Tester un maximum de cultures pour étudier leur adaptabilité au contexte pédo-climatique de la Bourgogne-Franche-Comté et les possibilités de débouchés, c’est l’objectif que s’est donnée l’Alliance BFC, avec la création, en 2021, de deux plateformes expérimentales aux situations agro-climatiques différentes.
Interview de Hervé Martin, responsable développement filières et nouvelles cultures de l'Alliance BFC.
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00:00Là, vous êtes sur la plateforme Nouvelles Cultures d'Ezraie.
00:03C'est une plateforme qu'on a mis en place depuis 2020-2021,
00:08avec pour objectif, dans le cadre de l'adaptation au changement climatique,
00:13de pouvoir tester un maximum de cultures dites nouvelles,
00:16très diversifiées sur le secteur, de voir leur adaptabilité,
00:20tout en validant un principe agronomique
00:24et puis aussi d'étudier, pourquoi pas, la possibilité de mise en place de filières et de débouchés.
00:28Donc, sur une plateforme comme vous avez là,
00:31c'est une plateforme qui, depuis 2021, a reçu à peu près une trentaine d'espèces différentes,
00:37qui vont des arbres fruitiers, abricotiers, pêchés, nectariniers, pommiers.
00:42Donc là, vous êtes sur de la culture pérenne,
00:44des semi-pérennes autour des plantes aromatiques à parfum,
00:47et puis une multitude d'espèces annuelles qu'on a pu tester,
00:52qui vont de la cartame au phénugrec, au haricot rouge, à la coriandre,
00:57pour voir un petit peu toutes ces cultures-là,
01:00comment elles peuvent s'adapter dans notre secteur,
01:02répondre demain à un éventuel débouché,
01:05et puis apprendre à pouvoir les conduire
01:08et à savoir comment on pourrait les piloter au mieux
01:11dans notre écosystème bourguignon et franco-comptois.
01:16Alors, comment on s'est arrêté sur ces différentes espèces ?
01:18Alors, c'est vrai qu'on est parti en gros d'un contexte que 2018-2019,
01:22une rotation qui était mise en difficulté par l'aléa climatique,
01:25par les productions notamment de colza, qui chutaient très fort.
01:28Donc, on a commencé à réfléchir à des rotations qui s'allongent,
01:33adaptation donc au sec, aux à-coups climatiques.
01:37Et donc, on est parti d'une grande feuille blanche,
01:39et on a été s'inspirer un peu de ce qui pouvait se faire ailleurs en France,
01:44notamment un peu plus au sud, pour être tout à fait clair,
01:47et puis de se dire, ben voilà, ces cultures-là, elles existent,
01:50elles peuvent se faire,
01:51et puis de voir comment dans notre milieu, elles peuvent s'adapter.
01:53Donc, on est parti de ça.
01:54C'est vraiment une idée d'ouvrir le champ des possibles avec ce qui existait.
02:00Puis après, on a essayé aussi d'être à l'écoute d'un marché.
02:02On a essayé pas mal de choses autour des protéines hygineuses légumineuses,
02:06donc on parle de haricots, on parle de pois chiches, on parle de lentilles.
02:10Et donc, ça a fait partie aussi de choses qui existent.
02:14Aujourd'hui, il y a un plan protéines qui se met en place,
02:17donc on a eu aussi la volonté de vouloir aller chercher
02:20autour de ces protéines hygineuses légumineuses un peu,
02:24pourquoi pas, de voir leur adaptation ici.
02:25On teste maintenant un petit peu de févrole, du lupin.
02:29Voilà, ça continue vraiment dans ce principe,
02:31pour voir comment ces espèces,
02:35on va pouvoir essayer de les implanter dans notre milieu.
02:37Et c'est surtout l'avantage d'être en situation réelle,
02:42suffisamment grande pour simuler, pourquoi pas, la position d'un agriculteur.
02:46Donc, en plus, on a deux plateformes comme celle-ci,
02:48ici en pleine de Saône, avec pas mal de réserves utiles et un potentiel élevé.
02:54Mais on est aussi dans des situations plus difficiles,
02:56ou dans des ergilo-calcaires superficielles, avec peu de réserves utiles en eau.
02:59Ou alors, on va plutôt sur la Franche-Comté, dans des milieux un petit peu plus froids,
03:04notamment sur la partie hivernale,
03:07et plutôt tourner un peu plus aussi sur des potentialités de production
03:11liées au fourrage et aux productions animales.
03:15C'est la quatrième vraie campagne, je dirais, de vraie production.
03:18On a commencé à travailler vraiment au printemps 2021.
03:22Et puis, à la fin de l'année 2021, on a implanté des arbres fruitiers,
03:25qui vont arriver, eux, dans la deuxième année de production pour les abricotiers,
03:29parce que ça a été les premiers arbres qu'on a mis en place.
03:31On a des plantes aromatiques qui vont être sur la troisième année de récolte.
03:35On a des fruits rouges avec des framboisiers aussi,
03:38qui vont être sur leur troisième année.
03:40C'est-à-dire que, vraiment, on a commencé à récolter 2022, 2023, 2024.
03:45Donc, tout doucement, en 2022, vraiment, c'était presque rien.
03:49On était au début.
03:50Mais bon, ça va être vraiment la troisième année d'exploitation.
03:52La première tendance qu'on a, c'est que...
03:57Les accoutes climatiques, dans tous les cas, c'est compliqué.
03:59Et que 2023 est fondamentalement différent de 2024, avec une année très pluvieuse.
04:05Donc, ça nous amène ces contrastes-là.
