furieux, d'ailleurs.
40:26 - Oui, je comprends, il y a un restaurant en Italie où je suis allée il y a quelques années,
40:28 - T'as marqué nos photos ?
40:29 - Il y a des petites boîtes et on met son portable à l'entrée, on ferme à clé.
40:32 Alors respect, le chef est quand même maître à bord, donc c'est lui qui décide.
40:36 - C'est son oeuvre.
40:37 - Voilà. En tout cas, c'est un lieu privé, donc il fait ce qu'il veut chez lui.
40:41 - Alors vous nous le disiez au début de cette émission,
40:43 petite, vous aimiez manger des cuisses de grenouille,
40:45 mais saviez-vous qu'elles venaient peut-être de l'autre bout du monde
40:48 et qu'elles étaient tuées dans des conditions atroces ?
40:50 On en parle et on met les pieds dans le plat.
40:57 - Alors Brigitte, vous le savez, les Français ont à l'étranger la réputation de mangeurs de grenouilles,
41:01 "frogs", réputation à peine exagérée, car la France est le premier importateur de ces délicieux batraciens,
41:07 mais derrière l'assiette de cuisse de grenouille en persillade,
41:10 se cache une réalité sombre, comme vient de le montrer une enquête en décembre de l'ONG PETA,
41:15 qui lutte contre la maltraitance animale.
41:18 C'est un reportage de France Télévisions avec Hélène Bonduelle et Marion Duvauchel.
41:24 C'est l'une des spécialités de ce restaurant,
41:27 l'un des plats phares de la gastronomie française, les cuisses de grenouille.
41:31 - On met juste les grenouilles dans la farine, on fait chauffer du beurre clarifié,
41:36 c'est assez de l'ail qu'on a mixé, dernière étape, un peu de persil.
41:41 Une recette testée souvent avec curiosité par les touristes étrangers.
41:47 - Ça ne ressemble à rien de ce que j'ai déjà mangé, c'est vraiment unique comme goût.
41:54 Unique et pourtant pas si français que ça.
41:57 La quasi-totalité des cuisses de grenouille consommées en France est importée,
42:01 principalement d'Indonésie, première exportateur mondiale.
42:06 Des amphibiens souvent capturés dans la nature, même si c'est interdit,
42:10 et dans des conditions d'abattage dénoncées par cette association de défense des animaux.
42:16 - Là, on voit toutes les grenouilles qui sont dans des sacs bondés les unes sur les autres.
42:21 Les grenouilles respirent par leur peau, ce qui fait que quand elles sont les unes sur les autres,
42:25 elles étouffent, et des fois elles restent jusqu'à deux jours dans ces sacs.
42:29 On leur coupe les pattes, elles sont encore vivantes.
42:32 Quand on leur coupe la tête, si elle est mal coupée, elles continuent à respirer.
42:35 Là, on voit la grenouille qui bouge encore et qui respire encore,
42:38 qui tremble alors qu'on l'a à moitié décapitée.
42:41 C'est des animaux qui sont sensibles, qui ont un système nerveux,
42:45 qui ressentent la douleur comme nous.
42:48 - La France Asie de l'association a enquêté trois ans dans une dizaine de centres d'abattage
42:53 à Java, Bali ou Sumatra.
42:56 - Les grenouilles qui proviennent d'Indonésie, c'est majoritairement des grenouilles sauvages
42:59 qui sont capturées dans les marais, dans la nature.
43:03 Il faut savoir aussi que les grenouilles, c'est des animaux extrêmement importants pour la biodiversité
43:09 parce qu'ils mangent des insectes, et que s'il n'y a plus de grenouilles pour manger des insectes,
43:12 il y a trop d'insectes, et s'il y a trop d'insectes, on met des pesticides,
43:15 on s'empoisonne. Donc en fait, c'est ce qui s'est passé, par exemple en Inde.
43:19 Au départ, les grenouilles qu'on consommait en France, elles provenaient de France.
43:22 On s'est rendu compte que ça posait problème. On a interdit la capture de grenouilles.
43:25 Et donc ensuite, on est allé les servir en Inde.
43:28 Il s'est passé la même chose en Inde. Donc ensuite, on est allé en Indonésie.
43:31 Là, il est en train de se passer la même chose en Indonésie.
43:33 Et l'étape suivante, ils vont aller en Turquie. Il va se passer la même chose en Turquie.
