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Art et designTranscription
00:00 [Bruit de la rue]
00:25 Nous avons décidé d'aborder ce thème du déséquilibre par un exemple concret
00:32 qui est celui d'un conflit entre deux critiques d'art
00:36 qui ont exprimé des positions différentes sur leur rôle.
00:41 Je pense que l'intérêt de cette affaire pourront prendre quelque chose de bien.
00:44 Alors je suis sensible au souci que vous avez de bien faire les choses,
00:48 de bien cadrer les choses, mais je pense que l'intérêt de cette démarche
00:51 est de faire en sorte que les gens puissent se sentir bien.
00:56 [Rires]
01:01 Ne perdons pas de vue, nous sommes là pour un travail laborieux.
01:04 Nous sommes en pleine mine, ça se voit, la souffrance est sur tous les visages.
01:07 On nous inquiète également. Voilà, nous sommes là et nous y suçons.
01:12 Étant en commun d'intelligence, on cherche à l'envergure.
01:15 Qu'est-ce qui fait qu'un artiste arrive à un moment donné
01:18 à participer à une exposition avec une thématique autour du déséquilibre
01:21 et propose un travail qui aille dans ce sens-là ?
01:24 Nous sommes tous réunis autour du même thème, le déséquilibre.
01:27 On devrait pouvoir, en tant qu'équipe, trouver la convergence de toutes les voies.
01:33 D'où sortons-nous pour aller vers ce thème qui est le déséquilibre ?
01:37 En l'occurrence, c'est le commissaire d'exposition qui a fait le choix des artistes
01:42 qui vous a contactés les uns les autres pour monter cette exposition.
01:46 Et le thème avait été d'ores et déjà défini, ou vous avez participé à le choix du thème.
01:55 C'est là le rôle du commissaire.
01:57 Il est chargé d'organiser une manifestation et de faire que tout fonctionne comme il faut.
02:00 Voilà, commettre l'exposition. Il est là pour ça.
02:03 En même temps, il commet un crime aussi. En l'occurrence, nous sommes dans le temps.
02:06 Le travail est déjà sur le thème du déséquilibre.
02:11 Le déséquilibre, pour moi, sans cesse, dans le travail, c'est toujours une remise en question.
02:16 Il faut toujours que je retrouve mon équilibre, mes repères, les choses comme ça.
02:20 Et c'est comme ça que j'avance.
02:22 Tu vois ce que tu dis, c'est important.
02:25 Ce que j'ai fait, moi, puisque dans ma démarche de travail,
02:30 c'est une thématique autour de ce que j'appelle les "recompositions historiques".
02:35 À travers des points de référence qui permettent d'avoir à la fois une lecture sur les questions de l'histoire de l'art,
02:42 les questions de l'esthétie, et comment est-ce que tous ces éléments-là émergent pour donner un sens à la création.
02:48 [Musique]
02:52 [Musique]
02:55 [Musique]
03:21 On est totalement à la fois dans la décomposition et dans le déséquilibre tout à l'heure,
03:27 puisque, quoi qu'on dise, toutes les sociétés humaines aujourd'hui sont comme ça,
03:32 dans une recherche de recomposer des morceaux d'histoire.
03:37 Des morceaux d'histoire qui sont faits avec à la fois une trame historique qu'on possède,
03:42 et puis une trame d'éléments qui vient se greffer là-dessus.
03:45 Et l'œuvre que tu as présentée, là en l'occurrence,
03:48 est-ce que tu as préparé pour cette exposition ou qui existait déjà ?
03:52 Non, cette œuvre que je présente là, elle est un cheminement d'un travail que j'ai commencé,
03:58 dans la réflexion, à commencer depuis pratiquement les années 2006.
04:02 C'est une installation qui, pour moi, j'estime en évolution, qui vit dans ma démarche de création.
04:09 Je n'ai plus pour objet d'être toujours dans les frontières esthétiques.
04:14 Est-ce que ça veut dire alors que ton œuvre, elle est dans un déséquilibre permanent ?
04:19 Elle est dans un déséquilibre.
04:21 À l'égard de la société, à l'égard même de comment la société fonctionne.
04:25 On nous a juste lâché le mot déséquilibre avec toute la vastitude que cela suppose,
04:30 et moi je me suis senti chez moi, puisque moi, si je dois trouver un mot
04:34 qui devrait présider au passage à l'art pour tant que peintre, c'est ça.
04:39 [Musique]
04:49 Moi, je suis allé vers l'art, moi j'écris, moi il semble gêné qu'il faut poser un mot,
04:55 moi j'écris, moi je peins, parce qu'au démarrage de tout cela, il y a un problème.