04:07C'est assez intéressant.
04:09On a, sur cette plateforme, à Ezra, la possibilité d'irriguer.
04:11L'année dernière, on n'a pas du tout irrigué, même pas un arbre.
04:13On n'a pas mis du tout d'eau, parce que la pluviométrie était largement là.
04:16Et ça nous a permis de voir un peu comment ça se comportait.
04:20Finalement, on a fait une première vraie récolte au bout de deux ans et demi.
04:23Donc, sur des arbres, c'est déjà positif.
04:24Sur des plantes aromatiques, comme vous avez derrière, pas du tout d'irrigation.
04:29Même sur les plateaux, dans des terres très, très, je dirais, très faibles réserves utiles.
04:34On voit bien que ça s'adapte bien.
04:36On a la possibilité de faire ces cultures-là.
04:39Maintenant, le débouché, ça, c'est une autre partie.
04:41Mais agronomiquement parlant, on a des résultats assez pertinents.
04:44Mais on voit bien que la grosse difficulté, c'est toutes les cultures de printemps.
04:48Dans les annuels, de ce que j'ai en printemps, la difficulté de mener à bien une culture qu'on va se mettre à la sortie de l'hiver
04:55et qui est récoltée ou sur l'été ou sur l'automne.
05:00On se rend compte qu'on a des vraies difficultés à amener du potentiel.
05:05Et chaque année, on a un risque de perdre.
05:08Donc, il y aura un enjeu autour de la couverture des sols.
05:11On aura un enjeu sur cette notion de gestion de l'eau.
05:14Donc, il va falloir qu'on aborde au niveau agronomique par la matière organique,
05:18par la couverture des sols, par le travail, par les associations d'espèces.
05:22Mais on sait que dans certains endroits, si la ressource en eau vient diminuer,
05:27on sera en grosse difficulté, dans tous les cas, pour produire
05:30et pour maintenir des productions type estival dans nos milieux.
05:35Donc, on va essayer de travailler tout ça,
05:36voir comment on peut valoriser le moins de millimètres,
05:38le mieux, je dirais, rendre le plus efficient la moins de gouttes d'eau.
05:44Donc, ça va être aussi l'enjeu qu'il va y avoir autour de ça.
05:46Donc, on parle d'eau, on parle de climat, on parle de sol.
05:50Et toute notre approche, elle se fait autour de ce triptyque ou de ces quatre pôles,
05:56en pensant aussi à captation carbone.
05:58Parce que là, vous voyez, on est au milieu d'arbres,
06:01mais on va penser aussi à la couverture des sols entre les arbres,
06:04comment on pourrait les exploiter.
06:06Donc, on est dans ce système-là, dans la parcelle.
06:09On a aussi mis des principes, pourquoi pas, d'agroforesterie,
06:12les haies périphériques, comment elles pourraient s'accompagner.
06:15Voilà, c'est vraiment l'approche globale qu'on veut avoir
06:19autour d'amener de la résilience par de la diversité cultivée,
06:25l'apport au sol, gérer nos sols,
06:27et puis avoir des sols les plus vivants et les plus actifs possibles,
06:33amener cette notion de gestion de l'eau.
06:35Et une fois qu'on aura commencé à gérer et à reprendre tout ça,
06:39on aura déjà fait pas mal de choses.
06:41Voilà, on est parti sur un...
06:43Quand on est sur des arbres, on est en plus très loin,
06:46parce qu'on a implanté des arbres pour peut-être continuer d'ici 10, 15, 20 ans autour de ça.
06:51Donc, on y est dedans.
06:52Après, ça va être de renouveler les idées,
06:56d'apprendre aussi de nos échecs.
06:58C'est-à-dire, tiens, là, ça n'a pas été bien,
07:00mais ce qui ne fonctionnait pas, peut-être en 2023, 2024 ou 2021,
07:04il faudra y repenser et se rappeler de ce qu'on a pu tirer comme conclusion,
07:08ou là où on s'est trompé,
07:09là où on n'est pas arrivé à faire quelque chose,
07:12peut-être recommencer d'ici 3, 4 ans,
07:14retravailler, pourquoi pas, du quinoa,
07:16retravailler de la cartam,
07:17ou penser association aussi.
07:21Et ça, c'est une autre partie du raisonnement qu'on va avoir.
07:25Décalage des dates de semis,
07:26association d'espèces dans une même parcelle,
07:28voir comment ça peut aussi être bénéfique pour la gestion du désherbage,
07:31la gestion des pathogènes, la gestion de l'eau.
07:35Donc voilà, on a encore plein de choses à aller chercher,
07:37c'est super intéressant.
07:38Il y a des belles perspectives encore à construire.
07:40C'est un travail de longue haleine sur lequel on n'est pas des magiciens.
07:44Donc le mouton à 5 pattes, il n'existe pas.
07:48Il n'y a pas de raison qu'on découvre tout de suite.
07:52Mais par contre, on apprend.
07:54Et ça, l'importance d'apprendre et puis d'acquérir de la connaissance,
07:58d'acquérir de la compétence,
07:59et après de pouvoir gérer ces données, ces acquis-là.
08:03Et dans le service, ça fait partie de ça.
08:05Quand on a des collègues qui ont fait des prospectives sur le climat,
08:08la gestion de la donnée, toutes ces informations qu'on récupère
08:11et comment on va pouvoir les gérer, c'est une mime super intéressante
08:15pour dans tous les cas imaginer l'avenir.
08:17Et ça, il faudra le travailler aussi là-dessus.
08:19Merci d'avoir regardé cette vidéo !