Quatre soldats du 8ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine de Castres déposent plainte contre leurs supérieurs et le ministère des Armées pour violences volontaires, harcèlement moral, menaces, mise en danger de la vie d'autrui et provocation au suicide. Le ministère des Armées a réagi via un communiqué, assurant être “déterminé à faire toute la lumière sur les faits dénoncés”. Maître Thibault Laforcade, avocat de quatre anciens militaires du 8e RPIMA de Castres, était en direct sur BFMTV.
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00:00Quatre anciens militaires portent plainte contre l'armée.
00:03Il s'agit de quatre ex-militaires du régiment parachutiste d'élite basé à Castres dans le Tarn.
00:09Ils dénoncent tous un climat très toxique qui les aurait menés au bord du suicide.
00:14On est avec Maître Thibault Laforcade.
00:16Vous êtes l'avocat de ces quatre anciens militaires de ce régiment.
00:21Merci à vous d'être avec nous sur ce plateau.
00:24Je voulais qu'on écoute, avant de vous donner la parole, le témoignage d'une des victimes présumées.
00:30Il s'appelle Clovis. Il a accepté de témoigner à visage découvert à notre micro.
00:34Il raconte l'une des multiples agressions qu'il dit avoir vécues. On l'écoute.
00:39Le chef de section commence son discours.
00:42Oui, là, t'es finie, trop tard.
00:45En gros, t'as fait la faute de trop.
00:48Là, en gros, on va te péter la gueule.
00:51On va te briser la mâchoire.
00:52On va te défoncer. Tu ne seras pas reconnaissable.
00:54On va faire de ta vie un enfer.
00:56On va tellement t'enculer qu'on va faire de ton trou de balle en gare à 400M.
01:00C'est un gare en avion.
01:03Il m'a dit que ta seule solution, c'est de déserter.
01:07Il m'a attaqué à ce moment-là.
01:09D'abord, le sergent qui était en face de moi.
01:11Vu qu'il a vu que je me défendais, je dirais que ça les a...
01:14Physiquement ?
01:16Oui, il m'a saisi physiquement.
01:18En fait, il m'a saisi dans un premier temps physiquement.
01:19Et il voulait me plaquer au sol pour qu'il puisse me lyncher, en fait.
01:24Et en fait, je me suis défendu.
01:27À un moment donné, il arrive à...
01:28En fait, il m'étrangle par derrière.
01:31Et il arrive à me basculer en arrière.
01:32Et là, en gros, il continue de m'étrangler.
01:34Il m'empêche de respirer dans mon dos, quoi.
01:36Et j'arrive tant bien que mal à le refaire passer.
01:40Mais bon, ça reste comme ça, où ils sont deux sur moi qu'il y a eu quelques temps, quoi.
01:44Et il continue de me dire, arrête de te défendre.
01:47C'était une merde.
01:48Enfin, il m'insulte.
01:49Et en même temps, il me dit d'arrêter de me défendre.
01:50La scène a dû durer...
01:52Ouais, trois minutes, je dirais.
01:54Et après, il m'a pris par le col.
01:56Et là, il m'a vraiment fait comprendre que, vu qu'il savait que, pour moi,
02:00ce qui importait, c'était juste les camaraderies et l'honneur.
02:01Il m'a vraiment dit...
02:03Et là, il dit où ton honneur, là ?
02:05Une espèce de...
02:05Enfin, il m'a insulté de tous les noms.
02:07Je ne sais plus exactement de ce qui m'a insulté.
02:08Mais...
02:08Enfin, où il m'a insulté ?
02:10Et où ton honneur, maintenant ?
02:12C'est qui le mal à la fin, maintenant ?
02:14En tout cas, c'est pas toi, tu vois.
02:16Maître Thibault Laforca, je disais, vous êtes l'avocat,
02:19notamment, de cette victime présumée.
02:21Ce qu'il décrit là, c'est d'une extrême violence.
02:26Oui, c'est parfaitement inadmissible.
02:29C'est parfaitement inadmissible, d'autant qu'il faut imaginer
02:32que ces violences, ces brutalités ont été répétées, quotidiennes,
02:39dans des proportions qui sont inimaginables, en réalité.
