Anne Fulda reçoit Nathalie Zajde pour son livre «La patiente du jeudi» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres, Nathalie Zacht.
00:02Alors, vous êtes psychologue clinicienne, vous êtes maître de conférences,
00:08vous venez de publier votre premier roman, un roman qui s'appelle La patiente du jeudi,
00:13qui s'est trouvé sur la liste des premiers romans du Goncourt.
00:17Et ce livre est publié aux éditions L'Antilope, c'est un livre singulier,
00:21qui est à la fois grave et burlesque dans le même temps, un ton très original.
00:27Alors, l'héroïne s'appelle Mona Rose.
00:30C'est une jeune femme, une jeune femme d'aujourd'hui, 32 ans, journaliste pigiste, dans un journal féminin.
00:36Elle hésite dans ses amours entre hommes et femmes, entre engagement et pas engagement.
00:40Et surtout, en fait, elle est frappée de trôles de crises, de crises d'angoisse.
00:45Elle est comme possédée, tout d'un coup, elle se sent comme possédée.
00:50Et elle décide de consulter un psy qui, grâce à l'hypnose,
00:54va lui faire découvrir quelque chose d'absolument fou.
00:57C'est qu'en fait, dans ces crises, elle s'exprime en yiddish, une langue qu'elle n'a jamais apprise.
01:03Alors, ce que je voulais savoir, c'est, puisque vous êtes psychologue clinicienne,
01:06est-ce que vous, vous avez connu des cas similaires, non pas similaires à l'intrigue,
01:12qu'on dévoilera un petit peu après,
01:14mais des personnes comme ça qui peuvent s'exprimer dans une langue qu'ils ne connaissent pas, a priori ?
01:19Alors oui, j'ai connu des personnes comme ça, mais pas des femmes ou des filles comme Mona,
01:25mais plutôt des patients et des patientes qui sont, c'est surtout des femmes d'ailleurs,
01:29qui sont d'origine étrangère et surtout africaine,
01:32et qui se mettent à parler dans des langues ou dans une langue,
01:37qui est par exemple la langue des esprits.
01:38On appelle ça la glossolalie.
01:39Et ce qui m'a plu dans l'écriture de ce roman,
01:43c'est le fait de pouvoir évoquer des faits psychologiques
01:48que la science ne s'explique pas encore, mais qu'on constate dans la clinique.
01:52Oui.
01:53Alors, cette découverte, donc elle parle en yiddish,
01:56va emmener son psychologue, qui s'appelle Clément Le Fur,
01:59à consulter un linguiste, un spécialiste du yiddish,
02:03qui l'aide à traduire ses propos.
02:05Et puis aussi, plus tard, un rabbin guérisseur de Brooklyn,
02:10parce qu'on se rend compte qu'en fait,
02:13elle est probablement possédée par un d'e-book.
02:16Alors, pour ceux qui ne savent pas, dites-nous ce qu'est ce fameux d'e-book.
02:20Alors, peut-être, est-ce que je peux préciser quelque chose ?
02:24Monat Rose est une fille d'aujourd'hui, c'est une jeune journaliste,
02:28comme vous disiez, c'est une moderne.
02:29Donc elle, elle a surtout des problèmes amoureux, en fait.
02:32Son problème, c'est qu'elle pense qu'elle pourra vraiment être heureuse dans la vie
02:37le jour où elle aura vraiment quelqu'un qui va l'aimer autant qu'elle l'aime.
02:41Alors, elle cherche, elle n'arrête pas d'avoir des relations amoureuses.
02:43Femme, homme, peu importe.
02:45Elle essaye tout parce qu'elle pense qu'elle sera sauvée par l'amour.
02:48Et à chaque fois, c'est une catastrophe.
02:50Les ruptures sont terribles pour elle, surtout quand elle n'est pas aimée,
02:54elle s'accroche, enfin...
02:56Bref, et là, elle a une crise, elle a des crises très bizarres aussi,
03:03où elle voit des scènes terribles, elle assiste à des scènes horribles,
03:06elle s'évanouit, en fait.
03:08Et puis, elle a devant les yeux des gosses qui hurlent,
03:11des mamans qui soit se détachent des enfants de façon violente,
03:16soit s'accrochent à leur bébé,
03:17des hommes qui la poursuivent, qui poursuivent d'autres hommes.
03:21Et elle est envahie par ses douleurs.
03:24Et elle va voir ce psy,
03:26et il pense peut-être qu'elle a vécu des choses traumatiques dans son enfance.
03:31Et donc, il la met sous hypnose.
03:32Et à ce moment-là, elle se met à parler une langue qu'elle ne connaît pas.
03:35Parce que le yiddish, c'est la langue des juifs d'Europe centrale,
03:39plus personne ne la parle, ou pratiquement.
03:41Et elle n'est pas juive, enfin, elle n'est pas juive.
03:43Elle est comme ces femmes d'aujourd'hui.
03:45Elle ne connaît pas vraiment son histoire, en fait.
03:46Elle connaît un peu.
03:48C'est-à-dire, vous savez, elle est comme ces jeunes femmes des métropoles.
03:51C'est-à-dire, si on remonte à ses arrières-grands-parents,
03:55c'est tous des émigrés.
03:56Mais elle, elle est jeune, elle est parisienne.
