Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • avant-hier
Alors que l’Europe met l’accent sur la compétitivité au détriment du climat, la France peine à déployer une stratégie claire pour les énergies renouvelables. Entre révisions d’objectifs, retours en arrière réglementaires et tensions budgétaires, les professionnels du secteur doivent s’adapter à un environnement plus incertain. Quelles conséquences pour les filières, les investissements et la souveraineté énergétique ?

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Générique
00:00On parle des énergies renouvelables dans le débat de ce Smart Impact avec Antoine Huard.
00:11Bonjour, bienvenue. Vous êtes le cofondateur directeur général de VersoEnergie et Pierre Germain, bonjour.
00:17Bonjour.
00:17Associé cofondateur de E-Cube, stratégie consultante. Quelques mots de présentation pour commencer. VersoEnergie.
00:23VersoEnergie, déjà merci pour votre invitation. VersoEnergie c'est un énergéticien dont l'ambition est de décarboner les secteurs qu'on juge impossibles à décarboner, notamment l'industrie, le transport aérien ou maritime, et de faire ça en connectant la production d'électricité renouvelable qui est abondante, compétitive, et la production de molécules de synthèse, c'est-à-dire des molécules comme l'hydrogène ou les carburants synthétiques qui peuvent demain remplacer les carburants fossiles
00:51ou les produits fossiles qui servent dans l'industrie et dans le transport aérien et maritime.
00:55Même question pour E-Cube. C'est quoi ? C'est un cabinet de conseil, c'est ça, dédié à un certain nombre d'enjeux, notamment l'énergie ?
01:02On est un conseiller en stratégie. On est une cinquantaine de consultants. On est à Paris, Lausanne, Bruxelles, Londres.
01:07On existe depuis une quinzaine d'années et on accompagne effectivement les entreprises du secteur de l'énergie, des différentes filières, dans l'ajustement de leur stratégie,
01:17à la nouvelle réglementation, aux nouvelles perspectives de développement de leurs activités. On accompagne également des entreprises dont le métier n'est pas de produire ou d'acheminer de l'énergie,
01:26mais de la consommer et on les aide à mieux consommer l'énergie, à se décarboner.
01:30Avec, on va commencer par là, un constat d'inflexion, on va dire ça comme ça, Antoine Huard, dans les politiques publiques.
01:37Si je commence par le niveau européen, est-ce que vous diriez, alors évidemment on en parle beaucoup de la globalité du Green Deal, du Parc Teuvert,
01:45on a beaucoup parlé de ça en matière d'agriculture, mais est-ce que vous dites qu'il y a moins d'ambition européenne aujourd'hui ?
01:51Je ne dirais pas ça, mais je dirais qu'effectivement la politique énergétique, elle est toujours une sorte de balancier entre trois objectifs
01:59qui peuvent paraître contradictoires, mais qu'il faut parvenir à concilier, c'est la résilience, l'autonomie énergétique, l'indépendance énergétique,
02:06le coût, il faut que ce soit compétitif, et puis bien sûr la décarbonation, il faut que ce soit conforme avec la trajectoire de décarbonation
02:13pour tenir les objectifs climatiques face aux dérèglements qu'on connaît bien.
02:18Et donc il y a parfois des moments où on met plus l'accent sur un des objectifs, ça a été le cas dans la période post-Covid,
02:23il y a eu un gros accent qui a été mis sur la décarbonation, et puis maintenant, avec la situation géopolitique qu'on connaît
02:31et la prise de conscience de l'impact sur notre industrie de la crise énergétique qu'on a traversée,
02:40il y a un retour un peu de balancier vers effectivement la priorité économique.
02:45Donc la compétitivité ?
02:46La compétitivité, la réindustrialisation, donc c'est le Clean Industrial Act, mais pour moi ce n'est pas forcément incompatible
02:52avec la trajectoire de transition, je ne vois pas ça ni comme un retour en arrière, ni comme un renoncement,
02:59mais plutôt comme un rééquilibrage, et moi je suis personnellement...
03:03Mais si on prend l'exemple de la directive européenne CSRD, par exemple, on appuie sur le frein, très clairement.
03:11Alors c'était peut-être trop compliqué, on a reçu beaucoup d'entreprises qui vous disaient 800 pages, on s'y perd.
03:16Bien sûr, il y a eu des excès de complexité, mais si on regarde directive par directive,
03:20il peut y avoir des reculs par endroit, des avancées de l'autre, et ce qu'il faut regarder c'est la situation globale,
03:26et où je ne crois pas qu'il y a un renoncement d'ensemble.
03:29Et d'ailleurs, moi je suis même convaincu que si on veut la compétitivité, c'est bien les renouvelables,
03:34et ces nouveaux développements énergétiques qui peuvent nous y conduire.
03:37Donc il faut justement essayer de réconcilier ce qu'il y a souvent, malheureusement, parfois,
03:43on a une tendance à opposer, le développement des renouvelables et la compétitivité,
03:47en disant que les renouvelables coûtent cher, le fossile ne coûte pas cher, en fait c'est plus compliqué que ça.
