Elle a dû grandir sans son frère jumeau après ce drame. Une moitié d’elle s’est envolée ce jour-là, laissant un vide que rien ni personne n’a jamais pu combler. Chaque anniversaire, chaque souvenir d’enfance, portait la trace d’une absence trop lourde pour son âge. Elle a appris à sourire sans lui, à avancer malgré la douleur sourde, mais au fond d’elle, une partie de son cœur est restée figée dans le passé, là où leurs rires se mêlaient encore.
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00:0015 ans, mon frère est à l'hôpital, il vient de se...
00:02Déjà je ne prends même pas conscience qu'il vient de se...
00:04Ça fait 15 ans que je suis avec lui, il est là, il ne bouge plus.
00:09Vraiment un choc visuel à proprement parler.
00:12Donc là, l'appétit n'existe plus, la soif n'existe plus, le sommeil n'existe plus.
00:15On est en survie complète.
00:16J'avais une relation avec mon frère qui était très fusionnelle, très intense.
00:20C'est clairement ma moitié au sens propre du terme, c'est-à-dire que tout ce que je ressentais, il le ressentait aussi.
00:25Quand j'avais un problème, quand j'étais on va dire inconsolable, c'était la seule personne qui arrivait à me consoler.
00:29Quand lui, il avait du mal à exprimer quoi que ce soit, j'étais la seule à le comprendre.
00:32C'était vraiment le ying et le yang en fait.
00:35On était une et une même personne, deux personnalités différentes, mais une même personne et un même ressenti.
00:40Après mon frère, c'est vraiment quelqu'un qui ne se livrait pas sur ses émotions.
00:44Déjà il aimait beaucoup la solitude, ce qui a aussi causé sur sa sociabilité.
00:48Mais c'était quelqu'un qui aimait énormément lire, qui aimait tout ce qui est en rapport avec l'histoire.
00:53C'était quelque chose qui le passionnait énormément.
00:54Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que mon frère petit a été diagnostiqué précoce, enfant précoce.
00:59Donc ça explique aussi sa solitude, son intelligence, le goût pour l'histoire, les choses qui le passionnent.
01:06Mais malheureusement, vu que c'est un enfant diagnostiqué précoce, il était en échec scolaire.
01:11Donc il avait énormément de mal à ce niveau-là.
01:13Mais c'était en aucun cas quelqu'un de bête ou quoi, c'est la personne la plus intelligente que je connaisse.
01:17Mais aussi, ça lui a causé pas mal de soucis au collège.
01:22C'est-à-dire que j'ai pas envie d'employer le mot harcèlement, parce que ce n'était pas le harcèlement à l'état pur.
01:27Mais une petite sorte d'harcèlement de certains de ses camarades.
01:31Parce qu'on va dire que c'était un peu la proie facile, vu que c'était quelqu'un qui n'était pas avec des gens,
01:35qui était tout seul, qui aimait traîner tout seul, qui pensait énormément, qui avait énormément d'imagination.
01:41Et du coup, malheureusement, il y a certaines personnes qui se sont un peu prises à lui.
01:44Donc ça a causé pas mal de problèmes.
01:46Donc en mars 2014, enfin fin février 2014, avec mes parents, des amis de mes parents et leurs enfants, et donc mon frère et moi-même,
01:53nous sommes partis aux vacances de ski pendant une semaine à Val-Isère.
01:58Toute la semaine, c'est très bien passé.
01:59Et pendant le milieu de la semaine, mon frère, c'est quelqu'un qui n'est pas du tout stressé de la vie,
02:05vient me voir extrêmement paniquée par rapport à, à l'époque, une facture de téléphone d'un montant assez élevé pour quelqu'un de 15 ans.
02:12Il m'avait dit qu'il avait peur que les parents voient la facture, que forcément ils se fassent engueuler, etc.
02:17Ce qui est compréhensible, mais bon, moi, comme étant sa soeur jumelle, je lui avais dit,
02:20bah écoute, d'un air un peu taquin, bah écoute, tu verras, si tu te fais engueuler, bah écoute, tant pis pour toi, quoi.
02:27Enfin, ça t'apprendra.
02:28Et la fin de semaine se passe.
