L'acteur Gilles Lellouche est l'invité de Léa Salamé pour le film de Thomas Bidegain, "Soudain seuls", en salles le 6 décembre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-30-novembre-2023-2040736
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00:00 Ce matin vous recevez un acteur ! Bonjour Gilles Lelouch ! Bonjour ! Merci d'être avec nous ce matin.
00:05 Si vous partiez sur une île déserte et que vous n'aviez le droit d'emmener qu'une seule personne
00:08 et un seul livre, vous emmeneriez qui ? Vous emmeneriez quoi ? Ah oui, on attaque comme ça à Bill en tête ?
00:13 Eh ben oui ! Ok, très bien ! Alors, une seule personne ça va être compliqué, j'ai pas vraiment l'intention de partir sur une île déserte
00:18 tout seul, de toute façon. Mais alors vous prenez qui ? Un pote ou votre femme ? Je dirais mes deux enfants.
00:23 Ok, on va dire que vous êtes personne bonne, je vous l'accorde. Je me vois mal ne pas pouvoir grandir mes enfants quand même.
00:28 Et le livre ? Je dirais Martin Eden de Jack London.
00:34 Oui, ça marche sur l'île déserte. L'île déserte, c'est le décor de votre nouveau film, du nouveau film de Thomas Bidegain
00:41 qui était le scénariste du Prophète, je précise. Vous vous tenez l'affiche avec Mélanie Thiry.
00:45 Le film s'appelle "Sous d'un seul", il sort le 6 décembre prochain. C'est un film adapté du roman de la navigatrice Isabelle Autissier.
00:51 C'est un huis clos haletant dans des paysages splendides. Le pitch est simple.
00:56 Un couple, Ben et Laura, fait un tour du monde en solitaire à la voile. A l'approche de la fin de leur voyage,
01:01 juste avant d'atteindre l'Amérique du Sud, il faut une petite halte sur une île sauvage dans l'Atlantique.
01:07 Sauf que là, une tempête s'abat sur eux, leur bateau disparaît, ils sont tous perdus, ils sont seuls sur cette île déserte
01:15 et ils vont lutter pendant des semaines, des semaines et des semaines pour leur survie et pour la survie de leur couple.
01:21 Vous dites que ce film c'est une histoire d'amour survivaliste, c'est même un Bergman survivaliste !
01:26 Oui, c'est une sorte de Bergman survivaliste !
01:28 C'est vrai, ça mêle l'intime et le spectaculaire tout le temps.
01:34 C'est ça qui m'a énormément plu dans l'écriture de Thomas et dans sa manière de réaliser le film.
01:38 Je pense que c'est un grand amateur de western, pour ne pas citer John Ford par exemple.
01:42 Oui, c'est quelqu'un qui adore parler de l'intime et aussi jongler avec le spectaculaire.
01:46 Donc on a comme ça une espèce de chaud-froid permanent dans le film.
01:49 Et puis cette manière de disséquer le couple, le couple qui peut être encore plus en solitude, en désuétude, en déconstruction sur cette île,
01:58 alors qu'en fait ils ont besoin l'un de l'autre, ils vont totalement exploser pour mieux se retrouver, pour mieux ré-exploser.
02:04 Enfin bref, il y a des vagues comme ça.
02:07 C'est un couple !
02:08 C'est un couple j'ai envie de vous dire !
02:10 Mais quand on pense à une île déserte, on a l'impression que c'est beau, que c'est chaud,
02:14 on est dans la chanson de Jacques Brel, on est dans une île.
02:17 Une île chaude comme la tendresse,
02:24 espérante comme un désert,
02:29 qu'un nuage de pluie caresse.
02:35 Oh, viens, viens mon amour,
02:40 là-bas ne serais-t-on assez fous ?
02:44 Alors on n'est pas du tout, du tout là-dedans.
02:47 Non, il ne faut pas faire ça, parce qu'on n'est pas du tout là-dedans, on est plutôt dans du heavy metal.
02:52 Voilà, c'est ce que je voulais dire aux auditeurs ce matin, c'est qu'on n'est pas chez Jacques Brel.
02:57 Non, on est loin des marques.
02:58 En revanche, il dit quelque chose dans cette chanson, voici venu le temps de vivre, voici venu le temps d'aimer,
03:03 et ce n'est pas totalement faux, parce qu'au fond, c'est en se retrouvant seul, sur cette île, seul, tout pète, il n'y a plus rien,
03:11 que ce couple qui est ensemble depuis 5 ans, bon an, mal an, ils ont leur passif, ils ont leur...