03:51Les renouvelables aujourd'hui sont dans beaucoup de cas d'usage plus compétitifs que les énergies fossiles.
03:54Alors il y a des explications, il y a des causes, Pierre Germain, notamment des raisons politiques.
04:01On peut parler évidemment des résultats des élections américaines, mais aussi des européennes au mois de juin dernier.
04:07Oui, absolument.
04:09C'est ce que les électeurs ont demandé d'une certaine façon.
04:12Voilà, donc les politiques s'infléchissent sous l'effet des résultats des élections.
04:16Et effectivement, les partis d'extrême droite portent des vues plus mesurées par rapport à ces politiques de mitigation environnementale.
04:25Et donc ça se traduit par l'évolution de cette nouvelle commission européenne, l'inflexion vers plus de compétitivité plutôt qu'une focalisation sur la décarbonation en tant que telle.
04:37Donc c'est la politique à la maille européenne, à la maille française.
04:43C'est évidemment un déclencheur majeur qui est l'élection de Trump aux Etats-Unis, qui a donné un signal.
04:48Alors ce n'est pas la cause primaire, mais c'est un accélérateur.
04:51Il a fait toute sa campagne sur le thème « drill, baby drill », donc relancer les forages, donc vivre les énergies fossiles.
04:56Absolument.
04:56Ça doit quand même inquiéter le secteur des énergies renouvelables quand vous les conseillez, non ?
05:02Alors absolument, parce qu'il fait de cette politique énergétique un vecteur de compétitivité des Etats-Unis au détriment de l'Europe, d'où la réaction européenne.
05:12Et donc une arme dans la compétitivité internationale, mais aussi vis-à-vis de l'espace européen.
05:19On peut se dire également que c'est un levier pour lui, puisque l'espace européen cherche à se sevrer de consommation de gaz vis-à-vis de la Russie.
05:27Mais que les Américains sont exportateurs de gaz.
05:29Donc basculer d'un approvisionnement russe vers un approvisionnement américain lui donne un levier supplémentaire.
05:35Oui, effectivement. Dans les négociations sur les droits de douane, ça fait partie de ce que Donald Trump...
05:40Mais dans la balance, on a parlé de la réglementation ou de l'inflexion au niveau européen.
05:45Qu'est-ce que vous pouvez en dire, Antoine Huard, au niveau français ?
05:49Par exemple, je me souviens d'avoir travaillé avec des entreprises de l'énergie
05:55qui attendent désespérément la loi de programmation pluriannuelle, qui n'est toujours pas là, c'est ça ?
06:00Oui, elle n'est pas là pour des raisons qui, à mon avis, tiennent plus à la situation politique actuelle d'instabilité,
06:06d'absence de majorité, qu'à une réelle volonté de renoncement sur cette question.
06:09C'est également, je pense, attribuable à un phénomène assez franco-français qui est cet antagonisme entre nucléaire et renouvelable.
06:17On voit que cette PPE, on a aussi du mal à l'accoucher à cause de cette opposition qui renaît régulièrement de ses cendres.
06:24Il avait disparu, cette enquête ?
06:25Il avait disparu parce qu'on a traversé une crise énergétique où tout le monde a compris à ce moment-là.
06:29En tout cas, on pouvait espérer que tout le monde comprenne définitivement qu'on a besoin des deux, qu'on a besoin de nucléaire, qu'on a besoin de renouvelable.
06:34Maintenant que cette crise énergétique est quand même derrière nous, au sens où on n'est plus en situation de pénurie électrique,
06:39mais au contraire en situation de surcapacité électrique, certains peuvent avoir tendance à dire,
06:44ben voilà, maintenant on n'a plus besoin d'un tel ou on n'a plus besoin d'un tel.
06:47Alors qu'en réalité, on n'est qu'au début de cette transition énergétique qui va passer par l'électrification.
06:51Et donc ce surplus électrique, c'est une richesse qu'on doit non pas considérer comme un surplus à couper,
06:57mais au contraire comme un pilier pour nous permettre demain d'électrifier davantage, de réindustrialiser le pays et de produire des...
07:03Si on prend l'exemple des molécules de synthèse, de produire des carburants qui vont remplacer les importations fossiles.
07:08Et Pierre évoquait le gaz tout à l'heure, mais il y a tout ce qu'on importe de manière fossile,
07:12notre électricité peut nous permettre demain de nous en affranchir.
07:15Il y a une autre, alors on a parlé des raisons politiques, mais il y a les raisons économiques aussi, Pierre Germain,
07:19parce qu'on est, alors là je reste focus sur la France,
07:22mais on est quand même dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, pour ne pas dire une équation impossible.
07:29Est-ce que ça impacte aussi les politiques de financement de la transition énergétique,
07:36et notamment des énergies renouvelables ?
07:38Alors c'est le sentiment que donnent les derniers arbitrages, effectivement,
07:40cette équation entre financer les retraites, le modèle social français,
07:46et la transition énergie-climat.
07:50De toute évidence, on n'a pas les moyens, il faut faire des choix,
07:52et ces choix se font aujourd'hui malheureusement au détriment du futur.
07:56– Concrètement, qu'est-ce que ça change ?
