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À 9h20, l'actrice Judith Godrèche est l'invitée de Léa Salamé. Elle signe sa première série "Icon of French Cinema", disponible sur la plateforme d'Arte dès le 21 décembre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-18-decembre-2023-2471267

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Transcription
00:00 Ce matin, vous recevez une actrice.
00:02 Bonjour Judith Gaudrech.
00:03 Bonjour.
00:04 Merci d'être avec nous ce matin.
00:05 Si vous étiez une héroïne de fiction, un pays et un défaut, vous seriez quoi ?
00:10 Si j'étais une héroïne de fiction, je serais Cathy dans « Les hauts des hurlevans » d'Emilie Bronté.
00:16 Si vous étiez un pays ?
00:18 Si j'étais un pays, Venise.
00:20 Et si j'étais un défaut, l'impatience.
00:24 Ça fait longtemps qu'on n'avait plus vu, plus entendu parler de Judith Gaudrech.
00:30 Alors que vous avez marqué le paysage cinématographique français depuis plus de 30 ans,
00:34 de la désenchantée à ridicule en passant par Potiche ou l'auberge espagnole,
00:37 on a un peu grandi avec vous, Judith Gaudrech.
00:40 Et puis un jour, il y a près de 10 ans, vous avez pris la décision de tout quitter.
00:43 De partir aux Etats-Unis, mère célibataire avec deux enfants, pour voir ailleurs.
00:47 Voir ailleurs si vous y étiez, si vous respiriez mieux, si vous alliez retrouver la flamme et l'envie de cinéma.
00:52 Vous étiez arrivée, à la fin d'un cycle, à un moment où vous étouffiez un petit peu en France,
00:57 dans un personnage, dans une image, dans un statut qui ne vous correspondait plus ?
01:02 Oui, en fait, je travaille depuis que j'ai 9 ans.
01:05 Et c'est vrai que dans le fond, j'avais du mal à identifier, à faire la part des choses.
01:10 C'est-à-dire à savoir si j'étais cette actrice sur laquelle les gens projetaient leurs fantasmes,
01:18 leurs idées préconçues. Elle est l'ex-femme de, la femme de, la désenchantée.
01:25 En fait, elle est comique parce qu'elle était avec un comique.
01:29 Et moi-même, mon identité, dans le fond, je n'arrivais même plus à savoir qui j'étais.
01:34 Et surtout, ce dont j'avais envie.
01:36 À Los Angeles, j'ai aimé n'être personne. J'ai signé un pacte avec mon effacement.
01:40 J'ai rayé mon nom de la liste des actrices désirables.
01:44 Oui, et c'était très agréable, très inquiétant.
01:48 J'ai dû vendre mon appartement pour vivre parce que forcément, je ne travaillais plus.
01:53 Je suis partie parce qu'on m'a proposé d'écrire une série, un projet pour HBO.
01:58 C'est vrai que ça s'est fait un peu par hasard.
02:00 Et puis, on m'a dit, il faut que tu restes, il faut que tu l'écrives.
02:03 Et dans le fond, l'occasion s'est présentée au bon moment.
02:07 Et finalement, la série avec HBO ne va pas se faire.
02:10 En revanche, vous faites un retour surprenant avec une série pour Arte, pas HBO, mais c'est pas loin.
02:15 Icon of French Cinema, diffusée à partir de jeudi prochain.
02:18 Une série que vous avez écrite, réalisée et dans laquelle vous jouez le rôle principal.
02:22 Vous avez tout fait vous-même parce qu'au fond, on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
02:26 Ou parce qu'on n'a pas le choix.
02:29 J'étais un peu dans un truc de guerrière.
02:32 J'avais une volonté de faire et c'était un peu comme une...
02:35 Il y avait un sentiment presque de question de vie ou de mort.
02:40 En tout cas, si cette série ne se faisait pas, je ne retravaillerais plus jamais en France.
02:47 C'était un peu la mise à un abîme de la série.
02:50 La série raconte l'histoire d'une actrice française qui arrive à Paris pour un rôle.
