Clément Ray, cofondateur et directeur d’Innovafeed, était l’invité de BFM Business de ce jeudi 17 avril pour présenter son entreprise, spécialisée dans l’élevage d’insectes à destination de l’alimentation animale et végétale.
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00:00Good morning business, French Tech.
00:03La French Tech et avec Anthony Morel, nous accueillons Clément Réco, fondateur et directeur général d'InnovaFeed.
00:08Bonjour, bienvenue dans cette émission.
00:11Alors il y a quelques années, on parlait beaucoup d'alimentation à base d'insectes.
00:14Il y avait insectes et il y avait InnovaFeed principalement.
00:17Le premier a été placé en dressement judiciaire, le deuxième est rentable.
00:20C'est vous, InnovaFeed.
00:21Est-ce que la chute de ce concurrent-là, ça vous a fait du mal ou au contraire, ça vous porte dans ce secteur ?
00:28Je pense que dans l'ensemble, pour développer un marché, il y a besoin de plusieurs acteurs.
00:33Mais peut-être avant de commencer tout de suite sur le secteur de l'insecte, je ne prends pas de recul et évoquer la dynamique des start-up industrielles, un peu plus peut-être systémiques.
00:43Regardant les trajectoires d'entreprises effectivement comme Northvolt, comme Insecte, on se rend compte que c'est des trajectoires qui peuvent être complexes.
00:52Il y a des défis de mise à l'échelle de la technologie, des échelles de temps, des défis de changement de culture, des organisations, des start-up industrielles.
01:01Il n'y a pas du tout besoin des mêmes talents, des mêmes cultures d'entreprise au début de projet, au moment de phase d'exécution de projet industriel.
01:08En même temps, je pense que cette dynamique est extrêmement importante, parce que si on regarde les chiffres, au cours des trois dernières années, plus d'un tiers des usines ouvertes en France ont été ouvertes par des start-up industrielles.
01:20Les deux doivent être mis un petit peu en balance et de se dire qu'il y a quand même quelque chose de systémique.
01:27Comment est-ce que l'on fait pour créer les success stories qui vont permettre d'enclencher cette dynamique ?
01:33Qu'est-ce qui va distinguer les projets qui fonctionnent, des projets qui font des erreurs, qui peuvent être réduitoires, parce qu'une start-up industrielle reste un animal fragile ?
01:43Et qu'est-ce qui fait que votre stratégie industrielle, à vous, a fonctionné, alors que celle d'Insecte n'a pas fonctionné ? Quel choix en particulier ?
01:50Je pense qu'il y a différents paramètres. Il y a un paramètre qui est très important, c'est le rythme de développement.
01:57Il y a deux façons de mourir. On peut mourir en allant trop vite, on peut mourir en allant trop lentement.
02:02Si on va trop lentement, on se fait dépasser. Les clients, les investisseurs, les partenaires industriels privilégient des concurrents.
02:10Si on va trop vite dans la mise à l'échelle, on peut faire des erreurs industrielles, on peut prendre des risques, faire des investissements qui vont se révéler réduitoires et fatales
02:19dans le futur.
02:20Aujourd'hui, votre plus gros marché, c'est quoi ? C'est l'aquaculture, par exemple ?
02:25C'est des insectes, donc c'est des mouches soldats noirs, ça, que vous vendez à des industriels de l'agroalimentaire pour les animaux, c'est ça ?
02:35Exactement. Donc c'est essentiellement de la protéine, protéine d'insectes, qui est utilisée pour nourrir des saumons, des truites, mais aussi des chiens et des chats.
02:44Le marché des chiens et des chats, c'est-à-dire du pet food, représente à peu près les mêmes volumes que l'aquaculture aujourd'hui.
02:51Et en fait, on n'est pas en train de construire un nouveau marché, mais on est en train de s'insérer dans des formulations.
02:58On va remplacer des produits qui ont des performances similaires, mais avec davantage d'impact environnemental.
03:03Donc il ne s'agit pas d'un défi de construction de marché, le marché est clairement là.
03:07Il s'agit d'un défi industriel, de stabilisation d'un procédé et d'atteindre de la rentabilité.
