• l’année dernière
L'inflation est une vielle histoire, du passé et du présent. Nous nous y intéressons parce que nous y sommes : les prix des matières premières, de l'énergie, de l'alimentation ont fortement augmenté. La perte du pouvoir d'achat de la monnaie attribuée à la crise sanitaire du Covid et pour suivre à la guerre en Ukraine a provoqué une augmentation générale des prix. Qu'il s'agisse des biens comme des services, même si une amélioration pointe à l'horizon, les ménages sont en difficulté. Bien sûr, rien de comparable, pour l'Europe, à ce qui s'est produit après deux guerres mondiales, ces trente dernières années l'Europe n'a quasiment pas connu de mouvement inflationniste, le dernier intervenant après le choc pétrolier des années 70. Si des enseignements économiques peuvent être tirés, on constate une hétérogénéité des causes et des conséquences de l'inflation sur les ménages, les Etats et les industries, sans oublier la diversité des situations géographiques. Mais la rationalité économique n'explique pas tout par ce que la mondialisation brasse toutes sortes d'inégalités sociales, de comportements distincts, de flux financiers incontrôlables et de conflits à répétition. On l'aura compris, l'inflation a une dimension qu'il convient de discerner pour en comprendre les véritables enjeux. Émile Malet reçoit :Philippe Askenazy, économiste, directeur de recherche au CNRS et professeur à l'ENSAbderrahmane Hadj-Nacer, banquier d'affaires, ancien gouverneur de la Banque d'AlgérieChristian Saint-Etienne, économiste, professeur au CNAM, homme politiqueClaude Raynal, sénateur, président de la Commission des finances du SénatPrésenté par Emile MALETL'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5Et retrouvez aussi tous nos replays sur notre site : https://www.lcp.fr/Suivez-nous sur les réseaux !Twitter : https://twitter.com/lcpFacebook : https://fr-fr.facebook.com/LCPInstagram : https://www.instagram.com/lcp_an/TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_anNewsletter : https://lcp.fr/newsletter#LCP

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00:00 Générique
00:01 ...
00:22 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:25 Nous allons vous parler d'un sujet qui intéresse tout le monde,
00:29 les profiteurs de l'inflation.
00:31 Qui sont les profiteurs de l'inflation ?
00:34 L'inflation est une vieille histoire du passé et du présent.
00:37 Nous nous y intéressons parce que nous y sommes.
00:41 Les prix des matières premières, de l'énergie, de l'alimentation
00:46 ont fortement augmenté.
00:48 La perte du pouvoir d'achat de la monnaie
00:50 attribuée à la crise sanitaire du Covid
00:53 et poursuivre à la guerre en Ukraine
00:56 a provoqué une augmentation générale des prix.
00:59 Qu'il s'agisse des biens comme des services,
01:02 même si une légère amélioration pointe à l'horizon,
01:06 les ménages sont en difficulté.
01:08 Bien sûr, rien de comparable pour l'Europe
01:11 à ce qui s'est produit après deux guerres mondiales.
01:14 Ces 30 dernières années, l'Europe n'a quasiment pas connu
01:17 de mouvement inflationniste,
01:19 le dernier intervenant après le choc pétrolier
01:23 dans les années 70.
01:25 Si des enseignements économiques peuvent être tirés,
01:28 on constate une hétérogénéité des causes
01:30 et des conséquences de l'inflation,
01:32 à la fois sur les ménages, les Etats et les industries,
01:36 sans oublier la diversité des situations géographiques.
01:41 Mais la rationalité économique n'explique pas tout,
01:45 parce que la mondialisation brasse toutes sortes
01:48 d'inégalités sociales, de comportements distincts,
01:51 d'égoïsme des nations, de flux financiers incontrôlables
01:55 et de conflits à répétition.
01:58 On l'aura compris,
02:00 l'inflation a une dimension géopolitique
02:03 qu'il convient de discerner
02:05 pour comprendre ses véritables enjeux.
02:08 Nous allons le faire avec mes invités que je vous présente.
02:12 Claude Reynal, vous êtes sénateur,
02:15 président de la Commission des finances du Sénat.
02:19 Abdelrahman Khaldj Nasser, vous êtes banquier d'affaires
02:22 et vous avez été l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie.
02:26 Christian Saint-Etienne, vous êtes économiste,
02:29 professeur au CNAM et homme politique.
02:31 Philippe Askenazi, vous êtes économiste,
02:34 directeur de recherche au CNRS
02:37 et professeur à l'Ecole normale supérieure.
02:41 Musique de débat
02:43 ...
02:49 -Pour commencer,
02:50 on impute des causes et des conséquences diversifiées
02:53 à l'inflation.
02:54 Il y a ceux qui tirent profit et on verra qui ils sont,
02:58 et ceux qui sont pénalisés.
03:00 Est-ce que vous diriez que l'inflation fonctionne
03:04 comme un levier d'opportunités économiques,
03:07 en quelque sorte l'oxygène d'un système pervers,
03:10 selon l'expression de François Mitterrand ?
03:13 M. Reynald.
03:14 -Je sais pas si je dirais ça comme ça,
03:18 mais ce qu'on peut dire, en tout cas,
03:20 c'est que l'inflation, vous l'avez dit,
03:23 a des causes multiples et que c'est une conséquence,
03:27 d'abord, d'un certain nombre d'éléments exogènes.
03:31 Bon.
03:32 La théorie économique l'ancienne,
03:35 celle que j'ai apprise il y a 40 ans, disait,
03:37 en gros, c'est une confrontation de l'offre et de la demande.
03:41 Si la demande excède l'offre,
03:43 vous avez effectivement un risque d'inflation.
03:47 Très bien. Ca, c'était la base.
03:49 Aujourd'hui, on se rend compte
03:51 qu'on a surtout eu affaire à des chocs exogènes,
03:54 et notamment l'augmentation des coûts de l'énergie.
03:58 On voit d'ailleurs que ça revient maintenant plus fort, encore.
04:02 Et donc, par rapport aux chocs exogènes,
04:05 les politiques dites traditionnelles
04:08 pour résoudre l'inflation
04:10 sont pour partie mises en difficulté.
04:14 La technique traditionnelle des banques centrales
04:19 de monter les taux d'intérêt a évidemment un résultat,
04:22 mais qui n'est pas total,
04:24 car il ne répond pas à une partie de cette inflation.
04:27 Et puis, de manière...
04:30 Je pense que ce qui a changé, effectivement,
04:32 dans la façon de faire,
04:34 c'est que dans les réponses assez traditionnelles,
04:37 on avait les réponses sur l'attention
04:40 à la boucle prix-salaire,
04:44 donc faisons attention à cela,
04:46 et on a aujourd'hui une boucle, pour partie,
04:49 une boucle prix-profit,
04:51 qui est quelque chose d'un peu nouveau,
04:53 me semble-t-il, dans ce que l'on vit aujourd'hui.
04:57 Voilà, donc, on doit répondre...
04:59 Aujourd'hui, il n'y a pas de réponse unique au sujet.
05:03 Il y a sans doute... -On va rentrer
05:05 dans le détail. -Tout un ensemble
05:07 de choses à faire de nature différente.
05:10 Et puis, il y a maintenant une priorité qui se dégage,
05:14 qui est la priorité sociale,
05:16 parce qu'il n'y a pas... On peut parler d'économie,
05:19 on peut parler d'inflation, on peut parler de crise,
05:22 mais derrière, il y a des hommes et des femmes qui vivent.
05:25 Et il y a un moment où le système n'est plus supportable,
05:29 et c'est dans le jeu. -On va rentrer dans le détail.
05:32 Est-ce qu'il y a un point de vue du Nord et du Sud
05:35 sur cette question de l'inflation ?
05:37 -Honnêtement, l'inflation,
05:41 c'est le reflet de la politique monétaire.
05:44 Sur ce plan-là, il n'y a pas de Nord, de Sud, d'Est ou d'Ouest.
05:48 Quand on crée beaucoup de monnaie,
05:51 on finit toujours par avoir de l'inflation.
05:53 Par exemple, l'équation de Fischer, l'équation de Friedman,
05:57 et puis tout ce qu'on sait depuis lors,
05:59 nous a toujours démontré que quand on crée beaucoup d'argent,
06:03 on finit toujours par le payer.
06:05 La question qui a été posée à travers cette phrase
06:08 du président Mitterrand est juste.