02:30On rentre le 1er mars 2014, des vacances de ski.
02:34Et en fait, en milieu d'après-midi, ma maman est tombée sur cette facture de téléphone.
02:40Donc comme tous parents normaux, elle va voir son enfant et le gronde en disant, bah c'est une facture qui est assez élevée,
02:47à ton âge c'est pas normal, etc.
02:48Elle a essayé de comprendre pourquoi il y avait ce montant-là, d'où est-ce que ça venait, etc.
02:52Mais d'un ton ferme, d'un ton d'une maman qui éduque son enfant, quoi.
02:56Elle est repartie de la chambre et mon frère a, bah comme tout adolescent, a pété son petit câble énervé, etc.
03:01Parce qu'il venait de se faire compter, qu'il n'avait pas forcément envie de se faire compter, etc.
03:04Et puis, pour moi, passe à autre chose.
03:06Et à un moment donné, il vient me voir dans ma chambre pour me demander un cahier quelconque que je lui donne.
03:11Et puis il repart.
03:12Là, malheureusement, j'ai un blackout parce que je sais pas le laps de temps qu'il y a eu entre ces deux moments-là.
03:16Mais à un moment, je le vois...
03:18Je le vois éteindre sa lumière de sa chambre.
03:21Je le vois fermer la porte.
03:22Et tout d'un coup, j'ai commencé à me sentir mal.
03:26Mais mal dans le sens stressé, pas bien, mal à l'aise, limite mon corps picotait un petit peu.
03:31Et automatiquement, je me suis tournée vers sa chambre, sa porte de chambre, disant
03:34Est-ce que j'y vais ou est-ce que j'y vais pas ?
03:36Et puis je me suis rappelée en me disant
03:37Si je vais l'embêter, c'est moi qui vais me faire engueuler.
03:39J'ai un petit peu la flemme.
03:41Je vais rien faire.
03:41Sachant qu'il faut savoir que mon frère, c'était quelqu'un qui avait énormément l'habitude de se mettre dans le noir.
03:46Vraiment de se mettre dans son monde à lui, en fait, tout simplement.
03:48Pour regarder les films, pour jouer, parce que c'était un très, très grand joueur.
03:52Ou tout simplement pour dormir.
03:54Et du coup, je m'étais dit, il doit regarder un film pour se détendre, ou il doit jouer parce que ça l'a énervé, etc.
03:58Et là aussi, mon laps de temps, j'ai un blackout complet.
04:02Ma maman monte à notre étage pour nous donner du linge.
04:05Donc elle passe dans un premier temps dans ma chambre parce que ma porte était ouverte.
04:08Et là, elle se met à ouvrir la porte de la chambre de mon frère.
04:11Et elle allume la lumière.
04:13Et là, elle se met à crier.
04:15Mais un cri d'une maman, je ne pourrais même pas l'expliquer tellement c'était strident et surprenant.
04:20Et donc, quand quelqu'un crie, automatiquement, je me suis tournée.
04:22Et donc là, j'ai vu que mon frère s'était...
04:25Donc c'est-à-dire que mon frère s'est pendu au Vélix de sa chambre.
04:30Et là, tout s'est enchaîné.
04:32Je me suis mise à crier, forcément.
04:34Mon papa est monté dans sa chambre.
04:36Et il faut savoir que c'est mes parents qui l'ont détachée.
04:38C'est ma maman qui a eu les premiers gestes de secours.
04:40Lui, mon papa, il s'est géré de tout ce qui est appelé les pompiers, le SAMU, etc.
04:43Et là, j'ai un blackout de ce qui se passe.
04:46Tout ce que je sais, c'est que les pompiers et les SAMU ont mis une heure et demie à relancer son cœur.
04:51Donc ça a été les une heure et demie les plus longues de toute ma vie.
04:53Jusqu'au moment où le médecin du SAMU, si je ne dis pas de bêtises,
04:57est venu nous voir en disant que ça y est, le cœur était relancé.
05:00Et que là, maintenant, il fallait l'emmener d'urgence à l'hôpital.
05:03Et j'ai demandé aux pompiers et à mes parents de me laisser monter dans le camion.
05:08Des deux côtés, ils n'ont pas voulu.
