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00:0080% des français qui estiment que la justice est laxiste.
00:04On va écouter Dominique-Henri Matagrin, magistrat honoraire et ancien président de l'association professionnelle des magistrats
00:10et il donne l'exemple des peines pour vol avec effraction. Il était l'invité Dimitri Pavlenko ce matin.
00:16La loi prévoit 7 ans, or la peine moyenne qui est prononcée quand une peine d'emprisonnement est prononcée
00:23est à peine supérieure à 9 mois et même dans 72% des cas, elle est inférieure à 1 an.
00:30Or ce seuil de 1 an est essentiel parce que jusque-là la peine est aménageable selon la pudique expression que l'on emploie,
00:39c'est-à-dire en réalité que l'individu très souvent, dans une grande majorité de cas,
00:45ne fera pas effectivement un seul jour d'emprisonnement.
00:48La peine sera transformée par exemple en bracelet électronique ou autre chose.
00:54Voilà le constat accablant de Dominique-Henri Matagrin ce matin sur Europe 1, Vincent Roy.
00:59Oui, sans doute que les Français ont le sentiment.
01:01Il faut dire qu'il y a une recrudescence de violence, il y a une recrudescence d'ultra-violence.
01:10Il y a une recrudescence... Bon. Alors, évidemment, les Français ont le sentiment que la justice est trop laxiste.
01:19Bon. Est-ce vraiment le cas ? Et c'est vrai qu'il y a un certain nombre de décisions qui ont pu étonner.
01:27Est-ce quand même réellement le cas ? Je n'en suis pas certain.
01:30Il faut peut-être être un peu plus mesuré sur ces questions.
01:33Je pense d'abord que les juges ont beaucoup de mal à placer en détention parce qu'il y a de moins en moins de places de prison.
01:37C'est pourquoi ils utilisent souvent un biais comme le bracelet électronique ou... Voilà.
01:43Donc, vous savez, la situation de la justice, compte tenu du manque de moyens et compte tenu du nombre de places de prison, ça reste un problème.
01:53Il faut... Voilà. Alors, laxiste... Laxiste, je ne sais pas. Qu'il y ait des juges laxistes, sans doute.
01:59Mais c'est un fait. Enfin, on ne peut pas le nier. La justice est trop laxiste.
02:02Non, mais elle est trop laxiste sur un certain nombre de cas, pas sur d'autres.
02:07Donc, en matière de narcotrafic, par exemple, je ne suis pas sûr qu'elle soit laxiste.
02:10Donc, dans quelle... Vous voyez, laxiste que moi, je générique...
02:13Ce que disait notre invité, c'était en substance qu'il y a la condamnation et après, il y a l'exécution.
02:17C'est-à-dire qu'il y a quand même un gaffe.
02:18Ah, mais si on veut que la justice ne soit pas laxiste, il y a une technique qui avait prônée d'ailleurs Nicolas Sarkozy.
02:24Ça s'appelle, pour un certain nombre de cas, les peines planchées.
02:26Et dans ce cas-là, la justice n'a pas...
02:28En fait, la personnalisation de la peine, tel que le système fonctionne aujourd'hui, il fonctionne avec personnalisation de la peine.
02:37Ce système-là peut donner, parfois, l'impression que la justice est laxiste.
02:42Peut-être est-elle sur les cas qui sont évoqués par maître Henri.
02:46Voilà, peut-être pour les vols, voilà, avec effraction.
02:51Mais il faudrait voir dans quel domaine elle l'est vraiment.
02:54Olivier D'Artigolle, 80% des Français estiment que la justice est trop laxiste.
02:57Je rappelle le résultat de ce sondage, c'est ça pour Europe 1, c'est News, elle va l'aider du dimanche.
03:00Et pour autant, les prisons sont pleines.
03:02On a 5000 matelas dans les prisons françaises.
03:05Le Président évoque l'idée de louer des places de prison à l'étranger aussi.
03:08Donc, il y a des mandats de dépôt.
03:10Il y a des décisions de justice où la main des magistrats ne tremble pas.
03:14Il y a très certainement aujourd'hui une remise à plat à proposer.
03:19Le garde des Sceaux le fait.
03:20On a 200 peines en tout.
03:22Tout ça est devenu illisible.
03:24Et il y a en effet l'application ou pas de ce qui a été prononcé.
03:28Donc, moi, je suis bien d'accord pour regarder tout ça de près.