03:15 Oui, parce que c'est ça qui est important.
03:17 Eh bien voilà, c'est le temps de vivre et c'est le temps d'aimer.
03:19 En fait, c'est à ce moment-là où ils deviennent vrais.
03:22 Et notamment, il y a une scène d'engueulade qui est anthologique, franchement, le film, elle est d'une force, cette scène d'engueulade.
03:28 J'ai rarement vu une scène d'engueulade aussi juste sur le couple, où chacun vient avec son livre de contes,
03:32 là, ils sont paumés au milieu de nulle part, qui se balancent des trucs,
03:36 et souvent, dans une scène d'engueulade, avec son amoureux, les mots dépassent la pensée, ça va très très loin.
03:42 Et la question que pose le film, c'est, une fois que vous vous êtes balancé tout ça, est-ce que vous êtes capable de vous aimer à nouveau ?
03:46 Oui, c'est ça. Déjà, vous faites la meilleure promo du monde, en fait.
03:49 Mais c'est incroyable, comme vous pariez dans le film.
03:51 Non, mais c'est très très agréable.
03:53 Non, mais c'est vrai que cette scène d'engueulade est forte.
03:56 Oui, on a beaucoup travaillé avec Mélanie et Thomas sur cette scène-là,
04:02 et ce qui est beau, c'est cette manière de... Parce qu'il y a un truc extrêmement important dans le film,
04:06 c'est justement, ce ne sont pas un couple qui vient de se rencontrer, qui part comme ça pour errer, pour s'aimer un tout petit peu plus.
04:13 C'est un couple qui est déjà un tout petit peu en désuétude.
04:16 C'est un couple qui est déjà un peu cabossé.
04:18 Et donc, on sent qu'il y a un passif.
04:21 Et cette engueulade, en fait, les projette dans une immense solitude, dans laquelle ils sont enfermés.
04:25 Et quand vous êtes sur une île, il n'y a pas de réflexe possible.
04:27 Vous ne pouvez pas vous engueuler, puis vous claquer la porte et vous allez voir des amis.
04:30 Vous avez des réflexes pour...
04:32 Ou vous allez vous bourrer la gueule.
04:33 Ou vous allez vous bourrer la gueule, ou vous raconter à votre mère ou à votre meilleure copine.
04:36 Non, il n'y a rien.
04:37 Il n'y a pas de téléphone.
04:38 Et donc, en fait, ils sont projetés dans leur solitude qui les enferme encore un peu plus.
04:42 Et c'est la manière la plus idéale de se regarder vraiment l'un et l'autre.
04:47 Et ce qui est joli, je ne spoil rien, mais ce qui est joli, c'est que ça dit quelque chose de très beau sur le couple.
04:54 C'est qu'on peut retomber amoureux même quand on ne s'aime plus ou qu'on est au bord de ne plus s'aimer.
04:58 Oui, et surtout quand on frôle le pire, l'horreur, quand on va sur des mots qui semblent irréparables
05:04 et qu'on a l'impression que tout ça est fini définitivement.
05:08 Non, il y a toujours un sursaut, il y a toujours un cœur qui part.
05:10 Vous dites "le couple est une aventure absolue, c'est un effort permanent".
05:14 Vous trouvez vraiment que c'est un effort permanent ?
05:16 Oui, je crois même que c'est l'effort le plus complexe qu'on ait dans une vie.
05:21 Parce qu'en fait, c'est celui auquel on fait le moins attention.
05:25 On est très attentif de sa famille, on est très attentif de ses proches, de ses copains, de ses amis,
05:30 de sa vie professionnelle avec ses enfants, mais avec son conjoint, sa conjointe.
05:35 C'est probablement l'endroit où on est le plus, je ne sais pas, en laissé-aller, en lâché-prise.
05:39 C'est le couple qui trinque souvent.
05:41 Oui, et puis en plus, on a ce prétexte de se dire "oui, mais on est capable de tout se dire,
05:44 on doit pouvoir s'épauler et puis c'est une partenaire ou un partenaire".
05:47 Oui, mais un partenaire, c'est aussi quelqu'un qu'on doit faire rêver, fantasmer.
05:50 Ça doit rester aussi quelque chose d'absolument sexy.
05:53 L'aventure, c'est sexy. Quand ce n'est plus une aventure, alors on est dans le quotidien.
05:57 Et ce qui est fort dans le film, c'est que c'est un mélange du sexy de l'aventure et du quotidien.
