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00:00Musique
00:00Rému est bien originaire du Midi, mais pas de Marseille.
00:19Jules, Auguste, César, Murer, que le monde entier découvrira sous le nom de Rému et de Toulon.
00:25Ses parents étaient tapissiers, installés à Toulon, et il a donc grandi dans l'atelier de tapisserie.
00:30Paulette Rému Brun, fille de Rému, raconte la jeunesse de son père.
00:35On l'a mis à l'école, bien entendu, comme tous les petits garçons.
00:38Il a fait à peu près tous les lycées du Var et des environs, et il est sorti de ça, il avait à peu près 12 ans.
00:43Quand ses parents ont vu qu'il n'y avait rien à faire, on l'a mis à travailler à l'atelier.
00:49Et puis, à cette époque, à Toulon, il y avait un monsieur qui est bien connu aussi, qui s'appelle Mayol.
00:54Dès qu'il avait un peu de temps de libre, il passait son temps au Clomayol, en train de regarder évoluer tous ces comiques troupiers de l'époque.
01:03Et puis, il s'est engagé comme ça, à l'insu de ses parents, dans une troupe d'amateurs.
01:07Et un jour, il a eu son premier engagement.
01:13Alors là, il a tout de même avoué à sa mère qu'il avait été engagé comme comique troupier, etc.
01:18Et sa mère lui a dit, mais enfin, c'est affolant, tu ne te rends pas compte, tu vas traîner le nom de ton père sur des affiches.
01:25Et il lui a dit, non, non, maman, ne t'inquiète pas, je ne prendrai pas le nom de papa.
01:29J'ai pris Rallum, parce qu'à cette époque-là, il y avait Dranem.
01:34Alors, Dranem, ce truc en M, lui, il avait pris Rallum, on ne sait pas pourquoi.
01:38Tout comme l'écolier Jules Murer, le comique troupier Rallum, n'obtient pas de résultat très brillant.
01:53Et il a beau faire le tour de tous les musicaux de la région,
01:56personne ne croit à l'avenir de ce grand comique qui ne fait pas rire.
02:01Quand il avait 12 ans, on aurait dit un homme de 20 ans.
02:06Paulette Rému évoque toujours la jeunesse de son père.
02:09C'était vraiment une force de la nature et c'était assez ahurissant.
02:15Quand il a été engagé pour la première fois à Marseille,
02:20il y a eu une histoire avec le directeur qui voulait lui faire un procès parce que, je ne sais pas,
02:26il n'avait pas respecté un engagement quelconque.
02:28Et il lui a dit, mais moi, ça m'est égal, étant donné que je suis mineure,
02:32vous pouvez faire tout ce que vous voudrez.
02:33Et le type est resté complètement baba parce qu'il ne s'imaginait pas que cette carcasse pouvait être mineure.
02:48Quand il n'a pas d'engagement sur la scène, Jules doit trouver du travail.
02:53Il aide un peu à l'atelier de tapisserie de son père,
02:55ou bien il trouve un emploi dans un casino,
02:57ou encore il va chez son frère qui possède un commerce de sel à Marseille.
03:03Il avait un frère aîné qui s'appelait Valentin,
03:06qui par contre, alors lui, a fait des études très brillantes.
03:09Paulette Rémus.
03:10Et malheureusement, ce pauvre Valentin a fini pratiquement clochard à Oran,
03:16ce qui a fait dire à papa qu'au fond, les études, ça ne servait à rien,
03:19puisque son frère licencié en droit n'avait jamais rien fait dans sa vie,
03:23et que lui, qui ne savait pas écrire sans faire de fautes d'orthographe,
03:30était tout de même arrivé à faire quelque chose.
03:31Mais il ne se rendait pas compte, il ne s'est jamais rendu compte de la personnalité qu'il avait,
03:35du talent qu'il avait, parce que c'était tellement naturel qu'il ne s'en rendait pas compte.
03:40Rien ne décourage Jules Muraire.
03:43Il est convaincu que sa place est sur une scène.
03:46À défaut d'engagement, il accepte d'être souffleur à l'alambra de Marseille.
03:50C'est peut-être de cette vision du monde vue d'en bas
03:53que lui viendra la passion des jolies jambes.
03:55Une chose qu'il attirait toujours, c'était les jolies jambes et les jolis pieds.
03:59Jacqueline de Lubac, qui a été la partenaire de Rémus dans plusieurs films.
04:03D'ailleurs, quand une femme rentrait, elle regardait tout de suite ses pieds et ses jambes.
04:07Et elle me dit toujours, je ne pourrais jamais tourner
04:09qu'une femme qui aurait de vilaines jambes et de vilains pieds.
04:33La vedette du spectacle de l'alambra s'appelle « Fortuné est né ».
04:49Il a un énorme succès et le public vient de loin pour l'applaudir.
04:53Un soir, il tombe malade et fait prévenir que son état l'empêche d'assurer la représentation.
04:59La salle de l'alambra est déjà pleine.
05:01« Il est trop tard pour engager un remplaçant. »
05:04Alors papa est allé voir le directeur et lui a dit
05:06« Bon, écoutez, il faut faire quelque chose. Moi, je peux jouer. »
05:09Paulette Rémus, qui vient d'écrire un livre sur son père.
05:12Le directeur a dit « Comment toi ? Ce n'est pas possible.
05:15Tu ne sais pas marcher, tu ne sais pas parler.
05:17Tout ce que tu sais faire, c'est être dans le trou du souffleur. »
05:19Il lui a dit « Mais si, si, moi je vous assure que je peux le faire. »
05:23Il dit « Mais enfin, c'est une catastrophe. »
05:25« Oui, en effet, c'est une catastrophe parce qu'il y a dix minutes que le rideau aurait dû être levé
05:30et que si ça continue comme ça, vous êtes obligés de rembourser. »
05:34Alors moi, je prends le rôle.
05:35Le directeur a tenté le coup et il a reçu un accueil triomphal.
05:41Il est sorti de ce trou pour monter finalement dans sa carrière d'acteur.
05:46C'est ça qu'il a lancé.
05:47Après, ça n'a pas été du tout cuit parce qu'il est retombé.
05:50Il faisait encore après les petites tournées.
05:51« Ça marchait, ça ne marchait pas. »
05:56C'est à cette époque que Jules décide de changer de nom.
06:15Rallum devient Rému.
06:17Il rêve de devenir ce qu'un autre Toulonais a réussi.
06:20Monté à Paris et gagné en une représentation, ce qu'un ministre gagne en un mois.