02:43Et ça rend ce dossier et l'effet dénoncé parfaitement inacceptables.
02:48Des violences gratuites ?
02:49Gratuites. En réalité, si vous voulez, de ce qu'on comprend,
02:53de ce qui est versé au dossier, c'est que c'est une façon,
02:58pour la hiérarchie, de discipliner.
03:00Humilier, violenter, brutaliser, c'est une façon de discipliner,
03:06et c'est une façon de tenir la section, de tenir le régime.
03:09On parle de qui, là, précisément ? C'est important de le rappeler.
03:13Nous a rejoint sur le plateau Général Jérôme Pellistrandi.
03:17Merci d'être avec nous.
03:18Et Patrick Sos, du service international de BFMTV.
03:22Vous vous intéressez aussi aux questions qui concernent le ministère des Armées.
03:26On va y revenir.
03:26Mais, Général Pellistrandi, on parla du 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine de Castres.
03:33C'est un corps d'élite.
03:35Oui, mais que ce soit un corps d'élite ou une unité classique,
03:40ce type de comportement, mais...
03:42Oui, rien ne le justifie.
03:44C'est rien ne le justifie.
03:45Et ce n'est pas parce que vous êtes dans une unité qui parachutise
03:48que les cadres doivent avoir un tel comportement.
03:52Évidemment.
03:53Donc, c'est totalement condamnable.
03:54Le 8e RPMA, c'est un régiment d'environ 1200 hommes et femmes.
03:58Il y a aussi des femmes parachutistes au sein de ce régiment.
04:01C'est un régiment, il y a pratiquement un an,
04:03un de ses soldats, dans le cadre de l'opération Sentinelle,
04:05avait été blessé au couteau au garde de l'Est.
04:08Mais dire cela ne justifie pas des comportements individuels
04:12de cadres qui n'ont rien compris à ce qu'était l'aguerrissement, la cohésion.
04:17Donc, c'est totalement condamnable, bien sûr.
04:19On va le réécouter, Clovis, qui témoigne.
04:22Il parle du fait que ça a commencé dès le départ, en fait.
04:25Dès son premier jour dans ce régiment.
04:28Les humiliations, les agressions ont commencé.
04:30On l'écoute.
04:32Les premiers jours, il y a un mec, il m'a pris dans les rangs,
04:34il m'a jeté ça à l'oreille, vraiment un peu sournois.
04:38Il n'y avait rien de loyal, ni rien.
04:40Il m'a jeté.
04:42Ouais, Trito, t'es une merde.
04:45T'es la dernière des chiasses.
04:46T'inquiète pas, je ferai en sorte que t'arrives dernier de la formation.
04:49Quoi que tu fasses, t'arriveras dernier.
04:51Ou sinon, tu partiras.
04:53Ça a commencé dès le début.
04:55Oui, ça a commencé dès le début pour M. Trito,
04:59parce qu'ils ont très vite senti qu'il avait un certain bagage intellectuel,
05:04une certaine capacité à dire non.
05:06Il faut quand même imaginer que ce qu'il a mis en difficulté très vite,
05:10c'est qu'il a refusé le lynchage d'un camarade.
05:13Il lui avait été dit à toute la section,
05:16vous voyez celui-ci, on va vous laisser dans une pièce avec lui,
05:19et il va sortir, vous l'aurez défoncé pour reprendre les termes.
05:23Et mon client, c'est quelque chose qu'il refusait.
05:26Et il refusait aussi de boire de l'alcool dans des quantités astronomiques,
05:29car c'était la réalité du régiment.
05:30Mais on le forçait aussi à se saouler, en fait.
05:34On le forçait à servir de l'alcool au cadre,
05:37alors que c'était parfaitement interdit.
05:39Et ça, jusqu'au bout de la nuit et le matin,
05:43il recommençait les travaux d'intérêt général qu'on le forçait à faire.
05:46C'est un ensemble.
05:48Mais si vous me permettez, j'entends,
05:51parce que la plainte est déposée contre un certain nombre de cadres,
05:53mais également contre le ministère des Armées.
05:55Pourquoi ?
05:56Contre le ministère des Armées,
05:57parce qu'il nous semblait absolument normal de remonter toute la chaîne.
06:00hiérarchique.