02:53 Et à l'occasion de ce rôle, elle rêve ou elle pense ou elle se projette dans une reconquête de son pays.
02:59 Elle essaie de retrouver, de faire la paix avec son passé.
03:02 Et aussi de revenir comme ça, avec superbe.
03:06 Avec panache.
03:07 Le retour de la jeune fille prodige.
03:09 Elle se rêve, elle est persuadée qu'elle va revenir après 10 ans aux Etats-Unis
03:13 comme effectivement une "Icon of French Cinema".
03:16 Sauf que non.
03:18 À la dernière minute où elle pensait revenir sur un grand rôle, avec un grand réalisateur pour un grand film.
03:24 Eh bien non, le rôle lui passe sous le nez au profit d'une actrice plus en vue, d'une actrice plus "bankable" comme on dit aujourd'hui.
03:31 Et elle se retrouve à devoir participer à une émission de télé-réalité déguisée en hamster.
03:37 Le doudou qui chante.
03:39 On est loin du retour gagnant, on va dire.
03:41 C'est ça la série.
03:42 C'est vrai, ouais.
03:43 Et en même temps, qu'est-ce qu'il est mignon ce hamster.
03:46 Oui, on peut dire ça comme ça.
03:47 Ce qui est très drôle, c'est votre autodérision de bout en bout de ces 6 épisodes d'une demi-heure.
03:53 Vous vous moquez de vous tout le temps dans le film.
03:55 Les serveurs qui parlent de vous au restaurant en disant "c'est pas Judith Godrej, je croyais qu'elle était morte".
03:59 Ou les passants qui vous confondent avec Juliette Binoche en disant "elle est moche, Juliette Binoche en blonde".
04:06 Que ça !
04:07 En fait, c'est une série où vous vous mettez à nu, où vous vous émancipez, où vous ne vous censurez pas.
04:13 C'est une série où vous ne faites pas l'actrice.
04:15 Avec tout mon respect pour les actrices.
04:17 Vraiment, ce n'est pas une série où vous posez.
04:20 Non, et puis en plus, c'est pas du tout mon truc.
04:22 D'abord, je suis devenue actrice parce que j'étais toute petite, je vivais à travers les films.
04:26 Je voulais être celle qui embrasse Gene Kelly dans "Singing in the rain".
04:32 Toute petite, à 3 ans, j'ai dit à mes parents "je vais être actrice".
04:35 Mais je n'ai jamais voulu être actrice pour être célèbre.
04:37 En tout cas, tout cet aspect-là du travail ne m'intéresse pas du tout.
04:41 Mais par ailleurs, je me suis toujours moquée de moi-même.
04:45 Et je trouve ça drôle, il vaut mieux en rire qu'en pleurer.
04:47 Je trouve ça drôle d'être confrontée comme ça, à la perte de statut.
04:52 À ce que les gens attendent de vous, et même à ce qu'on attend de soi-même.
04:55 Comment est-ce qu'on se vit ? Comment on se rêve ?
04:57 Est-ce qu'on se rêve comme une "Icon of French Cinema" ?
05:00 Non, la réponse c'est non dans la série.
05:04 Non mais c'est vrai.
05:05 En revanche, on se rêve en fille de psy que vous êtes.
05:09 Judith Godrej, vos deux parents sont psys.
05:11 D'ailleurs, vous avez trois psys dans la série.
05:14 C'est-à-dire que vous avez votre psy, et ensuite vous mentez pour aller voir le psy de vos deux enfants.
05:18 Vous jouez entre trois psys.
05:20 C'est aussi ça qui est assez drôle, qui fait assez comédie new-yorkaise.
05:24 Vous vous rêvez en tout cas comme une fille qui ne rate pas.
05:27 Qui n'a pas le droit de rater.
05:30 Et une de vos psys vous dit "tu as le droit de rater".
05:33 Sauf que non, vous n'avez pas le droit de rater.
05:35 Parce que vous êtes, dans l'image de votre père, la fille parfaite qui n'a pas le droit de rater.