05:05 [Musique]
05:23 Et pour toi Raymond ?
05:25 Qu'est-ce que le thème déséquilibre évoque pour toi dans ton travail ?
05:32 Il a toujours été là, c'est à la base.
05:35 C'est mon thème, en fait, c'est le déséquilibre.
05:40 Là, les peintures que j'ai faites, c'est compter les gens de journalistique
05:45 en consultant une pile de journaux que j'ai,
05:49 puis je fais un parallèle avec ce qui se passait avant dans les manchettes de journaux
05:53 et ce qui se passe maintenant.
05:54 Je me suis rendu compte que c'était toujours la même histoire,
05:57 sous des formes différentes, des photos plus en couleur peut-être maintenant,
06:00 c'était exactement le même thème.
06:03 Et finalement aussi, il y a une série sur laquelle je travaille,
06:08 c'est sur le déplacement de fluides énergétiques.
06:12 Donc c'est un intérêt pour la science et je me suis rendu compte que
06:16 pour que la table, pour que le sol reste à fixe, il faut que les atomes tournent à toute vitesse.
06:21 Donc pour avoir de l'immobilisme, il faut que tout ça tourne très vite.
06:28 Ça c'est un peu le paradoxe.
06:30 - Le matériel, il faut que les choses soient fixées ?
06:32 - Fixées, il faut que ça tourne, pour que la table reste là,
06:35 il faut que les atomes tournent à toute vitesse,
06:37 pour qu'on ne passe pas à travers le plancher, pour qu'on ne passe pas à travers la table.
06:40 Donc c'est ça qui m'a interpellé, c'est le paradoxe.
06:45 Une extrême vitesse pour un immobilier.
06:49 Donc le thème du déséquilibre, de toute façon l'artiste il est dedans.
06:53 Si on avait des certitudes, on n'arriverait pas à peindre,
06:56 c'est le fait qu'on se pose des interrogations,
06:58 le fait qu'on passe d'une série à une autre, c'est des expériences en fait.
07:02 On peint, on fait une installation,
07:05 et quand c'est fini, on essaye de coller à une image,
07:08 mais c'est jamais l'image qu'on avait dans la tête qui se présente.
07:11 - C'est ton interrogation que tu commences à cibler,
07:14 ou alors c'est un début de question qui commence à se présenter ?
07:17 - Une série de peinture ramène à d'autres questions,
07:20 c'est toujours quelque chose qui ramène à autre chose.
07:22 On part sur quelque chose, et on se rend compte des fois
07:24 qu'on travaille sur quelque chose,
07:26 mais en fait on poursuit, peut-être en arrière-plan, un autre but,
07:31 je ne veux pas dire qu'on ne se l'avoue pas,
07:33 mais j'ai l'impression que des fois je ne sais pas trop où je vais.
07:37 - Il y a quelque chose que je voudrais dire,
07:41 qui pour moi semble important.
07:44 Je crois que rien, après c'est un regard,
07:50 rien n'est totalement l'effet du hasard.
07:54 Je dis ça pour une raison précise, je viens là par surprise,
07:58 quand je suis dans cet expo-là, je me mets bien surpris,
08:01 parce que bizarrement, je connaissais les travaux de Kimi,
08:07 de Médélis, de Juliette,
08:10 pour ce que ça suscitait à l'égard de mon propre travail.
08:13 C'est ça qui est intéressant, c'est-à-dire qu'au final,
08:16 on revient à cette histoire du commissariat.
08:19 Est-ce qu'il n'y a pas eu un choix d'aller vers des artistes,
08:26 et des thématiques qui sont développées dans le travail de ces artistes-là,
08:30 qui posent la question du rôle de l'artiste,
08:35 dans ce qu'il propose,
08:37 qui définissent un regard sur la société à une période donnée,
08:40 à une époque donnée,
08:42 et c'est de là peut-être que les critiques d'art
08:44 doivent pouvoir porter leur regard sur ce qui se fait,
08:47 mais pas venir avec un discours,
08:50 avec un contenu de regard très spécifique
08:53 sur ce que c'est l'histoire de l'art, ce que c'est la création,
08:56 et vouloir amener les artistes à rentrer dans ce dispositif.
08:59 On est comme ça dans une période, dans une époque,
09:02 où finalement, les artistes eux-mêmes sont en train de définir
09:05 les contours de ce que c'est la création.