06:26Faire comme Mayol.
06:35Elle était pâtissière dans la rue du Croissant.
06:39Ses gentilles manières attirent les passants.
06:42On aimait à l'extrême ses yeux depuis d'amour.
06:45Sa peau douce comme la crème et sa bouche un petit four.
06:49Et du soir au matin, dans son petit magasin,
06:54elle vendait des petits gâteaux qu'elle pliait bien comme il faut.
06:58Dans un joli papier blanc, entourée d'un petit ruban,
07:01elle servait tous les clients en se trémoussant gentiment.
07:06Fait aller voir comme elle sautait, ses deux petites brioches au lait.
07:09Mayol vient d'acheter à Paris le concert parisien
07:12et de le rebaptiser le concert Mayol.
07:17Et alors il y a eu une chose de formidable.
07:19Madame Fernand Sardou.
07:20À Paris, il a fait monter trois personnages du midi,
07:23c'est-à-dire Rému, Trammel et mon beau-père, Sardou.
07:26Ils sont montés tous les trois ensemble,
07:28joués à une pièce d'Ive Mirande qui s'appelait C'est Solide.
07:31Et alors c'était vraiment trois natures extraordinaires,
07:35sensationnelles et qui ont beaucoup, beaucoup, beaucoup amusé.
07:38Du reste, la revue C'est Solide a marché très, très fort
07:40et c'était un gros succès.
07:42Et ces trois comiques à l'huile, comme on les appelait,
07:44un critique les avait appelés les comiques à l'huile.
07:46Alors Mayol disait à l'huile ou au beurre,
07:48laissez un peu faire ce qu'ils veulent,
07:49et moi ils me font du monde et c'est très bien.
07:58Avant la Première Guerre mondiale,
08:00la vie artistique parisienne se divise en deux clans.
08:03Celui du Cafcons, auquel appartiennent les chanteurs
08:06et les comiques troupiers comme Mayol et Rému,
08:09et celui du théâtre,
08:10sur lequel règnent les grands acteurs
08:12comme Réjeanne et Lucien Guitry.
08:15Les deux mondes s'ignorent pour ne pas dire se méprisent.
08:18Or un jour, Rému apprend que Lucien Guitry voudrait le voir.
08:21Il est évident que Rému était très intimidé
08:24lorsqu'il est allé voir Lucien Guitry,
08:25parce qu'il croyait que c'était une boutade,
08:27que c'était une farce des copains.
08:29Charles Moulin, ami de la famille Rému.
08:31Finalement, il est allé et il s'est trouvé devant le grand maître,
08:36par Lucien Guitry,
08:37le grand maître des arts dramatiques de cette époque-là.
08:40Parce qu'il était quand même au Cafcons, Rému, à ce moment-là.
08:43Il fallait venir au boulevard.
08:45Et quand il lui a dit, écoutez, mais qu'est-ce que vous foutez ?
08:48À perdre votre temps, avec une voix comme vous allez au fond de la salle.
08:52Vous êtes un acteur qui est là au fond de la salle.
08:55Et Rému est parti, tellement encouragé par ce mot,
08:59qu'il a beaucoup aidé par la suite dans sa carrière.
09:18Il a fait la guerre, il est parti au front.
09:28Paulette Rému.
09:29C'est sur le front où il venait d'échapper à la mort.
09:32Il a ramassé un petit bout de bois dans une tranchée.
09:37Et ce petit bout de bois, il a attaché sa plaque militaire et des médailles.
09:42Et ce petit bout de bois est resté son fétiche pour sa vie.
09:45Il avait toujours ce fétiche dans sa poche.
09:49Et sur lui, sauf le jour où il est allé se faire opérer, où il est mort,
09:53il l'avait oublié à la maison.
09:55Pour lui, c'était sa guerre.
09:58Ce petit bout de bois, ça représentait la guerre.
09:59Et puis, il est tombé malade et il a été réformé.
10:03Il est arrivé à Paris, évidemment, pendant la guerre.
10:05Et pendant la guerre, bon, il était parti.
10:09Il n'avait pas laissé encore un nom inoubliable.
10:11Il s'est rendu compte qu'il était oublié.
10:13Et là, il a eu la chance de rencontrer une femme qui a été, à mon avis,
10:22je crois que ça a été le premier amour de sa vie.
10:25Et c'était Spinelli.
10:26Spinelli fait partie des grandes actrices que tous les auteurs s'arrachent.
10:50Elle est très belle et elle est capable d'imposer à un directeur de théâtre,
10:53un inconnu qui a un énorme accent du midi et qui articule mal.
10:58Spinelli, elle correspondait physiquement tout à fait à la femme qu'aimait mon père.
11:04C'est-à-dire que c'était une femme petite, menue, qui avait des petits pieds,
11:08parce que ça, c'était très important.
11:09Il regardait les femmes par les pieds et non pas par la figure.
11:13Ça, c'est une des curiosités du caractère de papa,
11:15qui adorait tout ce qui était gros, grand, important.
11:18Les gros meubles, les grandes maisons, les gros chiens, les grosses voitures,
11:23mais les petites femmes.
11:24Rému passe les années folles chez Léon Volterra.
11:51Léon Volterra est le plus grand directeur de spectacle de Paris.
11:55Il possède le Théâtre Marigny, la Gaîté Rochechoir,
11:59la Lambra de Bruxelles et l'étonnant Luna Park de la Porte Maillot.
12:04Au-dessus du Casino de Paris, il a ouvert une boîte de nuit
12:06où les ministres, les princes et les vedettes du tout Paris
12:09se disputent pour avoir une table.
12:11Dans tous ces théâtres, l'ingénieux Léon a l'idée d'ouvrir une agence de location,
12:16ce qui lui permet, lorsqu'on joue à bureau fermé,
12:19de garder des places en réserve pour les amis.
12:21Bien entendu, à des prix d'amis, c'est-à-dire trois fois plus cher qu'au prix normal de location.
12:26Chez Volterra, Rému joue tout ce qu'on peut imaginer,
12:30tous les sketchs du répertoire populaire.
12:32Bonjour, monsieur Gilles !
12:35Oui, bonjour, monsieur Henri !
12:38Vous allez à la pêche ?
12:40Non, je vais à la pêche !
12:42Ah, je croyais que vous alliez à la pêche !
12:46Comment ça va chez vous ?
12:48Et votre fils, toujours au régiment ?
12:50Ah non, il fait son service militaire !