06:02Je crois qu'on ferait une erreur si on regardait ce dossier
06:04simplement sous l'angle individuel.
06:06Il y a, je pense maintenant, à questionner la problématique systémique
06:09de la formation de nos jeunes soldats.
06:11Et avec une génération qui refuse,
06:13refuse maintenant d'être humiliée pour être disciplinée.
06:17Et je voudrais préciser un point, si vous me le permettez.
06:19On a là quatre individus,
06:21et plus largement 25 qui témoignent dans ce dossier,
06:24qui savaient à quoi s'attendre.
06:26La rigueur, l'absolue dureté qu'il faut accepter,
06:30parce qu'ils ont quand même vocation à être déployés sur la ligne de front,
06:33ils étaient préparés.
06:34Ils savaient qu'ils étaient prêts à en bavé, en gros.
06:35Oui, ils savaient qu'ils étaient prêts à en bavé.
06:37Mais par contre, pas être violenté,
06:39pas être menacé de sévices sexuels,
06:42pas être humilié dans de vraies proportions.
06:43Parce que, je vous donne deux exemples,
06:45si j'ai quelques secondes.
06:47Bien sûr, vous avez tout le temps.
06:48Il y a quand même un des leurs qui a été plongé plusieurs jours
06:52dans un canal d'excréments humains,
06:54en Roumanie, en opération,
06:56parce que l'idée était quand même de l'humilier
06:58devant toute la section qui, quotidiennement, passait devant lui.
07:00Vous voyez qu'on est bien au-delà de la rigueur nécessaire.
07:04Vous parlez de cette mission en Roumanie.
07:06Effectivement, c'est un témoignage marquant.
07:09L'un d'entre eux évoque ses pensées suicidaires
07:12pendant cette mission en Roumanie.
07:15Il dit qu'il est épuisé psychiquement à ce moment-là.
07:19Il finit par craquer.
07:20Il avale plusieurs paquets de médicaments,
07:22du tramadol, du doliprane,
07:23avant d'être retrouvé in extremis dans la forêt roumaine.
07:26Et l'un des cadres qu'il décrit comme un colosse de 2 mètres et 120 kilos
07:30lui assène alors une gifle monumentale
07:31dont il conserve des séquelles permanentes du tympan.
07:35Et même à ce moment-là,
07:37alors qu'il est visiblement très affaibli,
07:40il est traité de merde, de faible.
07:42Il est surnommé doliprane jusqu'au bout.
07:46Et il dit, j'ai dû partir,
07:47parce que c'était une question de survie, en fait.
07:49Vous avez parfaitement résumé cette situation
07:51qui, selon moi, est symptomatique de ce dont on parle aujourd'hui.
07:54il est arrivé au bout de ce qu'il pouvait supporter.
07:57Il a commis cet acte qui aurait pu être un acte irréparable.
08:00Et alors qu'il se réveille à peine,
08:02un cadre, au lieu de venir en soutien,
08:04parce qu'il vient d'être sauvé in extremis par ses camarades,
08:06lui assène une gifle qui lui décolle le tympan.
08:09Et ça va un petit peu plus loin.
08:10Quand je vous dis que ce cas est symptomatique,
08:12dans les rapports qui ont été transmis,
08:14tout cela est immédiatement maquillé.
08:16C'est-à-dire que ça ne paraît dans aucun rapport.
08:18Et alors qu'il doit être rapatrié en France,
08:22il est rapatrié disciplinairement et non pas sanitairement.
08:25Ce qui fait qu'il a dû ensuite lui-même supporter les frais de son rapatriement.
08:27Il a dû payer son propre retour ?
08:29Payer son propre retour.
08:30Ça va très très loin dans ce qu'ils ont eu à subir.
08:33Votre regard de militaire sur tout ça ?
08:38C'est accablant pour les cadres de contact
08:41qui ont eu un tel comportement.
08:44Parce que j'ai commandé un régiment il y a déjà une vingtaine d'années,
08:48y compris en opération.
08:50C'est totalement intolérable.
08:52Vous n'avez jamais été confronté à de telles violences ?
08:54Alors, j'ai été confronté à des comportements individuels.
08:58Alors la problématique, c'est entre le comportement individuel
09:00et puis parfois le risque d'un phénomène de groupe.
