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00:00A la veille de la guerre, le 31 juillet 1914, la famille de Funès s'agrandit.
00:27Il vient de naître un troisième enfant qu'on appellera Louis.
00:33Il y a déjà une fille et un garçon dans la famille.
00:37Le père, Carlos de Funès de La Garza, a 43 ans.
00:43Il vient de s'improviser diamantaires, un métier qu'il adore.
00:47Les perles, les bijoux, les pierres précieuses sont les passions de Carlos.
00:52Il va de joyer en richissime client faire son petit commerce.
00:55Jusqu'au jour où, confiant ses pierres à un amateur rencontré dans un café,
01:01il se fait voler son fonds de commerce.
01:04La guerre n'arrange pas les affaires.
01:06La famille de Funès s'éloigne de Paris dans une banlieue un peu plus reculée.
01:11Carlos n'abandonne pas ses projets.
01:14Émigré d'Espagne où il était avocat,
01:16il sait qu'il lui faut persévérer et mettre son imagination à l'épreuve pour innover.
01:27Innover pour le père de Louis, c'est trouver le moyen de fabriquer des émeraudes synthétiques.
01:32Par un savant mélange de teinture, il cherche à reproduire la couleur naturelle de l'émeraude.
01:40Malheureusement, Carlos est daltonien et la qualité des pierres est loin d'être parfaite.
01:47Ce qui met souvent Eleonore, la mère de Louis, dans des colères effrayantes.
01:52Sa maman était une homme-femme très simple.
01:54Sa maman lui ressemblait.
01:56Yves Robert.
01:56J'ai vu sa maman une fois, oui.
01:59Et il avait beaucoup pris à sa maman.
02:02Sa maman parlait tout le temps en faisant,
02:05j'ouvre une petite cuisine comme ça, avec un petit peu de soupe comme ça,
02:09il y avait une espèce de petite souris comme ça qui grignotait.
02:16Et Louis avait dû beaucoup la regarder, sa maman.
02:19Parce qu'il disait toujours qu'il tenait ses colères qu'il avait en jouant,
02:26et il tenait de sa mère.
02:27Claude Jean Sac.
02:28Et sa mère était une grande colérique.
02:34Et lui, ça le faisait rire et il prenait une paire de claques.
02:36Quand il y avait une vente à elle, il disait, je m'inspire toujours de ma mère.
02:41Louis a 25 ans quand éclate la Seconde Guerre mondiale.
02:57Le 1er septembre, c'est la mobilisation générale.
03:01Réformé, il devrait échapper à la conscription.
03:05Il mesure 1m64.
03:06Mais la France a besoin d'hommes.
03:10Devant le conseil de révision, Louis pense qu'il n'y échappera pas
03:14quand il entend un officier parler de lui en ces termes dramatiques.
03:19Oh, lui, il n'en a plus pour longtemps, on va le réformer.
03:23Louis devient livide.
03:25Il ne se savait pas malade.
03:27Il rentre chez lui et raconte tout à Germaine, sa femme,
03:31qu'il a épousée 4 ans plus tôt.
03:32Germaine tente de le rassurer.
03:36Elle lui conseille d'aller consulter un médecin.
03:39Le diagnostic est formel.
03:41Louis de Funès est en parfaite santé.
03:44Après enquête, on découvre qu'il y a eu une erreur de dossier.
03:48L'officier a confondu son cas avec celui d'une autre recrue.
03:51Il vient de vivre le 1er grand gag de sa carrière.
03:55Mais l'histoire ne se terminera pas bien pour autant.
04:06La guerre n'épargnera pas Louis de Funès.
04:09Elle tuera son frère sur un champ de bataille des Ardennes.
04:12Il parlait beaucoup de son frère.
04:14Parce qu'ils étaient tous naturalisés français, évidemment.
04:17Et son frère est un des rares morts de la guerre de 39-40.
04:21Colette Brossé.