03:32Il y a en effet, non pas le sentiment, mais la réalité d'un système judiciaire qui souffre.
03:42Il souffre en termes de moyens.
03:43Nous avons, en termes de comparaison avec les pays de l'OCDE, un nombre de magistrats pour 1000 habitants qui est trop faible.
03:51Sur 1000 euros de dépenses publiques, 5 seulement sont consacrés à notre justice.
04:00Donc, il y a une forme de clochardisation de certaines juridictions où les parquets manquent de tout.
04:09Oui, il y a un constat qui est fait depuis des années.
04:12Il n'y a rien de chance.
04:13Quand Laurent Nunez, ce matin, le préfet de police de Paris sur Europe 1 dit qu'il y a une montée en puissance de la criminalité organisée en France, c'est un constat.
04:20Pour le coup, on ne peut pas dire que l'exécutif et que le législateur ne fassent rien.
04:25La loi narcotrafic vient d'être votée.
04:28Il y aura la prison dédiée aux gros bonnets du narcotrafic qui sera très certainement un déplacement du président.
04:36Mais ce n'est pas un problème de loi, c'est plus un problème d'application des peines en fait.
04:39Oui, mais je ne suis pas d'accord avec l'idée qu'il y a une justice qui est d'une manière systémique laxiste.
04:47Je ne le crois pas.
04:48La démonstration.
04:49Je pense que dans certains domaines, oui, peut-être, il faudrait observer les choses de beaucoup plus près.
04:54C'est trop générique.
04:55On ne peut pas dire là, de toute façon, à partir du moment où on ensemblise, on se trompe.
05:00C'est un magistrat qui pose le constat, qui dit que l'application des peines n'est pas la bonne.
05:05Il y en a 8000 magistrats.
05:06Il y en a 8000 magistrats. Il faut aller voir ce que pensent tous les autres.
05:10C'est un éclairage.
05:12C'est un éclairage précieux et c'est un éclairage documenté, étayé, avec des chiffres.
05:16Oui, je vous dis sans doute dans un certain nombre de domaines.
05:19Mais pour, lorsque vous parlez de l'application des peines, puisque c'est bien là qu'il y a le problème.
05:23De quel domaine vous parlez, quand vous dites dans certains domaines ?
05:27Mais je ne suis pas sûr que la justice, par exemple, en termes de narcotrafic, soit laxiste, par exemple.
05:33Donc ça me gêne quand on dit qu'elle est laxiste.
05:35Là, on parle des vols avec effraction, on parle des incivilités du quotidien des Français, en fait.
05:40Voilà.
05:40Eh bien, ce que vous disiez, Olivier, et ce que je dis aussi, c'est que le problème de moyens de la justice
05:47fait que, sans doute, cela ressort sur l'application des peines.
05:52Vraisemblablement.
05:53Là, on parle des peines, des vols, des effractions, des cambriolages...
05:56Oui, alors je suis d'accord, par exemple, sur la justice des mineurs, tous les spécialistes de ces questions-là,
06:01nous disent que, dès le premier acte délictuel, il ne faut pas, pour créer le sentiment d'une impunité
06:08avec des cursus vers la délinquance qui s'aggrave, il faut que, dès la première affaire,
06:12il y ait une réponse judiciaire rapide et ferme.
06:14Moi, je ne suis pas défavorable au fait qu'il y ait des mesures beaucoup plus fortes.
06:19Mais, encore une fois, il peut y avoir une bataille idéologique sur quelle politique pénale ?
06:23Elle existe.
06:24Justement, le magistrat, ce matin, nous disait qu'il y avait, entre guillemets, une carcérophobie,
06:28c'est-à-dire que les magistrats n'envoient plus, maintenant, les délinquants en prison.
06:31Pour deux raisons. Dans le droit pénal, le mandat de dépôt, la prison, est la dernière des mesures.
06:40Voilà, notre droit est constitué comme ça.
06:43C'est une mesure d'exception.
06:45Pour certains faits, bien évidemment, que c'est la prison automatique.
06:48Vous allez commettre un meurtre, un assassinat, vous partez en prison.
06:52Après, il peut y avoir des aménagements de peine.
06:55Mais il y en a toujours des aménagements de peine.
06:56Ce n'est pas parfois, quand même très souvent.
06:59Non, parce que les prisons sont pleines.
07:01On a 60 000 détenus.