09:04C'est-à-dire qu'on en prend un comme souffre-douleur.
09:06Et donc ça, c'est le rôle justement du commandement.
09:09De casser ça, d'être présent, de regarder.
09:12Mais ça, c'est arrivé souvent qu'il y ait un militaire
09:14qui soit pris comme souffre-douleur ?
09:16Alors, non, parce que globalement,
09:18c'est pour ça que je ne suis pas d'accord avec l'aspect systémique.
09:21C'est bien, on ne commande plus aujourd'hui
09:24comme on commandait il y a 50 ans.
09:27C'est vrai.
09:28Bon, et maintenant, il y a aussi le fait qu'il ne faut pas confondre
09:32ce qui est le cas quand vous allez dans une unité
09:35comme le 8e RPMA entre l'aguerrissement
09:37et cet harcèlement absolument insupportable.
09:41Donc, c'est la raison pour laquelle,
09:43à la suite des plaintes déposées,
09:46il y a une enquête de commandement qui va être faite
09:47pour vous, justement, évaluer toutes les responsabilités.
09:51Responsabilité de l'encadrement de contact,
09:53voir qu'est-ce qui s'est passé
09:54pour arriver d'abord, ensuite, à des sanctions.
09:58Parce que les individus qui ont fait,
10:00qui ont eu de tels comportements,
10:02ils doivent être sanctionnés.
10:04Sanctionnés sur le plan professionnel.
10:07Et puis après, bien sûr, il y a l'enquête judiciaire.
10:09Il pourra y avoir des poursuites pénales.
10:11Et ce qui est intéressant, et vous parliez de ce bouc émissaire,
10:15il dit autre chose.
10:18Il parle de l'isolement psychologique, justement,
10:20de ceux qui sont pris en grippe par certains cadres.
10:24Tout l'objectif, c'est de monter les autres contre lui.
10:29On regarde à nouveau ce témoignage.
10:32Et en général, en fait,
10:33ils donnaient des punitions collectives aux autres
10:34par rapport à moi.
10:36En gros, il y a un test, un rituel,
10:37où en fait, ils prennent un quart,
10:39une espèce de verre, quoi.
10:40Et les mecs, ils mettent tout plein de trucs de merde dedans,
10:43d'alcool, d'épaules de bite, du sperme,
10:45de la pisse.
10:46Et en fait, les mecs doivent le boire,
10:47parce que c'est une tradition, quoi.
10:48Et moi, je dis, non, je ne le ferai pas,
10:51moi, je ne suis pas venu à l'armée
10:52pour m'humilier comme ça, quoi.
10:54Et le sergent refaisait,
10:54ah, OK, Trito, il ne veut pas faire ça, OK, d'accord.
10:57On va voir si tu ne vas pas faire ça.
10:58Et 10 minutes après, il trouve un prétexte,
11:00Trito, ta poche, il y a un demi-centimètre ouverte.
11:03OK, la section, on se met en ganache à cause de Trito.
11:06La section, on va danser sous la pluie pendant 3 heures
11:10parce que Trito, il a sa poche ouverte.
11:14Et en gros, il faut très bien comprendre
11:15que les autres finissent par te détester,
11:18et très vite, en fait,
11:20les pires moments de ma formation,
11:21c'était dès le début,
11:22parce qu'en fait, j'avais les cadres sur mon dos
11:24et les soldats qui ne me connaissaient pas, en fait.
11:27Donc, en fait, vu qu'ils n'avaient pas d'amitié avec moi,
11:28au départ, ils me détestaient.
11:30Donc, il est presque écarté, en fait.
11:33Il est seul, il se retrouve seul contre tous pendant un temps.
11:36Oui, c'est ça,
11:36et on prend toute la section à témoin
11:39de ce que, si eux-mêmes ont à subir des sévices,
11:43c'est à cause de M. Trito.
11:45Mais si vous me permettez,
11:46je voudrais rebondir sur un point
11:47parce que, modestement, à mon niveau,
11:50je ne vois pas bien dans ce qui m'est rapporté
11:52dans ce dossier, mais dans d'autres,
11:54la différence entre la façon de manager,
11:56la façon de diriger d'il y a 40-50 ans
11:58et celle d'aujourd'hui.