06:12 C'est que, l'inflation,
06:14 quelqu'un va payer la facture en fin de parcours.
06:18 Alors, quand c'est une inflation, on va dire, relativement faible,
06:22 ce sont les pauvres qui payent.
06:24 C'est toujours les pauvres qui payent.
06:26 La définition, c'est qu'est-ce qu'un pauvre
06:29 et à quel moment commence la pauvreté.
06:31 Quand l'inflation est très forte,
06:33 on ne peut plus faire payer aux pauvres et aux moyens pauvres,
06:37 qui, eux, ont peur de tomber dans la trappe,
06:40 on va dire, de la misère.
06:41 On ne peut plus leur faire payer.
06:43 Donc, à ce moment-là, on rentre dans un autre cycle,
06:46 qui peut être le cycle de la guerre
06:49 ou de la restructuration brutale.
06:51 Le cycle de la guerre, on le connaît,
06:53 c'est comme ça qu'on sort de l'inflation.
06:55 Donc, on crée une situation extérieure
06:58 où on va essayer de prendre à l'extérieur
07:00 ce qui nous manque à l'intérieur pour un enrichissement momentané.
07:04 Donc, nous sommes aujourd'hui
07:07 dans un moment décisionnel
07:09 où le nord et le sud, l'est et l'ouest,
07:12 deviennent des facteurs significatifs
07:15 parce qu'effectivement, il y a un risque de guerre partout.
07:18 Il ne faut pas être obnubilé par la géographie d'aujourd'hui
07:22 telle qu'on nous la désigne.
07:24 Donc, vous voyez, nous avons d'autres facteurs.
07:26 Un troisième facteur très important,
07:29 c'est que l'économie qu'on nous enseigne,
07:31 c'est la multiplicité des acteurs.
07:33 La multiplicité des facteurs, des acteurs,
07:36 mais il n'y a plus de multiplicité.
07:38 Aujourd'hui, nous avons des banques centrales
07:41 qui impriment, contrairement au texte qui les régit,
07:44 ce qui est le cas de la BCE, ce qui est assez étonnant,
07:47 c'est le cas de la guerre Draghi,
07:49 mais aussi, nous n'avons plus de multiplicité d'acteurs,
07:53 il n'y a plus que des oligopoles.
07:55 Les oligarques sont partout, ils ne sont pas qu'en Chine ou en Russie.
07:58 Quand vous avez un jeu d'oligarchie,
08:01 la théorie économique n'y peut plus grand-chose.
08:03 On est dans un système de rapport de force.
08:06 -Qu'est-ce que vous en pensez, Philippe Askelazi ?
08:09 Peut-être même en essayant d'aller plus loin,
08:12 est-ce que cette crise, cette inflationniste,
08:15 a rien à voir avec celle des années 70 ?
08:17 -Alors, on peut dire qu'elle a le même type de source,
08:21 c'est-à-dire une augmentation des prix pétroliers,
08:25 en l'occurrence, à la fois pétroliers,
08:28 de ressources brutes alimentaires,
08:33 mais les mécanismes qui sont entrés en jeu
08:36 sont vraiment différents.
08:37 On n'a pas connu dans tous les pays, notamment en Europe,
08:41 une inflation à deux chiffres.
08:43 Il n'y a pas eu d'inflation à deux chiffres,
08:45 contrairement à la période des années 70,
08:48 où durablement, on pouvait avoir une inflation de 12, 13, 14, 15 %.
08:52 -C'est sur certains produits. -Oui, alors tout à fait.
08:55 Encumulés, en tout cas, les produits de grande consommation,
08:59 eux, sont encore, aujourd'hui,
09:02 au-delà de 10 % d'inflation en rythme annuel,
09:05 et sur deux ans, donc, encumulés,
09:07 bien au-delà de 20 %.
09:10 Donc, on a une inflation qui est peut-être plus modérée,
09:13 en tout cas, en France, que celle des années 1970,
09:16 mais surtout, les mécanismes sont différents.
09:19 Comme le sénateur Reynaud l'avait pu l'avancer,
09:22 il y avait des dynamiques de boucle,
09:26 prix-salaires qui étaient à l'oeuvre,
09:28 et aujourd'hui, cette inflation est révélateur
09:31 d'un fonctionnement totalement différent
09:33 de l'économie européenne et, spécifiquement...
09:36 -Les salaires augmentent, comme dans les années 70.
09:39 -Non, non.
09:40 Tous les mécanismes qui étaient à l'oeuvre,
09:44 qui pouvaient être les indexations automatiques,
09:47 un niveau de syndicalisation
09:50 qui n'avait rien à voir avec ce qu'il pouvait être...
09:53 ce qu'il peut être aujourd'hui,
09:56 faisait qu'il y ait aussi une politique de la part de l'Etat,
09:59 vis-à-vis des fonctionnaires,
10:01 comme d'augmentation du salaire minimum,
10:05 mais aussi des prestations sociales,
10:08 faisaient que le monde du travail,
10:12 notamment, était...
10:14 Voilà, arrivait à, malgré la hausse du chômage,
10:18 se retrouver par rapport à cette inflation,
10:20 au début de la période.
10:22 Ce que l'on constate, aujourd'hui,
10:24 c'est que tous ces mécanismes-là ont été balayés
10:27 avec l'idée de construire la désinflation
10:29 dans les années 1980.
10:32 On est sur un monde du travail largement affaibli
10:35 et qui sortira de la période d'inflation
10:37 que l'on aura connue,
10:38 avec des niveaux de salaire réel,
10:41 c'est-à-dire le salaire nominal déflaté de l'inflation,
10:45 qui vont être plus faibles
10:46 qu'avant cette période inflationniste.
10:49 C'est déjà un révélateur d'un monde du travail affaibli,
10:53 probablement face à des oligopoles,
10:56 l'autre élément étant, justement,
10:58 une révélation de ce nouvel type de dynamique,
11:02 qui sont ces boucles prix-profits,
11:05 qui ne touchent pas l'ensemble des secteurs,
11:08 quoique l'on ait peut-être aujourd'hui
11:10 les chiffres d'août révélés
11:12 sur l'augmentation des marges des entreprises.
11:15 -On va rentrer dans le détail.
11:17 Avec vous, Christian Saint-Etienne,
11:19 je voudrais aborder un élément important.
11:21 Je pense que, dans votre analyse,
11:25 vous considérez que c'est géopolitique,
11:27 c'est-à-dire que c'est lié à l'ensemble
11:31 de facteurs internationaux et géographiques.
11:34 C'est bien ça ?
11:35 -Absolument, mais je pense que,
11:37 pour les téléspectateurs,
11:39 on peut prendre quand même une minute
11:41 pour expliquer pourquoi l'inflation est un problème.
11:44 Il y a deux grandes façons d'allouer les ressources
11:47 dans une économie, soit dans une économie dirigée,
11:50 c'est un organe central qui alloue les ressources,
11:53 soit en économie de marché, c'est le système de prix.
11:56 C'est pas compris, mais puisqu'il y a plein d'économistes ici,
12:00 en fait, ce qui compte,
12:01 ce sont ce qu'on appelle les prix relatifs.
12:04 Donc le prix du lait face au prix du pain,
12:06 face au prix du pétrole.
12:08 L'inflation, c'est quelque chose
12:10 qui touche le niveau général des prix.
12:13 Et quand on a le niveau général des prix qui augmente,
12:16 il peut y avoir des modifications de prix relatifs.
12:20 Et selon que les prix relatifs...
12:22 Selon la façon dont ils évoluent,
12:24 ça peut toucher plus fortement les pauvres ou les riches.
12:27 Comme Philippe le disait tout à l'heure,
12:30 on a observé une augmentation spécifique
12:33 considérable des prix des produits alimentaires.
12:35 Dans le panier de consommation du tiers inférieur de la population
12:39 en termes de revenus, l'alimentation joue un rôle clé,
12:43 donc ça les touche significativement.
12:45 Donc pourquoi on s'intéresse à l'inflation ?
12:48 C'est pas parce que c'est un phénomène qui nous coûte,
12:52 c'est parce que ça dérègle tout le système économique.
12:55 -Juste une précision.
12:57 Est-ce que vous voulez dire que quand ça touche l'énergie
13:00 et l'agroalimentaire, ça touchera tout le reste ?