05:09Et ça, je pense que c'est la plus grande peine et la plus grande méchanceté que je peux avoir envers les pompiers.
05:16Parce que je sais que...
05:18Je pense que c'est aussi quelque chose que j'ai essayé de me convaincre.
05:19Mais je pense que si j'avais été là, ça l'aurait vachement rassuré, ça l'aurait vachement aidé.
05:23Et j'en ai énormément voulu à ces personnes après.
05:25Donc après, mon frère part à l'hôpital Nécaire à Paris.
05:28À ce moment-là, l'état d'esprit, c'est qu'il faut qu'il s'en sorte.
05:31Ou qu'il faut comprendre ce qui se passe.
05:32Parce que ça aussi, j'ai oublié de mentionner, mais au moment des faits, les policiers nous ont posé quelques questions.
05:39Et ils m'ont demandé combien de temps il est resté, on va dire, accroché.
05:42Et là, malheureusement, c'est là où on perd toute notion du temps.
05:45Moi, je me rappelle très bien, j'avais dit que c'était un très short timing.
05:49Mais peut-être que ça a été plus long, etc.
05:50Et en fait, ce timing-là était tellement important pour la suite que je pensais qu'à ça, à ça, à ça, à ça.
05:57Et vraiment, on ne se rend pas compte de ce qui se passe.
05:59On ne se rend pas compte de tout l'enchaînement qu'il peut y avoir.
06:01Et limite, on ne sait pas comment ça va se terminer.
06:03On est tout le temps en stress, en suspense, dans l'attente de savoir ce qui se passe.
06:07Dans l'attente de pourquoi il ne se réveille pas.
06:10Qu'est-ce qu'il faut faire ? Quel traitement il va avoir ?
06:12Et puis, tellement tout s'enchaîne qu'en fait, ça va très vite, mais en même temps, c'est très long.
06:17C'est une sensation qui est très bizarre.
06:19Et moi, j'avais 15 ans, donc mes parents aussi, il fallait qu'ils me gèrent.
06:22Mes parents, il fallait qu'ils gèrent trois choses.
06:24Il fallait qu'ils se gèrent eux-mêmes.
06:24Mais il fallait qu'ils gèrent dans un premier temps mon frère, eux et moi.
06:27Donc une fois qu'on arrive aux urgences à l'hôpital Necker, on est monté directement en réanimation.
06:33Et une fois que mon frère a été installé, les médecins viennent chercher mes parents.
06:37Donc ce sont mes parents qui, dans un premier temps, sont allés le voir.
06:40Moi, c'était qu'après.
06:42Ça n'a pas duré trop longtemps parce que tout simplement, ma maman a fait un malaise du choc, je pense, visuel.
06:46C'est mon papa qui m'a accompagnée pour que je le voie.
06:48Et là, à ce moment-là, effondrement.
06:51Parce que mon frère a 15 ans, c'est toute ma vie, ça fait 15 ans que je suis avec lui.
06:56Il est là, il ne bouge plus.
06:59Vraiment un choc visuel à proprement parler.
07:01Là, j'ai de nouveau des petits blackouts.
07:03Tout ce que je sais, c'est qu'on a attendu toute la nuit.
07:04Donc là, l'appétit n'existe plus, la soif n'existe plus, le sommeil n'existe plus.
07:08On est en survie complète.
07:09Je ne sais plus ce que les médecins vont dire à mes parents en ce moment-là, de pourquoi, de ce qui s'était passé.
07:14Tout ce que je sais, c'est qu'ils ne savent pas combien de temps le sang n'a plus été irrigué.
07:17Donc ça a posé problème au niveau de la tension.
07:19Parce que mon frère, à ce moment-là, avait trois tensions, ce qui est extrêmement bas.
07:22Et je sais que c'était en partie à cause de ça qui fait qu'il était dans le coma.
07:26Donc mon papa, lui, est resté toute la nuit à son chevet.
07:29Moi, avec ma maman, au bout d'un moment, je me rappelle très bien, on avait essayé d'aller se coucher.
07:32Parce que les pleurs, plus le fait qu'on ne mange pas, qu'on ne boit pas, etc., on est fatigué en fait.