11:59Et je pense que ce qui est important,
12:01peut-être, à la lumière de ce dossier,
12:03c'est de se poser la question
12:03de savoir qu'est-ce qu'on fait maintenant.
12:05D'abord, première question,
12:07comment on peut expliquer
12:08que rien ne soit remonté ?
12:09Parce que la hiérarchie nous dit aujourd'hui
12:11qu'elle n'était pas informée,
12:12c'est, selon moi, une première difficulté.
12:14C'est parce qu'il y a une omerta, non ?
12:15Justement, ce n'est pas tout le problème dans l'armée.
12:17C'est l'omerta.
12:18Et la question, et là, pour le coup,
12:19je vous rejoins,
12:20c'est comment on fait pour la briser ?
12:21Comment on fait pour la briser ?
12:23Et la deuxième mesure,
12:24c'est aussi pour soi qu'on s'est permis
12:25d'interpeller directement M. le ministre,
12:27c'est qu'est-ce qu'on fait ?
12:28Qu'est-ce qu'on fait d'abord
12:29pour régler la situation
12:30aux huitières mer Pima de Castres ?
12:31Mais qu'est-ce qu'on fait
12:32pour s'assurer que dans d'autres régiments,
12:33il n'y a pas exactement
12:35le même type de comportement
12:36qui sont à l'oeuvre ?
12:37Et qu'est-ce qu'on peut faire alors ?
12:38Non mais je pense que,
12:40d'abord,
12:41ces affaires sont exceptionnelles.
12:43Ce qui traduit le fait...
12:45Exceptionnelles, vous voulez dire
12:46elles sont rares ?
12:46Elles sont rares et exceptionnelles
12:47ou elles sont exceptionnelles
12:48par leur violence ?
12:49Elles sont rares et par leur rareté.
12:51Maintenant, oui,
12:52il y a ces comportements déviants.
12:53Alors ce qui est extrêmement important...
12:54Mais ma question,
12:54pardonnez-moi, je vous arrête,
12:55mais est-ce que c'est qu'elles sont réellement rares
12:58ou qu'il y a eu une omerta, justement ?
13:01Non, je crois que...
13:01C'est la grande muette,
13:03ce n'est pas pour rien.
13:03Non, aujourd'hui, on ne peut plus se permettre
13:05d'être la grande muette.
13:07D'une part, parce que les choses
13:08finissent par se savoir.
13:10Donc penser qu'on peut bien cacher le truc,
13:12essayer de l'enfouir.
13:14Par contre, c'est, oui,
13:15la responsabilité du commandement
13:17de savoir ce qui se passe.
13:19Il faut comprendre aussi
13:19qu'une armée qui est très employée
13:22avec des déploiements en permanence,
13:24c'est aussi une difficulté
13:26pour que tout remonte, en quelque sorte.
13:30Et c'est le rôle de l'encadrement de contacts.
13:32Et ce qui veut dire que l'un des enjeux,
13:34bien sûr, et là-dessus,
13:36le chef d'état-major de l'armée de terre
13:37et ses prédécesseurs
13:39travaillent énormément,
13:41c'est sur l'encadrement de contacts
13:43et la formation.
13:44Ça aussi, c'est un véritable enjeu.
13:46C'est-à-dire, des jeunes
13:47qui sont...
13:48On va prendre...
13:49Qui a 25 ans...
13:49Enfin, qui a 25 ans
13:51et qui va encadrer un jeune
13:53qui a 18-19 ans.
13:55Eh bien, il faut former les formateurs.
13:57Et ça, c'est un travail permanent.
13:59C'est un travail qui ne cesse
14:00de progresser.
14:02Mais c'est vrai,
14:03il faut, dès qu'il y a un comportement déviant,
14:06il faut immédiatement le casser,
14:09le sanctionner,
14:09parce qu'il n'a pas sa place
14:10dans l'institution.
14:11Eux, ils ont eu le courage
14:12de porter plainte.
14:14Est-ce qu'ils vous ont raconté
14:15le déclic qui les a portés
14:17à porter plainte ?
14:19Parce que c'est du jamais vu.
14:20C'est du jamais vu.