03:13Donc vous, là, en 2025, vous en êtes où dans la stratégie de développement ?
03:19Vous l'avez dit, il ne faut pas aller trop vite, il ne faut pas aller trop lentement.
03:21Vos choix pour les mois qui viennent en termes de sites de production, d'implantation ?
03:25Donc, on a construit depuis 2021 ce qu'on appelle notre tête des séries, dans la somme, à NEL.
03:32On a fait le choix de la construire en trois étapes.
03:34C'est un investissement total d'environ 140 millions d'euros.
03:36On ne l'a pas fait en une seule fois.
03:38On a fait une première phase en 2021, une deuxième phase en 2023,
03:42et on a démarré récemment la dernière phase en 2024.
03:45Il a fallu d'abord stabiliser le processus de production à cette échelle.
03:48Ça n'avait jamais été fait dans le monde jusqu'à présent.
03:51Après, il a fallu atteindre des ratios économiques.
03:54D'abord, la marge brute.
03:55On a atteint l'année dernière un niveau de marge brute cible, environ 50% de marge brute.
04:00Et on est aujourd'hui, en fait, dans la poursuite de la montée en charge de la dernière phase,
04:04qui va nous permettre d'atteindre la rentabilité au niveau du site en début de l'année prochaine.
04:08Ce qui est hyper intéressant aussi, c'est les alliances industrielles.
04:11Vous travaillez avec Théreos, par exemple, qui est un grand groupe sucrier.
04:14Expliquez-nous un petit peu comment fonctionne l'interaction.
04:16Vous récupérez en fait les déchets agricoles, c'est ça ?
04:19Et vous nourrissez vos larves avec ça ?
04:22Oui, c'est un modèle dont on est assez fiers, qu'on appelle le modèle de sa biose industrielle.
04:25On a implanté notre site à proximité de deux autres sites industriels.
04:29Nos deux intrants, c'est des biodéchets, de la matière organique, pour nourrir les insectes, et de l'énergie.
04:36Et on a cherché à optimiser ces deux sources d'intrants.
04:37Pour la matière organique, c'est effectivement Théreos qui nous approvisionne à travers un pipeline, des tuyaux, des produits qu'on va utiliser comme aliment des insectes.
04:48C'est extrêmement vertueux parce que ça a permis à Théreos de réduire de façon considérable l'énergie qui était requise pour pouvoir transformer ces déchets organiques.
04:55D'un autre côté, notre approvisionnement en énergie est lui aussi issu d'énergie fatale.
05:00L'énergie fatale, c'est l'énergie qui était dissipée dans l'atmosphère jusqu'à présent.
05:03Et 70% de nos besoins énergétiques sont issus de cette énergie fatale.
05:06Et ces deux éléments concourent non seulement à la performance économique qu'on a évoquée, mais aussi à la performance environnementale.
05:12Ce qu'on fait tous les mois, c'est qu'on regarde quelle a été l'intensité carbone d'une tonne de protéines.
05:15On la compare aux ingrédients qu'on remplace.
05:18Et depuis l'année dernière, on est aussi sensiblement meilleur dans les faits, avec les performances actuelles, que tous les ingrédients qu'on remplace.
05:25Non seulement en termes de biodiversité, mais aussi en termes de performance carbone.
05:29Et ça, c'est une grande source de fierté.
05:30Très très vite, vous êtes exposé aux Etats-Unis.
05:33Est-ce que l'ambiance, la guerre commerciale actuelle, ça vous inquiète ?
05:36Il y a déjà des conséquences ? Ou pas vraiment ?
05:39Je ne sais pas quelles ont été les nouvelles annonces de ce matin.
05:42Ça change tous les jours.
05:43C'est vrai.
05:43Écoutez, on regarde les choses, vous savez qu'on a un projet aux Etats-Unis.
05:50C'est une source d'instabilité.
05:53Après, je pense qu'on se situe aussi un peu dans le ton long.
05:57Et je pense que c'était un peu trop tôt pour tirer des conclusions aujourd'hui.
06:00Merci beaucoup Clément Ray d'être venu nous voir, cofondateur et directeur général d'Innovafeed, basé dans la Somme.