12:54Ah, bon, je croyais qu'il était soldat !
12:58Non, il est à la caserne !
13:00Et le vôtre ?
13:01Le mien aussi, il a été réformé.
13:04Ah, et dans quelle arme l'a-t-on versé ?
13:07Pour Bronchite chronique.
13:09Oh, mais c'est un joli costume !
13:12Oui, avec de l'huile de froid de morue !
13:15Oh, ben, ça les dessale !
13:17Et où est-il en garnison ?
13:20De quel côté ?
13:21C'est surtout du côté gauche !
13:24Eh ben, va, il vaut mieux !
13:26Ça les éloigne un peu de leur famille !
13:29Qu'est-ce que vous faites dans la journée pour vous distraire ?
13:32Eh ben, je vais au cimetière !
13:35Ah, vous allez au cinéma Saint-Pierre !
13:39Nous pourrions un jour y aller ensemble ?
13:42Si vous voulez, tenez, vous voulez mercredi à 4 heures !
13:48Mercredi à 4 heures ?
13:50Non, mercredi à 4 heures !
13:53Ah, ben, je croyais que vous me disiez mercredi à 4 heures !
13:58Ah, au cimetière Montmartre !
14:02Vous vous rappellerez ?
14:03Oh, diable !
14:05Au cinéma Montmartre ?
14:07Mais pas au cinéma parlant, non, c'est de la blague !
14:11Ils disent qu'ils parlent, mais c'est pas vrai !
14:13On n'entend rien !
14:15C'était Les Deux Sourds, un sketch interprété par Rému et Henri Poupon.
14:21Paris, c'est une blonde
14:29Qui plaît à tout le monde
14:37Les Deux Sourds, un peu plus tard,
14:46Les yeux sont bruyants !
14:53Tous ceux qui la connaissent, grisées par tes caressons,
15:08s'en vont et reviennent toujours, Paris a ton amour.
15:21Ça, c'est Paris ! Ça, c'est Paris !
15:25Rému découvre Paris et Paris découvre Rému.
15:30Sa voix forte rayonne parmi les convives des soupers fins
15:32et son art s'enrichit les travers des grands personnages et de l'humanité des faibles.
15:38Tout le monde connaît sa vaste silhouette retenue par une extrême élégance.
15:42C'était un homme dans la ville, vraiment très raffiné, d'une élégance extraordinaire, très soignée, Rému.
15:48Jacqueline de Lubac.
15:49Et il m'avait dit cette chose très intelligente.
15:51Tu vois, quand on est un homme fort, il faut s'habiller avec des costumes larges.
15:55Parce qu'en tant s'amille avec des costumes boudinés, ça vous fait paraître encore plus gros.
15:59Charles Moulin.
16:13C'était vraiment l'acteur avec Guitry qui était le mieux habillé, le plus élégant de toute la cinématographie française.
16:21Il avait le goût des belles choses.
16:22Pour être Rému.
16:23Je crois que ce goût des belles choses, ce sont ses parents qui lui ont donné.
16:26Parce qu'enfant, il adorait se draper dans ses beaux tissus.
16:31À cette époque-là, il y avait des tissus d'ameublement d'une richesse extraordinaire.
16:35Et il adorait ça.
16:37Et je crois que c'est ça, parce que c'était un homme extrêmement raffiné.
16:41Raffiné et très maniaque et d'un goût très sûr, classique.
16:47Il n'avait rien d'excentrique dans sa tenue.
16:49J'ai toujours vu papa avec pratiquement la même forme de chaussure.
16:54J'ai rarement vu des pieds et des mains chez un homme aussi beau que ce de papa.
17:01Ses chemises, c'était toujours du fil à fil avec ses initiales, le caleçon assorti.
17:07La cravate, c'était ou le nœud papillon à poids ou la cravate de soie tricotée.
17:13C'était toujours dans ce même style, mais de très beaux tissus.
17:19Arrive alors le jour que le destin a choisi pour la rencontre au sommet.
17:31Rému se retrouve en face de Marcel Pagnol.
17:34Pagnol a découvert Rému, c'est facile, parce que Rému à l'époque était déjà connu.
17:38Paulette Rému raconte comment son père a rencontré Marcel Pagnol.
17:42Donc Pagnol avait déjà écrit Les marchands de gloire, il avait écrit Topaz.
17:48Il était à l'époque professeur d'anglais au lycée Gondorcet, Marcel.
17:51Et il avait proposé sa pièce à un Marseillais qui était directeur d'un théâtre de Marseille et qui s'appelait Franck.
18:05Donc Pagnol a écrit à Franck en lui parlant de sa pièce et en lui envoyant Marius.
18:14Franck a refusé.
18:15Et Pagnol lui a dit pourquoi tu la refuses, tu la trouves pas bonne.
18:18Et Franck lui a dit non je la trouve très bonne, mais je pense que tu devrais la monter à Paris avant Marseille.
18:24Et va voir Rému.
18:26C'est comme ça que Pagnol est allé voir papa au théâtre de Paris.
18:32Il a commencé à discuter avec lui en disant voilà je m'appelle Marcel Pagnol, je suis d'Aubagne.
18:37Il lui a dit vous êtes d'Aubagne, je suis content, et bien oui.
18:40Vous avez écrit une pièce marseillaise, oui oui, alors est-ce que vous pouvez la lire ?
18:45Papa a dit vous savez moi j'en ai des pièces à lire, j'en ai beaucoup.
18:48Il dit mais enfin comme vous êtes d'Aubagne je vais quand même voir ce que je peux faire pour vous.
18:51Il a lu Marius et trois jours après il a dit à Pagnol, et bien mon ami, je la jouerai votre couillonnade marseillaise.
19:00Oh je t'en prie, n'essayez pas d'amenter le coup à ton père hein.
19:04La vérité c'est que tu es mou et paresseux.
19:06Tu es tout le portrait de ton ancré mille.
19:08Celui-là il passait jamais au soleil parce que c'est le fatigué de traîner son ombre.
19:12Et puis tu connais pas ton métier.
19:14Je connais pas mon métier.
19:15Non, non, tiens la dernière goutte.
19:18La dernière goutte.
19:19Celle qui est toujours au goulot de la bouteille.
19:20Pour qu'un de sort, tiens, tu prends la bouteille comme ça.
19:23Tu verses en faisant un quart de tour.
19:26Et avec le bouchon, tu remets la goutte dans le goulot.
19:29Seulement toi, monsieur Marius, tu fais ça à un abateur.