14:21Le déclic, je crois que c'est en fait
14:23plus exactement une accumulation.
14:24C'est une déception immense.
14:28Et puis, il est quand même
14:29très important de le dire,
14:30une détresse psychologique.
14:32Parce que dans les 25 témoignages
14:34qu'on a reçus à mon cabinet,
14:36la très grande majorité
14:37est dans une détresse psychologique terrible.
14:39Ils sont suivis par des psychiatres,
14:41par des psychologues,
14:42parce qu'ils ne se remettent pas
14:43du harcèlement qu'ils ont eu à subir.
14:45Et il y a quelque chose
14:45qui est important aussi, selon moi,
14:46c'est ce sentiment d'impunité
14:47qui reste.
14:48Parce que, je vous donne
14:49un dernier exemple,
14:50si vous me le permettez.
14:51À un moment où un cadre crache
14:53sur un béret anglais,
14:54il est alcoolisé.
14:55Il met la section en rang
14:56et il crache sur le béret anglais,
14:58partenaire de la France.
15:01Il va ensuite demander
15:02à un soldat
15:03de venir lécher son téton.
15:05Et ce qu'il dit,
15:06à postérioriser,
15:08je suis intouchable.
15:09La loi, ici, c'est moi.
15:11Et ce qu'ils ont voulu dire aussi,
15:12simplement, c'est
15:13est-ce qu'on n'a pas des droits,
15:14nous, en tant que militaires du rang,
15:15est-ce qu'on n'a pas des droits fondamentaux
15:16qui doivent être respectés,
15:18même lorsqu'on fait nos classes ?
15:20Ils font quoi maintenant ?
15:21Ils ne sont plus dans l'armée ?
15:22Alors, certains y sont
15:24en arrêt de travail.
15:25Sur les quatre,
15:26certains y sont en arrêt de travail ?
15:27Oui, certains y sont
15:28en arrêt de travail.
15:29Ils sont bien incapables,
15:30psychologiquement,
15:31de même penser
15:32à remettre un pied au régiment.
15:34Et d'autres ont déserté.
15:36Désertion, quand même,
15:38qui aussi,
15:39et ça, c'est une vraie question,
15:40est bien souvent
15:41la dernière solution
15:42qui leur reste.
15:43Or, lorsqu'on déserte,
15:45on ne peut obtenir
15:46aucun droit derrière.
15:47Donc, certains ont déserté,
15:49certains sont encore en poste
15:50et ceux qui ont déserté
15:51sont en train de se reconvertir.
15:52Sur la réponse
15:53du ministère des Armées,
15:54Patrick Saut,
15:54puisqu'on le rappelle,
15:55vous avez porté plainte
15:56contre...
15:57Ils ont porté plainte
15:58contre leur supérieur hiérarchique
15:59et le ministère des Armées.
16:01Que répond le ministère des Armées ?
16:02Le ministère des Armées
16:03dit appliquer
16:05la tolérance zéro.
16:06En fait, l'idée
16:06pour le ministère,
16:08le général l'a expliqué,
16:10il y a l'enquête judiciaire,
16:11de toute façon,
16:11la plainte
16:12qui va être vraiment
16:13vérifiée, je dirais,
16:15presque au civil.
16:16Ce n'est pas tout à fait
16:17la norme,
16:17mais puisqu'on parle
16:18de militaires
16:19et de civils,
16:20j'essaie de faire le distinguo,
16:21et il y a ce qu'on appelle
16:22donc une enquête
16:23de commandement
16:24qui peut paraître
16:25un petit peu étrange
16:26forcément lorsqu'on est
16:27en dehors
16:28de cette grande brigade
16:29de parachutistes,
16:30la 11e à Balma,
16:31c'est l'état-major
16:32qui chapeaute
16:32notamment le 8e RPIMA.
16:35Pourquoi c'est un peu étrange ?
16:36C'est-à-dire qu'on va faire ça
16:37dans l'entre-soi,
16:38oui,
16:39de l'armée,
16:40avec l'idée
16:40de voir jusqu'où
16:42c'est allé mettre.
16:43Vous parliez de section.
16:44Est-ce que c'est resté
16:45véritablement dans la section
16:47avec un comportement personnel ?