05:41 Oui, depuis toute petite, mon père avait cette attente.
05:47 Et je ne sais pas si c'est l'idée du succès.
05:50 Mais en tout cas, c'est l'idée de dire "si tu fais quelque chose, il faut le faire bien, il faut être la meilleure".
05:55 Ce n'est même pas un truc lié au succès, par rapport à la notoriété.
06:01 Il n'y a jamais eu de poster de moi dans l'appartement de mon père.
06:04 Il n'y a pas de photo de moi sur les murs dans les films.
06:06 Ce n'est pas ça qui est valorisé.
06:08 Ce qui est valorisé, c'est l'excellence.
06:10 Être excellent, faire les choses le mieux qu'on peut.
06:13 Jusqu'à ce que mort s'en suive.
06:17 Sur le tournage, j'avais cette rage, ce désir, cette force, qui est difficile à expliquer.
06:25 J'étais épuisée parce que je réalisais, j'écrivais, je réécrivais, je faisais mon découpage.
06:32 Mais il y avait cette passion, cette force et ce désir d'être à la hauteur de la chance qu'on m'a donnée.
06:37 Et justement, cette réalisation de la chance qu'on a.
06:41 Savoir la chance qu'on a.
06:43 On te donne de l'argent pour faire quelque chose.
06:45 Tu finances ta série, tu vas être à la hauteur.
06:47 C'est ça ce que je me disais tous les jours.
06:49 Je vais être à la hauteur.
06:51 Et on sent, comme vous dites, que c'était une urgence pour vous cette série, de dire les choses.
06:54 De dire, de faire la paix avec votre passé.
06:56 Je vais y venir.
06:57 Notamment avec l'homme avec qui vous avez vécu quand vous aviez 14 ans.
07:00 Puisque c'est la première fois que vous vous exprimez ainsi.
07:02 Mais aussi sur la femme que vous êtes devenue.
07:04 Sur cette femme de tout juste 50 ans, qui est célibataire, qui a deux enfants.
07:08 Et donc, au-delà du cas de l'actrice, ça peut toucher toutes les femmes en fait, cette série.
07:13 Toutes les femmes qui se retrouvent à un moment à chercher sa place.
07:16 A chercher son axe.
07:17 A chercher à être centrée.
07:19 A trouver, à s'émanciper.
07:21 A ne plus avoir peur.
07:22 A ne plus être censurée.
07:23 Il y a quelque chose, vous dites, il y a quelque chose ancré en moi, comme marqué au fer rouge.
07:27 Tu resteras à ta place d'enfant, de muse et dégéré.
07:30 Je me suis trop longtemps censurée pour me conformer au rôle de godiche qu'on voulait m'assigner.
07:34 Oser prendre ma place, ça a été une souffrance et une bataille.
07:37 Et c'est ça que raconte la série.
07:39 C'est vrai qu'en fait, j'ai commencé très tôt à travailler.
07:42 Je me suis retrouvée très très jeune avec un homme bien bien plus vieux que moi.
07:45 Et dans le fond, j'étais cette muse, cette égérie.
07:48 Et puis j'étais aussi cette...
07:50 Il aimait, il valorisait en moi la jeune fille qui écrivait des poèmes.
07:55 La jeune fille qui était passionnée.
07:57 Et dans le fond, j'incarnais un certain type de jeune femme pour lui.
08:04 Et en grandissant, comme j'ai grandi avec lui dans le cinéma et en incarnant ces rôles-là,
08:10 dans le fond, je crois que mon identité s'est construite et je ne savais même plus ou pas
08:15 si j'avais le droit d'être autre chose que cette jeune...
08:18 Cette femme-enfant, cette enfant-femme.
08:21 Cette muse un peu éthérée.
08:23 Exactement.
08:24 Et quelque part, la jeune fille, l'enfant solitaire,
08:29 qui lit des livres, qui va au cinéma, qui se vit, qui se réinvente à travers la culture
08:35 et qui vit dans l'imaginaire parce qu'elle est très seule et solitaire,
08:39 il se l'est appropriée.
