Anne Fulda reçoit Metin Arditi pour son livre «Le danseur oriental» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres, Métine Arditi, on est ravis de vous recevoir.
00:04Alors vous avez déjà écrit de nombreux livres, le Turqueto qui a été un grand succès,
00:07je prie Jean Giono, l'enfant qui mesurait le monde, l'homme qui peignait les âmes,
00:11vous avez écrit un dictionnaire amoureux de l'esprit français, vous me le rappeliez à l'instant,
00:16et là vous venez de publier le premier volet d'une trilogie sur Constantinople, chez Grasset,
00:21et le premier tome s'intitule Le Danseur Oriental.
00:24Alors ça annonce un petit peu le programme, parce que c'est effectivement une danse
00:28à travers l'histoire, à travers la fin de l'Empire ottoman.
00:34Vous nous baladez comme ça sur les bords du Bosphore, dans les palais, dans les maisons closes,
00:39dans les lieux de lutte, et c'est passionnant.
00:44Alors première question, Constantinople, Istanbul aujourd'hui,
00:48vous qui avez aussi écrit un dictionnaire amoureux d'Istanbul, vous y revenez souvent,
00:53ça fait longtemps que vous n'y habitez plus, vous y êtes né, vous avez passé vos premières années,
00:58pourquoi ce désir aujourd'hui de replonger dans vos racines,
01:04nostalgie ou désir de mieux comprendre ce qui s'est passé, notamment vis-à-vis des minorités ?
01:10Absolument. Il y avait un peu de tout.
01:12Il y avait d'abord ce personnage de Gulgul, que j'ai déjà rencontré dans quatre de mes romans,
01:19qui est un personnage très attachant, et que je voulais retrouver.
01:25Il y a bien évidemment la ville elle-même, cette ville ne cesse de m'éblouir.
01:31Qui est un personnage...
01:32Ah oui, et puis c'est vraiment une ville unique, j'ose le dire, il y a de très très belles...
01:36Paris est une ville exceptionnelle, Rome, etc.
01:40Istanbul, c'est autre chose, c'est d'abord ce promontoire,
01:44une espèce de burun, comme on dit en turc, le nez qui plonge dans la mer Marmara,
01:51les deux rives du Bosphore qui sont en Chanteurès, les îles des princes,
01:55et puis tout ce qui a été construit au XVIe, XVIIe siècle, qui sont des trésors,
02:02tout ça fait... J'oublie la gentillesse des gens, qui est exceptionnelle.
02:08Et donc tout ça fait que la ville est vraiment magique.
02:11Je n'ai pas rencontré une personne qui était à Istanbul, qui ne m'ait pas dit que c'était vraiment magique.
02:18Et puis effectivement, moi je viens d'une famille minoritaire,
02:21et je voulais comprendre ce qui s'est passé, parce qu'il y a un mystère.
02:25Là-dedans, c'est-à-dire que pendant quatre siècles, vous aviez un régime autoritaire,
02:31l'Empire ottoman, qui, à l'égard de ces minorités, était d'une grande bienveillance.
02:38Lorsqu'on...
02:39Une minorité grecque, les arméniens, les juifs, absolument.
02:43Lorsqu'on tuait les juifs en Espagne, sous Isabelle la catholique,
02:48Bajazet, le sultan, envoyait des bâtons entiers les recueillir et les loger à Constantinople.
02:55Et voilà que le régime devient une république, donc en principe, n'est-ce pas, plus démocratique,
03:01et c'est là où les minoritaires subissent.
03:05Pourquoi ?
03:07Atatürk avait hérité d'un État, qu'il a défendu, qu'il a sauvé, il voulait en faire une nation.
03:13Il fallait donc que la mayonnaise prenne entre ces minoritaires et le peuple turc, musulman, très, très majoritairement.
03:22C'était pas simple, parce que ces minorités, en fait, ont toujours bénéficié d'une grande liberté.
03:28Donc ils parlaient mal le turc.
03:31Ils étaient, par définition, d'une autre religion.
03:34Ils avaient un rôle très important sur le plan économique, il ne faut pas l'oublier.
