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La proposition de loi visant à réformer la justice des mineurs revient ce mardi au Parlement avec de nouvelles discussions en commission mixte paritaire. Un texte dénoncé par plusieurs avocats et magistrats, dont Mathieu Bouery, juge des enfants à Lille et représentant du Syndicat de la magistrature.

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Transcription
00:00Bonjour Mathieu Bouhéry, cette proposition de loi vise à restaurer l'autorité de la justice,
00:05en tout cas son intitulé, l'utilisation de ce terme restaurer sous-entend que cette autorité se serait étiolée,
00:11est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
00:12Pas vraiment, non, en tout cas c'est pas ce que je constate moi tous les jours dans mon métier juge des enfants.
00:17J'ai pas l'impression qu'on ait besoin de restaurer cette autorité auprès des mineurs.
00:21Vous êtes vous Mathieu Bouhéry, juge des enfants à Lille, est-ce que vous avez vu ces derniers mois,
00:25ces dernières années, davantage de mineurs mis en cause arriver devant vous ?
00:28Alors moi je suis en poste depuis deux ans et demi au tribunal de Lille,
00:31j'ai des collègues qui sont là et qui sont en poste depuis plus longtemps que moi,
00:34moi j'ai pas vu cette augmentation qu'on veut nous vendre, de la violence ou des mineurs qui seraient poursuivis,
00:40au contraire, ce qu'on voit c'est qu'il y a plutôt une légère diminution du nombre de mineurs poursuivis devant les juridictions pour mineurs.
00:46C'est-à-dire que certains faits, notamment tout ce qui se rapporte aux violences, vous ne constatez pas d'augmentation,
00:50parce que c'est vrai qu'on a pu avoir des faits divers qui arrivent dans l'actualité,
00:54des choses qui provoquent beaucoup d'émotions à chaque fois, puisqu'il s'agit encore une fois de mineurs,
00:58vous ne constatez pas d'augmentation de ces faits ?
01:01Non, pas du tout. Des faits divers, effectivement, aussi dramatiques soient-ils,
01:06malheureusement il y en a toujours eu et il y en aura toujours,
01:08mais il ne faut pas se baser sur un fait divers pour en faire une norme.
01:12Nous, dans la justice de tous les jours, la justice des mineurs, dans ce que je vois dans mon quotidien,
01:17je ne vois pas d'augmentation de la violence ou des infractions graves,
01:20comme c'est vendu par les parlementaires aujourd'hui.
01:22Et malgré tout, effectivement, un certain nombre d'élus considèrent aujourd'hui qu'il faut changer la loi
01:27considérant que la réponse pénale est insuffisante.
01:30Est-ce que vous considérez-vous que cette réponse pénale est suffisante aujourd'hui
01:33par rapport aux faits qui sont présentés devant vous ?
01:36Moi, je le considère, oui, et je ne suis pas le seul.
01:39J'en veux pour preuve le fait qu'hier, devant un certain nombre de tribunaux de France,
01:43que ce soit Lille ou même dans beaucoup d'autres villes,
01:46il y avait effectivement des magistrats, des avocats, mais aussi des éducateurs qui ont manifesté
01:50pour dire qu'aujourd'hui, cette réforme, elle était au mieux inutile et au pire dangereuse.
01:56Parce qu'aujourd'hui, nous, dans le Code de la justice pénale des mineurs,
01:59qui est entré en vigueur en septembre 2021 seulement,
02:01ça ne fait que 3 ans, enfin 4 ans maintenant bientôt,
02:04il y a déjà tout un tas de procédures qui existent pour permettre de prendre les réponses
02:10adaptées à la situation soit d'un mineur qui commence à commettre des infractions,
02:14soit d'un mineur qui a déjà commis des infractions et qui a déjà un passif.
02:17Et ça, j'en veux pour preuve aussi l'augmentation assez importante du nombre de mineurs détenus
02:21sur les trois dernières années, ce qui montre bien qu'on a déjà finalement tout ce qu'il faut
02:25pour pouvoir prendre en charge ces mineurs.
