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00:00Europe 1, 8h13, l'heure d'accueillir l'invité d'Europe 1, matin, week-end.
00:10L'Enaïc Monnier a trois jours du début du conclave pour élire le successeur du pape François.
00:14Vous recevez l'ancien correspondant au Vatican du journal La Croix, le journaliste Frédéric Mounier.
00:19Oui, parce qu'il faut essayer de se mettre l'image en tête.
00:21Plus de 100 cardinaux enfermés dans la chapelle Sixtine qui tiennent entre leurs mains le destin de celui qui va succéder à François
00:29et deviendra donc le nouveau pape pour 1,5 milliard de catholiques.
00:32On va essayer de comprendre comment tout cela fonctionne avec vous.
00:34Bonjour Frédéric Mounier.
00:36Bonjour à tous.
00:37Bonjour Frédéric Mounier, vous étiez correspondant au Vatican pour le journal La Croix, Frédéric.
00:42Alors avant de parler avenir, revenons peut-être sur celui qui vous a fait écrire, le pape François.
00:47Comment est-ce que vous avez vécu cette semaine depuis l'annonce de son décès jusqu'à ses funérailles samedi dernier ?
00:52Écoutez, c'est une semaine, en particulier les jours qui viennent de s'écouler.
00:59Il s'est passé des choses tout à fait étonnant, des choses à la fois très sérieuses et pas sérieuses du tout.
01:05Et c'est ça, dans le temps du préconclave, Rome est en ébullition.
01:11Et il se passe plein de choses qui sont à la fois dérisoires et fondamentales pour l'avenir de l'Église.
01:16C'est ça qu'il faut essayer de discerner.
01:19C'est ça le travail d'un journaliste vaticaniste, comme je l'ai été à cette époque-là, au moment de l'élection du pape François.
01:24Alors est-ce que vous pouvez nous en dire plus, justement, nous dévoiler un petit peu les arcades, les coulisses du moment au Vatican ?
01:31En fait, l'élection du pape François est en train de se jouer en ce moment même où nous parlons.
01:37C'est-à-dire qu'avant que les cardinaux ne rentrent en conclave, ils se rencontrent et ils discutent tout à fait sérieusement.
01:45Il y a eu déjà plusieurs dizaines d'interventions au fil de ce qu'on appelle les congrégations générales
01:51qui ont lieu dans un petit amphithéâtre qui est à l'intérieur du Vatican, à côté de la grande salle Paul VI.
01:57Et ils parlent de choses très très sérieuses.
01:59Ils parlent des abus dans l'Église, ils parlent de la place des femmes dans l'Église, ils parlent de la question des finances,
02:05ils parlent de cette question très importante de la gouvernance de l'Église
02:08que le pape François a voulu bouleverser à travers le processus de ce qu'on appelle la synodalité,
02:15c'est-à-dire une forme de démocratie participative au sein de l'Église.
02:18Voilà de quoi parlent les 252 cardinaux en ce moment qui sont réunis,
02:23à la fois les 133 électeurs dont 108 ont été nommés par le pape François,
02:28et puis les autres qui sont non électeurs mais qui sont des anciens,
02:31qui ont de l'expérience et qui pèsent d'un poids très lourd.
02:33Voilà, c'est en ce moment que l'alchimie est en train de prendre entre eux
02:37pour désigner celui qui, parmi les 108, sera le prochain pape à la fin de la semaine.
02:43Alors on l'a dit, Frédéric Mounier, ce conclave, il débute mercredi après-midi.
02:48On va peut-être en rappeler les grandes lignes pour les auditeurs d'Europe 1,
02:51c'est du sérieux parce qu'on va voter plusieurs fois par jour.
02:55Oui, alors les textes prévoient deux votes par demi-journée,
03:00mais il faut savoir que tout cela est conçu par l'Église catholique
03:04comme un véritable rituel, une véritable liturgie,
03:07c'est une véritable prière, et donc ça prend beaucoup de temps.
03:10Chaque cardinal doit écrire à la main d'une écriture non reconnaissable
03:14sur le bulletin de vote le nom de celui pour qui il vote,
03:18ensuite il doit traverser le cœur de la chapelle Sixtine,
03:21il doit aller au pied de la fresque de Michel-Ange,
03:23prononcer des paroles rituelles,
03:26puis ensuite déposer son bulletin dans l'urne,
03:28et ils sont très nombreux, ils sont 133.
03:31Donc ça va prendre beaucoup de temps.
03:33Pour une simple question mécanique,
03:35il est possible qu'on va seulement arriver à deux tours par jour
03:40au lieu de quatre, il faudra voir comment ça va se passer.
03:43Mais peut-être que la cristallisation qui est en train de s'opérer à Rome
03:47aura déjà abouti,
03:49et peut-être qu'on va arriver à quelque chose d'assez rapide.
03:52Pour l'instant, on ne sait pas encore comment ça va se passer.
03:54Est-ce qu'il y a des critères, Frédéric Mounier,
03:57implicitement à remplir pour être le futur pape, justement ?
04:00Parce qu'on parle beaucoup de pape de transition,
04:01mais est-ce que ça peut être le cas ?
04:04Oui, vous savez, on a parlé de pape de transition aussi pour le pape Jean XXIII,
04:08et finalement c'est le pape qui a convoqué le concile Vatican II,
04:12qui a bouleversé le fonctionnement de l'Église,
04:15et notamment sa relation au monde.
