• l’année dernière
Les livres et Marie Laure Tanguy c’est une grande histoire d’amour.
« Depuis l’âge de 12 ans j’aime les livres, j’écrivais mon journal et je voulais relier mes différents carnet et un jour en me promenant je suis tombée sur un atelier de restauration, j’ai passé la porte et depuis je sais que je veux faire ce métier ».
A 14 ans elle trouve des cours de reliure à Echirolles près de Grenoble puis après son bac elle travaille bénévolement chez un relieur avant de s’inscrire à la fac d’histoire de l’art et de passer son CAP de reliure à Lyon.
Aujourd’hui, elle a 60 ans. Installée depuis de nombreuses années dans l’écusson de Montpellier près de la place de la Canourgue.
« Je travaille avec les meme outils qu’à mes débuts, ceux que mon père m’a construit ». Elle restaure donc des livres uniquement de particuliers.

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Transcription
00:00 et France Roi Occitanie comme chaque matin avec, sur le coup de 7h15, notre rendez-vous
00:04 qui s'appelle l'Éco d'ici. On vous présente des éroltés qui ont une passion. C'est le
00:09 cas j'imagine ce matin avec Marie-Laure Tanguy qui est avec nous. Bonjour !
00:13 - Bonjour ! - Bienvenue sur France Bluéro !
00:15 - Merci de me recevoir ! - Bah écoutez, ça nous fait plaisir, merci
00:17 d'être là en tout cas. Alors Sébastien Guillaume, je vais vous dire la vérité, je
00:22 le savais pas, j'avais pas capté, mais en fait je connais Marie-Laure Tanguy.
00:25 - Ah mais vous connaissez tous les jours les invités de l'Éco d'ici vous !
00:28 - En fait je me souviens vous avoir vu à la télé et justement sur France 3, il y avait
00:31 eu un reportage sur vous. Je me trompe ou pas non ?
00:34 - Hum ? - Ah je me suis trompé en fait ! Vous n'êtes
00:38 pas passée à la télé, vous n'avez pas fait un reportage pour France 3 où on vous
00:41 voit justement en train de restaurer vos livres ?
00:42 - Alors écoutez, je ne crois pas. - Ah bon bah voilà, j'ai fait une erreur,
00:47 excusez-moi, je suis désolé. - Est-ce que c'était dans mon atelier peut-être ?
00:49 Est-ce que j'étais dans mon atelier ? - Oui vous étiez dans votre atelier, vous
00:52 étiez en train de parler même. - Ah bon ?
00:54 - En train de ? - Bravo !
00:55 - Ah bah voilà c'est ça ! - D'accord.
00:56 - Parce que je me souviens être en train de parler, je ne connaissais pas ce terme,
00:59 je ne connaissais pas ce verbe "parer". - Parer ?
01:00 - Parer, voilà. - Bravo, vous vous en souvenez ?
01:01 - Et en fait dans ce domaine-là, oui oui oui, en fait je me souviens bien parce que je me
01:05 suis dit "mais ce mot je ne le connais pas". Et en vous revoyant en rentrant dans ce studio,
01:08 je me suis dit... - Vous avez une bonne mémoire.
01:09 - Bah oui j'ai une très bonne mémoire. Et pourtant, je vais vous dire la vérité, j'ai
01:13 pas beaucoup de livres à la maison. Mais bon, voilà.
01:15 Vous venez d'où donc, de Montpellier ? - À Montpellier, je suis installée, l'atelier
01:18 du livre se trouve tout près de la place de la Canau, rue Jean-Jacques Rousseau.
01:21 - D'accord, ça c'est votre atelier, mais vous personnellement, vous venez de Montpellier,
01:24 vous êtes montpellierenne ? - Montpellier, oui j'en suis très proche,
01:26 voilà. - Voilà, depuis toujours vous êtes montpellierenne,
01:27 vous êtes érorotiste ? - Voilà, il y a une trentaine d'ans, mais
01:29 je me sens montpellierenne, voilà. - D'accord, bah écoutez...
01:31 - Je pense être adoptée. - Bienvenue parmi vous, parmi nous pardon,
01:34 effectivement je ne suis pas celui qui a le plus de livres, mais mes camarades...
01:37 - Les plus vieux bouquins c'est des boules et billes.
01:39 - Ouais, moi je suis plus boules et billes. - Ah mais c'est intéressant, ça se restaure,
01:41 les premiers boules et billes se restaurent. - Ah bah oui, c'est vrai qu'ils ne sont pas
01:44 en très très bon état, mes boules et billes. - Voilà, prends soin.
01:46 - J'ai aussi un club des cinq, mais alors ça je ne m'en rappelle plus.
01:49 - Les albums de Tintin, ça se restaure ? - Oui, bien sûr, oui.
01:53 - Les mecs qui sont dans un sale état. - Il y a une technique de restauration particulière,
01:55 mais on ne les restaure pas tous, il faut qu'ils soient suffisamment anciens pour être
01:58 restaurables. - Bon, parlons en tout cas de restauration
02:00 de livres, puisque c'est le thème ce matin dans l'écoute d'ici Guillaume.