02:27Il y a quand même une logique derrière cette proposition de loi,
02:31dans ce qu'on entend des parlementaires qui l'apportent,
02:33c'est qu'une justice plus dure serait plus efficace.
02:37Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
02:39Non, pas du tout.
02:41Parce que ce qu'il faut savoir quand même, et ce qu'il faut mettre en avant,
02:45c'est que la justice des mineurs, il y a un principe constitutionnel qui la dirige,
02:49c'est la primauté de l'éducatif sur le répressif.
02:52On ne peut pas juger des adolescents, voire parfois des jeunes adolescents,
02:56comme des adultes.
02:57C'est des personnes en devenir, c'est des personnes qui ont besoin d'être guidées,
03:00et souvent qui ont des parents carencés, qui ont des parents en demande de soutien pour ça.
03:05Et nous, la justice des mineurs, on doit être là finalement pour les accompagner,
03:08quand il faut les accompagner, et c'est un besoin qui est mis en avant,
03:12et que ce soit, comme je l'ai dit hier, par les magistrats, les avocats, les éducateurs,
03:15tous ceux qui travaillent dans la justice pénale des mineurs,
03:18mais aussi ceux qui ont pris le temps finalement d'examiner la nécessité de ce texte.
03:21Et ça, ce qui le montre bien, c'est que ce texte, il avait été vidé de sa substance,
03:26et par la commission du Sénat, et par la commission de l'Assemblée Nationale,
03:29et déjà en fin 2024, par la commission des lois,
03:32quand à l'époque c'était simplement un projet de loi porté par Gabriel Atol.
03:36Ici Nord, 7h49, nous sommes en direct avec Mathieu Bouhéry,
03:39juge des enfants à Lille et membre du syndicat de la magistrature.
03:43Parmi les mesures, Mathieu Bouhéry, qui vont être examinées aujourd'hui en commission mixte paritaire,
03:47mesure qui a été adoptée au Sénat, qui prévoit d'envoyer les mineurs en prison pour des peines ultra courtes.
03:52L'argument, c'est que cela permettrait de casser très vite un engrenage de la délinquance.
03:58Envoyer des mineurs en prison, c'est quelque chose qui n'est pas automatique.
04:01Qu'est-ce que vous pensez de cet argument ?
04:03C'est un argument qui est complètement à côté de la plaque.
04:06On le voit bien, nous, dans notre pratique de tous les jours,
04:08que la prison a rarement un effet positif, comme on essaie de nous le vendre.
04:12Aujourd'hui, pour soutenir cette proposition de loi,
04:15la prison, ça coupe le mineur de l'école, ça coupe le mineur de sa famille.
04:21Et ce n'est pas la bonne réponse à apporter quand il y a des infractions.
04:25C'est aller parfois, quand on est vraiment en bout de course et qu'on a tout essayé avant.
04:29Mais l'esprit de cette proposition de loi, c'est vraiment de mettre la prison presque en première étape,
04:34finalement, pour réfléchir à quel accompagnement doit être mis en place pour le mineur.
04:37C'est prendre, finalement, la problématique complètement à l'envers.
04:41Et c'est même parfois réfléchir d'une manière qui est beaucoup plus dure que celle
04:44qu'on a pour les majeurs.
04:46Autre mesure, justement, on parlait de majeurs,
04:49un assouplissement de l'excuse de minorité.
04:52Là, ça concernerait les mineurs de plus de 16 ans,
04:54récidivistes, lorsqu'ils sont poursuivis pour un crime ou un délit
04:57punis d'au moins 5 ans d'emprisonnement.
04:59Donc, on est déjà sur des profils assez lourds, entre guillemets.
05:02Est-ce que vous pouvez rappeler ce que c'est cette excuse de minorité aujourd'hui ?