07:58Qu'est-ce qui est en train de ne pas se passer, si je peux poser la question de cette façon-là ?
08:01– On a évoqué effectivement les retards pris par l'adoption de la PPE,
08:05on parle de deux ans de retard, cette PPE, elle devait être en vigueur début 2024,
08:08donc votée en 2023, on est deux ans plus tard, c'est une obligation législative,
08:12c'est une loi qui s'impose de la France.
08:15Donc d'autres choses plus concrètes, c'est les déclarations sur les objectifs
08:20de déploiement de renouvelables électriques en France, par le gouvernement,
08:25plus récemment par la commission de régulation d'énergie,
08:28qui n'est pas une instance politique, mais qui traduit le fait qu'effectivement
08:32il n'y a pas un décollage suffisant de l'électrification,
08:35la consommation électrique est à peine revenue, encore en retrait par rapport à la période pré-Covid,
08:41donc là où on envisageait pour décarboner un basculement sur l'électricité,
08:45la consommation d'électricité, la consommation ne suit pas,
08:49et donc les perspectives de production de nouvelles capacités électriques renouvelables
08:54ne se justifient plus, et donc la creux en tire les conséquences
08:57et suggère une réduction des objectifs,
08:59et donc ça c'est un impact direct sur les entreprises qu'on accompagne.
09:02Est-ce que, je vous entendais au début de l'interview être relativement optimiste
09:06sur le côté européen, est-ce que vous dites que c'est un repli conjoncturel ?
09:09Oui, parce que quand on regarde la situation mondiale,
09:12les renouvelables ont clairement une dynamique qui va être impossible à arrêter,
09:17ça s'impose pour des raisons de compétitivité.
09:20Le surcoût qu'on constate, il est lié à une imperfection de notre système.
09:27On fait porter au budget de l'État le coût des renouvelables,
09:29alors que ça n'a plus vraiment de sens.
09:31Il y a une demande des industriels pour acheter de l'électricité renouvelable,
09:33et on leur dit non, les parcs renouvelables doivent passer par des appels d'offres de l'État
09:37qui vont être portés par des lignes budgétaires et la facture avec une contribution sur la facture.
09:44Donc vous avez d'un côté les prix qui baissent parce qu'il y a trop de renouvelables,
09:47et de l'autre les factures des gens qui augmentent.
09:48Tout ça ne peut plus durer.
09:49En revanche, dans le monde, les renouvelables avancent.
09:51Il y a 600 gigawatts qui ont été raccordés l'an dernier.
09:54C'est plus 33% par rapport à l'année précédente.
09:56Il y aura 700 gigawatts cette année d'après les estimations.
09:58Il n'y avait même pas un gigawatt en 2006-2007.
10:01Donc vous voyez qu'on est dans une progression exponentielle.
10:03La France ne va pas faire exception à cette règle.
10:05Donc la question c'est est-ce qu'on y va avec un mécanisme de marché et de financement de ces renouvelables qui est adéquat
10:12ou est-ce qu'on reste, je dirais, enfermé dans nos luttes franco-françaises nucléaires versus renouvelables
10:19qui nous font perdre beaucoup de temps ?
10:20C'est quoi la réponse de la filière face à ce repli qui est sans doute, je suis assez d'accord avec vous, conjoncturel ?
10:26Donc effectivement, on peut peut-être être positif à long terme,
10:29mais à court terme, il y a des ajustements nécessaires pour les entreprises
10:30parce qu'il y a concrètement, effectivement, une baisse de l'engagement de l'État auquel il faut pallier.
10:36Donc si on prend l'exemple de la production d'électricité renouvelable,
10:39les mécanismes de soutien qui allaient directement à l'achat par la puissance publique de l'électricité
10:45doivent être suscités par une vente auprès de consommateurs finaux.
10:48Donc on s'engage dans le marché à trouver des clients directement.
10:53Les efforts doivent porter sur l'efficacité opérationnelle de l'exploitation de ces parcs.
10:56Ça a longtemps été négligé. La plupart des développeurs de champs solaires, d'éoliennes,
11:01l'enjeu opérationnel d'efficacité était dans le développement le plus rapide possible de capacités sécurisées du foncier.
11:08Aujourd'hui, il faut exploiter efficacement, réduire les coûts.
11:11Sur la recharge de véhicules électriques, c'est aujourd'hui peut-être un éloignement de l'horizon
11:18auquel la vente de véhicules à moteur thermique sera interdite.
11:21Et donc le plan de déploiement des bornes doit être ajusté en tant que tel.
11:26Donc il faut réviser les plans de déploiement.
11:29C'est aussi des opportunités d'ailleurs pour les entreprises.
11:31Si je reste sur le champ des...
11:33Dernier mot, très rapide.
11:34Des opportunités de consolidation. Il y a des acquisitions à faire pour gagner aussi en efficacité
11:39et grâce à une taille plus importante des effets d'échelle.
11:41Merci beaucoup à tous les deux. C'était passionnant.
11:44Et je vous dis à bientôt sur Bsmart4Change.
11:46Merci beaucoup.
11:46On passe tout de suite à notre rubrique Startup.

Recommandations