07:36Donc toute la nuit passe, le lendemain matin, très compliqué, parce qu'il fallait commencer à prévenir la famille.
07:42Et j'avais rappelé quelqu'un, alors ce n'était pas mes parents, c'était une amie de mes parents, en disant, alors où est-ce que ça en est ?
07:48Et elle m'avait dit, il faut que tu reviennes à l'hôpital, parce que là, ça ne va pas du tout.
07:51Et j'étais revenue, et il y avait une foule de personnes que je connaissais, et en même temps, je ne connaissais pas.
07:55Il y avait des amis de mes parents, il y avait de la famille, etc.
07:58Alors, ce n'est pas que ça m'a agacée qu'il y ait autant de gens, c'est que je ne m'y attendais pas.
08:01Et qu'en fait, dans ce genre de situation, on ne sait pas quoi faire.
08:04Enfin, j'ai 15 ans, mon frère est à l'hôpital, il vient de se faire.
08:06Et déjà, je ne prends même pas conscience qu'il vient de se faire.
08:09Il y a tout ce monde qui est en mode, qu'est-ce que c'est que ça ?
08:12Et du coup, à la suite de ça, je vois mes parents partir avec...
08:15Alors de mémoire, c'était deux médecins et quelques infirmières, si je ne dis pas de bêtises.
08:19Et le médecin, je m'en parle très bien, qui m'a dit, attends dehors, je prends d'abord tes parents à part,
08:24et quand ça sera bon, tu nous rejoindras.
08:25Donc là, encore une fois, c'est là où le déni a énormément joué, c'est que dans ma tête, je ne me suis pas dit, c'est fini,
08:31ou c'est quelque chose de grave.
08:32Pour moi, il y avait tellement de l'espoir que je n'ai rien vu arriver.
08:35Et donc le médecin me demande de rentrer dans la salle avec eux.
08:39Et pareil, je regarde mes parents, et en fait, le regard qui me dégageait, c'était le même depuis déjà 24 heures,
08:43donc en fait, je ne voyais même pas de différence.
08:45Et du coup, je me suis dit, il n'y a rien qui a changé, ça se trouve...
08:48Enfin, le déni complet.
08:49Et là, très concrètement, le médecin, donc dans mes souvenirs aussi, m'annonce que vu qu'ils ne savent pas depuis combien de temps
08:55il est resté accroché à ce Vélux, ils ne savent pas combien de temps le cerveau n'a pas été irrigué,
09:02mais que là, en gros, il n'y a plus rien à faire, puisqu'ils ont utilisé tous les traitements possibles
09:06pour essayer de remonter cette tension qui était extrêmement basse,
09:09mais que dans tous les cas, même s'il avait réussi à se réveiller, ça aurait été un légume.
09:12Et donc là, ça a été le moment le plus compliqué, parce que l'expression tout autour de toi s'écroule prend sens.
09:21Je me suis sentie tellement plus bas que sous terre, j'avais l'impression d'avoir des énormes poids sur les épaules,
09:27et je me suis même dit, mais comment je vais faire ? Comment je vais faire, là, les prochaines semaines ?
09:32Comment je vais faire dans ma vie sans lui ?
09:34Et il y a eu encore un autre choc, c'est que, donc, il fallait le débrancher.
09:38Mes parents ne voulaient pas que j'y assiste, et je leur ai dit, j'y assiste, vous n'avez pas le choix, c'est comme ça, je veux être là.
09:45Donc mes parents n'ont pas bataillé, ils ont dit ok, donc mon frère a été débranché.
09:48Et donc là, j'ai de nouveau un petit blackout, mais je sais qu'après, je le revois, du coup, dans cette fameuse salle très triste,
09:57très pâle, très neutre.
10:00Et là, je le vois, je me dis, même encore là, je ne réalise pas qu'il est parti, en fait.
10:05Les premiers jours sans lui se passent assez bizarrement, tout simplement, parce qu'en fait, les questions que je me posais au début,
10:12les émotions que j'avais, c'était, pourquoi ?
10:16Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi je me retrouve toute seule ?
10:20Oui, alors au début, j'ai cherché un responsable.
10:22Au début, inconsciemment, j'avais accusé mes parents, parce qu'il faut savoir, c'est que mes parents nous ont donné une éducation assez stricte.