04:21Il allait très souvent sur la tombe de son frère.
04:25D'ailleurs, sa femme lui a fait faire la même tombe.
04:27Parce qu'il trouvait ça très beau.
04:29Et il parlait beaucoup de son frère qui avait été tué à la guerre.
04:32Et il nous disait toujours, la tombe de mon frère est tellement belle.
04:35Une pelouse et une croix, il n'y a rien de plus beau.
04:37Que Madame de Funès a fait faire la même chose.
04:39Par respect pour ce que Louis disait.
04:43La femme dont vient de parler Colette Brossé n'est pas Germaine.
04:47Mais Jeanne de Maupassant.
04:48Que Louis épousera quelques années plus tard.
04:52Germaine et Louis vont se séparer.
04:55Nous sommes en 1942.
04:57Louis cherche du travail.
04:59Il sait jouer du piano, c'est un atout.
05:02A condition d'accepter de travailler la nuit.
05:04Il trouve une place à Pigalle, dans un bar,
05:07où les Allemands viennent profiter des filles et du champagne.
05:11Pianiste de bar à cette époque, c'est un métier dangereux.
05:14C'est qu'il jouait souvent avec un revolver sur la tempe.
05:17Colette Brossé.
05:18Parce qu'il était obligé de jouer ce que les clients voulaient.
05:21Et que les boîtes de nuit, avec les Allemands qui avaient le droit d'y entrer, pratiquement.
05:25Et il jouait avec un revolver sur la tempe.
05:27Quand ils étaient bien sauts et qu'ils lui réclamaient les marlaines,
05:30Louis était bien obligé de jouer ce que ces messieurs voulaient.
05:33Il a souvent joué avec un revolver sur la tempe.
05:35Louis a rencontré Jeanne, le 20 avril 1943.
05:39Louis de Funès, épouse Jeanne de Maupassant.
05:43Le goût du piano les a réunis.
05:46Lui, improvisateur diabolique de morceaux de jazz,
05:49qu'il exécute comme détour.
05:51Elle, remarquable pianiste classique, élevée à l'ombre des conservatoires.
05:57Ils auront deux enfants, deux garçons.
06:00Patrick, l'aîné, qui est devenu médecin radiologue.
06:03Et Olivier, que vous connaissez mieux pour l'avoir vu jouer la comédie
06:07aux côtés de son père, dans Hibernatus, par exemple.
06:10Et il a tenté de l'entraîner vers le cinéma
06:13alors qu'Olivier ne rêvait qu'être pilote de ligne,
06:16ce qu'il est maintenant.
06:17Colette Brossé.
06:18Il avait des dons, il nous faisait rire quand il était tout petit.
06:21Alors on disait qu'il sera acteur.
06:22Mais non, en vérité, Olivier n'en a jamais rêvé d'être acteur.
06:25Il voulait être pilote de ligne, il est pilote de ligne.
06:27Le seul ennui, c'est que nous, on a déjà volé avec lui.
06:30Et quand il annonce, le commandant de Funès vous parle,
06:33tout l'avion se marre.
06:34Après la guerre, la famille de Funès vit modestement
06:53avec les cachets que Louis peut rapporter en jouant du piano
06:56ou des rôles de figuration au théâtre.
06:59Il s'est marié très jeune, oui.
07:01Claude Jansac.
07:01C'est Jeanne, surtout sa femme, qui m'avait raconté
07:05qu'il vivait dans deux petites chambres de bonne
07:07avec l'eau sur le palier.
07:11Mais il fallait qu'il ait une chemise propre tous les jours.
07:13Et il n'en avait jamais que deux.
07:15Alors elle, elle passait son temps à laver ses chemises.
07:18Louis de Funès, de Galarza.
07:21Les deux Funès ne sont pas issus de la noblesse.
07:24Le nom composé vient du fait qu'en Espagne,
07:27on met toujours le nom des parents du père et de la mère.