08:41 Ce qui fait que quand je me suis émancipée de cette relation,
08:44 je ne savais même plus si j'avais le droit d'être elle.
08:47 Et je crois que j'ai fait une sorte de virage, un virage assez spectaculaire
08:53 et je me suis mise à naître qu'avec des comiques.
08:56 Cette espèce de truc où il fallait que je sois dans l'anti...
08:59 J'étais une jeune fille très intellectuelle.
09:02 Ça c'est sérieux ? Bah non, puisque ma vie a été marquée par tout ce moment.
09:08 Par un intello, Calacarte, le cinéma du début.
09:12 La crème du cinéma d'auteur.
09:14 Vous étiez l'icône du jeune cinéma d'auteur.
09:17 Post Nouvelle Vague.
09:19 Benoît Jacot, Jacques Doyon.
09:22 Et puis ensuite, même François Ozon.
09:25 Vous avez été la légérée de ce cinéma-là un temps.
09:28 Et vous avez voulu tout casser en vous mettant avec des comiques
09:32 qui ne sont pas intellos, c'est ça que vous voulez dire ?
09:35 Non, mais vous voyez, c'est-à-dire que je crois que mon identité
09:38 était tellement liée.
09:40 C'est compliqué de s'émanciper de 14 ans à 19 ans ou à 18 ans.
09:47 De s'émanciper de la personne qui s'est construite pendant toutes ces années
09:52 à l'intérieur même du cinéma et dans une relation.
09:54 On est quoi quand on arrive enfin à partir ?
09:56 On est qui ? Il reste quoi de cette fille-là ?
09:59 Elle a le droit d'être quoi ? Elle a le droit d'être qui ?
10:01 Cette fille-là, elle a 14 ans.
10:03 Elle est dans votre série, "Vous, enfants".
10:06 Puisque cette série, c'est en permanence les flashbacks de votre enfance.
10:10 De cette jeune fille de 14 ans qui vit avec ce réalisateur qui a 40 ans.
10:15 Et vous avez cette scène très forte dans le film où vous êtes cette gamine là.
10:20 Vous vous retrouvez dans un dîner avec tout le gratin du cinéma.
10:24 Un dîner ultra mondain et vous êtes là seule, personne ne vous parle.
10:28 Pour vous donner de la contenance, vous buvez de l'alcool.
10:31 Vous avez 14 ans, 15 ans.
10:32 Tout le monde vous laisse boire.
10:33 Personne ne vous calcule.
10:34 Personne ne vous parle jusqu'au moment où vous vous levez
10:36 et vous vomissez au milieu de tout le monde.
10:38 Et je black out.
10:39 Et vous faites un black out.
10:42 Et vous vous dites, personne, aucun adulte ne lui tend la main à cette petite fille.
10:46 Il ne se dit, est-ce que c'est normal qu'une petite fille de 14 ans soit là au milieu de nous ?
10:49 Personne ?
10:50 Non, personne.
10:52 Et personne, c'est fou parce que c'est vraiment des questions que je me pose maintenant.
10:58 Et d'ailleurs c'est à travers ces entretiens que je me pose ces questions.
11:02 Parce que dans le fond, c'est une période de ma vie que j'ai tellement, tellement, tellement enfouie.
11:07 Mais même en analyse, je crois, n'avoir pas réussi à en parler.
11:11 C'est une période, voilà.
11:13 Et c'est vrai que c'est très compliqué.
11:16 Parce qu'aujourd'hui, et une des raisons pour lesquelles j'ai écrit cette série, c'est pour ma fille.
11:20 Et pour toutes les filles qui jouent, qui voulaient être actrices, qui sont actrices.
11:24 Et pour Alma, qui joue mon père.
11:26 Pour toutes les jeunes filles de 14, 15, 16, 17 ans, c'est pour elles.
11:32 C'est-à-dire que je suis maintenant un adulte.
11:34 Et c'est mon rôle, si je puis dire, de raconter cette histoire pour que ça ne leur arrive pas.