10:28Et je pense que cette éducation-là, mon frère a eu du mal à la supporter et à se l'approprier.
10:33Et donc, du coup, j'en voulais à mes parents par rapport à ça.
10:36Mais après, je me suis très vite rendu compte que ce n'était pas du tout de leur faute, bien loin de là.
10:39Mais c'était plus de l'incompréhension de son geste.
10:42Je voulais absolument savoir pourquoi.
10:44Pourquoi, en fait ?
10:45Pourquoi m'avoir rien dit ?
10:47Pourquoi ne pas nous l'avoir dit ?
10:49Pourquoi ne pas nous l'avoir expliqué ?
10:50Parce que du coup, on savait que forcément, on allait vivre avec cette question.
10:55Parce que mon frère n'a vraiment rien laissé.
10:57Aucun signe n'est apparu les jours précédents.
11:00Alors, je sais que certaines personnes pourraient dire, oui, c'est à cause de la facture de téléphone.
11:04Mais ce n'est pas du tout vrai.
11:05Enfin, moi, je ne sais pas mes parents ne savent pas.
11:07Donc, les gens ne peuvent pas le savoir.
11:09Mais je suis sûre que ça n'a aucun lien avec ça.
11:10Parce que ça serait beaucoup trop gros.
11:12Et non, je pense que c'est juste que mon frère, c'est quelqu'un qui juste n'était pas fait pour vivre dans ce monde-là.
11:16Je pense qu'il y avait pas mal de choses qui ne collaient pas avec la société actuelle.
11:19Et que ça a été sûrement un trop-plein d'émotions ou d'encaissements émotionnels.
11:24Et qui a fait qu'il a fait ça ?
11:26Mais je me suis un peu perdue dans mes questions.
11:29Et je me suis un peu perdue dans ma réflexion.
11:31Et je voulais vraiment savoir.
11:33Et même encore à l'heure actuelle, je me pose toujours ces questions.
11:35Pour moi, il y avait de l'incompréhension, de la tristesse et de la colère en même temps.
11:38Alors, effectivement, quelques temps après, j'ai essayé de comprendre.
11:41J'ai essayé de chercher moi-même.
11:42Parce que les policiers, ils avaient pris à ce moment-là son ordinateur et son téléphone portable.
11:46Pour justement fouiller, voir s'ils pouvaient trouver quelque chose.
11:48Ils me certifient qu'ils n'ont rien trouvé.
11:50Mais je reste persuadée au fond de moi-même que si c'était moi qui avais cherché dans son téléphone.
11:55Et à l'époque, on avait un iPod.
11:56Si j'avais réussi à avoir ces codes et à fouiller dedans, je suis sûre que j'aurais trouvé quelque chose.
12:01J'ai aussi cherché s'il y avait une raison avec la facture de téléphone.
12:04Mais pour moi, ça me paraissait trop gros.
12:06Sachant que la facture de téléphone, elle était d'un montant de plus de 200-300 euros pour un enfant.
12:11Enfin, un adolescent de 15 ans.
12:12C'est énorme.
12:12Ce n'est pas comme à 24 ans.
12:14Mais je me suis dit...
12:15Puis même mes parents n'ont pas vraiment donné le détail de ces 500 euros.
12:19Parce qu'ils ont eu la facture, mais ils ne m'ont pas non plus donné les détails.
12:22Et je pense que ces 500 euros de téléphone, c'était juste dû à des jeux que mon frère a dû payer inconsciemment.
12:27Parce que comme je disais tout au début, mon frère, c'est un très très grand joueur.
12:30On peut appeler ça un geek.
12:31C'était un geek.
12:32Mais j'ai vite éloigné cette piste de cette facture de téléphone.
12:36Parce que pour moi, j'aurais se persuadé que ça n'a rien à voir avec son geste.
12:39Je pense qu'au final, avec le temps, il n'y a pas vraiment de raison.
12:44En tout cas, j'essaie de m'en persuader qu'il n'y a pas vraiment de raison.
12:46Et que ça peut arriver qu'il y ait des gens que juste ça ne va pas, c'est un trop-plein.