06:01 Et de la violence intrinsèque du couple, de la violence intrinsèque de cette nature hostile qui les entoure.
06:07 Mais l'hostilité la plus fondamentale, ce n'est pas ce qui les entoure, c'est ce qu'ils ont au fond d'eux-mêmes.
06:13 Vous parlez de la nature, on est plongé dans des paysages d'une beauté à couper le souffle.
06:19 La première chose que j'ai faite, c'est que j'ai voulu savoir où est-ce que vous aviez tourné.
06:21 Vous avez tourné en Islande, dans ce paysage désolé, mélancolique, minéral, hostile aussi, évidemment.
06:29 Là, vous aviez déclaré à un blogueur en 2019, je ne sais pas si vous saviez à ce moment-là que vous alliez faire ce film-là,
06:34 vous lui aviez dit "je rêve de faire un film tout en extérieur, un film énervé et viscéral dans une nature hostile".
06:41 C'est fou, c'est fou. Alors là, pour le coup, j'ai été servi en nature hostile.
06:46 C'est magnifique, l'Islande est un des plus beaux pays que j'ai vus de ma vie.
06:50 Mais après, c'est vrai que c'est un pays qui vous rappelle que l'humain n'a rien à faire là.
06:54 C'est d'une beauté aussi, c'est un pays un peu bipolaire, il vous cajole de beauté, d'endroits paradisiaques,
07:04 de nature, de mousse millénaire, d'aurore boréale.
07:07 Et d'un autre côté, tout d'un coup, quand il pleut, c'est des lames de rasoir qui s'abattent sur vos joues,
07:11 c'est un vent à 200 km/h, c'est quelque chose d'assez étonnant.
07:15 Et j'ai adoré l'expérience.
07:16 - Vous dites "je n'ai pas souffert, j'ai vibré, j'ai vécu".
07:20 - Ah oui, vraiment.
07:21 Déjà, c'est des expériences qui sont quand même assez inédites dans le paysage cinématographique français.
07:27 Et puis, pour la petite anecdote, j'ai entendu parler de ce film, j'avais ce fantasme de film depuis très longtemps,
07:34 mais à peu près comme tout le monde, je pense. En tout cas, ce fantasme d'aventure dans l'aventure.
07:39 Et j'ai entendu parler de ce film parce que ça faisait pas mal de temps qu'il était en gestation.
07:44 A la base, il devait être fait avec Jacques Guillenol et Vanessa Kirby.
07:48 Et oui, donc ils ont répété en Islande avec Thomas Bidguin.
07:52 Le film était parti avec eux.
07:53 - Jacques Guillenol et Vanessa Kirby qui jouent dans "Napoléon".
07:56 - Absolument, dans "Napoléon", Jacques Guillenol qu'on connaît.
07:59 Et j'étais fou de jalousie, je me disais la chance de faire un film comme ça.
08:02 Et puis, pour des raisons X ou Y, je crois que surtout de mésentente sur le script et le personnage,
08:08 Jacques Guillenol voulait en faire un héros, un GI, c'était pas exactement l'idée de Thomas.
08:13 Et bien ça nous est retombé dessus à Mélanie Thierry et moi.
08:15 Donc la vie est quand même assez bien faite.
08:17 - Vous avez hérité de ce rôle-là.
08:18 - C'est fou, mais je pensais pas qu'il y aurait un degré de séparation entre Jacques Guillenol et moi, pour être très honnête.
08:23 Je me voyais quand même assez loin.
08:26 - Vous êtes à une main de Guillenol.
08:28 Votre personnage est au début sûr de lui, viril, un aventurier qui n'a peur de rien, un peu bourrin, un GI.
08:33 Ça devait plaire à Jacques Guillenol au début.
08:35 Mélanie Thierry, elle, semble inquiète, manque de confiance en elle au début.
08:39 Puis à la fin, au cours du film, ça s'inverse, c'est elle la forte, c'est elle qui s'affirme.
08:42 Et vous, vous montrez plus vulnérable, plus fragile.
08:44 Ce passage du macho un peu bourrin au fragile et touchant, c'est un peu votre parcours, Gilles Lelouch.
08:50 J'ai trouvé qu'il y avait une métaphore.
08:52 - C'est un peu le résumé de ma vie.
08:54 - C'est le résumé de l'évolution de votre image, du bon pote un peu macho.
08:58 Vous vous êtes affirmé, film après film, comme sensible, à fleurs de peau, pudique.