11:43 Vous dites "ma série n'est pas un règlement de compte".
11:45 Non.
11:46 Je ne veux pas qu'on résume cette série et elle ne l'est pas.
11:49 À Judith Godrech, balance sur son histoire avec Benoît Jacob, puisqu'il s'agit de lui.
11:54 Vous ne jugez presque pas, en fait.
11:58 Mais c'est quand même, vous passez des messages.
12:01 Vous auriez aimé qu'un adulte vous dise "non, ce n'est pas possible".
12:05 Vous auriez aimé, et d'ailleurs des scènes très fortes avec vos parents,
12:08 Ludmilla Mikkel qui joue votre mère, et avec votre père également.
12:13 C'est Didier Sandre d'ailleurs, plein d'acteurs de la comédie française dans votre série qui vous suivent.
12:19 Comme quoi, on n'échappe pas totalement à ce qu'on est.
12:22 Mais vous dites à un moment à votre mère "pourquoi tu m'as laissé partir avec cet homme ?"
12:27 Quelqu'un qui dit "stop" à votre père que vous appelez en disant "papa, est-ce que je peux rentrer dormir à la maison ce soir ?"
12:34 Il y a des scènes comme ça, où vous auriez aimé qu'un adulte vous dise "c'est pas possible, c'est pas normal".
12:40 Oui, j'aurais aimé, mais ce n'est pas quelque chose que je pouvais me formuler à l'époque.
12:44 A l'époque, je ne savais rien.
12:46 C'est un truc auquel je pense maintenant et à postérieur, en y réfléchissant.
12:50 Ma mère n'avait pas de voix, comme elle le dit.
12:52 Elle n'avait pas la force de s'opposer à ses hommes et notamment à l'espèce de liberté que me donnait mon père et au manque de protection.
13:02 Ma mère ne vivait plus avec nous.
13:06 Mais c'est vrai qu'à postériori, je me dis "comment est-il possible qu'on ne m'ait laissée ?"
13:14 J'étais très cultivée, je lisais énormément, j'allais voir des films, j'étais entourée d'adultes, d'intellectuels.
13:21 - De psy, vos parents étaient psy.
13:23 - Oui, et puis les intellectuels avec qui j'allais dîner à cause de l'homme avec qui je vivais.
13:27 Mais pas une seconde, je me suis posée la question de savoir quand je lui demande à cet homme "mais pourquoi est-ce que tu ne me présentes pas ta famille ?"
13:36 Il ne m'a jamais dit "mais parce que tu as 14 ans et moi..."
13:39 C'est-à-dire que je n'ai jamais réalisé ce que j'étais en train de vivre en fait.
13:45 - Judith Godrej, Benoît Jacot, vous vous êtes reparlé, il a vu la série ?
13:49 - Non, je n'ai aucune nouvelle.
13:52 - Vous aimeriez qu'il la voit la série ?
13:55 - Je ne sais pas, je ne me pose pas ces questions en ces termes.
14:01 On m'a beaucoup demandé de dire son nom, je n'ai pas voulu le dire justement parce que dans le fond, c'est à cette époque-là, à l'époque de ma jeunesse, qu'il aurait fallu dire son nom.
14:12 Aujourd'hui son nom est dit, on le dit dans les interviews, les journalistes le citent et il se passe quoi ? Quel est le changement ?
14:18 Le système ne change pas.
14:20 Quand Adèle Haenel a parlé, la personne dont elle a parlé à l'époque, il y a eu toute une sorte de révolution à cet endroit-là.
14:31 Mais dans le fond, Benoît Jacot, j'ai dit son nom, est en tournage en ce moment.
14:37 Ce que je veux dire c'est que le système lui cautionne.
14:40 - Ne change pas.
14:41 - Ne change pas. Le système ne change pas.
14:43 - Mais tout en fait n'a servi pas forcément à grand chose, c'est ce que vous dites ?
14:47 - Écoutez, #MeToo c'est un "work in progress" comme on dit en anglais.