02:07 C'est une passion que vous avez depuis le plus jeune âge en fait, je crois.
02:10 - Oui, tout à fait, oui. J'ai toujours aimé écrire, j'ai toujours aimé le papier, j'ai
02:15 toujours aimé lire et écrire. Le contact, surtout dans l'écriture, ce que j'aime beaucoup,
02:20 c'est le contact du stylo, du feutre, de la plume qu'on va choisir pour tel papier. Et
02:26 voilà, il y a un contact un peu charnel, sensuel avec le papier. Et du coup, petit à petit,
02:34 je suis venue à la reliure dès l'âge de 12-13 ans.
02:38 - Oui, parce qu'enfin, vous vouliez relier vos carnets.
02:41 - Voilà, exactement. Et ces livres secrets, après je me suis rendu compte que je devais
02:46 les confier à un relieur pour qu'il les relie, qu'il les mette ensemble. Et là, c'était
02:53 hors de question que je confie ces ouvrages à quelqu'un. Et je me suis dit, tiens, tu
02:57 pourrais le faire. Et voilà, j'ai commencé à prendre des cours en maison pour tous.
03:02 - À 14 ans, je crois, vous prenez des cours de reliure à Échirol, au Pays de Grenoble.
03:07 - Voilà, exactement, où j'habitais en MJC.
03:10 - C'est vraiment une idée que vous aviez en tête.
03:13 - Voilà, une idée fixe. Et voilà, mon père m'a dit, passe ton bac d'abord, on verra
03:18 après. Et puis, il a sûrement bien fait. Et j'ai passé mon CAP après le bac. Et voilà,
03:25 après je me suis installée, j'ai créé mon atelier.
03:28 - Dans l'église, donc, à Montpellier.
03:29 - Alors non, j'ai créé ce premier atelier à Échirol.
03:32 - Et Montpellier, depuis combien de temps, donc ?
03:34 - Montpellier, ça fait 30 ans que je suis à Montpellier. La vie familiale m'a amenée
03:39 jusqu'ici. Et j'ai eu la chance de travailler aux archives départementales, à l'atelier
03:43 de restauration. Parce qu'à la base, je suis reliure et pas restaurateur, donc on n'a pas
03:48 le même esprit. Et j'ai pu me former, grâce aux archives départementales, à la Bibliothèque
03:53 nationale, aux archives nationales, à ce métier de restaurateur.
03:56 - Alors c'est un métier qui a tendance à disparaître, peu à peu, au fil du temps.
04:00 Je crois que sur Montpellier, vous étiez 4 avant, vous n'êtes plus que 2 aujourd'hui ?
04:04 - Oui, tout à fait, oui. On n'est pas très nombreux, effectivement.
04:08 - Parce que quoi ? Moins de demandes, moins de clients ?
04:10 - Alors, je pense qu'il y a un coût qui était différent il y a 50 ans. Parce que pour l'artisanat,
04:18 de toute façon, tous les métiers de l'artisanat sont plus chargés qu'avant. Donc je pense
04:23 que c'est ce coût-là. Il y a le numérique, qui fait que les gens lisent beaucoup, mais
04:29 peut-être plus sur tablette, plus sur livre de poche, livre brochet. En tout cas, moi,
04:35 j'ai suffisamment de travail pour travailler, pour moi seule, en tant qu'artisan.
04:41 - Alors, qui sont vos clients aujourd'hui ? Parce que le livre ancien, c'est souvent
04:45 un objet de collection, mais ce n'est pas quelque chose qu'on va consommer, qu'on consomme
04:49 comme bouquin, qu'on va acheter aujourd'hui avec une simple relure en carton. Mais vous
04:54 avez quand même des clients qui restent attachés au livre ancien, et qui ont besoin de le
04:59 restaurer. - Oui, alors il y a des bibliophiles, parce
05:03 que je fais de la relure et de la restauration. Voilà, c'est pas tout à fait le même esprit.
05:06 - C'est quoi la différence ? - Alors, la relure, on part d'un livre brochet,
05:09 c'est-à-dire un livre en cahier, qu'on va coudre, et habillé de carton, et puis après
05:15 de toile, de cuir, suivant le budget, le souhait du client. Et la restauration livre ancien,
05:20 on prend un livre qui est déjà relié, ou qu'on veut conserver dans son état. Ça
05:27 peut être aussi un livre brochet qu'on veut conserver, ils peuvent avoir énormément
05:30 de valeur financière et affective, qu'on veut conserver dans son état. Et sur un livre
05:35 lié, on va garder toutes les techniques anciennes. C'est-à-dire, si on a un livre du XIIe siècle,
05:40 il est hors de question de changer la couture. Si la couture est en bon état, on va la conserver.
05:44 Si les plats peuvent être en bois, on va garder un maximum des techniques et des matériaux
05:50 d'origine. - La restauration, ça peut aller jusqu'au
05:53 papier, la couleur du papier, ou ça vous y touchez pas trop parce que c'est risqué ?