09:02 D'ailleurs, dans tous les portraits que j'ai lu de vous, tous vos proches, quand on leur dit "Gilles Lelouch",
09:07 on a un mot, vous savez ce qu'ils disent ? "Sensible".
09:10 - C'est vrai ? - Oui.
09:11 - Écoutez, ça doit être vrai.
09:13 Non, mais probablement.
09:14 Mais vous savez, ce n'est pas évident, quand vous commencez ce métier, d'être juste avec soi-même.
09:21 Moi, la réalisation m'a beaucoup aidé.
09:23 - Le grand mas.
09:24 - L'écriture m'a beaucoup aidé, en fait, vraiment.
09:26 - C'est ça, c'est-à-dire que vous dites "Pendant longtemps, il y a eu un fossé entre l'image que j'avais et ce que vous étiez".
09:31 - Et puis, parce que simplement, au début, probablement, moi, j'ai commencé quand même avec des films de marché,
09:35 pas avec du cinéma d'auteur.
09:37 Donc, on m'a employé pour le physique que j'avais, dans des films d'action, souvent, dans des choses un petit peu testo...
09:42 Testoréonées, enfin, je ne sais plus comment on dit.
09:45 - Testostéronées.
09:46 - Voilà.
09:47 Mais oui, donc après, il faut trouver les rôles.
09:50 Et puis, c'est surtout, il faut trouver...
09:52 J'ai trouvé des réalisatrices, moi, surtout, qui m'ont fait beaucoup de bien.
09:54 - Jeannet Ri.
09:55 - Jeannet Ri, entre autres, Mélanie Laurent.
09:57 Oui, il y a des réalisatrices, mais Jeannet Ri, oui, m'a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de bien.
10:01 - Vous avez joué dans "Pupille", dans ce film magnifique.
10:03 Je verrai toujours le visage.
10:05 On en avait beaucoup parlé l'année dernière.
10:07 Qu'est-ce que le grand bain que vous avez réalisé, cette histoire de groupe de mecs, nageurs, losers, énorme carton.
10:14 Qu'est-ce que le grand bain a changé dans votre carrière et dans votre vie ?
10:17 - Dans ma carrière, ça a changé la perception que les gens avaient de moi, ça c'est sûr, de cette profession, probablement.
10:25 Et puis, moi, ça m'a donné beaucoup d'assurance dans l'acceptation de cette sensibilité dont vous parlez,
10:31 mais surtout dans le courage de creuser un sillon qui était en fait assez nouveau et inédit.
10:37 Il faut être un tout petit peu valorisé, il faut être valorisé dans ses choix.
10:44 "C'est la fidélité à ton choix qui sauve ton choix", on dit.
10:46 Quand on a du succès, c'est une façon de fidéliser votre choix.
10:50 - Vous avez un mot sur le succès.
10:51 Vous dites que le succès est un anesthésiant, c'est une couche de graisse autour du cœur et c'est dangereux.
10:56 C'est quoi le danger du succès ? C'est l'embourgeoisement ?
10:59 - L'embourgeoisement, les certitudes, croire qu'on a une formule et il n'y a pas de formule.
11:05 Et heureusement.
11:06 Et oui, je crois qu'il faut rester, en fait, il faut rester quand même ce cinéphile qui a eu envie de faire du cinéma.
11:13 Moi, je parle de ça, en fait.
11:14 Je parle du vidéo club, de la salle d'arrêt d'essai ou du cinéma d'action.
11:20 Mais j'étais un cinéphile persuadé avant de devenir un cinéaste et un acteur.
11:25 Et en fait, j'avais un point de vue sur le cinéma.
11:27 Le cinéma, c'est quelque chose qui convoque beaucoup de débats, beaucoup de rage, beaucoup d'animosité, beaucoup de violence.
11:35 Et pour ça, en fait, il faut aimer le cinéma.
11:37 Et moi, j'aime les gens qui, malgré le succès, aiment le cinéma.
11:40 - Mais d'une certaine manière, comment on fait ?
11:42 Parce que c'est vrai, je disais, en vous présentant, vous êtes aujourd'hui sans doute l'acteur le plus bankable, même plus que votre pote Jean Dujardin quasiment.
11:48 - Oh, j'y avais pas jusque là.
11:49 - Oui, mais quand même.
11:50 - Ce n'est pas une considération qui me...
11:52 - Non, mais comment on lutte contre l'embourgeoisement ?
11:54 Comment on lutte quand ça y est, on y est arrivé ?
11:56 Parce que j'imagine que vous rêviez de ça, non ?
