Le conclave qui vient d’élire le pape Léon XIV est-il un modèle de démocratie ? Début de réponse avec Patrick Cohen.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00Bonjour Patrick Cohen. Bonjour Marion.
00:01Le conclave qui vient d'élire le pape Léon XIV est-il un modèle de démocratie ?
00:06La première réponse qui vient naturellement est non, pas du tout.
00:09Et d'ailleurs, ce n'est pas fait pour ça.
00:10Un collège restreint qui coopte l'un des siens pour régner jusqu'à sa mort,
00:14qui le fait dans la plus complète opacité en prêtant serment de secret,
00:18sans aucune légitimité populaire, puisque les cardinaux électeurs ne sont pas élus par les fidèles,
00:22ce processus ne peut raisonnablement pas être qualifié de démocratique.
00:26Et pourtant, il y a dans ce cérémonial venu du fond des âges et dans ses règles fixées il y a près de 800 ans,
00:33un objet politique étrange et fascinant qui vient encore de faire la preuve de son efficacité
00:37en inventant en 24 heures un pape que personne n'avait vu venir.
00:41La surprise de ce deuxième souverain américain, après celui qui occupe la Maison Blanche,
00:47la défaite de ceux que les vaticanistes appelaient le clan des Italiens
00:50tendent à nous montrer que le cardinal Prévost a été librement choisi,
00:54sans que personne n'ait pu tirer les ficelles de ce conclave et de ses électeurs.
00:58Vous êtes sûr ?
00:58On n'est jamais sûr de rien, d'autant qu'au poste stratégique de dicaster des évêques,
01:02où l'avait placé François, Robert Prévost avait fait nommer un certain nombre de ceux qui l'ont élu.
01:08Mais par principe, un processus électoral dont on ne connaît pas le vainqueur à l'avance
01:13est un bon processus.
01:15Et au Vatican, il en a presque toujours été ainsi.
01:17Sur les cinq derniers papes, quatre n'étaient pas en tête des votes de premier tour.
01:22L'un d'eux, Wauhtiwa, le futur Jean-Paul II, n'était même pas nommé.
01:25Alors que le favori, l'archevêque de Gênes, Giuseppe Syrie,
01:28trois fois en course et deux fois en tête au premier tour, n'a jamais été pape.
01:32Alors on ne sait rien encore du cheminement qui a fait éclore Léon XIV.
01:36Mais tout observateur politique ne peut être qu'admiratif du résultat.
01:40Parvenir à pourvoir un poste aussi exposé et donc forcément convoité,
01:45après seulement quatre tours de scrutin pour une désignation à la majorité des deux tiers,
01:50c'est-à-dire dans un quasi-consensus, témoigne d'un sens du collectif assez exceptionnel
01:55et en tout cas plutôt éloigné des intrigues et des manœuvres politiques
01:59que le film Conclave nous avait donné à voir.
02:02Et ce processus, il pourrait être transposé dans un cadre politique ?
02:04C'est un modèle singulier qui nous donne à réfléchir d'abord sur l'absence de candidats déclarés
02:09et sur le refus des pressions, des influences extérieures.
02:12Je dois avouer que l'idée d'un dôme électronique qui nous couperait de toute communication
02:16pendant un temps limité me titille parfois.
02:20Ensuite, c'est l'idée de la délibération qui conduit au choix collectif et au consensus.
02:25À quel endroit et à quelle échelle sommes-nous encore capables de cela ?
02:29À bien y réfléchir, les pratiques qui s'en rapprochent le plus sont celles des conventions citoyennes.
02:34Les Français tirés au sort qui y ont participé ne sont certes pas restés enfermés
02:38mais ils ont longuement débattu leur désaccord et appris à se mettre d'accord.
02:44À 95% pour le rapport de la Convention sur le climat,
02:48à 76% dans la Convention sur la fin de vie, travaux et pourcentages hélas oubliés.
02:54On en viendrait presque à regretter que ces citoyens n'aient pas élus un pape.
02:58L'édito politique, merci Patrick Cohen.