43:37 - Des étiquettes mensongères sur l'origine et les espèces de grenouilles,
43:41 des problèmes de traçabilité.
43:44 L'État de France a enquêté auprès de la grande distribution française.
43:47 Plusieurs distributeurs ont depuis suspendu ou arrêté leurs importations
43:52 depuis ces abattoirs indonésiens.
43:54 D'autre part, comme cette enseigne spécialisée dans les surgelés.
43:59 - Emmanuel Jarry, dans le numéro 2 de votre revue, la question à la lune était
44:04 "Faut-il mettre du sentiment dans nos assiettes ?"
44:07 Est-ce que vous allez maintenant mettre du sentiment dans votre assiette
44:10 quand on va vous servir des cuisses de grenouilles ?
44:12 - Oui, dans tous les cas, je pense qu'il faut faire attention à ce qu'on mange.
44:16 Cependant, j'ai juste un tout petit bémol. J'ai beaucoup pêché la grenouille
44:19 quand j'étais en Dombe, pour notre consommation personnelle,
44:23 puisqu'on n'avait pas le droit de les vendre.
44:26 Ma grand-mère, quand on lui rapportait des grenouilles,
44:29 elle coupait la tête comme ça.
44:31 - De la même façon que les Indonésiens le font ?
44:33 - Je ne sais pas, parce qu'ils continuent à bouger.
44:35 Les grenouilles continuent à bouger, pourtant elles avaient la tête coupée
44:37 parce que c'est le côté dernier.
44:39 - Mais le NG explique qu'il les coupe mal, il ne les coupe pas assez derrière l'oreille,
44:42 donc il ne les tue pas sur le...
44:44 - Après, nous, avec mon père, on a commencé à trouver ça cruel,
44:46 donc on les assommait avant de leur couper la tête et de les dépecer.
44:50 On les mettait dans des grands sacs en toile de jus qu'on appelait des troubles,
44:54 c'est un terme patois, et donc c'est comme ça qu'on les rattrapait
44:57 après avoir ferré la... En fait, elles mordent, on ferre,
45:00 elles font un vol plané et on les rattrape.
45:02 Il y a toute une dextérité du pêcheur de grenouilles.
45:04 Donc elles sont tassées dans ces sacs, sauf qu'au lieu de rester deux jours,
45:07 trois heures, et après on les tue. Donc voilà, c'est tuer un animal.
45:10 Oui, jamais... Enfin, moi, je le dis, je mange de la viande, je mange du poisson,
45:15 mais effectivement, la souffrance animale, c'est un vrai sujet.
45:18 Je trouve ça grave. Je crois que c'est Gandhi qui disait
45:21 qu'on mesure le degré de civilisation d'un peuple
45:23 à la façon dont il traite ses animaux, et je crois que c'est vrai.
45:26 Donc là, c'est effectivement...
45:28 - Vous aviez connaissance de la façon dont on les traitait ?
45:31 - Non, je savais pas, mais ça m'étonne qu'à moitié.
45:33 On a été tellement loin dans l'horreur...
45:35 - C'est la faute de qui ? De l'Indonésie ou de ceux qui importent comme nous,
45:38 parce qu'on est le premier importateur de grenouilles ?
45:40 - Eh bien, les deux. C'est d'abord l'Indonésie qui devrait être...
45:43 Proposer des grenouilles qui sont pêchées...
45:46 D'ailleurs, je croyais que c'était des élevages.
45:48 - Non, c'est très compliqué, les élevages de grenouilles,
45:50 parce qu'elles se barrent, elles sautent les barrières.
45:52 - Ah oui, c'est ça. - Et ça, c'est des grenouilles
45:54 qu'on va pêcher dans les étangs, dans les lacs d'Indonésie.
45:58 - Donc ça, je sais... - Sumatra, Bali...
46:00 - Non, mais en plus, si ça met en péril la biodiversité...
46:02 Vous savez, moi, j'ai dit que j'arrête de manger des avocats,
46:04 parce qu'en fait, c'est très gourmand en eau,
46:06 et qu'il y a des problèmes avec les nafratiques,
46:08 donc je serais capable d'arrêter de manger.
46:10 Donc je serais capable d'arrêter de manger des grenouilles,
46:12 même si j'adore ça, parce qu'on me dit
46:14 que c'est des grenouilles qui ne sont pas...
46:16 - Il faudrait arrêter d'en importer, en France ?