04:17Alors, ce qu'on sait, c'est qu'aujourd'hui,
04:19sur les 133 votants,
04:22il y en a 108 qui ont été nommés par le pape,
04:24qui viennent de tous les bouts du monde,
04:27qui ne se connaissent pas,
04:28donc qui sont en train de prendre le temps de se connaître.
04:32Certains sont tout à fait novices,
04:34certains ne sont...
04:35C'est la deuxième fois qu'ils sont à Rome,
04:37la première fois,
04:38c'était pour la remise de leur barrette cardinaliste.
04:41Alors, ce qui se passe,
04:42c'est que l'Église a été quand même très secouée
04:45par le pontificat de François,
04:49et que donc un certain nombre de gens
04:51aspirent à une certaine stabilité.
04:54Mais stabilité ne veut pas dire retour en arrière,
04:56ne veut pas dire régression.
04:58Il est évident que les grands mouvements
05:00que le pape François a lancés,
05:02l'attention aux migrants,
05:03l'attention à l'écologie,
05:05l'attention à la justice sociale,
05:07tout ça, ça va évidemment rester un acquis.
05:09L'ouverture aux femmes également,
05:11tout ça, ça va évidemment rester un acquis.
05:15Bon, mais il faut signaler
05:17qu'au sein de ce conclave,
05:18il y a encore une prédominance italienne
05:20qui est tout à fait déplacée, dirais-je.
05:22Il y a encore 18 cardinaux italiens,
05:24c'est-à-dire le même nombre
05:25que de cardinaux africains,
05:28alors que les Africains sont vraiment
05:30l'avenir de l'Église en ce moment.
05:32Vous voyez, donc il y a des disproportions
05:34qui restent importantes.
05:36Et puis c'est vrai, Frédéric Mounier,
05:37que les catholiques du monde
05:38n'ont pas forcément les mêmes attentes,
05:40les mêmes espérances,
05:41selon qu'ils soient français,
05:43mongols, chrétiens d'Orient,
05:44ou américains,
05:45et pourtant il faudra bien
05:45un consensus.
05:47Donc c'est vrai que c'est un petit peu
05:48la difficulté également.
05:51Oui, puis chacun essaye
05:53de faire pression en ce moment.
05:55Les Italiens, vous savez,
05:56depuis les siècles des siècles,
05:57considèrent que le Vatican
05:58est un peu leur propriété privée.
06:00Et donc,
06:01voilà, c'est à eux.
06:03Et donc, ils trouveraient
06:03tout à fait légitime
06:04qu'enfin, on retourne
06:06à une certaine tradition
06:07et qu'il y ait un pape italien.
06:08Les Américains,
06:09sous l'emprise de Trump aujourd'hui,
06:11sont en train de développer
06:12une offensive extrêmement importante
06:14sur un certain nombre de points
06:17auprès des cardinaux.
06:20Les Africains également
06:21ont été très très secoués
06:22par le texte du pape François
06:24sur l'accueil des personnes homosexuelles,
06:27sur lesquelles ils ont marqué
06:28leur opposition très très très forte.
06:31Et donc voilà,
06:32c'est tout ça qui est en train
06:33de se jouer en ce moment,
06:35avec le summum de la bouffonnerie
06:37qui est évidemment
06:38le fait que le président Trump
06:40ait diffusé sur son réseau social
06:43une image de lui
06:44maquillé, costumé, déguisé en pape.
06:47C'est évidemment une absurdité totale
06:49qui en dit beaucoup sur le personnage.
06:51Alors Frédéric Mounier,
06:52le choix du nom
06:53sera également un indicateur.
06:55François II, Paul III, Jean XXIV,
06:58à votre avis,
07:00vers quoi on s'oriente ?
07:01Vous avez une petite idée ?
07:03Alors écoutez, non,
07:04je peux difficilement
07:05faire un pronostic.
07:05Vous savez qu'entre le moment
07:07où la fumée blanche apparaît
07:08et le moment où l'homme
07:10apparaît sur la loggia
07:12de la basilique Saint-Pierre
07:13et donne son nom de pape,
07:15il se passe une petite heure.
07:16Mais il se trouve que
07:18c'est simultanément
07:19qu'on apprend le nom
07:21du candidat pour lequel
07:23les cardinaux ont voté
07:24et son nom de pape.
07:25Donc c'est très très difficile
07:26dans l'un et l'autre cas
07:28de faire des pronostics.
07:31Et ça nous laisse assez peu
07:33de temps également
07:34pour préparer nos fiches.
07:36En tout cas,
07:36on verra bien
07:36à quel moment
07:37tombe la fumée blanche,
07:39évidemment.
07:40Peut-être vendredi,
07:41pour dit-on,
07:41une première messe
07:42célébrée dimanche
07:43dans une semaine.
07:44En tout cas,
07:45je vous remercie,
07:45Frédéric Mounier,
07:46de votre éclairage.
07:48Vous qui avez été
07:49ancien correspondant
07:50au Vatican
07:51pour le journal La Croix.
07:52Et puis je rappelle
07:52le nom de votre ouvrage
07:54qu'on trouve toujours
07:55puisqu'il est sorti
07:56en 2023,
07:57le pape François,
07:58une vie.
07:58Merci à vous.