07:30En revanche, l'origine de Jeanne vient d'une illustrée noble famille,
07:35celle de Guy de Maupassant.
07:36Que devaient penser les Maupassants de voir ce petit Espagnol
07:40faire vivre aussi pauvrement l'une de leurs nobles héritières ?
07:44Je crois que ça a été très mal vu par la famille du côté de Jeanne.
07:50Et puis tout s'est arrangé parce que vous savez,
07:52tout s'arrange quand on a finalement un gendre
07:55ou quelqu'un de la famille qui est une énorme personnalité.
08:01À ce moment-là, on trouve toujours tout bien.
08:03Musicien, ce n'est pas la carrière à laquelle se destine Louis de Funès.
08:08Sa vocation, le désir qu'il caresse depuis des années,
08:12c'est de devenir un acteur, jouer la comédie dans une troupe.
08:16Complètement.
08:17Complètement, il ne pensait qu'à ça.
08:19Colette Brossé, qui avec son mari Robert Derry,
08:22a été l'ami de la famille des deux Funès.
08:24Et nous, on allait le voir jouer du piano
08:26parce que Robert le trouvait très drôle,
08:29même au piano.
08:30Et il disait à Robert, je voudrais tellement jouer,
08:31je voudrais tellement jouer,
08:32je voudrais entrer dans votre troupe.
08:34Il voulait entrer dans la troupe à l'époque.
08:36Il y est entré très vite.
08:37Et puis, il était tellement remarquable.
08:39Il était tellement né pour être acteur et pour être comique.
08:42Mais il était déjà drôle au piano involontairement.
09:44Madame, madame !
09:48Mais madame !
09:54Louis va entrer dans la troupe de Robert Derry et de Colette Brossé.
09:58Ensemble, ils feront de nombreux spectacles, dont « Allez belle bacchante » et « La grosse vals ».
10:04Et quand Robert a écrit « La grosse vals » vraiment pour lui, parce que c'était vraiment un complétion-mesure,
10:10on lui a fait une danse espagnole, une rota et une civiliana qui dansaient comme à Dieu.
10:14On aurait absolument juré un vrai danseur espagnol, s'il n'eût été sa silhouette qui était comique,
10:22un vrai danseur espagnol dansant vraiment une rota et une civiliana.
10:26Et la salle s'écroulait, parce que quand on fait authentiquement bien les choses, musicien comme il l'était, il était remarquable.
10:31C'est un comique spontané, brutal, subitement.
10:39Sa méchanceté était comique, ça c'était terrible.
10:44En scène, il arrivait à jouer méchant, mais sa méchanceté dominait.
10:52Et le comique dominait, bien sûr.
10:54Le comique de Louis de Funès n'est pas banal.
10:56Il s'inspire des grands comiques américains du cinéma muet.
11:00Je crois qu'il a renouvelé le comique français, justement dans le sens où nous, ce qu'on aime, c'est-à-dire pas tellement le verbe,
11:07il n'aimait pas parler, il n'aimait pas le comique de mots.
11:10Il aimait cette espèce de retour en arrière au comique muet des grands américains, puis des grands français aussi,
11:17parce qu'il y a eu Max Linder tout de même.
11:19Et ça, il adorait ça, il a tenté ce retour en arrière, de tuer le verbe, ce que Robert essayait aussi,
11:26et ce que Jacques Tati a réussi fantastiquement.
11:28Non, mais attendez.
11:30If I go to the Turkish bath, I risk, I risk énormément.
11:34Yes.
11:35But if you, you go out, si vous sortez, the Germans, les Allemands, ils sont là, ils vont vous attraper,
11:40vous allez parler, et moi, I risk encore plus.
11:43Yes.
11:44Donc, I risk on the two tableaux.
11:46Yes.
11:46Vous m'afforciez toujours yes.
11:48Yes.
11:48Bah oui.
11:49Alors, écoutez, do you promise me que if I bring ici the big mustache, you partez avec lui.