13:03 -Ça touchera tout le reste,
13:05 mais ça touche spécifiquement ceux pour lesquels,
13:08 les ménages pour lesquels, la part de leur consommation
13:12 allouée à l'énergie et à l'agroalimentaire
13:14 est importante.
13:16 Je viens directement à votre question.
13:18 Ca a été évoqué par mes camarades ici,
13:20 mais il y a trois, pour moi, éléments clés
13:23 qui ont conduit en partie à la situation
13:26 dans laquelle nous sommes.
13:28 La première, cet élément-là n'a pas été évoqué,
13:32 mais il me semble très important,
13:34 c'est difficile de l'appréhender,
13:36 mais il est vraisemblable qu'on a eu
13:38 une vague de mondialisation très forte
13:41 de 1990 jusqu'au Covid,
13:46 pendant 40 ans.
13:47 Cette vague de mondialisation,
13:50 elle s'est traduite notamment par la montée de la Chine,
13:53 qui nous a inondés de produits peu chers.
13:56 Donc, ça a été, d'une certaine façon,
13:59 un couvercle sur les prix en Occident.
14:02 Le deuxième élément qui a été évoqué,
14:04 c'est que, vers la fin de la période qu'on évoque,
14:07 mettons, 1980-2020,
14:10 sur ces 40 ans, dans les dix dernières années
14:13 de ces 40 ans, on a une oligopolisation
14:16 montante de l'économie,
14:18 notamment dans le numérique,
14:20 mais pas seulement.
14:22 Et on a une montée aussi des prix relatifs des abonnements
14:26 dans le numérique en lien avec cette oligopolisation.
14:31 Donc, ça, ça joue de manière significative
14:35 dans le changement...
14:38 Les économistes parlent de régime d'inflation.
14:41 Il y a un changement du régime d'inflation
14:43 depuis 4-5 ans.
14:45 Et le dernier élément, il faut quand même le dire,
14:48 c'est la guerre Russie-Ukraine,
14:51 qui a fait exploser les prix du gaz.
14:53 Alors, cette fois, c'est pas seulement les ménages,
14:55 c'est toute l'Europe qui est touchée,
14:58 puisqu'on importe beaucoup de gaz,
15:00 on le paye trois, quatre fois plus qu'avant la guerre.
15:03 -Une précision, Christian Saint-Etienne.
15:06 Est-ce que c'est l'inflation
15:09 qui est responsable d'une baisse de la croissance en Chine
15:13 ou c'est l'inverse ?
15:14 -Alors, la situation de la Chine est complexe.
15:19 Il y a deux phénomènes majeurs en Chine.
15:21 Si on regarde les quatre décennies que j'évoque,
15:25 la Chine a été reine les trois premières décennies,
15:28 elle est devenue l'usine du monde.
15:30 Le poids de la Chine est colossal,
15:32 c'est 23 à 25 % de la production manufacturière mondiale,
15:37 mais c'est la moitié de la consommation mondiale
15:42 d'acier, ciment, cuivre, ainsi de suite.
15:45 Donc, la Chine, c'est juste colossal.
15:47 Et le ralentissement chinois devrait contribuer, d'ailleurs,
15:52 à réduire un peu les tensions.
15:55 Mais dans les dernières années de ces 40 ans,
16:00 il y a eu l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir
16:03 et qui est en train...
16:05 Sans développer beaucoup,
16:08 mais les 30 premières années de ces 40 ans,
16:11 on a vécu dans le régime de Deng Xiaoping,
16:14 qui a été, dans le cadre communiste,
16:18 un régime d'ouverture, de semi-ouverture.
16:20 Et depuis dix ans,
16:22 c'est le retour d'une dictature extrêmement dure,
16:26 c'est l'aspect politique qu'on ne va pas traiter,
16:29 mais avec une conséquence qui est qu'il y a
16:32 une réintroduction du parti dans le monde des affaires
16:36 et il y a, depuis trois, quatre ans,
16:40 un durcissement du régime contre les innovateurs.
16:43 Et donc, tout ceci conduit
16:46 à ce que les investissements étrangers en Chine se réduisent
16:49 et vraisemblablement, le rythme de croissance de la Chine,
16:53 qui était à 8-9 %,
16:55 il est tendanciellement vers 2 ou 3 %.
16:58 Donc, la phase de globalisation se réduit...
17:03 -Il n'y a pas de lien direct ?
17:04 -Bah, dans un premier temps,
17:08 la Chine a contribué aux tensions
17:11 sur le marché des matières premières.
17:14 Là, dans les deux dernières années, c'était plutôt en sens inverse,
17:17 mais sur la Chine, il y a une interrogation
17:21 qui est liée à son contrôle sur un certain nombre
17:24 de technologies clés pour la transition énergétique,
17:28 sur les batteries, sur les terres rares,
17:30 et là, ils sont en mesure de nous imposer
17:33 des prix relatifs plus élevés que si c'était pas le cas.
17:36 -M. Hadjadoulazer, sur cette question-là,
17:39 quelle influence a l'inflation sur la croissance de l'Algérie
17:44 ou de l'Afrique en général,
17:46 ou des pays du Sud de manière plus globale ?
17:49 Est-ce que vous faites ce lien entre les deux ou pas ?
17:52 -De toute façon, l'Afrique est une économie ouverte,
17:57 ce sont des économies ouvertes,
17:59 donc tous ces phénomènes d'inflation,
18:02 évidemment, on les supporte directement.
18:05 L'inflation en Algérie est de 10 % environ,
18:08 elle est de 9,99 %,
18:10 pour ne pas quand même oser les deux chiffres.
18:15 Mais ne nous attardons pas là-dessus,
18:17 parce qu'il faut analyser les phénomènes monétaires mondiaux
18:22 pour comprendre l'inflation.
18:24 Actuellement, il y a...
18:27 Il y a un comportement différent des monnaies,
18:31 selon qu'on se situe en Chine, aux Etats-Unis,
18:35 en Russie, en Inde et en Europe.
18:40 Et ces phénomènes monétaires vont nous indiquer
18:44 comment vont se conduire les économies.
18:47 En Chine, il y a une tentation
18:51 de réduire la croissance de la valeur du yuan,
18:55 d'une certaine façon,
18:57 de lutter contre l'inflation qui viendrait de Chine,
19:01 parce que la Chine n'est pas encore suffisamment forte
19:05 pour remplacer le dollar.
19:07 Il faut bien se rendre compte
19:09 que les Chinois ont fixé un délai à 2040
19:13 pour être les dirigeants du monde,
19:16 mais pas seuls. Ils ne désirent pas diriger seuls le monde,
19:19 comme cela était le cas des Etats-Unis.
19:22 Les Russes ont réussi, de façon inattendue,
19:27 à sauver le rouble et à faire en sorte
19:29 que la valeur du rouble monte
19:31 et que l'inflation baisse de façon drastique,
19:34 puisqu'ils sont à 4 % d'inflation,
19:37 et que le taux de chômage a baissé d'un quart l'année dernière.
19:42 C'est très intéressant.
19:43 Et eux aussi sont dans une période de restructuration
19:47 comme la Chine.
19:48 Nous avons les Etats-Unis,
19:50 qui, à l'occasion de cette guerre d'Ukraine,
19:54 ont décidé, déjà depuis Trump,
19:57 une forme de restructuration rapide de leur économie,
20:00 puisque ce sont rendu compte que la mondialisation
20:04 les conduisait dans une impasse de dépendance absolue de la Chine.
20:07 Cette restructuration signifie quoi ?
20:10 Signifie tout simplement
20:12 qu'il faut réindustrialiser les Etats-Unis.
20:16 Alors, nous avons un besoin de réindustrialisation des Etats-Unis,
20:21 un besoin de restructuration de la Chine
20:24 pour accroître le marché interne
20:26 et être moins dépendant du marché extérieur,
20:29 un besoin de confortement dans son autarcie de l'économie russe
20:34 et un besoin de modernisation accélérée de l'Inde.
20:37 Et là-dedans, l'Europe, il n'y a pas de politique lisible.
20:42 Du coup, on a l'impression que l'Europe,
20:44 c'est cette masse énorme d'anciens consommateurs producteurs
20:49 qui va payer le prix de cette restructuration mondiale.
20:52 -Je terminerai rapidement.
20:54 Ce besoin de restructuration est un besoin de l'ordre de 10 ans.
20:58 On ne peut pas avoir une vision aujourd'hui
21:00 qui est une vision de court terme, ça n'a pas de sens.