19:31Alors évidemment la goutte coule sur l'étiquette.
19:33Et voilà pourquoi ces bouteilles sont plus faciles à prendre qu'à lâcher.
19:37Je suis trop rire là.
19:38C'est comme tu sais pas encore doser un verneau de cassis
19:40ou un piquant si ton grenadille t'en fait jamais deux de pareil.
19:43Mais comme les clients boivent qu'un, à la fois ils peuvent pas comparer.
19:46Ah, tu crois ça, toi, hein, le pire en Cougourde,
19:48un homme admirable qui prenait douze piquants par jour.
19:50Eh bien, il ne vient plus, sais-tu pourquoi ?
19:51Il me l'a dit, moi.
19:52Parce que tes mélanges franthésisques risquaient de lui gâter la bouche.
19:55Je vais gâter la bouche et un vieux pochoir qui a le bec en zinc.
19:57Oui, c'est ça.
19:58Insulte la clientèle au lieu de reconnaître l'incapacité.
20:01Mon incapacité ?
20:02Mais un incapable.
20:04Le pourqu'un de source est pourtant pas difficile.
20:06De doser, de savoir doser un piquant citron, purassant.
20:09Regarde, c'est facile.
20:10Tu prends la bouteille comme ça, là.
20:12Tu mets dans le verre un tiers de piquant.
20:17Un tout petit tiers de grenadine.
20:20Un bon petit tiers de purassant.
20:23Et puis tu mets un grand tiers d'eau.
20:26Et ça fait quatre tiers.
20:27Et alors ?
20:28Eh bien, dans le verre, il n'y a que trois tiers.
20:30Mais bourg d'imbécile, ça dépend de la grandeur des tiers.
20:33Eh non, c'est de l'arithmétique, ça.
20:36Dis donc, tu vas pas apprendre le français à ton père, toi.
20:38C'était la leçon de bistrot donnée par César à Marius.
20:47Pagnol avait écrit pour papa le rôle de Panis.
21:16Paulette Rémuc qui a écrit un livre sur son père.
21:20Et c'est papa qui lui a dit, non, je ne suis pas Panis, je suis César.
21:25Il a fallu chercher un Marius.
21:27Donc Pagnol a trouvé Freinet.
21:29Et Freinet s'est devenu, comment ?
21:32Un Alsacien avec un Z.
21:34Un Alsacien protestant.
21:38Le fils du patron d'un bistrot de Marseille protestant.
21:41On n'a jamais vu ça.
21:41Freinet s'est tellement fait de soucis à ce moment-là
21:45qu'il est parti passer un mois à Marseille.
21:48Et il a fait une interprétation merveilleuse de Marius.
21:51Papa, qu'est-ce qu'il y a ?
22:01Je t'aime bien, tu sais.
22:04Qu'est-ce que tu dis ?
22:06Je t'aime bien.
22:09Moi aussi, pourquoi me dis-tu ça ?
22:12Mais je ne sais pas.
22:13Je vois que tu t'occupes de moi.
22:18Que tu te fais du souci à cause de moi, hein.
22:22Alors, ça me fait penser que je t'aime bien.
22:27Mais bien sûr.
22:30Ambecile, là.
22:32Bonsoir, hein.
22:35Bonsoir.
22:36Mon fils.
22:37Et puis, tu sais,
22:42des fois, je dis que tu m'empoisonnes l'existence.
22:47C'est pas vrai.
22:50Bonsoir, mon petit.
22:51Rému et Pierre Freinet
22:53dans le deuxième acte de Marius.
23:07En 1930,
23:36Rému,
23:38l'une des plus grandes vedettes de théâtre,
23:40n'a encore aucune proposition pour le cinéma.
23:43Officiellement,
23:44Jules méprise le cinéma qui parle.
23:47Confidentiellement,
23:48Rému serait flatté
23:50quand un producteur lui propose
23:51de tourner des films,
23:53mais il n'en parle à personne
23:54et garde pour lui son envie secrète
23:56de se retrouver devant les caméras.
23:58Quand j'ai rencontré Rému
24:18chez Weber,
24:20n'est-ce pas,
24:20cette grande brasserie de cette époque-là
24:22qui était près de...
24:23chez Maxime,
24:24Roger Rizbé.
24:25En serrant la main de Rému
24:27qui était attablé avec Berval,
24:28je lui ai dit
24:29alors tiens,
24:29vous ne faites pas de cinéma vous ?
24:31Et il m'a dit
24:32on ne me veut pas.
24:33Bon,
24:33je lui ai dit
24:34venez voir demain matin,
24:34on va arranger ça.
24:36Je dois ajouter d'ailleurs
24:37que moi-même,
24:38je n'en ai jamais fait de production.
24:40C'est le plus hasard
24:40qui a fait qu'avec 15 jours de distance,
24:44nous nous sommes rencontrés là,
24:46moi,
24:47ayant pris la barre
24:48de la direction
24:49d'une grande production
24:50et lui qui n'avait pas débuté
24:53donc au cinéma.
24:55Alors quand je l'ai fait venir
24:56à mon bureau,
24:57bien entendu,
24:57on s'est trouvé face à face
24:59et une fois que nous avons signé
25:01ce contrat d'exclusivité de trois ans,
25:03je lui ai dit
25:03alors qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
25:05Alors on a cherché tous les deux
25:06ce qu'on allait faire
25:07et c'est lui qui m'a suggéré
25:09l'idée du blanc et du noir
25:12parce qu'il connaissait bien
25:13la pièce pour l'avoir jouée
25:14et il l'avait créée au théâtre,
25:16je ne sais pas quel théâtre
25:16d'ailleurs pour Sacha Guitry
25:17en 1922
25:18et voilà comment nous nous sommes rencontrés
25:20et comment il a signé
25:21ce contrat de trois ans avec moi.
25:23Pour lui,
25:23le cinéma,
25:24c'était la machine qui fait cracra.
25:26Pour l'être ému.
25:27Et en plus,
25:27je crois qu'il était surtout inquiet
25:28d'accueil du découpage du film
25:30parce que c'est un acteur de théâtre.
25:34Je crois que
25:35ce qu'il gênait beaucoup
25:36c'était qu'au cinéma
25:38on passait de la fin au début
25:40et puis après on allait au milieu
25:41et on repartait.
25:43Ce zigzag le gênait
25:44si bien que le premier film
25:46qu'il a tourné
25:46c'était le blanc et le noir
25:48on l'a tourné
25:49comme on joue une pièce.