11:54Yes.
11:55Mais définitivement.
11:56Yes.
11:56Bon.
11:56Alors, I accept to go to the Turkish bath, I accept the mustache, I accept tout, et puis...
12:02Et puis, you, attendez.
12:04You, you go là-dedans.
12:06You go là-dedans.
12:07Là-dedans.
12:08Immédiatly.
12:09Voilà.
12:10Don't move.
12:11Je reviens.
12:11I come back.
12:12Wait and see, please.
12:26En 1956, Louis de Funès a déjà dépassé la quarantaine.
12:48On ne peut pas dire que c'est un acteur qui ne travaille pas, il gagne sa vie honnêtement.
12:53Mais sa notoriété n'a rien à voir avec le talent qu'il met à progresser dans son art.
12:59Le destin va lui fournir l'occasion de se distinguer au cinéma.
13:02Claude Autanlara a acheté les droits de la traversée de Paris, la nouvelle de Marcel Aimé.
13:09Jean Gabin sera la vedette.
13:12C'est décidé.
13:13Claude Autanlara veut Bourville dans le rôle du lampiste en face de Gabin.
13:18Le producteur refuse, puis se laisse convaincre.
13:22Les personnages principaux sont distribués.
13:24Restent les seconds rôles.
13:27Alain Poiré propose Louis de Funès pour interpréter le personnage de l'épicier
13:31qui fait fortune au marché noir, sous l'occupation, en profitant des malheurs des autres.
13:37Je vous ai dit qu'on est pressé.
13:38Et ce soir, c'est pas la porte à côté, hein.
13:40C'est la rue Le Pic.
13:41Rue Le Pic ?
13:42Vous m'avez dit rue du temps.
13:43Ah, bien sûr, je ne fais pas une grosse différence.
13:45Deux bornes.
13:45Oh, toi, maintenant, ferme-la, hein.
13:47Question à faire, c'est moi qui ai la parole.
13:49Écoutez, patron, il faudrait s'entendre.
13:50Si c'est à mon marque, vous donnez combien ?
13:52C'est bon, je vous donne 50 francs de plus, mais grouillez-vous, hein.
13:54Oh, mais je ne demande pas l'aumône.
13:56Pour mon marque, c'est ça, 600 francs par homme ou bonsoir ?
13:58Ah, je vois ce que je sais, vous voulez profiter de la situation ?
14:01C'est bon, disons 400 francs.
14:02Oh, mais à ce prix-là, cherchez des clochards, moi, je suis un homme.
14:05Ça va, je fais un effort, 450 francs, 900 francs pour les deux, hein.
14:10Ce personnage est d'une méchanceté, d'un égoïsme, mais ça, c'est embergé par Louis, hein.
14:17Yves Robert.
14:17Il ne l'a pas fait comme ça.
14:19Il l'a imaginé, travaillé, pensé, en disant, une lentille, c'est une lentille.
14:25Si on prend une lentille, alors c'est...
14:27Si on met le doigt dans le sac de lentilles et que ça coule, c'est épouvantable.
14:31Un petit sentiment de rien du tout devenait une espèce de grande flamme, comme ça.
14:37C'est ce qui était beau, hein.
14:38C'est pour ça que je m'en veux un tout petit peu, mon vieux Louis, je t'en veux un petit peu d'avoir fait une partie de ta carrière dans la gendarmerie.
14:44D'un petit rôle d'un second personnage, Louis de Funès en a fait un grand moment du cinéma français.
14:50Face à Gabin et à Bourville, il se hisse au niveau des plus grands acteurs.
14:55À ce moment-là, on pourrait croire qu'il va devenir un comédien qui va se réaliser dans les drames.
15:00Et quitter ce burlesque auquel il tient tant et qui ne lui a pas valu beaucoup de notoriété auprès du grand public.
15:08C'était un caricaturiste dont le trait était très fort, comme daumier.
15:13Yves Robert.