12:49Et bam, ils font ça.
12:50Mais ça, c'est quelque chose que j'aimais que depuis peu.
12:53Mais au tout début, c'était du déni.
12:56Et du pur déni.
12:56J'ai encore une colère aujourd'hui.
12:59Et je pense que c'est aussi ça qui m'a aidée à sortir de ce déni.
13:02Même si je le suis encore, je pense, inconsciemment.
13:04Mais cette colère et cette incompréhension, elle est beaucoup trop présente dans mon cœur et dans mon esprit.
13:08Pour laisser place à la tristesse et à l'acceptation de ce qui s'est passé.
13:12Et c'est aussi la thérapie qui m'a aidée à...
13:16Je ne dirais pas passer outre ce déni, mais à comprendre que j'étais dans le déni.
13:21Parce que ça aussi, c'est une autre phase.
13:22Il faut comprendre qu'on est dans le déni.
13:23Parce que c'est bien beau de l'accepter, mais il faut l'avoir compris avant.
13:26Et c'est aussi le fait de parler avec ma pédopsychiatre, de parler avec des gens.
13:29Et d'être aussi confrontée à des situations qui ont été très inconfortables.
13:34Donc à des réactions de personnes choquées, ce qui est normal.
13:37Et ça m'a inconsciemment forgée dans mes réactions et dans mes émotions.
13:44Et donc du coup, à l'heure actuelle, je n'ai aucun problème à dire...
13:47Je n'accepte pas ce que mon frère a fait.
13:50Je le sais, j'en ai conscience.
13:51Je pense que je ne l'accepterai jamais.
13:53Et c'est comme ça et c'est la vie.
13:54Et tant que j'aurai cette colère et cette incompréhension et un peu de la haine,
14:00je ne pourrais pas passer outre.
14:01Cette haine un peu envers lui, c'est tout simplement parce qu'il y a peu de temps,
14:04j'ai réussi à prendre conscience qu'en fait...
14:06Et c'est très dur, c'est hyper dur, mais...
14:08J'ai réussi à prendre conscience qu'en fait, j'ai vécu 15 ans avec quelqu'un que je ne connaissais pas.
14:12Et...
14:13Wouah !
14:16J'ai l'impression que je ne le connaissais pas, tout simplement parce que...
14:19Quand quelqu'un se suicide, c'est qu'il y a un mal-être.
14:20Donc c'est-à-dire que pendant 15 ans, il a vécu un mal-être dont je n'étais même pas au courant.
14:24J'étais la personne la plus proche.
14:26J'étais la personne qui ressentait tout.
14:29Et en fait, je n'ai pas été capable de voir les signes qui font qu'il était mal.
14:33Et du coup, en fait, je ne saurais même pas comment expliquer le fait de me dire ça.
14:38C'est que ma confiance envers les hommes, du coup, elle a été détruite.
14:42Et en fait, je le vis comme une trahison.
14:43En fait, c'est tellement quelque chose auquel je n'aurais jamais pensé qu'il était capable,
14:47auquel je n'aurais jamais imaginé, que le fait qu'il fasse ça, ça m'a surprise et ça m'a choquée.
14:54Et donc du coup, j'ai du mal à me dire si je le connaissais bien alors qu'en fait, non.
14:59Bah non, en fait, je ne le connaissais pas.
15:01C'est ça le plaisir pour moi aujourd'hui, je pense.
15:03Je pense.
15:03Et de gérer cette colère vis-à-vis de lui et cette culpabilité également vis-à-vis de moi.
15:10Dans le sens où j'ai une énorme culpabilité par rapport à l'émotion que j'ai ressentie sur le moment même,
15:15au fait que je ne suis pas allée.
15:17Et du coup, cette culpabilité inconsciemment, elle est toujours là et elle est toujours présente.
15:20Et j'essaie d'estomper ou du moins de me convaincre que ce n'est pas de ma faute.
15:25Mais c'est hyper dur parce que quand on a vécu ce genre de situation,
15:28c'est même pratiquement impossible de dire
15:30« T'inquiète, tu n'as pas à culpabiliser, ce n'est pas de ta faute. »
15:33Alors qu'en fait, je me suis dit « Si j'avais réagi plus tôt, si j'avais fait ça plus tôt,
15:37il en serait peut-être encore là. »
15:39Et du coup, je m'en suis énormément voulu et je m'en veux encore actuellement.