21:03 Donc, l'inflation est un facteur de gestion.
21:06 Il y a ceux qui vont gérer l'inflation
21:09 pour restructurer cette fameuse équation
21:11 d'équilibre général de prix qui n'existe plus.
21:14 Tout le monde y a fait un peu référence.
21:17 Et le problème des oligarques,
21:19 c'est qu'aujourd'hui, ils ont une telle puissance
21:22 qu'ils interviennent sur la nature même de l'économie
21:25 et la nature de la bourse.
21:27 Donc, ils détournent des sommes colossales
21:30 pour accroître des profits qui ne profitent pas à l'économie
21:33 dans le sens de l'économie productive.
21:35 -On en vient à une question centrale.
21:38 J'aimerais avoir l'avis économique avec vous,
21:40 Philippe Askenazy,
21:42 et l'avis politique avec vous, Claude Reynaud.
21:45 On note, d'après la discussion,
21:48 que l'inflation serait un phénomène géopolitique.
21:51 Ca veut dire que pour combattre l'inflation,
21:54 est-ce qu'un pays peut le faire seul
21:56 ou il a besoin de régulations internationales
22:00 à partir des institutions financières ?
22:02 -Alors, s'il y a eu une étincelle
22:05 qui est venue de problématiques géopolitiques,
22:08 mais aussi en partie de spéculation,
22:10 je vous rappelle quand même
22:12 une partie de la forte montée
22:14 des prix énergétiques en 2022
22:18 venait d'une annonce des grands énergéticiens
22:21 à la fin du printemps 2022.
22:24 On va avoir une pénurie totale l'hiver prochain,
22:27 ce qui avait fait totalement exploser
22:30 les prix énergétiques.
22:32 Pénurie qu'il n'y a pas eu...
22:33 On pourra dire qu'après coup,
22:35 c'est parce qu'il y a un hiver pas si froid que cela,
22:38 parce qu'il y a eu des comportements
22:40 qui ont été modifiés,
22:42 mais tout cela aurait pu être...
22:44 Pas l'hiver, mais le changement de comportement
22:46 pouvait être très largement anticipé.
22:49 Il y a quand même des parts aussi spéculatives
22:51 qui jouent dans cette montée des prix,
22:54 et c'est vrai aussi pour certaines...
22:57 Pour d'autres types de matières...
23:00 De matières premières.
23:02 Donc, à partir de là,
23:05 on comprend bien qu'on ne rentre pas
23:07 dans une situation où il n'y a pas de solution.
23:10 D'ailleurs, si on regarde nos voisins européens,
23:13 on voit des derniers chiffres...
23:15 -Il y a une hétérogénéité des situations en Europe
23:18 sur l'inflation. -Oui, tout à fait.
23:20 Il y a des pays qui arrivent à gérer,
23:22 ou tout du moins qui sont sortis
23:24 d'une période de forte inflation,
23:26 ou qui n'ont pas les mêmes types de...
23:28 Vous allez en Espagne, vous allez...
23:31 En Belgique, on ne peut pas dire
23:33 que ce soit des pays très, très lointains
23:36 de la France.
23:37 On s'est trouvés au mois d'août,
23:39 et il y aura probablement le même type de chiffre
23:43 au mois de septembre, aux alentours de 2,5-3 % d'inflation.
23:46 C'est-à-dire pas très loin, finalement,
23:48 de la cible globale que veut avoir
23:50 la BCE.
23:53 Ce sont des pays qui ont connu... -La Banque centrale européenne.
23:56 -Ce sont des pays qui ont connu des pics d'inflation
24:00 plus marqués qu'en France,
24:02 mais sur lesquels, finalement,
24:05 les mécaniques concurrentielles
24:08 au sein des pays se remettent,
24:11 finalement, en jeu
24:13 et arrivent à limiter
24:15 les évolutions de prix.
24:18 Je voudrais dire qu'il n'y a pas une fatalité,
24:21 mais qu'on devrait se réinterroger dans chacun des pays
24:24 au fonctionnement des marchés.
24:27 Certes, on est dans un marché européen,
24:30 dans des marchés globaux,
24:31 mais beaucoup de choses se jouent au niveau strictement national,
24:36 que ce soit sur l'alimentaire,
24:40 en partie sur l'énergie, sur les services, etc.
24:43 Et c'est aussi au niveau national
24:46 qu'il faut réfléchir à,
24:47 si on reprend ces termes d'oligopoles,
24:51 de casser ces oligopoles,
24:53 qui sont très puissants en France,
24:55 plus puissants que chez d'autres voisins,
24:57 et qui nous installent dans une situation
25:00 où on a une forme d'inflation latente
25:02 aux alentours de 5 %,
25:04 qui se traduit aujourd'hui par des profits
25:06 qui croissent de manière significative.
25:09 -Alors, M. Reynaud, vous êtes un homme politique,
25:13 donc il vous revient aussi de nous donner
25:15 votre point de vue politique,
25:17 et votre point de vue politique est d'autant plus intéressant
25:21 que vous êtes dans l'opposition,
25:22 vous êtes sénateur socialiste.
25:24 Bon. Est-ce que vous considérez
25:27 que le combat, la lutte contre l'inflation,
25:32 elle est souveraine ou elle dépend de l'Union européenne
25:36 et est-ce que vous pensez que ce que fait
25:38 le gouvernement actuel sur l'inflation
25:41 va dans le bon sens
25:43 ou est-ce qu'il faudrait faire autre chose ?
25:46 -Je vais avoir un propos toujours nuancé
25:48 sur une question aussi complexe, quand même,
25:51 on vient de l'évoquer, que l'inflation.
25:53 Je partage ce qui a été dit par mon prédécesseur
25:56 sur l'idée qu'il y a toujours, toujours,
25:58 il faut partir de là,
26:00 une marge d'appréciation nationale.
26:02 Si on ne le pense pas...
26:04 -Marge d'appréciation, mais vous n'avez pas dit de solution.
26:07 -Oui, mais... -C'est pareil.
26:09 -Voilà, je mettais dans le même sens,
26:11 c'est-à-dire qu'il faut tenir compte
26:13 de ce qu'est son pays, son économie,
26:15 la manière de fonctionner, d'ailleurs,
26:18 pour citer des choses qui ont fonctionné
26:20 à un moment donné, mais qui n'avaient d'utilité
26:23 que dès l'instant où les prix de l'énergie,
26:25 comment dire, avaient un pic, mais redescendaient,
26:28 tout ce qui a été mis en place comme bouclier énergétique,
26:32 à un moment donné, ça a eu un impact sur l'inflation.
26:35 On avait une inflation en France
26:37 qui était plus basse que dans les autres pays.
26:39 Si elle a été plus basse, c'est parce qu'il y a eu
26:42 un apport de l'Etat et un endettement.
26:45 -On parlait d'un bouclier énergétique, par exemple.
26:47 -Bouclier énergétique, tout ce qui s'est fait
26:50 au niveau de l'électricité, au niveau du gaz,
26:54 bon, tout ça a maintenu une inflation plus basse.
26:57 D'ailleurs, les ministres...
26:58 -Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire autrement, par exemple ?
27:02 -Je pense que sur certaines parties, il n'y a pas de problème.
27:05 Sincèrement, sur la baisse du coût du pétrole,
27:10 là, par contre, nous avions une appréciation différente.
27:13 Nous pensions que c'était plus utile de soutenir les populations
27:17 qui en avaient besoin sur ces sujets
27:19 que d'avoir une baisse systématique de, je sais pas quoi,
27:22 20 centimes du litre, 30 centimes du litre,
27:25 qui, sincèrement, bénéficiait à tous.
27:27 Bon. Et est-ce qu'on en avait tous besoin ?
27:30 Voilà. Donc, l'argent étant rare,
27:32 il en est encore plus, d'ailleurs, maintenant,
27:35 il aurait peut-être mieux fallu cibler
27:38 sur les populations les plus impactées.
27:40 -Et comment on fait, par exemple,
27:43 pour vendre de l'essence moins chère à certains ?
27:46 -Je pense pas que ce soit ainsi.
27:48 -On va donner des cartes de rationnement ?
27:51 -Non, non. Il y a eu des chèques
27:53 qui ont été donnés à un moment donné.
27:55 C'est pas une solution qui...