25:51Ce sont les débuts de Rémus
25:52au cinéma parlant.
26:01Les colères de Jules sont célèbres.
26:04Sur le plateau
26:04de l'un des premiers films
26:05de Rémus
26:05Marc Allégret
26:07alors assistant
26:07en subit les conséquences
26:09tous les jours.
26:10Il ne supporte plus
26:11la voix vociférante
26:12de Rémus
26:13à propos de tout
26:13et de n'importe quoi.
26:15Il fait installer discrètement
26:16un micro
26:17enregistre son mauvais caractère
26:19et le diffuse publiquement.
26:21Rémus, surpris
26:23finit par admettre
26:24qu'il est parfois excessif.
26:25Il y a une question
26:26que je veux vous poser
26:27une question très grave.
26:29Est-ce que vraiment
26:30je suis coléreux ?
26:32Quoi ?
26:33Je fais ?
26:35C'est un extrait de César.
26:36Depuis tout à l'heure
26:37je me demande avec angoisse
26:38si je n'ai pas commis
26:40de graves erreurs
26:40si je n'ai pas été injuste
26:42si je ne suis pas en somme
26:44une vieille bête
26:44et si tout ça ne viendrait pas
26:46d'une tendance maladive
26:47à me mettre en colère.
26:48Tu as dit maladive ?
26:50Par conséquent
26:51ça regarde le docteur.
26:52Allons docteur
26:53réponds lui.
26:53Et toi tu ne peux pas
26:54me répondre ?
26:55Je craindrais de me tromper moi.
26:58Et tu ris
26:59comme un imbécile.
27:01Comment un ami de 30 ans
27:03vient te poser
27:03une question grave
27:04une question venue du coeur
27:05et tu réponds
27:06par des ricanements ?
27:07César.
27:07Mais qu'est-ce que ça veut dire
27:08ce rire ?
27:09Ça veut dire que je suis
27:10une vieille bourrique.
27:11Allons César.
27:12Comme par ton refus
27:12de me répondre
27:13tu fais semblant de dire
27:14sans le dire
27:14que je suis coléreux
27:15et que tu as peur
27:16de ma colère.
27:17Et vous aussi monsieur Brun
27:18vous ne répondez rien
27:19mais vous faites semblant
27:20d'en penser le double.
27:21Quant à hum
27:22avec son air supérieur
27:24je me fous de ce qu'il ne dit pas
27:25de sa coqueluche
27:26et des vieillards.
27:27Mais qu'est-ce que ça veut dire
27:27à la fin ?
27:28Depuis 30 ans
27:29vous venez chez moi
27:29tous les jours
27:30et vous dites que je suis coléreux ?
27:32Je supporte la stupidité
27:33des scartes figues
27:34et vous dites que je suis coléreux ?
27:35Je supporte les lyonnaiseries
27:37de monsieur Brun
27:37et vous dites que je suis coléreux ?
27:39Je supporte le silence
27:40de ce médecin des chèvres
27:41et vous dites que je suis coléreux ?
27:42Je supporte la présence
27:43de ce petit macaque,
27:44ce chauffeur
27:45qui ne fait jamais
27:45ses consommations
27:46et qui de plus
27:47ne boit jamais rien
27:47et vous dites que je suis coléreux ?
27:49Ce petit macaque là
27:50hier je lui dis
27:50tiens serre-moi un piquant
27:51il me serre un piquant
27:52donne-moi de l'eau de sels
27:53il prend le l'eau de sels
27:55il la pisse sur le siphon
27:56il me le fait pisser
27:57dans la figure
27:57et vous dites que je suis coléreux ?
27:59Non
28:00il n'est certainement pas coléreux
28:01et il nous le prouve
28:02C'est vrai au fond
28:05que je suis coléreux
28:06ou plutôt je le parais
28:08car je ne suis pas du tout en colère
28:09Dis donc alors
28:10qu'est-ce qu'il te faut ?
28:11Mais non Félix
28:11mais non
28:12vois-tu
28:12je crie comme ça
28:13je me lance là
28:14et c'est tellement papa
28:19c'est tellement ça
28:20c'est tellement vrai
28:22c'est ce qu'il disait à la maison
28:24Rému raconté par sa fille Paulette
28:26parce qu'il était malheureux
28:28une fois qu'il avait engueulé
28:28tout le monde
28:29il sortait
28:29il allait nous acheter des cadeaux
28:30pour se faire pardonner
28:31mais c'est ça son caractère
28:44Le contrat de Roger Richebet
28:52lui permet de faire
28:53de bons débuts au cinéma
28:54et de remonter ses finances
28:56qui ont été sérieusement éprouvées
28:58par une malheureuse affaire
29:00Quand je l'ai engagé
29:01il avait perdu tout son argent
29:03Le producteur Roger Richebet
29:05parle de ce moment difficile
29:06Il avait été dépouillé
29:07par un type qui avait levé le pied
29:09par un financier
29:10on devait lui fournir
29:12probablement des intérêts
29:13très intéressants
29:14et je me pensais que mon contrat
29:16de cinéma pour Rému
29:18venait là
29:19comme un espoir extraordinaire
29:21Son tempérament excessif
29:23pousse d'ailleurs Rému
29:24à en rajouter un peu
29:26comme on dit
29:27sur les misères qui la câblent
29:29ce qui lui vaudra très vite
29:30la réputation
29:31d'être un petit peu
29:32trop près de ses sous
29:33Marius
29:34Oh
29:35C'est toi qui offre le café ?
29:36Oui
29:37Bon
29:38Tu as vu le tasse
29:40et je viens de le faire ?
29:41Non
29:41Pourquoi ?
29:42Parce que si nous buvons tout
29:43gratis il ne restera plus rien
29:44pour les clients
29:45Oh tu ne vas pas pleurer
29:46pour une tasse de café
29:47C'est pas pour le café
29:48c'est pour la manière
29:49Que manière ?