15:42Et après, lui, je m'en veux énormément parce que, comme je disais,
15:44j'ai vécu avec quelqu'un pendant 15 ans que je ne connaissais pas.
15:49Et c'est ça qui m'énerve parce que quand on a un jumeau,
15:53c'est censé être toute ta vie, c'est censé être une grande partie de toi, toute ta moitié.
15:57Et moi, c'est complètement ce que je ressentais.
15:58Et à l'heure actuelle, mon frère, c'est clairement l'homme de ma vie.
16:02Et du coup, le fait qu'il ne soit plus là et qu'on ne puisse plus partager certaines choses,
16:07ça m'énerve en fait.
16:08Et du coup, c'est pour ça aussi que je lui en veux.
16:11Et surtout, ce côté de « Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi on n'en a pas parlé ?
16:15On n'aurait pu trouver une solution. »
16:17Et c'est toutes ces questions-là qui font que j'ai cette colère.
16:20Et le fait aussi de ne pas avoir de réponse, ça me met en colère.
16:22Et donc du coup, il y a des phases où je vais être très triste.
16:25Il y a des phases où ça va aller.
16:26Il y a des phases, des grandes phases où je ne veux pas en entendre parler.
16:29Je ne veux pas qu'on parle de lui parce que je suis un peu méchante inconsciemment vis-à-vis de lui.
16:33Parce que « Pourquoi je parlerais de quelqu'un qui, en fait, ne m'a même pas parlé de son souci ? »
16:36Mais c'est hyper dur.
16:37Je suis hyper dur avec lui et avec moi-même.
16:40Mais c'est les émotions que j'ai.
16:42Et genre, je n'ai pas envie de me priver de ses émotions.
16:45Non, juste parce qu'il a fait un acte qui sûrement l'a soulagée ou pour faire plaisir à quelqu'un.
16:49C'est vraiment mes émotions actuelles.
16:51Et c'est comme ça et pas autrement.
16:53Et c'est un travail que je fais dessus depuis très très longtemps, depuis 9 ans.
16:57Et qui est toujours d'actualité d'ailleurs.
16:58Alors évidemment, j'ai l'espoir qu'un jour ces émotions négatives changent en « positif ».
17:05Je pense que c'est juste une question peut-être de temps, peut-être de thérapie.
17:09Je sais juste que le deuil, je n'y arriverai pas.
17:11Mais déjà, réussir à accepter certaines choses, ça peut déjà m'aider dans ma vie personnelle.
17:14Et déjà, ça, ça sera une grande étape.
17:16C'est pour ça aujourd'hui que j'en parle.
17:18J'en parle tout simplement parce que déjà de 1, le suite, c'est un sujet extrêmement tabou.
17:22Le but, c'est d'en se sensibiliser le plus possible.
17:24De 2, ça peut peut-être aider des fratries qui ont aussi des jumeaux et des jumelles
17:28à peut-être comprendre leur moitié ou à essayer de surmonter peut-être malheureusement la même chose que moi.
17:33Et qu'il ne faut pas négliger tout ce côté aussi.
17:35Et je pense que c'est un gros sujet d'actualité, tout ce qui est côté harcèlement, agression, etc.
17:39Parce que c'est des petites choses comme ça, enfin des grosses choses comme ça,
17:43mais aussi des petites choses quotidiennes de la vie qui font que peut-être
17:46ça amène la personne à faire l'acte qu'il ne devrait pas faire.
17:49Mais la principale raison de pourquoi, c'est vraiment se sensibiliser sur le...
17:55Vraiment parce qu'on n'en parle pas assez, on ne fait pas assez de prévention là-dessus.
17:59La preuve, moi-même, avant, ça ne me serait jamais venu à l'esprit.
18:03Et je pense qu'il y a un côté aussi éducatif qui manque là-dessus.
18:06Et le but, c'est aussi de faire prendre conscience à ces personnes qui ont des idées noires
18:10ou qui ont déjà fait des tentatives de peut-être se dire que la vie vaut le coup.