03:39Et ils étaient eux-mêmes alphabétisés, disons, à 95%.
03:43Quand, il y a un siècle, la Turquie était alphabétisée peut-être à 5 ou 6%.
03:48Donc il y avait aussi, de leur côté, un regard pas forcément très amoureux vis-à-vis de ce pays,
03:56qui avait un problème à régler, c'est-à-dire à devenir une nation.
04:01Et là, on comprend, quand on prend le sens de l'histoire,
04:06on comprend qu'il y a un siècle, ces minorités étaient vouées à disparaître, et c'est ce qui s'est passé.
04:11Ce qui est d'autant plus étonnant, juste au passage, qu'Atatürk lui-même est une forme d'enfant du cosmopolitisme.
04:17Absolument, absolument.
04:18C'est surprenant.
04:19Absolument.
04:20Et ça, c'était vraiment pour moi une grande découverte,
04:23parce que jamais je n'ai lu quelque part ou entendu que Atatürk pouvait être un homme déchiré.
04:29Et je pense qu'il était déchiré.
04:31Il n'avait pas le choix de ce qui s'est passé.
04:34Peut-être que s'il avait vécu plus longtemps, les choses se seraient passées un peu mieux.
04:39Mais en le prenant comme un personnage, parce que c'est un personnage,
04:42et puis là, avec Gülgül, avec mon personnage principal,
04:45des liens qui s'établissent, qui vont se retrouver dans le tome 2,
04:50qui sont très forts, qui sont profonds, qui sont affectueux,
04:54mais également respectueux de part et d'autre.
04:59Effectivement, je pense qu'il a dû souffrir.
05:01Alors, venons-en à Gülgül, sans défleurer le livre, ses aventures.
05:06Donc, Gülgül, ça veut dire riri, en turc.
05:10Il est appelé ainsi parce qu'à 4 ans, il soulevait des sacs de pistache de 5 kilos,
05:15en souriant.
05:16Absolument.
05:17À 8, déplacer des lots de noisettes de 20 kilos, en s'amusant également.
05:21Donc, il est repéré par un sort de sélectionneur des lutteurs.
05:27Il va faire carrière.
05:29Ce qui est intéressant, c'est aussi son arbre généalogique, d'une certaine façon,
05:32parce que c'est l'enfant naturel du calligraphe du sultan, c'est ça ?
05:37Juif converti à l'islam.
05:39Lui-même, enfant naturel d'un soldat irlandais qui est venu pour la guerre de Crimée
05:45et qui est resté, et d'une femme juive de la bonne société,
05:50mais qui a fauté, on peut le dire à l'époque,
05:54et qui lui-même, donc le père de Gülgül, va se convertir à l'islam
05:58parce qu'il veut devenir derviche tourneur.
06:00Et il deviendra derviche tourneur,
06:03et c'est dans le monastère des derviches qu'il apprendra la calligraphie.
06:07Et il a donc une relation avec l'une des odalisques du palais,
06:13une Arménienne qui mourra en couche.
06:16– Chrétienne.
06:16– Chrétienne, absolument.
06:19Et il ne peut pas l'épouser parce qu'il a fait vœu de célibat.
06:22Et là, le sultan va demander à son pâtissier-chef de jouer le rôle du père.
06:30Donc Gülgül est en quelque sorte la résultante de tout ce qui constituait l'Empire.
06:35– Voilà, alors on ne va pas raconter et puis on doit se conclure,
06:39mais c'est vrai qu'à travers sa vie absolument romanesque et étonnante,
06:44on va vivre la fin de l'Empire ottoman.
06:47Et une fois de plus, avec ce procédé, vous qui êtes un grand conteur,
06:51de raconter la grande histoire à travers la petite histoire.
06:55Et c'est vraiment passionnant.
06:58Et donc je vous conseille de lire « Le danseur oriental »,
07:02donc premier tome d'une trilogie sur Constantinople,
07:07qui est pareille chez Grasset.
07:08Merci beaucoup Métinard.
07:09– Merci beaucoup à vous Anne-Felda.
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