29:50De boire le magasin
29:51pendant que je dors
29:52C'était un extrait de Marius
29:53Marius
29:54dont les américains
29:55tiennent à faire un film
29:56Paramount France
29:58verra en effet
29:59porter la pièce à l'écran
30:00mais en imposant
30:01des acteurs américains
30:03Marcel Pagnol
30:04s'y oppose formellement
30:05et tiendra
30:07les américains
30:07en échec
30:08jusqu'à ce qu'ils acceptent
30:09en désespoir de cause
30:11de garder les comédiens
30:12qui ont créé la pièce
30:13à Paris
30:14En échange
30:16Pagnol est d'accord
30:17pour que la réalisation
30:18du film
30:19soit confiée
30:20à un metteur en scène
30:21de la Paramount
30:22Alexandre Corda
30:23C'était un Hongrois
30:25qui avait fait carrière
30:26à Hollywood
30:27et papa l'avait baptisé
30:28le Tartare d'Hollywood
30:30Marcel Pagnol retrouve donc
30:52son grand ami
30:53et interprète favori
30:54Jules Rémus
30:55pour tourner Marius
30:57sous la direction
30:57de la Paramount
30:58Mais dès le premier jour
31:00de tournage
31:01les américains
31:02se heurtent
31:03à un problème
31:03technique majeur
31:05qu'ils n'avaient jamais
31:06rencontré auparavant
31:07Une chose qui est
31:07très impressionnante
31:08c'est que la voix
31:09de Rémus
31:10était trop riche
31:12trop volumineuse
31:13trop ample
31:14Charles Moulin
31:14partenaire de Rémus
31:15quelques années plus tard
31:16dans la femme du boulanger
31:18Je vous dis
31:18les confidences
31:19que me faisait
31:19Marcel Pagnol
31:20moi
31:20tu vois
31:22Jules
31:22au début
31:24pour arriver
31:25à capter sa voix
31:26on a fait venir
31:27le plus grand spécialiste
31:29d'Hollywood
31:29et cet ingénieur
31:32du son
31:32disait
31:34cet acteur
31:35est impossible
31:36car il me fait
31:37éclater les micros
31:37et Pagnol
31:38a eu cette phrase
31:40légendaire
31:41Monsieur
31:42vous je peux vous remplacer
31:44je vous paie votre dédi
31:45tandis que Rémus
31:46je ne le remplacerai jamais
31:47ce sera le plus grand
31:48acteur du monde
31:49et effectivement
31:50il prouve
31:51que dans les micros
31:52sa voix est devenue
31:53la plus extraordinaire
31:54car il avait encore
31:56plus de personnalité
31:57dans sa voix
31:58qu'il avait encore
31:59dans son physique
31:59car écoutez
32:01un film de Rémus
32:02sans voir l'image
32:03vous l'avez
32:04devant les yeux
32:05comme s'il était
32:06en véritable présence
32:07car sa voix
32:08a une signification
32:09extraordinaire
32:10oh alors surtout
32:12Marius
32:12ne me prends pas
32:14pour un imbécile
32:14je ne te prends pas
32:16pour
32:16je te dis
32:17surtout
32:17ne me prends pas
32:19pour un imbécile
32:20je sais très bien
32:22que tu es amoureux
32:23de Fanny
32:23qui c'est qui t'a dit ça
32:25c'est mon petit doigt
32:26il est pas malin
32:28ton petit doigt
32:29oh que si qu'il est malin
32:30oh que si qu'il est malin
32:31tu es amoureux
32:32de Fanny
32:32et la preuve
32:33c'est que hier
32:34tu t'es jeté sur Fanny
32:35comme une bête
32:37faaf
32:38si on vous avait passé pareil
32:40tu l'es tranglé
32:41il serait mort
33:08dans la vie de Jules Rémus
33:20en dehors du théâtre
33:21et du cinématographe
33:23il y a une femme
33:25et une petite fille
33:26il adorait sa femme
33:27il adorait maman
33:28Paulette parle de Madame Rémus
33:30il l'a rencontré en 1923-24
33:38à Toulon
33:38il y avait un dancing au Mourillon
33:40qui s'appelait le Lido
33:42il a rencontré maman
33:43qui était très jeune à l'époque
33:44et qui était une femme
33:46absolument ravissante
33:47elle était bretonne d'origine
33:49mais elle avait tout à fait
33:51le type méridional
33:53elle avait la répartie
33:54le sens de l'humour du midi
33:55etc.
33:56maman était fille de marin
33:58alors donc
33:59les marins
34:00vous savez la marine
34:01c'est Brest et Toulon
34:01maman est née à Narbonne
34:03elle disait toujours d'ailleurs
34:05j'ai été
34:06mise en chantier en Bretagne
34:08et lancée à Narbonne
34:09et toute petite
34:11elle est arrivée à Toulon
34:12à Toulon
34:14c'était la jolie Esther
34:15la jolie Toulonnaise
34:18et la famille Rémus
34:19c'est aussi une petite fille
34:20autour de laquelle
34:21Jules organise
34:23une grande part de sa vie privée
34:24Paulette Rémus raconte
34:26ses souvenirs d'enfance
34:27il avait des côtés maternels
34:30il s'est occupé de moi
34:31beaucoup plus que maman
34:31c'est lui qui m'habillait
34:33c'est lui qui me sortait
34:35par exemple
34:36il ne tournait pas le jeudi
34:37il a dit à Pagnol
34:38je ne tournerai jamais le jeudi
34:39parce que le jeudi
34:40c'est le jour de la petite
34:41il était très très affectueux
34:45par exemple
34:46quand j'étais toute petite
34:48je devais avoir 7 ans
34:49et bien un soir
34:51j'ai vu arriver un ange
34:56un ange qui me portait
34:58la réponse du Père Noël
35:00dans une grande enveloppe argentée
35:02avec un papier en dentelle
35:04en lettres roses
35:05avec des anges en or aux quatre coins
35:08il avait fait faire ça au studio
35:09et voilà le genre de choses
35:13qu'il faisait pour moi
35:14papa je crois que
35:16c'est un homme qui avait besoin
35:18d'une famille
35:18donc lui
35:19de son côté
35:21n'en avait pas
35:21il avait perdu son père
35:23sa mère son frère
35:24avec maman
35:25c'était la famille
35:26c'était
35:27il y avait mémé
35:28la petite
35:29et maman
35:30et ça c'était sacré
35:32pour lui c'était très important
35:35ces petits là
35:36ça vous prend tout
35:36mais quand on est brave
35:38Marius
35:39on n'attend pas
35:40qu'ils vous le prennent
35:41on le leur donne