11:58 Quand vous étiez au cours Florent, en haut de l'affiche, la gloire, la notoriété, les femmes, tout ça.
12:02 - J'en attendais pas tant, même, pour être honnête.
12:04 - Mais alors, comment justement on lutte contre cet embourgeoisement quand on y est arrivé ?
12:07 - Par le travail.
12:09 Par le travail.
12:11 Pas par essayer de reproduire un succès en se disant "je vais reprendre un scénario qui ressemble à celui d'avant, comme ça je vais m'assurer un petit fond de public".
12:19 C'est assez sordide, en fait.
12:20 Il ne faut pas être les économes de sa propre carrière.
12:22 Il faut quand même avancer et être inédit.
12:25 Et surtout, quitte à se ramasser, il faut tenter des choses nouvelles.
12:30 Et en fait, le travail participe à ça.
12:33 Après, moi, je dis ça, mais je prends énormément de plaisir à l'écriture.
12:37 Je mets beaucoup de temps pour écrire un scénario.
12:39 Le dernier en date, j'ai mis 5 ans pour le faire.
12:42 - "L'amour est ouf", c'est ça ?
12:44 - "L'amour fou".
12:45 "L'amour ouf", "L'amour ouf", "L'amour ouf".
12:46 Pas "L'amour est ouf".
12:48 - Non plus, vous ne le connaissez pas, votre titre.
12:50 - Ça, c'est le grand film de 2024 et on l'attend.
12:52 C'est un des films les plus attendus avec Gilles Lelouch, réalisateur.
12:55 L'époque est compliquée pour les artistes, Gilles Lelouch.
12:58 Leurs paroles sont scrutées et ils sont pris dans des injonctions contradictoires.
13:02 C'est-à-dire, quand ils parlent ou prennent position dans une époque
13:04 qui est particulièrement tendue et tourmentée aujourd'hui,
13:07 quand ils prennent la parole, ils sont critiqués.
13:09 Quand ils se taisent, ils sont critiqués.
13:11 Et comment vous faites ?
13:12 - L'injonction à la réaction est un peu complexe, c'est sûr.
13:16 Comment je fais ?
13:17 J'essaye, dans la mesure du possible, d'être objectif.
13:22 D'être objectif et empathique, ni plus ni moins.
13:26 Donc je réagis à tête froide et de manière objective.
13:30 Je comprends mal les réactions à chaud de chacun,
13:35 les camps qu'il faudrait éventuellement choisir.
13:38 Je me refuse de choisir un camp.
13:40 J'essaie d'être le plus objectif possible.
13:41 - Est-ce que c'est encore possible de choisir un camp aujourd'hui ?
13:44 - Je crois qu'on se doit d'être comme ça.
13:48 Je crois qu'on se doit d'avoir une vision totale, globale.
13:51 De ne pas aboyer avec la meute.
13:54 En fait, ce qui me dérange le plus dans notre époque,
13:57 c'est cette violence construite par le manque d'empathie,
13:59 le manque de compassion.
14:01 On peut avoir un point de vue sur ce qui se passe au Moyen-Orient.
14:05 On peut se dire que la politique colonialiste d'Israël n'est pas normale.
14:10 On peut critiquer le Hamas pour les ignominies qu'ils ont fait le 7 octobre.
14:14 On se doit d'être objectif en tout lieu.
14:17 Et si on est objectif, on a la raison et on a probablement la voie de la paix.
14:21 Ce qui n'est pas du tout notre cas en ce moment.
14:24 Moi, c'est la violence sociale.
14:25 C'est la violence du débat, c'est la violence des insultes.
14:28 J'ai beaucoup de mal à comprendre ça.
14:30 - Et les réseaux sociaux ?
14:31 - C'est un truc d'abruti, les réseaux sociaux.
14:33 Vraiment, je ne supporte plus.
14:36 Je suis parti de Twitter il y a trois mois.
14:39 Je ne les ai plus en fait.
14:40 - Parce que c'était trop...
14:41 - Oui, c'est trop véhément.
14:42 Et puis c'est extraordinairement anxiogène surtout.
14:45 Donc, j'évite.
14:48 - On va terminer avec les questions de fin.
14:50 Ça s'appelle les impromptus.
14:52 Vous ne réfléchissez pas trop, vous répondez comme...
14:54 - Oui, ça va être facile.
14:55 - Oui, ben voilà.
14:56 Alors attendez, on commence fort.
14:58 "Il n'y a pas de bon père", disait Sartre.