15:14Quand il nous racontait des histoires et qu'il se mettait tout d'un coup à imiter la caissière d'un café où il avait joué du piano, c'était extraordinaire.
15:22Tout d'un coup, on voyait un dessin se former comme ça, avec une violence et comme un trait dans du cuivre.
15:29C'était magnifique.
15:39En janvier 1961, un événement théâtral se prépare à Paris.
15:44Il ne s'agit pas d'une création, puisque la pièce avait déjà été jouée par Pierre Mondy et c'était les débuts de Jean-Paul Belmondo.
15:52Pour Louis de Funès, ce n'est pas un rôle inconnu.
15:55Il l'a déjà joué en tournée avec succès.
15:57Un tel succès que Jean-Jacques Vital, l'homme de la famille Duraton à la radio, a décidé de chercher une salle pour monter le spectacle à Paris.
16:07Oscar va être présenté aux Parisiens.
16:09La pièce de Claude Manier n'a rien d'exceptionnel.
16:12Il s'agit d'un imbroglio de boulevard, mais le spectacle prend une autre dimension,
16:17quand de Funès investit le personnage avec une extravagance que personne n'avait jamais vue.
16:22C'est vrai que c'était quelqu'un qui était prodigieusement inventif.
16:25Alain Poiré.
16:26Et sur un plateau de cinéma, ou comme sur une scène de théâtre d'ailleurs,
16:31quand il se mettait à jouer, à interpréter un rôle, tout d'un coup, il lui devenait une idée.
16:35C'est évident que la scène en particulier d'Oscar, dans laquelle il n'y a pas une espèce de crise de folie,
16:43il imite le baron en tirant son nez, en le mangeant, en faisant ça, c'est une invention.
16:49Personne n'avait jamais osé inventer ça dans une écriture ni dans la mise en scène.
16:53Il l'a complètement inventé.
16:55Il avait une façon de faire passer ses fourries qui était géniale,
16:58parce qu'il arrivait à éclater de rire et on pensait que c'était dans son jeu.
17:02Colette Brossy.
17:02Si jamais il y avait quelqu'un qui faisait quelque chose de drôle en scène,
17:05qui avait une invention comique, il pleurait de rire,
17:09mais comme la façon dont il riait faisait croire au public que c'était dans son jeu.
17:13Ça, c'était très habile de sa part.
17:23Louis de Funès va jouer Oscar pendant plus de mille représentations.
17:27Devant un tel succès, va germer l'idée d'en faire un film.
17:30Il faudra attendre cinq ans pour que Alain Poiré puisse monter la production avec Édouard Molinaro comme metteur en scène.
17:39Alain Poiré se souvient de ce tournage en évoquant la double personnalité de Louis de Funès,
17:45quand derrière l'acteur irrésistiblement comique se cachait un homme profondément angoissé.
17:51Quand il était angoissé, il était facilement quelquefois de mauvaise humeur.
17:53Il était contracté, je me souviens en particulier, quand on a tourné Oscar, on a eu un très très gros problème.
18:00On tournait le film sur le plateau de Biancourt, dans le décor avec Molinaro.
18:05Et puis tout d'un coup, Molinaro arrive et me dit, il vient parce que Louis ne devait plus tourner.
18:10Et puis je trouve effectivement Louis qui tournait en rond sur le plateau avec l'éclairage de secours dans une atmosphère lugubre.
18:15Il me dit, voilà, c'est très mauvais, tout ce qu'on tourne est très mauvais.
18:19J'ai un metteur en scène qui n'arrive pas du tout à ce que je fais, ce n'est pas possible.
18:22Donc le plus simple, on va arrêter.
18:24Je lui ai dit, écoutez, il y a d'autres solutions que je propose tout de suite.
18:27Vous allez recommencer de tourner, vous allez voir, les choses vont se passer très bien.
18:30Puis après quelques instants, c'est ce qui s'est passé.