35:42quand il était à la maison
36:11ça se passait comme ça
36:12maman sortait
36:14et on se retrouvait très souvent
36:17papa a eu horreur de sortir le soir
36:18nous restions
36:20à la maison avec ma grand-mère
36:23ma grand-mère allait se coucher
36:24et papa et moi
36:25on jouait la belote
36:25ils trichaient
36:27ils trichaient
36:27toujours
36:28et ça me mettait dans des colères affreuses
36:30ah
36:30et ben quoi
36:33c'est à toi
36:34je le sais bien
36:35mais j'hésite
36:36et alors tu vas
36:37éditer comme ça
36:38jusqu'à demain
36:38allons capitaine
36:39nous vous attendons
36:40c'est que la chose
36:42est importante
36:42ils ont 32
36:44et nous
36:44combien nous avons
36:4530
36:45nous allons en 34
36:47c'est ce coup-ci
36:47que la partie se gagne
36:49ou se perd
36:49c'est pour ça
36:50que je me demande
36:51si Panny se coupe à coeur
36:53mais si tu as fait attention
36:54au jeu
36:54tu le serais
36:55si il coupe à coeur
36:55mais tu fais jamais attention
36:56mais ne te gênes plus
36:57ne te gênes plus
36:58montre lui ton jeu
36:59pendant que tu y es
37:00mais monsieur Panny
37:00si j'ai pas donné de renseignement
37:02je dis rien
37:02en tout cas
37:03nous jouons à la muette
37:04il est défendu de parler
37:05et si c'était une partie de championnat
37:06tu serais déjà disqualifié
37:08écoute Panny
37:09moi j'en ai fait plus de 10
37:10de partie de championnat
37:12et j'ai jamais vu
37:12une figure comme la tienne
37:14toi tu es perdu
37:15les injures de ton agonie
37:17ne peuvent pas toucher
37:19ton vainqueur
37:20ton vainqueur
37:21regarde comme il est beau
37:22on dirait la statue
37:24de Victor Gelu
37:24évidemment
37:25je suis porté à croire
37:27que Panny
37:28se coupe à coeur
37:28et je t'en répète
37:29que quand on joue
37:30on ne doit pas parler
37:31même pour dire bonjour
37:32à un ami
37:32je dis bonjour à personne
37:34je réfléchis
37:35réfléchis en silence
37:36mais il a raison
37:37t'as pas besoin de parler
37:37pour savoir si Panny
37:38se coupe à coeur
37:39voyons
37:39et puis je te prie
37:42de ne pas lui faire de signe
37:43tu ne dois regarder
37:44qu'une seule chose
37:45ton jeu
37:45et toi aussi
37:46si vous continuez
37:49à faire des grimaces
37:50je pousse les cartes en l'air
37:50et je rentre chez moi
37:51ne vous fâchez pas Panny
37:53il t'en cuit
37:54moi je connais très bien
37:56le jeu de la manille
37:56et je n'hésiterai pas
37:58une seconde
37:59si j'avais la certitude
38:00que Panny se coupe à coeur
38:01et il continue
38:04à faire des grimaces
38:05tenez monsieur Brun
38:06surveillez ce carte figue
38:08moi je surveille César
38:09comment ?
38:11tu me fais ça à moi ?
38:13un camarade d'enfance à toi ?
38:15je te remercie
38:15je t'ai fait de la peine
38:17mais non
38:18tu me fais plaisir
38:18tu me surveilles
38:19comme si j'étais un scélérat
38:20un bandit de grand chemin
38:21tu me fais plaisir
38:22merci
38:23tu me fends le coeur
38:25allons César
38:27il n'y a pas d'allons César
38:29tu me fends le coeur
38:30j'ai le coeur fendu par toi
38:33tu me fends le coeur
38:37et alors ?
38:39ce que nous faisons alors ?
38:40alors nous jouons plus quoi ?
38:42il me fend à moi
38:43il me fend le coeur
38:43à toi il te fait rire
38:44à toi il te fait rire
38:45ah très bien
38:47j'ai compris
38:49tes coeurs
38:51est-ce que tu me prends
38:54pour un imbécile ?
38:56tu as dit
38:56il nous fend le coeur
38:57pour lui faire comprendre
38:58que je coupe à coeur
38:59et alors il joue coeur par bleu
39:00tiens tiens
39:01les voilà tes cartes
39:02hypocrite, tricheur
39:03je ne joue pas avec un grec
39:04je ne joue pas plus fonda
39:05qu'est-tu ça ?
39:06faut pas m'y prendre par un autre
39:07si on maistre est pas nice
39:08et si elle se m'approfite
39:09par ma gantarde
39:10tu me fends le coeur
39:11et bien par exemple
39:12tu me fends le coeur
39:14il a pas l'air content
39:19cette fois je crois
39:20qu'il est fâché
39:21pour de bon
39:21il a eu tort
39:22il a eu tort
39:23de se fâcher
39:23mais vous avez eu tort
39:24de tricher
39:24écoutez monsieur Brun
39:25je ne peux pas tricher
39:26entre amis
39:27mais c'est pas la peine
39:28de jouer aux cartes
39:28puis d'ailleurs il adorait plaisanter
39:30il faisait des tas de plaisanteries
39:32à ma grand-mère
39:32il lui offrait
39:33ce qu'il appelait des bonbons
39:35et ces fameux bonbons
39:37c'était des suppositoires
39:38à la glycérine
39:39et ça avait vraiment l'air
39:40de bonbons au miel
39:41alors il offrait de temps en temps
39:44à mémé
39:45il lui disait
39:45mémé voulez-vous un bonbon
39:46alors elle disait
39:47oui Jules merci beaucoup
39:48et il attendait
39:50qu'elle soit prête
39:50à le mettre à la bouche
39:51pour le lui enlever
39:52parce que mémé croyait
39:53que c'était des bonbons au miel
39:55et puis elle n'osait rien
39:56elle lui refusait
39:56même si elle n'avait pas envie
39:57de bonbons elle l'aurait pris
39:58parce qu'elle se disait
39:59il va se mettre dans une colère
40:00affreuse si je refuse
40:01dans les rois du sport
40:02que nous avons tourné
40:03en 1937
40:04au stade Fernand Buisson
40:05un autre témoignage
40:07celui de Fernandel
40:08tous les gens ont déjeuné
40:09vers midi à demi une heure
40:11chez Vinaigre
40:12et Jules avait une passion
40:14il adorait les rougers
40:15un jour nous arrivant
40:17pour déjeuner
40:18Vinaigre on dit
40:19vous savez j'ai quelques rougers
40:20mais il n'a pas eu beaucoup
40:22alors il y en a
40:23il y en a deux gros
40:24et puis les autres
40:25sont assez moyens