05:56 - Tout à fait. Alors après, je peux travailler, je restaure bien entendu les déchirures, les
06:00 lacunes sur le papier, mais si un ouvrage est trop endommagé, je fais appel à une restauratrice
06:05 qui travaille uniquement le papier. Quand vous avez un ouvrage qui fait 500 pages ou
06:09 Camille Feuillet, moi je ne suis pas équipée pour restaurer ce papier, donc je fais appel
06:15 à une collègue qui restaure uniquement le papier. - Et comment on redonne une seconde
06:18 jeunesse à un livre que le temps a abîmé, jauni ? Il y a des produits pour ça ? Il
06:24 y a des techniques ? Il y a évidemment un savoir-faire, j'imagine ?
06:27 - Moi j'utilise très peu de produits chimiques. Mes colles sont réversibles, elles ont un
06:32 pH neutre. Il peut y avoir des lavages de papier, mais on n'utilise pas, on utilisait
06:37 le chlore il y a quelques années, mais ça on ne le fait plus parce qu'on s'est rendu
06:42 compte des dégâts que ça créait sur les ouvrages. On fait un état des lieux du livre
06:49 quand il arrive à l'atelier, et après cet état des lieux, on décide de refaire la
06:54 couture ou non, si on la refait, on la refait à l'identique. C'est vrai que les techniques
06:58 ont évolué au fil des siècles, donc la couture est différente au Moyen-Âge que
07:05 celle qu'on fait actuellement. - Marie-Laure Tanguy, vous disiez que vous
07:07 aviez suffisamment de travail pour vous, moi je me posais la question, est-ce qu'on arrive
07:12 à vivre de ça ? Ça coûte cher de faire un livre de restauration ?
07:17 - Ça semble toujours cher. - Ça va de combien à combien pour connaître
07:20 une ordre d'idée ? - Ça peut être de 80, 90 euros, ça peut
07:26 être des sommes importantes. Déjà l'état de l'ouvrage quand il arrive à l'atelier,
07:31 s'il y a beaucoup de restauration à faire sur le papier, et après du souhait aussi
07:37 du client, s'il veut du cuir, de la toile. - J'ai une dernière question, quel est le
07:41 livre ancien le plus précieux, le plus rare que vous ayez eu entre les mains au point
07:47 de presque d'entrembler et de vous dire "ouh là là, ça c'est quand même..."
07:51 - Alors le livre qui a créé le plus d'émotions, c'est quand je travaillais aux archives départementales,
07:58 c'est le Cartulaire de Valmagne, qui est un manuscrit du XIIIe siècle, que l'abbaye de
08:03 Valmagne avait... c'est un don qu'elle avait fait au département, et il est constitué
08:08 de deux ouvrages, c'est un recueil de chartes, le cartulaire, écrit sur parchemin, puisqu'au
08:15 XIIe siècle on n'avait pas de papier encore, en France en tout cas, et donc il a fallu...
08:22 il y avait des plats en bois, cuir, donc ça a été un grand moment d'émotion, ça a
08:26 vraiment été une belle confiance qui m'a été faite.
08:30 - Et en deux mots, parce que je me rappelle quand même du coup du verbe "parer", ça
08:34 veut dire quoi alors du coup "parer" ? - Alors "parer" c'est "amassir", c'est amassir
08:38 le cuir, parce que le cuir on a besoin... le tanneur, bon j'essaie de travailler uniquement
08:43 avec des artisans français, dans les matériaux que j'utilise, donc le cuir vient du tarn,
08:50 et il a une certaine épaisseur quand il arrive à l'atelier, et pour pouvoir plier à certains
08:55 endroits, il faut qu'il soit plus fin, donc c'est l'accent de "parer", d'amassir avec
09:00 un couteau à parer.
09:01 - Voilà, vous avez une espèce de raclette pour...
09:03 - Voilà, c'est un couteau.
09:04 - Ah c'est un couteau, oui, voilà, je ne fais pas le terme technique, je ne suis pas
09:08 dans ce domaine-là moi.
09:09 - Mais aussi au niveau de l'émotion, c'est vrai qu'il y a des ouvrages au quotidien,
09:14 je relis très souvent la Bible, il y a toujours au moins une Bible à l'atelier, et ça c'est
09:17 toujours un moment d'émotion, parce que c'est souvent des gens que je ne reverrai pas, et
09:21 ils me confient cette Bible qui a été transmise dans la famille, et ils tiennent à la transmettre
09:27 eux-mêmes en bon état.
09:28 - Ça s'appelle "L'Atelier du Livre", c'est dans l'écusson, juste à côté de la place
09:32 de la Canourgue.
09:33 Merci Marie-Laure Tanguy d'être venue nous parler de votre métier passion, ce matin
09:37 dans l'Écodici, merci.
09:38 - Merci à vous.
09:39 - A très bientôt sur France Bleu et sur France 3 Occitanie, 7h21, vous retrouvez tout
09:42 ça sur francebleu.fr, évidemment.
09:44 On écoute ensemble "Sa raison d'être", et juste après on va au Pasino de la Grande

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