27:57 C'est une solution assez facile à mettre en oeuvre,
28:00 bien sûr, à la marge.
28:01 Il peut y avoir ici ou là des personnes qui sont prises
28:04 ou pas prises, qui devraient l'être, OK,
28:06 mais globalement, ça peut répondre à ce type de demande.
28:10 On a su le gérer, et d'ailleurs,
28:11 les structures, de ce point de vue-là,
28:14 Bercy a répondu très vite et est devenu...
28:16 C'est transformé d'une structure qui récoltait d'impôts
28:19 à une structure qui distribuait des chèques
28:22 dans une vitesse, finalement, assez...
28:24 que personne n'aurait prédit.
28:26 Donc, finalement, il y a des solutions
28:28 et il y a eu des choses qui ont été positives,
28:31 qui ont permis de maintenir l'inflation.
28:33 Si, aujourd'hui, d'ailleurs, elle ne baisse pas plus,
28:36 c'est que, petit à petit, on fait disparaître ces boucliers,
28:39 que ça a un impact pour la remontée de l'inflation.
28:42 Donc, si vous faites diminuer les boucliers,
28:45 tous les systèmes sur l'électricité,
28:47 que vous réaugmentez l'électricité,
28:49 ça a maintenant un impact retardé sur l'inflation.
28:52 Il faut pas s'en étonner, mais c'est bien pour dire
28:55 qu'il y a des marges. Par contre,
28:57 il y a un domaine sur lequel, sincèrement, le gouvernement...
29:00 -Vous auriez fait un blocage des prix ?
29:02 -Oui, sur certains prix. -Par exemple,
29:04 sur l'énergie, vous auriez fait un blocage des prix ?
29:07 -C'est pas forcément sur l'énergie que j'ai dit ce que j'aurais...
29:11 -Sur l'essence, par exemple. -J'aurais joué par chèque.
29:14 Voilà. Pourquoi ?
29:15 Pourquoi pas un blocage ? -Et sur quoi
29:18 vous auriez fait un blocage des prix ?
29:20 -Sur l'alimentaire, sur les grands produits,
29:24 les produits des grandes...
29:26 Des grandes industries agroalimentaires,
29:28 oui, temporairement,
29:30 pour pas dire économie administrée,
29:33 méfie,
29:35 mais temporairement, oui, pourquoi pas,
29:37 des mesures de blocage de prix,
29:39 lorsqu'il y a les difficultés que l'on connaît.
29:42 Encore une fois, on peut parler de manière très...
29:45 Comment dire ? Intellectuellement très juste
29:47 des sujets inflationnistes, mais derrière,
29:50 il y a des hommes et des femmes qui souffrent.
29:53 Il faut répondre à ça.
29:54 Et donc, à un moment donné, il faut trouver des solutions
29:57 pour permettre, finalement, à la population de rester,
30:01 de pouvoir vivre, de pouvoir consommer,
30:04 de pouvoir consommer moins...
30:06 Evidemment, il y a toujours un impact.
30:08 Ça a été dit tout à l'heure.
30:10 Il y a toujours un impact,
30:11 mais il y a moyen, tout de même, de trouver des moyens pour cela.
30:15 Et il faut accepter, c'est le seul reproche,
30:18 si vous voulez, vraiment significatif,
30:20 que je fais au gouvernement,
30:22 il y en a de deux sortes.
30:23 Le premier, c'est qu'il faut ne pas dire juste
30:27 "je vais demander aux industriels", etc.,
30:29 mais à un moment donné, il faut faire des mesures coercitives
30:33 pour montrer le cap. C'est comme ça.
30:35 On est dans une période où il faut trouver des solutions,
30:38 et les bonnes solutions, il me semble que celles-là...
30:41 -C'est pas le gouvernement qui fixe les prix.
30:44 -Pourquoi pas ? Temporairement.
30:46 -Vous proposez cette chose-là.
30:47 -Vous pensez que le politique peut pas le faire ?
30:50 -Il peut plus rien faire.
30:52 Si il peut plus rien faire, laissons la clé aux oligarques,
30:55 et ils décideront ce qu'il faut faire.
30:57 Non. Il y a des possibilités de faire.
31:00 La deuxième chose, c'est un débat
31:02 plus droite-gauche, historique, traditionnel.
31:06 Fallait-il se priver de 50 milliards d'impôts annuels
31:10 par baisse d'impôts, etc.,
31:12 dans la période actuelle ?
31:14 Faut-il continuer à le faire
31:16 quand on est dans une période où la croissance est faible ?
31:20 Bon, j'ai mon avis, vous l'avez compris.
31:24 Je n'y suis pas favorable.
31:25 Je pense que, si vous voulez, la baisse,
31:29 la suppression de l'ATH a bénéficié aux gens qui l'ont payée.
31:33 -L'ATH, vous voulez dire ? -Taxe d'habitation.
31:35 Elle a bénéficié à ceux qui en payaient une.
31:38 En 30 % de la population,
31:40 les gens qui avaient des ressources n'ont rien vu passer
31:43 car ils n'ont pas payé de taxe d'habitation.
31:46 Tout ça peut être remis en discussion,
31:48 sans problème.
31:49 Il y a des logiques derrière cela, bien entendu.
31:52 Faut-il aujourd'hui continuer à baisser la CVE de 1 milliard ?
31:55 -C'est quoi, la CVE ? -Excusez-moi.
31:57 La contribution sur la valeur ajoutée des entreprises.
32:00 Faut-il le faire à 1 milliard alors qu'on nous expliquait,
32:04 quand on a réduit de 8 milliards à 4 milliards,
32:07 qu'en faisant ça, on n'avait plus l'effet de choc
32:10 lié à la baisse pour que les entreprises
32:13 finalement investissent davantage ?
32:15 On nous a expliqué ça en long, en large
32:17 et en travers. Maintenant, on va baisser
32:20 de 1 milliard par an.
32:21 Bon, mais gardons-le.
32:22 Il y a des gens qui en ont plus besoin pour l'instant.
32:25 -Merci.
32:27 ...
32:35 Alors, on va s'intéresser, maintenant,
32:37 très précisément à ceux qui profitent de l'inflation.
32:41 Sans manichéisme outrancier,
32:43 l'art dont parle la présidente de la Banque centrale européenne,
32:47 la française Christine Lagarde,
32:50 profite financièrement d'abord à ceux
32:54 qui ont des moyens matériels d'en disposer
32:57 et aussi à la spéculation.
33:00 C'est votre avis, Christian Saint-Etienne ?
33:02 -Dans l'immédiat, là, depuis deux ans,
33:05 il y a clairement le secteur énergétique
33:09 qui bénéficie de la crise,
33:11 à la fois les pays exportateurs de pétrole,
33:15 mais avec le basculement du gaz de la Russie vers les Etats-Unis,
33:20 il faut quand même qu'on ait à l'esprit
33:23 que les Européens payent quatre fois plus cher
33:26 le prix du gaz venant des Etats-Unis
33:28 que les Américains eux-mêmes.
33:30 Ca fait référence, d'ailleurs,
33:32 au fait que l'Europe n'est pas une puissance,
33:36 c'est une masse inorganisée en puissance.
33:39 C'est 27 pays qui sont ensemble,
33:42 mais avec des jeux de pouvoir complexes.
33:46 On ne va pas le développer ici,
33:48 mais avec la désindustrialisation française,
33:51 le pouvoir est passé de la France à l'Allemagne.
33:54 L'Allemagne mène une politique allemande en Europe,
33:57 elle sert ses intérêts, et ça a des conséquences
34:00 sur la façon dont l'Europe évolue,
34:02 notamment quand l'Allemagne décide de venir...
34:05 Alors, le mot est choquant, peut-être,
34:08 mais c'est de facto quand elle se contente à nouveau
34:12 d'être le valet des Américains,
34:14 ce que Schroder avait voulu modifier.
34:16 Il avait voulu prendre un peu d'écart
34:20 par rapport aux Etats-Unis, et là, avec Scholes,
34:22 on a un retour en lien avec la guerre d'Ukraine.
34:25 Donc, tous ces phénomènes font
34:27 qu'on a une Europe extrêmement affaiblie.