40:26alors comme il y avait
40:27notre partenaire du film
40:28qui était Lisette Laval
40:29Charon Camel d'ailleurs
40:30Rémi attrape Vinaigre à part
40:32et lui dit
40:33oh
40:33mets moi les deux rougers
40:35à part
40:36parce qu'avec la mignonne
40:38elle a dit comment
40:38par galanterie
40:39il faudrait les lui donner
40:40elle mangera les petits
40:41alors comme j'étais avec elle
40:43j'ai mangé les petits aussi
40:45je voudrais effacer
40:46je voudrais effacer une légende
40:47qu'on a créée autour de lui
40:48enfin un dernier document
40:50une anecdote de Vincent Scotto
40:53on a dit qu'il n'était pas
40:54généreux
40:54quelle erreur
40:56je l'ai vu héberger
40:57pendant plus d'un an
40:58un artiste marseillais
41:00chez lui
41:01et comme remerciement
41:03à cet artiste
41:03que je rencontrais
41:05au bout de quelque temps
41:06et à qui je rappelais
41:08la gentillesse de Rémi
41:09m'a dit
41:10oui c'est vrai monsieur Scott
41:13il m'a nourri
41:14mais jamais
41:15qu'il m'aurait donné
41:16un peu d'argent de poche
41:17l'Europe est en guerre
41:30la France est occupée
41:31la famille Rémi
41:33doit se réfugier
41:34dans la maison du Midi
41:35à Bandol
41:36il avait très peur de la guerre
41:38il avait très peur
41:39pour lui
41:39pour les siens
41:40pour sa famille
41:41les souvenirs de Paulette Rémi
41:42concernant cette période
41:43de la vie de son père
41:44nous avions une maison
41:45à Bandol
41:46on a passé toute la guerre
41:47à Bandol
41:48et puis un jour
41:49il a décidé
41:50qu'il vendait
41:50la maison de Bandol
41:51en 44
41:52donc nous sommes rentrés
41:53l'appartement ici
41:54de Washington
41:55et il y avait encore
41:56des bombardements
41:57quand il y avait l'alerte
41:59il avait un espèce
42:00de grand sac en cuir
42:02une grosse poignée
42:04coulissée
42:04alors il mettait dans le sac
42:05tous les bijoux de maman
42:06et puis alors l'argent
42:08les clés
42:10les carnets de chèques
42:11il prenait ce sac
42:13il mettait les manteaux
42:14de fourrure de maman
42:15sur le dos
42:15alors la cuisinière
42:16avait un manteau de fourrure
42:17la grand-mère
42:18tout le monde
42:18et on descendait
42:20tous comme ça
42:21en attendant que ça s'arrête
42:22et alors lui
42:23vous allez voir
42:24le souci de l'élégance
42:26il s'était dit
42:27si jamais
42:28nous sommes bloqués
42:29dans la cave
42:30je ne vais tout de même
42:31pas me retrouver
42:32dans la rue
42:32avec le manteau de visant
42:34de ma femme
42:34et notre banque
42:36était à l'angle
42:37de la rue Washington
42:38il avait loué un coffre
42:40où il avait déposé
42:41chemise
42:42costume
42:43chaussure
42:44par-dessus
42:45chapeau
42:45cravate
42:46tout
42:46en se disant
42:48comme ça
42:48je suis les caves
42:50et quand je sors
42:51je m'habille
42:53c'est tout à fait papa
42:55à la libération
43:22il arrive quelque chose
43:23de merveilleux
43:24à Rému
43:24on lui propose
43:25d'entrer
43:26à la comédie française
43:27peu après
43:28son ami
43:28Marcel Pagnol
43:29est nommé
43:30pour entrer
43:31à l'académie française
43:32au moment où il l'apprend
43:34Jules est en clinique
43:35il vient de se casser
43:37la jambe
43:38dans un accident
43:38de voiture
43:39Pagnol va trouver
43:40Rému
43:41pour lui annoncer
43:42la nouvelle
43:42il est arrivé
43:43dans la chambre
43:43il lui a dit
43:44tu sais Jules
43:45je vais rentrer
43:46à l'académie française
43:47Paulette
43:48à côté de Charles Moulin
43:49se rappelle l'événement
43:50moi je me souviens
43:51j'ai vu papa
43:52devenir blanc
43:53comme un linge
43:54il a eu des larmes
43:55qui coulaient
43:56et comme il ne voulait
43:57pas que ça se voit
43:58il lui dit
43:59alors c'est vrai
44:01tu vas avoir
44:02le chapeau d'encaisseur
44:03et le sabre
44:05et Marcel lui a dit
44:07il lui a dit
44:07oui mais tu sais Jules
44:08tu rentres avec moi
44:10parce que c'est grâce à toi
44:11que je suis à l'académie française
44:13il lui a dit
44:14va mon pauvre Marcel
44:15dommage que j'ai la quille
44:16en plomb
44:17il avait la jambe cassée
44:18remis de son accident
44:41Rému entre en convalescence
44:43il envisage de recommencer
44:44à travailler
44:45quand son médecin
44:46décrète que sa blessure
44:48à la jambe
44:48nécessite une nouvelle
44:50intervention chirurgicale
44:52Jules Rému
44:53entre en clinique
44:53le 20 septembre 1946
44:56il ne reverra jamais plus
44:58les caméras
44:59victime d'une crise cardiaque
45:02il succombe
45:03au cours de l'opération
45:04le grand Rému
45:06laisse derrière lui
45:07une série impressionnante
45:09de personnages immortels
45:10dont le célèbre
45:12Homme au chaperon
45:13son dernier film
45:14dans lequel il atteint
45:16les sommets de son art
45:17J'aurais tant voulu plaire
45:19Si j'ai une fille
45:21qui se moquait de moi
45:22tout à l'heure
45:22vous étiez de leur côté
45:23pourquoi vous étiez
45:25cruelle avec moi
45:26je jouais à Colin Maillard
45:28pour ne pas qu'on me prenne
45:30pour un trop vieux monsieur
45:31j'étais ridicule
45:32mais vous ne m'avez pas aidé
45:34et quand je suis tombé
45:36vous aussi vous avez ri
45:38adieu
45:40dans le brouillard
45:41et dans la nuit
45:42s'éloigne
45:44s'estompe
45:46et disparaît lentement
45:48l'ombre de l'homme
45:51au chapeau rond
45:52tu me fends le coeur
45:54bye bye
45:55vous venez d'écouter
46:01Destins Extraordinaires
46:02un podcast
46:04issu des archives
46:05d'Europe 1
46:05réalisation
46:08Julien Tarot
46:09production
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