07:02Ça veut donc dire qu'il y a des mandats de dépôt qui sont prononcés.
07:04C'est la capacité des prisons.
07:07Il y a 70 millions de Français et il n'y a pas assez de place.
07:10On le sait.
07:11La décision de justice est parfois aussi une décision de justice qui tient compte de l'attention carcérale.
07:18Non, mais ça c'est terrible.
07:18Mais oui, mais comment voulez-vous ?
07:19Mais vous parlez des vols avec effraction, par exemple.
07:22Un individu qui n'a jamais commis de vol et qui l'a en commis un.
07:25Vous pouvez très bien penser qu'il faut le mettre en prison.
07:29C'est sa première infraction.
07:30Il faut le mettre en prison dès le premier vol.
07:32Or, si votre casier judiciaire est vierge, que vous commettez un vol avec effraction, vous n'allez pas en prison aujourd'hui, à l'heure où je vous parle.
07:40On peut le regretter.
07:41Si on le regrette, ça veut dire qu'il faut se poser la question de notre justice dans ce pays.
07:45Donc, est-ce qu'il ne faut pas se la poser vraiment aujourd'hui ?
07:47Je pense qu'il faut se la poser.
07:48Est-ce qu'on doit se la poser, cette question ?
07:50Si on se la pose, si on se pose cette question, ça veut dire qu'on a résolu déjà deux problèmes.
07:55Le problème du financement de notre justice, le problème du nombre des juges et le problème des places de prison.
08:01Donc, si on répond à ces trois questions, on peut attaquer le volet philosophique, si j'ose dire.
08:05Mais si on n'a pas répondu à ces trois questions par des moyens,
08:09ça n'est même pas la peine que l'on commence à philosopher sur qu'est-ce que doit être la justice dans notre pays.
08:14On n'est pas dans la philosophie, on est dans du concret, Vincent Roy.
08:17Je vous dis, si vous voulez du concret, il faut des places de prison, ça veut dire de l'argent.
08:21Ça veut dire créer des prisons ?
08:23Oui, mais pour ça, il faut de l'argent.
08:25Ça veut dire des juges, ça veut dire plus de juges.
08:27Ça veut dire qu'il faut recruter plus d'enquête.
08:28Ça, c'est exactement ce que dit le syndicat de la magistrature.
08:31Mais oui, mais attendez, vous ne pouvez pas.
08:33Mais ils ont raison.
08:33Ils ont raison sur ce coup-là.
08:34Vous ne savez pas parce que ça vient du syndicat de la magistrature que tout ce que tu as veut dire.
08:40Nous sommes un sous-effectif en termes de nombre de magistrats.
08:44Quand je vous dis une situation de clochartisation...
08:47Moi, je vous parle de peine.
08:49De peine de prison et vous me parlez d'effectifs.
08:51Ben oui.
08:52On n'est pas syndicalistes.
08:53Mais il faut bien les prononcer, les peines.
08:57Donc, il faut plus de magistrats.
08:59Et s'ils veulent mettre en prison...
09:00C'est bien ça dont je vous parle.
09:01C'est-à-dire que les peines ne sont pas prononcées.
09:03C'est ce qu'on dit.
09:03C'est ce qu'il ne faut pas appliquer.
09:05Lorsque vous discutez avec des magistrats et dans certains parquets, je vous assure, je l'ai fait.
09:10Les gens vous disent, ah ben non, peine d'intérêt général, bracelet électronique, parce qu'on n'a pas de place de prison.
09:17Ils vous le disent.
09:18C'est une réalité.
09:20Donc, on en revient toujours à la même chose.
09:21C'est-à-dire qu'en fait, on n'y arrive pas.
09:23Non.
09:23Et donc, tant qu'il n'y a pas de nouvelle prison créée, vous dites que c'est un problème de peine.
09:27C'est une volonté politique.
09:28Puisqu'en Espagne, il y avait des problèmes avec les places de prison.
09:31Ils ont réglé le problème.
09:32Ils ont mis les moyens.
09:32Avec un effort financier.
09:33Avec un effort financier considérable.
09:35Mais le problème des places de prison est réglé.
09:37Pour l'instant, personne ne veut mettre les mains dans le cambouis.
09:39Et qui va les mettre un jour ?
09:40À un moment donné, il va falloir y aller.
09:41À un moment donné, comme on dirait, dans le sud-ouest.