34:30 Malheureusement, je suis complètement d'accord avec monsieur,
34:34 c'est que l'Europe n'est pas un acteur,
34:36 mais une proie dans le jeu des puissances au plan mondial,
34:40 mais dans ce domaine, donc,
34:41 l'Europe n'ayant pas de ressources énergétiques,
34:44 et quand le prix du pétrole,
34:46 par le jeu de l'oligopole de production
34:49 et des décisions prises ensemble par l'Arabie saoudite et la Russie,
34:54 on maintient un prix du pétrole élevé,
34:56 c'est l'Europe qui paye,
34:58 puisque les Américains sont immunisés,
35:00 puisqu'ils produisent.
35:02 Les Russes, parmi les grandes puissances,
35:04 sont immunisés contre la hausse des prix du pétrole,
35:07 la Russie, par nature.
35:09 La Chine paye,
35:10 mais c'est une grande puissance exportatrice,
35:13 donc elle a une balance extérieure excédentaire.
35:16 Donc la puissance potentielle qui s'en prend plein la gueule,
35:20 c'est l'Europe, par absence de stratégie d'une part
35:22 et par absence de ressources de matière première.
35:25 Donc ça, c'est le premier secteur.
35:27 Mais le deuxième secteur, on l'a signalé tout à l'heure,
35:30 qui est une gifle pour les classes populaires
35:33 et les classes moyennes,
35:35 c'est la progression de l'agroalimentaire.
35:37 -On a beaucoup d'interrogations,
35:39 il y a eu pas mal d'études qui ont été faites.
35:42 On n'est pas encore au clair, je trouve,
35:44 sur ce qui s'est passé. -Sincèrement.
35:46 -On parle d'une augmentation des marges dans ce secteur.
35:50 -C'est scandaleux.
35:51 C'est ce que fait l'industrie agroalimentaire,
35:55 Philippe Askenazy,
35:56 parce que les marges sont considérables.
36:00 -Alors, elles étaient faibles et elles remontent.
36:03 -Je sais pas s'il faut parler de scandaleux.
36:05 Le scandale, c'est aussi qu'on a...
36:07 S'il s'agit de parler de scandale,
36:09 c'est qu'on a laissé s'organiser un système de marché
36:14 qui fait qu'il y a un pouvoir de marché
36:17 détenu par quelques grands acteurs,
36:19 que ce soit à travers leurs marques
36:21 ou par le fait qu'ils détiennent tout un portefeuille
36:24 de marques qui, vous, comme consommateur,
36:27 apparaissent, "je prends celle-ci plutôt que celle-là,
36:30 "ce sont des concurrents",
36:32 mais non, en fait, ils appartiennent au même groupe.
36:35 Donc on a laissé organiser un marché
36:38 où il y a un double pouvoir.
36:40 C'est-à-dire un pouvoir vis-à-vis de leurs salariés,
36:43 dans le sens que si vous êtes salarié dans l'agroalimentaire,
36:47 vous avez peu d'acteurs et donc peu d'employeurs possibles,
36:50 donc ils ont une capacité de compacter,
36:53 d'éviter des hausses de salaire,
36:55 alors même que ces salariés voient que les prix augmentent,
36:58 eux, ils voient pas leurs salaires augmenter,
37:01 donc il y a ce pouvoir à la fois vis-à-vis de leurs salariés
37:05 et vis-à-vis des distributeurs
37:08 et, in fine, des consommateurs.
37:10 Donc on se retrouve avec des niveaux de marge
37:13 dans l'agroalimentaire que l'on n'avait pas vus
37:16 depuis le milieu des années 1990,
37:20 donc il faut remonter quand même à beaucoup,
37:23 au tout du moins au second trimestre de 2023,
37:28 et si ça continue en tendance,
37:30 on risque de tomber dans une période historique
37:34 et qui correspond finalement à...
37:36 Là, on commence à avoir des travaux en microéconomie
37:39 qui montrent que les intrants,
37:41 notamment dans l'agroalimentaire,
37:43 que ce soit à la fois des intrants énergétiques
37:46 ou le blé, le riz, etc., qui ont augmenté,
37:49 eh bien, en gros, lorsqu'ils augmentaient de 100,
37:53 ce qui était répercuté in fine aux consommateurs était 130.
37:56 -Ils ont gardé cette marge.
37:58 -Et alors, en fait, lorsque ça baisse de 100,
38:01 il baisse de 60.
38:03 Donc, vous voyez, il y a un gros différentiel de 1 sur 2,
38:06 et donc, effectivement, il y a un effet un peu cumulatif.
38:10 Et plus on a une volatilité,
38:11 c'est ça, le point qui entretient l'inflation,
38:14 lorsque vous regardez les prix de l'énergie sur les marchés,
38:17 ils montent fortement, redescendent, puis remontent.
38:20 Cette volatilité fait des séries de marges
38:23 qui créent la marge, progressivement,
38:25 du fait de cette asymétrie.
38:28 C'est pour ça que, d'une certaine manière,
38:30 c'est totalement absurde de faire un contrôle des prix.
38:33 L'Etat, de fait, en fait un.
38:35 Par exemple, sur le cas du locatif,
38:37 il a serré la vis,
38:39 les propriétaires ne peuvent pas augmenter
38:42 au niveau de l'inflation
38:46 les niveaux des loyers.
38:48 Il pourrait y avoir,
38:49 puisqu'il y a des évidences empiriques
38:51 qui les margent, augmenter,
38:53 un élément qui n'est pas de figer les prix,
38:56 mais d'éviter qu'il y ait...
38:57 -Est-ce que, sur un point précis,
39:00 on s'aperçoit, aujourd'hui,
39:02 que dans les pharmacies,
39:04 il n'y a pas certains médicaments ?
39:06 Est-ce qu'à votre avis, c'est parce qu'il y a
39:09 de la spéculation dans l'industrie pharmaceutique...
39:12 -C'est un autre sujet. -C'est intéressant.
39:15 -C'est les politiques de santé françaises
39:17 depuis 30 ans qui ont fait porter les ajustements
39:20 sur l'industrie pharmaceutique.
39:22 Donc, on a réduit, là, en revanche,
39:24 très fortement les marges, ce qui explique
39:27 que les pharmaciens français sont allés produire ailleurs.
39:30 Et donc, souvent, il y a plus de production
39:33 sur le territoire national pour les produits essentiels.
39:36 D'ailleurs, le gouvernement s'interroge sur ça,
39:39 puisque, en termes de souveraineté,
39:41 perdre l'industrie pharmaceutique, c'est catastrophique.
39:44 Donc, on se dirige plutôt vers des remontées ciblées
39:48 de prix à condition que les pharmaciens
39:50 produisent à nouveau sur le territoire français.
39:53 Ca ne contribuera pas à la désinflation,
39:56 si on le fait. -Ce n'est pas
39:57 qu'une question française. Il y a des pénuries de médicaments
40:01 dans de nombreux pays et qui correspondent
40:03 à la fois à une problématique d'outils industriels,
40:06 mais aussi partout, de rapports de force
40:09 entre les Etats et les sécurités sociales,
40:13 en quelque sorte, qui veulent essayer
40:15 de contenir les évolutions des prix des médicaments
40:18 et l'industrie elle-même.
40:19 Il y a une part, quand même. Il n'y a pas que "on ne produit pas",
40:23 il y a aussi de chantage par derrière.
40:25 Mais ça, finalement, ça joue relativement peu
40:28 dans la dynamique telle que l'on a
40:31 aujourd'hui sur les prix.
40:35 Mais c'est vrai que ça participe pour les Français
40:38 de cette impression, finalement,
40:40 qu'on est dans une forme de France de disette.
40:43 On va prendre des médicaments à l'unité.
40:48 On voit la déconsommation,
40:49 parce que vous avez en volume la consommation alimentaire
40:53 des biens de première nécessité
40:55 qui décroissent.
40:58 Et donc, ce qu'on voit plutôt
41:01 dans un monde de déflation,
41:03 dans ce monde de déflation qu'on a aujourd'hui,
41:06 on a une déconsommation. -M. Nasser,
41:08 je voudrais vous interroger sur les pays
41:11 qui disposent des matières premières.
41:13 Est-ce qu'elles sont les profiteuses
41:16 de l'inflation aussi ?
41:18 On l'a vu pour l'industrie agroalimentaire,
41:20 on vient de le voir pour la pharmacie.
41:23 Est-ce que les pays producteurs
41:26 d'énergie tirent profit de l'inflation ?
41:30 -En apparence, oui, bien évidemment,
41:34 puisque les prix des matières premières montent.
41:37 En apparence.