46:18 - En tout cas, il faut choisir les bonnes filières,
46:20 parce que je pense qu'il doit y avoir des bonnes filières,
46:22 et quitte à ce que ça devienne un produit de luxe,
46:24 et que l'on en ait... Vous voyez, mais pas que ça...
46:26 De toute manière, il faut faire attention
46:28 à la filière, qui est une transparence,
46:30 et savoir d'où ça vient, comment, évidemment,
46:32 à toutes les étapes, comment c'est pêché,
46:34 comment c'est tué, comment c'est transformé...
46:36 - Mais on peut s'étonner que le législateur
46:38 ne soit pas intervenu, parce que là, on voit que c'est
46:40 les marques de grande distribution qui, de leur propre chef,
46:42 ne prennent plus... - Oui, je pense qu'il faudrait
46:44 que la DGCCRF jette un oeil à ça.
46:46 - Ou qu'il y ait une législation pour dire
46:48 "interdiction d'importer des grenouilles qui sont tuées
46:50 dans ces conditions", parce qu'autrement...
46:52 - Elle le dit dans le reportage. - Oui, c'est ça,
46:54 alors après, si on est un des plus gros...
46:56 Le reportage le dit, un des plus gros importateurs
46:58 en Europe, c'est ça ?
47:00 Ou dans le monde, en Europe ?
47:02 - En France, en France, premier impayé importateur,
47:04 moi j'ai vu en France. - La France, c'est le prix...
47:06 - Le premier qui importe des grenouilles
47:08 pour les consommer. - Oui, c'est ça.
47:10 - On est des vengeurs de grenouilles. - Oui, mais je me disais, est-ce qu'on en mange tant que ça ?
47:12 Je ne m'en rends pas compte, parce qu'en fait, moi, sortie de la domme,
47:14 j'en mange jamais. - Mais à la carte des restaurants,
47:16 vous en voyez souvent, des grenouilles ? - Très rarement.
47:18 Et bizarrement, quand je ne suis pas en domme, je ne peux pas manger de grenouilles.
47:20 - C'est quand on se les refile sous le menton ? - Non, parce qu'il y en a beaucoup
47:22 surgelées dans les supermarchés, il y a beaucoup de...
47:24 - Il y a une grande enseigne de surgelées qui...
47:26 - Oui, c'est ça. - Ce n'est pas très compliqué.
47:28 - Mais autant les escargots, je les vois beaucoup
47:30 à Paris ou ailleurs, autant les grenouilles, j'avoue
47:32 qu'on en voit moins. - En France, il y en a quand même
47:34 pas mal, et puis les consommateurs
47:36 qui les achètent eux-mêmes. - Eux-mêmes, oui, c'est ça.
47:38 - À la grande distribution, ces marques
47:40 indonésiennes sont destinées à la grande distribution.
47:42 - Oui, c'est ça. Alors c'est vrai que moi, je n'ai jamais acheté de grenouilles
47:44 parce que je ne les mange qu'au restaurant et je ne les mange qu'en domme.
47:46 Et on avait même une expression
47:48 métonymique chez moi
47:50 pour dire "on va au restaurant", on disait "on va manger
47:52 des grenouilles", ça voulait dire "on va manger au restaurant".
47:54 Et pas forcément des grenouilles, mais c'était... Voilà, parce qu'il y avait
47:56 toujours des grenouilles en entrée. - Et vous en mangez
47:58 aujourd'hui régulièrement ? - Bah non, parce que je ne vais
48:00 plus en domme, donc non, ça fait plusieurs
48:02 années que je n'ai pas mangé de grenouilles. Mais quand je suis
48:04 allée tourner à Lyon dans un petit bistro où la
48:06 femme était dommée, s'il y avait des grenouilles, tout de suite...
48:08 - Quand vous envoyez la carte, vous en prenez.
48:10 - Mais je les aime telles qu'elles sont faites là-bas, en Perciade.
48:12 Et encore une fois, je les aime là-bas.
48:14 Je ne mangerai jamais des grenouilles à Bordeaux.
48:16 - Alors, on a
48:18 fini, on va passer au dessert.
48:20 À présent, et c'est le Pêcher mignon.
48:22 - Avec Brigitte, du régressif
48:26 classique qui sent bon le déjeuner
48:28 familial et dominical, une bonne mousse au chocolat.