16:49Vous entendez parler
16:50de cadre depuis tout à l'heure,
16:51mais ça veut dire quoi
16:51là aussi en langage civil ?
16:53C'est un adjudant-chef,
16:54c'est un sous-officier,
16:55cadre,
16:56ce n'est pas le grand général
16:57qui fasse des consignes.
16:59En tout cas,
17:00ça n'est pas avéré.
17:02Et l'idée
17:02de l'enquête de commandement,
17:03c'est d'aller voir,
17:05de mettre aussi,
17:05parce que c'est ce qu'on dit
17:06à l'armée,
17:07pour l'instant,
17:07on est dans du parole-contre-parole,
17:09simplement,
17:09il y a une parole
17:10qui est accompagnée
17:11d'un dépôt de plainte
17:13et il y a des preuves
17:13qui sont apportées par,
17:15je dirais...
17:15Sauf que là,
17:16en l'occurrence,
17:17quand même, Patrick,
17:17je vous arrête,
17:18il y a des enregistrements.
17:19Il y a des enregistrements,
17:20non mais ça,
17:20ça va être vu.
17:22L'idée, encore une fois,
17:23c'est de savoir
17:23si c'est avéré,
17:24mais ça,
17:24c'est l'enquête de commandement,
17:26pas l'enquête judiciaire,
17:27ça, c'est autre chose.
17:28Mais aussi,
17:29savoir si c'est resté
17:30circonscrit à cette section
17:31ou si,
17:32juste au-dessus,
17:33il y a le cadre
17:34de dessus
17:34qui a fermé les oreilles,
17:41censé avoir quand même
17:42une oreille sur tout
17:43ce qui se passe
17:43sur les quelques centaines
17:45de militaires qui sont là.
17:46Alors oui,
17:46on est dans quelque chose
17:47de particulier,
17:488e RPIMA,
17:49on est dans la coloniale,
17:50ça a été fondé en Indochine,
17:52il y a parfois
17:52des traditions coloniales
17:53qui ne sont plus d'aujourd'hui,
17:55entre des traditions
17:56qui sont un peu vieillottes
17:57et des comportements
17:59qui sont là,
17:59au-delà de la loi,
18:01et plus que répréhensibles,
18:02inacceptables,
18:03il y a quand même un pas.
18:04On parlait d'enregistrement,
18:05on en a un,
18:06justement,
18:06on peut l'écouter.
18:09Mais bien sûr,
18:09on en a après quoi,
18:11mais là,
18:11tu vas devenir
18:13la pute de la compagnie
18:14et jusqu'à que j'en ai marre.
18:16Et là,
18:17pas de chance pour toi,
18:18tu ne veux pas
18:18si on dirait.
18:20Si tu veux,
18:21tu as une option
18:21et ce soir,
18:22tu désertes.
18:22C'est la seule option
18:23ou ça,
18:24si tu ne veux pas
18:24que je transforme
18:25ta petite base
18:25en un hangar
18:26à 400 ailes.
18:28C'est hallucinant.
18:31Avec, justement,
18:32on l'évoquait,
18:33c'est qu'aujourd'hui,
18:34il y a aussi ça.
18:35Donc ce qui fait
18:35que le comportement
18:36de ces cadres de contact
18:38est juste totalement,
18:39mais intolérable.
18:40des propos comme ceux-là
18:42ne peuvent pas être tolérés.
18:45Et Patrick a raison.
18:47Oui, il y avait...
18:48En tout cas,
18:49ils prennent le risque
18:49d'être diffusés.
18:50Donc il y a une certaine
18:50plus de contrôle aujourd'hui.
18:52Et ce qui prouve
18:53la bêtise.
18:55Et dire...
18:57Il y a aussi un autre aspect
18:58qui est important,
18:58c'est ne pas confondre
19:00ce qui est la cohésion
19:01et puis le débordement
19:03où là,
19:04c'est du grand n'importe quoi.
19:05Merci beaucoup.
19:06Merci d'avoir répondu
19:07à nos questions
19:07sur BFM TV.
19:08Vous avez donc porté plainte
19:10et on suivra
19:11l'évolution de cette affaire.
19:13Merci à tous les trois.
19:14Sous-titrage Société Radio-Canada