03:58Et en fait, elle va découvrir,
04:01invité par son psy, qui lui dit,
04:06écoutez, si vous avez le yiddish à l'intérieur de vous,
04:08c'est qu'il y a une histoire.
04:10Et elle va aller au mémoriel de la Shoah,
04:12elle va voir aux archives,
04:13elle va apprendre qu'au fond,
04:15et c'est ça qui m'intéressait dans ce roman,
04:18elle est possédée par un ancêtre,
04:20dont elle n'a jamais entendu parler,
04:22puisque c'est quatre générations avant elle,
04:24qui est mort dans la Shoah,
04:26et qui l'habite, et qui vient en elle,
04:28et qui prend possession d'elle par moments.
04:31Et ce Dibouk,
04:32donc c'est un être,
04:34un mort, mal mort,
04:37c'est un être qui...
04:38Il n'a pas eu son comptant de jour.
04:39Voilà, c'est un être qui est mort avant son heure,
04:43et qui surtout a laissé de son vivant des choses,
04:48comment dire, inabouties,
04:50on lui devait de l'argent,
04:52il devait de l'argent,
04:53il avait des dettes,
04:54ou il s'était engagé à épouser quelqu'un.
04:56Enfin, c'est des...
04:58Les Dibouk sont des morts
05:00de la tradition juive ashkénase,
05:01qui n'existent normalement plus,
05:02puisqu'il n'y a plus de culture juive ashkénase
05:05depuis la Shoah.
05:06Et donc c'est des morts qui meurent,
05:08mais qui ne peuvent pas atteindre le monde des morts,
05:10et donc qui investissent,
05:11parce qu'ils ont laissé des choses chez les vivants,
05:13et qui investissent,
05:15qui possèdent un vivant,
05:16pour que le vivant malade
05:18contraigne,
05:19des personnes
05:22à faire ce que lui ne peut pas faire.
05:24Et au fond,
05:25c'est une femme jeune, moderne,
05:27qui n'a rien à voir avec ça,
05:28mais qui est habitée
05:30par un mort de la Shoah.
05:32Elle est happée par son passé,
05:33par le passé de ses ancêtres,
05:34par le passé de ses ancêtres,
05:35qu'elle ne connaît pas.
05:36Elle pensait qu'elle avait un problème personnel,
05:37puisque son psy est classique,
05:39mais en fait,
05:40ce n'est pas son problème,
05:41ce n'est pas son passé à elle,
05:42c'est le passé de ses ancêtres.
05:44Et au fond,
05:45il y a aussi l'idée que
05:47le Dibouk a une façon très particulière
05:48de posséder les vivants.
05:51Il se comporte avec les vivants
05:52comme s'il était l'époux
05:55de la personne possédée.
05:57Donc il empêche
05:58toute personne,
06:00il empêche la vie amoureuse
06:02de la personne.
06:03Alors oui,
06:04on voit que c'est une intrigue
06:07qui est particulière,
06:09avec finalement peut-être
06:09une forme de leçon
06:11que professe le Dibouk,
06:14qui dit que les morts
06:15sont aussi uniques que les vivants,
06:17et il faut absolument
06:18écouter ce qu'ils ont à dire,
06:20car c'est l'oubli
06:20qui nous rend fou.
06:22Oui,
06:22qui est peut-être
06:23une des phrases méditées,
06:25mais bon,
06:25ce n'est pas un livre sur l'oubli,
06:26c'est vrai que c'est un livre
06:27sur cette aventure,
06:30cette errance
06:30d'une jeune femme d'aujourd'hui
06:31qui se retrouve embarquée
06:32finalement
06:33dans une confrontation
06:34avec des ancêtres
06:36qu'elle ne connaissait pas.
06:38Et est-ce que c'est une influence,
06:39et ça sera juste
06:39la dernière question,
06:41on dit qu'en psychologie,
06:42de temps en temps,
06:42on peut reproduire
06:43sans le savoir
06:44des actions
06:45ou des comportements
06:47qui ont été faits
06:50par nos ancêtres.
06:52C'est une manière
06:53de conjuguer ça,
06:55ce qu'on appelle
06:55l'ethnopsychiatrie,
06:56c'est ça ?
06:57Oui,
06:57c'est une façon de,
06:58finalement,
06:59on reproduit,
07:00et là,
07:00plus que ça,
07:02elle est comme missionnée,
07:03elle ne sait pas,
07:04elle ne le connaît même pas,
07:06c'est comme si l'ancêtre
07:07l'avait missionnée
07:08de son temps,
07:11avait missionné
07:11sa descendance
07:12pour réaliser des choses
07:13que lui ne peut plus faire.
07:14Donc,
07:15il se peut
07:15que je souffre,
07:17que n'importe qui souffre,
07:19non pas à cause
07:19de mes propres problèmes,
07:21mais à cause
07:21d'un héritage,
07:23en fait,
07:24d'un problème en errance
07:25qu'il va falloir
07:26que moi,
07:27je résolve.
07:28En tout cas,
07:29je vous conseille
07:29ce livre,
07:30ça s'appelle
07:31La passion,
07:32je le dis,
07:32merci Nathalie Zagd,
07:34et c'est Paris
07:34aux éditions L'Antilope.
07:36Merci à vous.
07:41Merci à vous.