09:08 Ils font, ils définissent des singularités,
09:10 ils posent même les problèmes de fond que critiques d'art
09:13 et commissaires d'exposition, à la plupart du temps,
09:15 de prendre en compte, parce que
09:18 on a eu le champ de réflexion sur ce que c'est l'histoire de l'art,
09:21 les orientations à donner sur les mouvements esthétiques,
09:24 on estime qu'aujourd'hui, il y a une manière d'approcher la création,
09:28 ou même de mettre en place des biennales,
09:31 des manifestations d'art,
09:33 qui vont à la limite être pilotées en grande partie
09:36 par des critiques ou des commissaires d'exposition.
09:39 Et ensuite, on amènera des artistes à travailler
09:42 d'une forme de thématique qui colle à la réflexion,
09:46 qui aura été menée jusqu'à l'idée même, à l'idée du commissaire.
09:51 Jean-Marc, la différence avec Jean-Marc, c'est que lui, il est artiste,
09:55 donc il a deux visions en même temps, un peu de critique d'art,
09:58 et en même temps, d'artiste.
10:00 Donc je crois qu'il a plus senti les choses qu'il ne les a,
10:04 comment dire, intellectualisées.
10:07 Je crois qu'il a vu les gens, il a parlé,
10:10 et puis il a senti que ça allait dans ce sens-là.
10:13 Il n'a pas cherché à poser une direction.
10:15 La critique d'art, lui, c'est un business en fait.
10:17 Nous, le business, c'est de faire les oeuvres,
10:20 mais la critique d'art, c'est d'instrumentaliser les artistes
10:23 pour vivre avec.
10:25 Parce qu'il vit en fait de nous.
10:27 Il n'y a pas de souci si nous aussi on vit de lui.
10:30 Nous, on peut se passer de lui,
10:33 mais si nous sommes vassalisés, infantilisés,
10:38 et qu'on est là pour meubler ou pour servir de prétexte,
10:42 effectivement, ça pose un petit problème.
10:44 Et ça a été mon problème dans ce fameux débat.
10:46 J'ai l'impression qu'on était de nouveau à l'école,
10:48 qu'on était une bande de chèvres,
10:50 et qu'il fallait recevoir l'intelligence.
10:53 Et puis voilà, on aurait dit, voilà,
10:56 il y a des types qui voudraient peindre,
10:58 et ils viennent chercher des conseils sur comment faire.
11:00 Moi, ça a posé ce problème.
11:02 Oui, parce que la critique d'art aurait les recettes,
11:05 et que l'artiste serait dans l'obligation de s'impliquer
11:09 ou de s'adapter à ces recettes-là.
11:11 Moi, je...
11:13 C'est eux qui doivent venir.
11:14 Oui, mais c'est eux qui veulent.
11:15 C'est eux qui doivent venir dans tous les cas de figure.
11:17 Jusqu'à présent, dans l'histoire de l'art,
11:20 ou même au regard de ce que c'est la création,
11:22 il y a eu d'abord de la création avant qu'il y ait de la critique.
11:25 Il y a d'abord création.
11:27 Oui, mais peut-être que les temps ont changé,
11:30 et que maintenant,
11:32 peut-être que les temps ont changé,
11:34 et que maintenant, ce qui insouffle à l'art l'énergie,
11:38 c'est les critiques d'art.
11:41 Ça me vient.
11:42 Peut-être que maintenant, le temps est venu
11:44 que ce soit les critiques d'art qui font les artistes.
11:47 Oui, mais c'est...
11:49 Je crois que ça reste une erreur fondamentale.
11:52 Moi, quand je vois le travail de Julien,
11:54 je n'attends pas qu'il me donne tous les codes pour comprendre.
11:57 J'en ai une lecture.
11:58 De par la singularité qui se dégage dans le travail,
12:01 des thématiques que je prèse,
12:02 je me dis là, j'ai face à moi un artiste
12:04 qui n'utilise peut-être pas le même médium,
12:07 la même approche esthétique,
12:09 mais qui est proche de façon très pertinente
12:13 dans les problématiques qui me touchent.
12:15 Aujourd'hui, il est vrai qu'on a tendance à dire
12:18 que beaucoup d'artistes se focalisent sur les questions d'identité,
12:21 mais il faut reconnaître que les questions d'identité
12:23 ont toujours été au centre de la création.
12:25 On ne peut pas créer en venant de nulle part.
12:28 Ah !
12:29 Salut, partenaire !
12:32 Partenaire, hein ?
12:34 Toujours en défiant l'immensité, en prenant énormément de risques.
12:37 Voilà.
12:38 Alors qu'est-ce qu'on fait ? On foule la terre ?
12:40 Ah oui.
12:41 ...
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