41:38 Mais ces prix sont libellés en monnaie
41:42 qui, elles, n'appartiennent pas aux pays producteurs.
41:45 C'est-à-dire qu'effectivement, sur le très long terme,
41:49 le pétrole vaut le dollar qui vaut l'or.
41:52 Sur très long terme.
41:54 Mais le pétrole est libellé en dollars,
41:56 même s'il y a une tendance à la dédollarisation actuellement.
42:00 -Pardonnez-moi, pour les téléspectateurs,
42:02 vous voulez dire que l'effet de profit d'un côté
42:05 est compensé par la manipulation sur la monnaie ?
42:09 -Donc, j'allais en venir à votre question sous-jacente,
42:13 c'est où est le pouvoir ?
42:14 Qui manipule qui dans ses opérations d'inflation ?
42:19 Donc, effectivement, nous avons, on va dire,
42:22 l'apparence d'une richesse provisoire
42:25 des pays producteurs de matières premières.
42:28 Mais la réalité est quelque chose de différent.
42:31 La réalité...
42:32 D'abord, n'oublions pas que l'inflation,
42:35 c'est le pari sur le temps.
42:36 Et le taux de change, c'est le pari sur la circulation
42:40 dans le temps, dans l'espace.
42:42 Parce que le taux de change, c'est ce qui vous permet
42:45 d'aller dans un endroit plutôt que dans un autre.
42:48 Et l'inflation, c'est la confiance que vous avez dans l'avenir.
42:52 Quand l'inflation est forte, vous n'avez pas confiance.
42:55 Nous sommes dans une situation où, comme je vous disais,
42:58 la Chine, la Russie, l'Inde ont intérêt
43:02 à une économie américaine relativement puissante.
43:06 Ils ne veulent pas de l'effondrement
43:08 de l'économie américaine. -Mais personne ne veut de ça.
43:12 -Ce n'est pas évident, parce qu'on peut croire
43:14 que la guerre vise à l'effondrement.
43:17 Or, l'effondrement d'un colosse comme les Etats-Unis,
43:20 c'est pire que la bombe atomique.
43:22 Donc, on va se liguer,
43:24 tout en faisant des discours différents,
43:27 pour que les Etats-Unis puissent faire
43:29 leur restructuration industrielle.
43:31 Mais cela signifie qu'il faut regarder de plus près,
43:35 justement, pour un pays producteur de matières premières,
43:39 de ce qu'est le dollar.
43:40 Le dollar, c'est la Fed.
43:42 La Fed, c'est la Banque centrale américaine, bien évidemment.
43:47 Or, la Banque centrale américaine
43:49 nous a montré quelque chose qui est assez extraordinaire,
43:52 qu'on n'a jamais vu auparavant.
43:54 La Banque centrale américaine, qui vaut 10 000 milliards de dollars,
43:58 confie tous ses avoirs à BlackRock,
44:01 qui vaut un peu moins que 10 000 milliards,
44:04 qui vaut 9 000 milliards de dollars.
44:06 Ca signifie que l'intérêt général
44:08 est confié à l'intérêt particulier.
44:10 Mais on est dans une aberration absolue.
44:12 Ca veut dire que la politique monétaire
44:15 est entre les mains de gens qui sont désignés
44:17 pour l'intérêt général.
44:19 L'intérêt général des Américains,
44:21 mais l'intérêt général du monde entier,
44:24 puisque nous devrions tous voter pour le président des Etats-Unis,
44:28 vu qu'il dirige le monde.
44:29 Cela signifie que...
44:31 La... Comment dire ?
44:34 La maîtrise de la création de la monnaie,
44:37 mais aussi la maîtrise de la valeur de cette monnaie
44:40 qui permet de libeller les matières premières,
44:43 car la seule richesse dépend d'intérêts privés,
44:46 qui sont ces fameux intervenants dont on se plaint.
44:49 Je vais vous donner un exemple.
44:51 -Après, je voudrais demander l'avis de Christian Saint-Etienne.
44:56 -Je vais donner un exemple. L'or.
44:58 L'or...
44:59 L'or, ce qui est intéressant avec l'or,
45:01 c'est la seule matière où un gramme vaudra toujours un gramme,
45:05 car il ne se détériore pas.
45:06 C'est pour ça que c'est la monnaie absolue
45:09 de tout temps chez tous les peuples.
45:11 Après, on aime, on n'aime pas, selon qu'on soit de telle ou telle économie.
45:15 Néanmoins, l'or,
45:18 si on regardait la valeur intrinsèque de l'or
45:21 par rapport à la valeur, on va dire, des PIB des différents pays,
45:26 l'or devrait valoir quatre fois plus que ce qu'il ne vaut aujourd'hui.
45:30 Pourquoi ne vaut-il pas ce qu'il devrait valoir
45:33 en tant que matière première ?
45:35 Parce que vous avez tout simplement ces spéculateurs
45:38 qu'on va pas nommer comme BlackRock,
45:40 comme par exemple le Gold Exchange Standard de Londres, etc.,
45:45 et mettent aujourd'hui infiniment plus d'or papier
45:48 qu'il n'y a d'or physique.
45:50 Donc, quand vous êtes un individu, un acteur, un pays, le Mali,
45:54 et que vous voulez acheter ou vendre de l'or,
45:57 en fait, vous êtes sur un marché
45:59 qui est un marché artificiel, qui ne correspond pas à la réalité.
46:03 Donc, en réalité, vous êtes trompé. Il n'y a pas de marché.
46:06 -Laissez-moi avoir l'avis de Christian Saint-Etienne là-dessus.
46:10 Est-ce que vous pensez, vous, Christian Saint-Etienne,
46:13 que tout dépend des Etats-Unis ?
46:16 -Les Etats-Unis ont une place disproportionnée
46:19 dans l'économie mondiale,
46:21 puisque notamment par l'importance de leur marché financier.
46:25 C'est même encore aujourd'hui
46:28 le marché financier directeur pour l'Europe, par exemple.
46:32 Donc, les Etats-Unis ont une place disproportionnée.
46:35 La montée de la Chine conduit à un rééquilibrage, malgré tout,
46:39 mais il y a une vraie question, là,
46:43 sur l'inflation, quand même, qui nous concerne.
46:46 C'est que...
46:47 Il faut quand même pas oublier
46:49 ce qui se passe avec la guerre en Ukraine.
46:52 Les Américains, par l'intermédiaire de cette guerre,
46:55 ont purement et simplement repris le contrôle de l'Europe.
46:58 Mais ils n'ont pas repris le contrôle de l'Europe
47:01 pour servir l'Europe, mais pour servir leurs intérêts,
47:04 parce qu'il y a un conflit entre la Chine et les Etats-Unis
47:07 dans la situation mondiale.
47:09 Pour les Américains, reprendre le contrôle de l'Europe,
47:12 c'est un moyen, à l'horizon des 15 prochaines années,
47:16 d'affaiblir la Chine.
47:17 Et dans ce contexte-là, les Américains en profitent,
47:21 comme je le disais, pour nous donner de l'énergie
47:24 à la place de la Russie, mais à des prix phénoménaux.
47:28 Si... Personne ne peut anticiper,
47:30 mais si demain, il devait y avoir un accord,
47:33 au moins, de cesser le feu
47:36 entre l'Ukraine et la Russie,
47:38 avec une réouverture des marchés des matières premières,
47:41 dans une émission future que vous feriez,
47:44 on constaterait une désinflation massive
47:47 si le prix du gaz était divisé par quatre.
47:49 Donc, la guerre en Europe... Enfin, la guerre en Ukraine,
47:54 elle a un impact majeur du fait de la reprise de contrôle
47:58 de l'Europe par les Etats-Unis pour servir leurs intérêts.
48:01 Je donne juste un chiffre.
48:03 Les Etats-Unis ont déboursé, effectivement,
48:06 40 milliards de dollars d'aides.
48:09 Ils ont fait voter des lois à hauteur de 80 milliards,
48:12 mais ils ont déboursé 40 milliards sur l'année 2022
48:17 et le début de 2023.
48:20 Le surcoût que les Européens ont payé sur le prix du gaz,
48:24 alors, on va dire que c'est un pur hasard,
48:27 et ça l'est, probablement, mais c'est 40 milliards de dollars,
48:31 par rapport à ce qu'on aurait déboursé
48:34 pour la même quantité de gaz s'il était venu de Russie
48:37 avant la guerre.