14:51 C'est une bataille qu'il faut continuer de mener.
14:54 Et c'est vrai que par ailleurs, il se trouve que moi et cet homme-là et d'autres hommes, on vit dans des mondes tellement différents.
15:00 C'est-à-dire que moi je vis dans un monde où si je me retrouve aujourd'hui adulte en face d'un garçon de 14 ans, de 15 ans, de 16 ans, de 17 ans,
15:07 et que je suis Judith Gaudrech avec toute l'emprise, toute la possibilité que j'ai d'avoir une emprise sur quelqu'un de plus jeune que moi.
15:16 Mais même pas en rêve je touche cette personne, c'est impossible.
15:20 C'est compliqué de parler de... C'est des mondes qui ne se...
15:25 C'est un monde que je ne comprends pas. Le monde de son cerveau à lui.
15:29 C'est très mal dit, excusez-moi.
15:31 - Non, non, mais je pense que tout le monde a compris ce que vous dites.
15:34 Juste un mot, c'est l'actualité aussi, vous avez tourné deux films avec Gérard Depardieu.
15:38 Quel regard vous portez sur tout ça ?
15:40 - Écoutez, j'ai vu comme tout le monde les images...
15:45 - De compléments d'enquête.
15:47 - Qui sont très choquantes. Cette espèce de débordement très choquant.
15:55 Moi, mon expérience avec lui n'a rien à voir avec ça.
15:59 Il s'est toujours très très bien comporté avec moi.
16:02 Et c'est vrai que c'est difficile de comprendre ce qui se passe.
16:07 C'est difficile pour moi, qui ai une expérience avec lui sur les tournages très positives,
16:12 de regarder ces images-là et de les découvrir.
16:15 - Vous disiez même dans le couloir que quand il devait vous embrasser sur la bouche dans un film,
16:20 il vous embrassait sur la joue pour vous protéger.
16:24 Pour le coup, vous, vous n'avez eu aucun problème avec Gérard Depardieu ?
16:27 - Non, aucun. Il était très pudique même.
16:29 Donc je suis très très bouleversée par ce qui se passe et par ce que je vois.
16:34 - Judith Godrej, pour finir quelques questions, vous répondez très rapidement.
16:38 Qu'est-ce qu'il y a de français en vous et qu'est-ce qu'il y a d'américain ?
16:41 - Quand je suis partie vivre à Los Angeles, j'ai découvert les lattés alors que je détestais le café.
16:47 Donc maintenant je bois du café, voilà ce qui est américain en moi.
16:50 - Et français ? - Les crêpes. Je ne parle que de nourriture, désolée.
16:55 - C'est qu'à manger. Taylor Swift, personnalité de l'année pour Time, vous avez compris pourquoi ?
17:00 - Pourquoi pas, ouais. Elle est sincère, je trouve.
17:03 - Anatomie d'une chute ou Barbie ? - Anatomie d'une chute.
17:07 - Maiwen ou Julie Delpy ? - Maiwen.
17:13 - Meryl Streep ou Cate Blanchett ? - Oh là là, c'est difficile. Cate Blanchett, mais bon.
17:19 - Isabelle Adjani ou Isabelle Huppert ? - C'est dur.
17:24 - Isabelle Huppert. - Juliette Binoche ou Judith Godrej ?
17:27 - Juliette Binoche, à fond. C'est Juliette Binoche qui veut absolument qu'elle voit ma série.
17:33 J'espère que ça lui fera plaisir. C'est un hommage à Juliette Binoche.
17:36 - Ah ben c'est vrai que toute la série, si elle nous écoute ce matin, c'est un hommage à elle.
17:39 - Ouais, c'est un hommage à elle. - Avec qui on vous confond tout le temps.
17:43 - Mais pour son bien. - Elle est moche en blonde, Juliette Binoche.
17:48 Merci beaucoup. La série s'appelle « Icon of French Cinema ». Merci Judith Godrej.
17:52 - Merci. - Très réussie et c'est sur Arte à partir de jeudi.

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