15:00 Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
15:01 - Oui.
15:02 Oui, je suis d'accord.
15:04 - Il n'y a pas de bon père ?
15:05 - Non, mais même en étant un mauvais père, on est un bon père.
15:08 C'est dans les complexes, c'est dans les rancœurs, c'est dans les violences.
15:13 Enfin, violences psychologiques, j'entends.
15:15 Qu'on se construit aussi.
15:16 Donc, en étant un mauvais père, on est un bon père réciproquement.
15:18 - Votre père est mort avant de votre grand succès.
15:21 Est-ce que c'est une blessure qu'il n'ait pas vu ça ?
15:23 - Non, je crois qu'il a vu...
15:26 Il a vu que je me dirigeais, en tout cas.
15:30 Donc, ça me suffit largement.
15:31 - Ma plus grande angoisse, c'est le temps qui passe.
15:33 Pas le fait de vieillir, celui de ne plus être jeune.
15:35 Vous n'êtes plus jeune, dit le Lelouch ?
15:37 - Ah, 51 ans, non, on ne peut plus considérer qu'on est encore jeune.
15:39 Ou alors on fait du jeunisme.
15:41 Non, non, je ne suis pas là de nom du tout.
15:43 Mais, oui, c'est vrai, il m'arrive d'être nostalgique de mes 20 ans.
15:49 Ou d'être envieux quand je vois une bande de gamins qui sortent de la fac.
15:53 Je me dis que quand même, c'est pas mal.
15:55 - Réalisateur ou acteur, vous choisissez ?
15:57 - Réalisateur.
15:58 - Anatomie d'une chute ou Oppenheimer ?
16:00 - Anatomie d'une chute.
16:02 - NTM ou IAM ?
16:03 - NTM.
16:04 - Aurel San ou Stromae ?
16:06 - Aurel San.
16:07 - Michel Fuguin ou Michel Bergé ?
16:09 - Michel Bergé.
16:11 - Martin Scorsese ou Francis Ford Coppola ?
16:13 - Oh là là là là là là !
16:15 - Ça devient de plus en plus dur, je vous le dis.
16:17 - Eh bien, je dirais Coppola.
16:19 - Ah, vous choisissez.
16:20 - Oui.
16:21 - Claude Miller ou Claude Lelouch ?
16:22 - Claude Miller.
16:23 - Le parrain ou Voyage au bout de l'enfer ?
16:25 - Voyage au bout de l'enfer.
16:26 - C'est bien, vous êtes un des rares qui choisit.
16:28 En général, c'est "Oh, je ne peux pas choisir".
16:30 On va voir si vous allez jusqu'au bout.
16:31 Brad Pitt ou Leonardo DiCaprio ?
16:33 - DiCaprio.
16:34 - De Niro ou Al Pacino ?
16:36 - De Niro.
16:37 - Visconti ou Truffaut ?
16:38 - Truffaut.
16:39 - Jean Dujardin ou Guillaume Canet ?
16:41 - Ha ha ! Guillaume Dujardin !
16:44 - Ah voilà, ça je savais que vous ne choisiriez pas.
16:46 Alcool, drogue, sexe, quelles sont vos vies ?
16:48 Est-ce que vous en avez encore à 51 ans ?
16:49 - Oh, j'en ai beaucoup.
16:51 - Si vous aviez à en choisir un ?
16:53 - Ah, je dirais... Allez, sexe, on va dire.
16:56 - L'argent fait-il le bonheur ?
16:57 - Non, absolument pas.
16:59 - La fidélité, c'est important ou accessoire ?
17:01 - Fondamental.
17:02 - Fidélité, fraternité, vous choisissez quel mot ?
17:06 - Fraternité.
17:08 - Dans l'Apocalypse, Jean écrit "Dieu vomit les tièdes".
17:12 Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
17:14 Il a raison Dieu de vomir les tièdes ?
17:17 - Hum, oui et non.
17:19 Parce qu'en fait, si pour ne pas être tiède, il faut être violent, alors je préfère la tièdeur.
17:26 - Et Dieu dans tout ça ?
17:28 - Eh bien, il nous en pose bien des problèmes.
17:31 "Soudain, seul", c'est le titre du nouveau film de Thomas Bidegain qui sort le 6 décembre prochain avec Mélanie Thierry.
17:38 On peut voyager avec vous Gilles Lelouch, c'est très réussi et notamment ce que vous dites sur le couple.
17:42 Merci et belle journée.
17:43 - Merci infiniment d'autre accueil.