48:38 C'est-à-dire que ce sont les Européens
48:40 qui payent pour la politique américaine en Ukraine.
48:43 Je dis pas que c'est ce qu'il faudrait arriver à faire.
48:46 Il faut certainement aider l'Ukraine face à la Russie,
48:49 mais il faut bien comprendre qu'il y a des phénomènes géopolitiques
48:53 massifs derrière l'inflation. -Monsieur Reynaud,
48:56 je voudrais voir avec vous revenir un peu en terrain français.
49:00 On laisse entendre que les pays endettés,
49:04 ce qui est le cas de la France,
49:06 tirent profit indirectement de l'inflation
49:10 et que, finalement, c'est les classes moyennes
49:13 à faible revenu qui trinquent.
49:16 Autrement dit, est-ce que l'un compense l'autre ?
49:20 Est-ce qu'il y a de la réalité dans ce fait
49:23 que quand on a de la dette, on est profiteur de l'inflation ?
49:29 -C'est toujours, comme toutes les questions que vous posez,
49:32 il n'y a jamais une réponse simple à un sujet de cette nature.
49:36 Si vous voulez me dire que tant qu'on a une inflation
49:41 supérieure au taux d'intérêt,
49:44 la dette d'un Etat, finalement,
49:48 comment dire, baisse,
49:51 d'une certaine façon, en valeur réelle,
49:54 la réponse est oui. C'est technique.
49:58 Comme, de toute façon, c'est pas une position permanente.
50:01 Il faut bien se dire qu'à un moment donné,
50:04 l'inflation reviendra en dessous du taux d'intérêt
50:07 et là, par contre, on arrivera à une augmentation de la dette
50:11 qui sera un problème.
50:12 Deuxième aspect...
50:14 Deuxième aspect, qui paye ?
50:17 -C'est ça. -Il y a beaucoup de gens
50:19 qui payent. Donc, ceux qui payent dans leur chair,
50:22 d'une certaine façon, excusez-moi de le dire comme ça,
50:26 à se payer la nourriture de qualité, etc.
50:30 Oui, là, il y a... -Ca, c'est des millions de personnes.
50:33 -Oui, c'est des millions de personnes.
50:35 Il faut en prendre en compte et trouver une solution.
50:38 Si vous la trouvez pas, je veux dire,
50:40 les crises sociales, ça existe, ça a déjà existé,
50:43 ça peut réexister.
50:44 On ne les souhaite jamais, mais tout d'un coup, on les découvre.
50:48 Donc là, nous avons un risque là-dessus.
50:52 Donc, qui perd ?
50:54 Ceux-là, ça, c'est sûr, ça a été expliqué tout à l'heure.
50:57 Très clairement, ça dépend, évidemment,
51:00 de la part de l'alimentation dans un budget.
51:02 Plus, moins vous avez de ressources,
51:04 plus la part de l'alimentation est élevée.
51:07 Si c'est là qu'est l'inflation la plus forte,
51:09 vous êtes plus touché que quelqu'un qui a des ressources
51:13 et pour lequel l'inflation, finalement,
51:15 représente une part minime de son budget.
51:19 Tout le monde le comprend.
51:20 Deuxième aspect, sont-ils les seuls à payer ?
51:23 Non. Évidemment, tout ce qu'on appelle les classes moyennes
51:26 sont touchées également.
51:28 Tout dépend où on arrête le curseur.
51:30 Je ne vais pas me rentrer là-dedans.
51:32 Mais on assiste, donc, et ça a été évoqué également,
51:35 à une question qui est plus psychologique,
51:37 qui est la question du déclassement,
51:39 c'est-à-dire de l'impression que, petit à petit,
51:42 et donc on se dit, mais notre avenir
51:44 va être marqué par ça.
51:46 Et troisième point, excusez-moi de le dire,
51:49 vous avez tous les rentiers.
51:51 Évidemment, tout ce qui est rente,
51:54 tout ce qui est placement, etc.,
51:56 est touché directement par l'inflation.
51:58 -Merci. M. Radjacer, il nous reste deux minutes.
52:01 Vous vouliez dire quelque chose ?
52:03 -On n'a pas abordé la trappe de la dette.
52:06 Nous sommes dans une situation...
52:08 -On a peu de temps. -Oui, très rapidement.
52:10 Les Etats-Unis et l'Europe ne peuvent pas rembourser la dette.
52:15 Ils se refinancent à travers des obligations
52:17 dont les taux d'intérêt sont tellement élevés
52:20 et vont être de plus en plus élevés
52:22 que, de toute façon, il va y avoir un moment
52:25 où il faudra décider en interne une restructuration drastique.
52:29 C'est à ce moment-là que se posera la question
52:31 de qui doit payer le prix de cette restructuration.
52:34 La dette est impayable. C'est impossible techniquement.
52:37 On a déjà tout essayé.
52:39 La création monétaire a coûté 1 000 milliards de dollars et d'euros.
52:43 On a essayé aussi le refinancement contre-cycliques keynésiens,
52:47 mais pas au moment où il fallait.
52:49 Vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre.
52:51 -Juste un mot pour conclure, Philippe Ascherazi.
52:54 C'est un mal nécessaire, en deux mots ?
52:56 -Non, je pense pas. -Ah oui ?
52:58 -Non, c'est vraiment pas un mal nécessaire.
53:01 -Donc c'est un mal à combattre ?
53:03 -C'est un mal à combattre, surtout avec ce qu'on a mis en avant,
53:07 c'est-à-dire les populations touchées.
53:09 Il n'y a pas de femmes autour de nous,
53:11 mais les femmes seules avec enfants, typiquement,
53:14 sont les populations les plus touchées.
53:17 -Vous êtes tous d'accord pour dire que c'est un facteur
53:20 de précarité et de déclassement ? -Tel qu'elle est aujourd'hui.
53:23 -Merci. Écoutez, je vais vous présenter
53:26 brièvement une bibliographie.
53:28 Alors, il y a beaucoup de publications scientifiques
53:32 et économiques sur l'inflation.
53:35 Je voudrais citer les cahiers français
53:38 "Faire face à l'inflation",
53:40 de la documentation française.
53:42 Philippe Ascherazi, vous avez publié un ouvrage
53:45 qui s'appelle "Partager les richesses",
53:48 c'est Odile Jacob. C'est pas une lubie, ça,
53:50 de partager les richesses ? Quand on les a,
53:52 on les garde pour soi ? -Oui, mais justement,
53:55 c'est peut-être le rôle du politique
53:57 d'intervenir pour assurer ce partage.
54:01 -Oui. Christian Saint-Etienne, vous,
54:03 le libéralisme stratège,
54:05 vous croyez encore que le libéralisme
54:07 peut amoindrir les conséquences de l'inflation,
54:12 mais on a très peu de temps.
54:14 -Il y a deux libéralismes,
54:15 celui qui est dérégulé et celui dans lequel
54:18 un Etat stratège puissant donne des orientations.
54:21 Je pense qu'une réindustrialisation forte
54:24 avec un financement adapté,
54:27 c'est un élément pour aider les classes moyennes
54:30 et les classes populaires de s'arracher à la pauvreté.
54:34 -Merci. Il nous reste à vous présenter
54:36 le livre d'Éric Eyer sur l'économie française,
54:39 qui a été publié par l'OFCE en 2023.
54:43 Les notes de l'INSEE, de l'OFCE, du Credoc,
54:48 enfin, il y a énormément de publications là-dessus.
54:52 On peut en lire, on peut s'en référer,
54:56 mais je voudrais, en fin d'émission,
55:00 vous remercier, messieurs, d'avoir participé
55:03 et d'avoir esquissé quelques solutions,
55:07 en tout cas, peut-être pas des solutions,
55:09 mais des corrections à apporter
55:11 à tous ces chocs inflationnistes.
55:13 Avant de nous quitter,
55:15 je voudrais vous laisser avec cette réflexion.
55:19 L'inflation détruit les nations et les sociétés
55:22 avec la même brutalité que les armées d'envahisseurs.
55:26 Vous pourriez dire de qui c'est ?
55:28 -Il y a plusieurs possibilités.
55:32 -Marxiste ? Libéraliste ?
55:35 -Ca pourrait être Keynes, mais...
55:37 -C'est Margaret Thatcher. -Margaret Thatcher.
55:41 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
55:44 Générique
55:47 ...

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