48:30 Alors, valeur sûre pour les gourmands
48:32 et culte pour les amateurs
48:34 ou les accros à la tablette noire
48:36 70%. La petite histoire,
48:38 Brigitte dit que c'est le cuisinier suisse
48:40 Charles Fazi qui a inventé
48:42 cette mousse au chocolat pour notre roi
48:44 Louis XVI. Elle s'appelle d'abord
48:46 mousse de chocolat, parce qu'on se demande si ce n'est pas
48:48 plutôt la mousse qui est extraite d'un chocolat
48:50 qui est déjà chauffé, etc. C'est
48:52 plutôt vers 1820 qu'elle
48:54 devient une vraie recette, à base de chocolat,
48:56 de jaune d'oeuf, de crème et de sucre,
48:58 ce qui va contribuer à populariser ce dessert.
49:00 On prête aussi à Toulouse-Lautrec
49:02 l'invention de la recette comportant
49:04 du cacao, du blanc d'oeuf
49:06 monté en neige et du beurre.
49:08 Alors, Emmanuelle Jarret, quel est le secret
49:10 d'une bonne mousse au chocolat
49:12 du dimanche ? - Pour la faire ?
49:14 - Pour la manger !
49:16 - Moi, déjà, j'aime quand elle est
49:18 mousseuse, parce que parfois on a des
49:20 mousses au chocolat, on va goûter celle-ci.
49:22 - Il y a des textures qui peuvent être assez différentes.
49:24 - Elles peuvent être très compactes. - Elle est assez compacte.
49:26 - Ah non, ça va quand même.
49:28 - Il ne faut pas non plus que ça soit du vent.
49:30 Il faut qu'il y ait quelque chose en bouche.
49:32 - Je la rangerais,
49:34 même si je ne veux pas juger, je la trouve bonne.
49:36 - Elle est très chocolatée, mais je la trouve plutôt compacte.
49:38 - Moi, je trouve que ça va, ce degré
49:40 de mousse et de compact, mais
49:42 ce que je trouve très bon, c'est qu'elle est...
49:44 - Elle est un peu compacte. - Elle est compacte aussi ?
49:46 - Un petit peu, mais... - Moi, j'aime bien surtout qu'elle est très chocolatée.
49:48 - Oui. - Donc, vous, vous aimez
49:50 quand il y a 70 % de chocolat,
49:52 non ? - Oui, quand il y a peu de sucre,
49:54 un chocolat qui a beaucoup de goût et qui a une certaine
49:56 amertume, j'aime pas du tout le sucre,
49:58 et je ne mange quasiment
50:00 jamais de dessert, sauf les desserts au chocolat,
50:02 et le nec plus ultra, pour moi, est dans la mousse.
50:04 Donc, voilà, c'est pour ça que je vous
50:06 ai demandé. - Votre avis, il doit y avoir
50:08 les jaunes, là, non ? Pour qu'elles soient un peu
50:10 compactes. - Pour qu'elles soient compactes, comme ça, c'est pas impossible.
50:12 Ou alors, il peut y avoir un peu de... Soit de la crème,
50:14 soit du beurre. - En théorie.
50:16 - Et ce que j'aime bien... - Vous mettez de la crème
50:18 et du beurre dans la... - Moi, je suis vraisane,
50:20 j'en mets un peu partout. - Un peu partout ?
50:22 - J'arrive parfois d'en mettre. Mais ce que j'aime beaucoup,
50:24 là, c'est les petits copeaux, qui apportent du croquant, parce que
50:26 ce qui est intéressant dans les desserts, souvent, c'est les textures.
50:28 Je trouve que vous êtes dur avec cette mousse au chocolat.
50:30 - Non, non, non !
50:32 Je la trouve très, très bonne, très chocolatée.
50:34 Je la trouve, si on doit la distinguer compacte
50:36 ou légère, je la trouve plutôt dans la faculté compacte.
50:38 - Oui, mais à bon degré de
50:40 compacte. - Donc, vous, vous l'aimez un peu améliorée,
50:42 avec des petites... - Oui, j'aime ça, mais j'aime pas
50:44 quand il y a des fruits, j'aime pas quand il y a de l'alcool,
50:46 j'aime le chocolat pur et dur. - Brut.
50:48 - Le chocolat, pour moi, c'est vraiment une drogue. Je l'en mange toute la journée.
50:50 - Toute la journée ? Alors, sous forme
50:52 de tablettes ? - Oui, de tablettes.