05:04Et nous dire ce que vous pensez de cette mesure.
05:06Le principe de l'atténuation de la peine pour les mineurs,
05:09c'est que, comme je l'ai dit tout à l'heure,
05:10on considère que ce sont des adultes en devenir
05:13qui n'ont pas forcément la même maturité qu'un adulte,
05:15ce qui semble assez évident,
05:17qui n'ont pas la même perception de la gravité de ce qu'ils commettent,
05:19et que pour cette raison-là,
05:21la peine qu'ils encourt, la peine qu'ils risquent
05:22pour avoir commis une infraction,
05:24elle est moins élevée que celle qui est prévue pour un majeur.
05:27Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de peine du tout qui est prévue,
05:29au contraire.
05:29Et donc, on ne va pas remettre en cause ça,
05:31même quand on est face à des profils, encore une fois, très lourds.
05:33On parle de récidivistes, crimes ou délits punis d'au moins 5 ans d'emprisonnement.
05:37Oui, il faut le remettre en cause.
05:39Pour moi, ce n'est pas utile,
05:40parce que, déjà, c'est une possibilité qui existe déjà
05:42dans un certain nombre de cas,
05:44beaucoup plus réduite que ce qui serait prévu par cette loi.
05:46Et c'est une possibilité qui n'est déjà pas vraiment utilisée
05:49par les juridictions,
05:49parce que c'est assez rare, finalement.
05:51Les fois, on estime que c'est justifié
05:53de retenir le fait d'écarter cette atténuation de la peine.
05:57Vous êtes opposé à cette proposition de loi.
05:59Est-ce qu'il y a tout de même des choses à réformer,
06:01aujourd'hui, dans la justice des mineurs,
06:03ou est-ce que tout va bien ?
06:05Alors non, tout ne va pas bien,
06:06mais ce n'est pas une réforme dont on a besoin.
06:08Ce dont on a besoin, c'est une augmentation des moyens,
06:10que ce soit pour la protection judiciaire de la jeunesse,
06:13qui est l'organisme chargé d'accompagner les mineurs
06:15autour d'infractions,
06:16et dont les moyens, l'an dernier, ont été baissés,
06:18et qui a dû mettre fin à certains contrats d'éducateurs.
06:21Donc, c'est-à-dire que là, on vient dire
06:22qu'il y a un problème avec le pénal,
06:24mais en fait, on a diminué les moyens accordés
06:27aux services qui sont censés accompagner les mineurs,
06:29et aussi les moyens qui sont accordés
06:32à la protection de l'enfance.
06:33Il y a quelques semaines, le garde des Sceaux,
06:35Gérald Darmanin, a dit que l'État était parfois
06:37un parent défaillant pour les mineurs
06:40qui avaient commis des infractions,
06:41et ça, j'en veux pour preuve aussi,
06:42le rapport rendu il n'y a même pas un mois
06:44par la commission d'enquête sur les politiques publiques
06:47de la protection de l'enfance,
06:48bien souvent, les mineurs qui commettent des infractions
06:50sont des mineurs qui ont déjà un accompagnement
06:52en tant que mineurs en danger au domicile,
06:54et ça aussi, l'aide sociale à l'enfance,
06:56notamment, on manque de moyens.
06:58Qu'on mette les moyens déjà pour assurer
07:00les accompagnements qui sont permis par la loi aujourd'hui,
07:02et on aura beaucoup plus de résultats
07:04qu'en tapant plus durement sur les mineurs
07:05qui ont commis des infractions.
07:06Des moyens en amont plutôt que réformer la loi en aval.
07:09Voilà, si je résume votre position,
07:11Mathieu Bouhéry,
07:12alors que cette proposition de loi
07:13est de retour aujourd'hui au Parlement
07:15avec cet examen en commission mixte paritaire.
07:17Merci beaucoup de nous avoir exposé votre point de vue.
07:20Bonne journée.
07:20Merci à vous, bonne journée.

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