50:54 À mon bureau, j'ai toujours des tablettes dans mes tiroirs.
50:56 Mes collègues le savent, ils viennent m'en piquer.
50:58 Donc, oui, je peux pas me passer de chocolat.
51:00 - On commence à quoi ? 70% ?
51:02 - 70%, et je vais
51:04 pas plus de 75%, parce qu'en fait,
51:06 je trouve que c'est le bon...
51:08 C'est comme disait Stéphane Bonnat, qui est un chocolatier avec qui j'ai voyagé,
51:10 on était allé à l'implantation, et tout ça, qui est vraiment
51:12 quelqu'un qui est passionné, parce qu'il va chercher
51:14 des crues, et puis il conche. Le conchage, c'est
51:16 vraiment la chose la plus importante, et il y a très peu...
51:18 Il y a peut-être 6 chocolatiers qui conchent.
51:20 - C'est quoi, le conchage ? - C'est la transformation.
51:22 - De la fève ? - Une étape, ouais, de la transformation, et qui va
51:24 donner cette texture, ce qui est bon dans le chocolat.
51:26 Souvent, en fait, il y a aussi
51:28 une mode du chocolat partout dans le monde.
51:30 Des gens qui sont mis à faire ce qu'on appelle le "bean to bar",
51:32 de la fève
51:34 jusque à la tablette, mais en fait, il leur manque
51:36 cette étape qui fait qu'il y a
51:38 quelque chose de soyeux en bouche de la tablette.
51:40 Et donc, pourquoi je vous disais ça ?
51:42 Je me suis perdue. En tout cas, oui, 75%
51:44 c'est le... Pour moi, c'est l'équilibre.
51:46 - Le bon usage pour vous, entre l'amertume et le sucré ?
51:48 - Parce qu'après, on retrouve à 90%, je trouve que c'est pas intéressant,
51:50 puis il y a un côté rugueux en bouche,
51:52 et moins, il y a pas assez de chocolat,
51:54 donc 75%, c'est bien.
51:56 - Et donc, sinon, jamais de dessert ?
51:58 - Non, j'aime pas trop le...
52:00 J'y arrive, mais j'avoue que le sucre, c'est un problème
52:02 pour moi. J'aime pas le goût sucré,
52:04 sauf le chocolat.
52:06 - Quand on goûte, quand on va au restaurant,
52:08 difficile pour vous de juger les desserts ?
52:10 - Vous êtes sympa, ça ?
52:12 - Non, j'ai de la chance, parce qu'il y a très souvent des desserts au chocolat
52:14 dans tous les restaurants, parce que je pense que...
52:16 Je sais plus quel chocolatier disait que
52:18 9 Français sur 10 aiment le chocolat,
52:20 et le dixième qui dit ne pas aimer, il ment.
52:22 Donc, voilà. En fait, je crois que
52:24 tout le monde aime le chocolat, et quand il y en a pas...
52:26 Bon, je tente un peu quelque chose, mais c'est vrai
52:28 que j'ai du mal avec le sucre, et ça, depuis enfant.
52:30 J'ai jamais mangé beaucoup de sucre.
52:32 - Comment vous jugez
52:34 ces pâtisseries de plus en plus
52:36 sophistiquées, ces pâtissiers ou pâtissières,
52:38 on pense à Nina Métaillé, de plus en plus
52:40 médiatique, qui sont des stars maintenant,
52:42 et qui font plus des gâteaux,
52:44 mais quasiment des œuvres d'art.
52:46 Est-ce que ça vous impressionne ? Est-ce que vous trouvez
52:48 que c'est une bonne chose pour la pâtisserie,
52:50 ou au contraire, on change de registre ?
52:52 - Non, je trouve que c'est vrai. - On n'ose même plus les manger,
52:54 ces gâteaux. - Oui, c'est vrai. Et il y a Cédric Relay
52:56 qui avait fait un Rubik's Cube, je trouvais extraordinaire,
52:58 et je sais que je l'aimerais pas, je l'ai jamais mangé,
53:00 mais j'adorais quand même croquer dedans,
53:02 parce que je le trouve beau, je le trouve appétissant.
53:04 Je trouve ça complètement fascinant d'arriver,
53:06 c'est quand même là, on est vraiment dans la maîtrise incroyable du sucre,
53:08 d'arriver à faire quelque chose qui ressemble
53:10 de façon aussi fidèle
53:12 à la chose qui est représentée,
53:14 donc ça peut être des fruits, le Rubik's Cube, etc.
53:16 Donc moi, ça m'attire pas gustativement,
53:18 mais je trouve que c'est un peu comme
53:20 Antonin Karem qui faisait au XIXe
53:22 des plats tout en hauteur,
53:24 et bien c'est une autre... ça s'inscrit
53:26 dans l'histoire de la cuisine française, donc je crois que c'est un moment
53:28 important en fait, et qu'on peut analyser.
53:30 - Vous trouvez pas qu'il y a une tendance aussi actuellement
53:32 vers des desserts avec très peu de sucre ?
53:34 - Si ! - Il y a des grands chefs qui,
53:36 aujourd'hui, proposent des desserts qui sont à peine sucrés.
53:38 - Oui, alors ça je trouve ça super, parce que moi je n'aime pas trop le sucre,
53:40 moi c'est sucré, plus j'arrive à les manger.
53:42 - C'est à vous, justement ! - Exactement !
53:44 Mais vous savez, en fait, quand je mange dans des
53:46 maisons d'hôtes, des desserts
53:48 de grand-mères, souvent c'est très peu sucré.
53:50 Il y a eu un peu une dérive où on s'est mis à sucrer,
53:52 parce que les gens aiment le sucre et tout,
53:54 là on revient vers ça, et ce que j'aime beaucoup chez certains pâtissiers,
53:56 c'est qu'ils se remettent à faire des fruits de saison,
53:58 parce qu'on parle toujours des produits de saison, mais vous avez
54:00 des tartes aux fraises ou aux framboises, toute l'année, dans les pâtisseries,
54:02 dans plein de pâtisseries. Et donc maintenant, il y a toute
54:04 une mouvance comme ça de pâtissiers qui dit "non, non, on va respecter
54:06 les saisons", et oui, pourquoi on ne respecterait pas
54:08 aussi les saisons pour les tartes aux fraises
54:10 et les tartes aux framboises, et l'hiver faire des tartes aux pommes,
54:12 vous voyez, donc ça je trouve que c'est bien.
54:14 - Alors souvent ce sont des fruits congelés, parce que quand on va
54:16 au ski l'hiver et qu'on mange une tarte aux myrtilles, alors qu'il y a 2 mètres de neige dehors,
54:20 on se dit que... - Oui c'est ça, alors après si c'est de la cueillette et qu'on congèle,
54:24 et bien pourquoi pas. - C'est souvent ça, mais c'est pas forcément
54:26 des fraises du Chili, c'est ce que je voulais dire.
54:28 - Oui, ah oui, oh, quand on en passe beaucoup dans la pâtisserie,
54:31 mais effectivement, quand on va à la montagne, vous avez raison.
54:34 En tout cas, je trouve ça bien de penser à une pâtisserie de saison aussi.
54:37 - Respecter les saisons aussi, oui.
54:39 Alors on termine toujours cette émission en musique,
54:41 vous avez choisi celle-là, on l'écoute ensemble, vous nous dites pour quoi après.
54:44 * Extrait de "C'est pas la vie " de Gaël Faille *
55:09 - Alors c'est une chanson de Gaël Faille, pourquoi vous avez choisi cette chanson ?
55:14 - Bah déjà parce que j'ai grandi en Afrique, au Cameroun,
55:17 donc ça évoque le mélange des cultures, avec des métaphores culinaires,
55:23 le croissant au beurre et le pili-pili, le piment,
55:26 donc moi j'aime beaucoup la France, je défend la France traditionnelle,
55:29 mais j'aime aussi les rencontres culturelles, je suis pas devenue ethnologue pour rien,
55:32 enfin j'ai pas fait des études d'ethnologie pour rien, ça évoque ça,
55:35 Gaël Faille a des origines africaines, et donc voilà, j'aime beaucoup cette chanson.
55:39 - On va vous retrouver dans cette chanson, très jolie.
55:42 Merci Emmanuel Jarry d'avoir accepté notre invitation dans Politique à table,
55:45 merci à vous tous de nous avoir suivis,
55:47 et puis on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro de Politique à table sur LCP,
55:51 on remercie bien sûr Chez Françoise qui nous a servi ces bons petits plats comme d'habitude.
55:55 - Et bravo pour l'amour.
55:56 - Merci à vous.
56:09 - Je sens voler...
56:11 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
56:14 Merci à tous !
56:16 [SILENCE]

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