18:32Puis j'avais été voir Molinaro, je lui ai dit, écoute, je sais qu'il t'abuse follement de Funès,
18:38mais montre-le, parce que c'est vrai que quand on est devant le premier spectateur d'un acteur, c'est le metteur en scène.
18:46Et si le metteur en scène n'a pas l'air de s'amuser, c'est terrible.
18:49Alors il l'a compris et les choses sont fort bien passées.
18:51Donc il avait des crises comme ça qui arrivaient par moments.
18:55Le tout, c'est de le prendre calmement et puis voilà.
18:58Ce qu'il vivait mal, c'était que les gens travaillent moins bien que lui.
19:02C'est-à-dire, fassent moins d'efforts que lui n'en faisait.
19:05Colette Brossé.
19:05Parce qu'il en faisait énormément, il n'était pas question d'heures de dépassement,
19:12il n'était pas question d'heures de répétition, il était question d'aller jusqu'au bout du travail.
19:17Alors quand il se trouvait face à des gens qui étaient un petit peu paresseux, un peu feignants,
19:23ça le mettait dans de très grandes colères, de là est venue sa réputation de mauvais caractère.
19:28Louis avait mauvais caractère, moi je préfère dire qu'il avait un caractère réservé.
19:33Plus que réservé, complètement secret.
19:36Mais Chindax.
19:37Puis d'une inquiétude, d'une anxiété permanente.
19:40Mais vous savez, comme beaucoup de gens qui font rire, parce qu'il est vrai que faire rire,
19:44c'est presque une jajure, enfin, ça se démode le rire autant que les vêtements.
19:50Alors il était toujours angoissé à l'idée que demain, ça ne marchera peut-être plus.
19:54Alors c'est vrai qu'il était très difficile à suivre et à supporter parce qu'il avait peur.
20:01C'était uniquement ça, sa vie.
20:04Et je crois qu'il s'est usé par la peur, ce garçon, alors qu'il avait un triomphe mérité.
20:08Car vraiment, cet homme avait un génie en lui, c'est certain.
20:12En 1963, Louis de Funès a déjà tourné deux films avec Jean Giroud.
20:36Pouic Pouic et Faites sauter la banque.
20:38C'est à cette époque que le cinéma commence à s'intéresser à cet acteur au comique si personnel
20:44pour en faire beaucoup plus qu'un comédien original, une star.
20:49Parmi les multiples projets que Louis de Funès voit proposer, il en est un qui va changer sa vie.
20:56Du jour au lendemain, il va devenir le comique numéro un des Français.
21:00Jean Giroud vient lui proposer de tourner le gendarme de Saint-Tropez.
21:05Vous savez, on a habité le même immeuble à un certain moment.
21:08Michel Dax.
21:09On se croisait de temps en temps dans l'escalier.
21:12Et dès qu'il me voyait, il me disait, tu sais, j'ai un projet, mais je suis très inquiet, bien entendu.
21:18Parce que je ne sais pas si je dois le faire, si je dois aller au bout.
21:21Et à un moment donné, c'était des gendarmes.
21:23Le premier gendarme, il me l'a annoncé comme ça, en courant, parce qu'il courait tout le temps.
21:29Tu sais, j'ai un projet, il paraît qu'il pourrait y avoir des suites.
21:33Tu te rends compte, si je le rate, la suite, je ne l'aurais pas.
21:36Et c'était le premier gendarme, vous avez vu, qu'il avait raison d'être anxieux.
21:40Ça s'est très bien passé.
21:41Avec le gendarme de Saint-Tropez, Louis de Funès devient une gloire nationale.
21:46La presse s'intéresse à lui, et lui ne s'intéresse pas à la presse.
21:50Les journalistes lui font peur.
21:53Louis de Funès, il fallait bien le connaître.
21:55C'était un être charmant.
21:57Michel Galabruc.
21:58Les journalistes arrivent, nous tournions à Boulogne-Billancourt.
22:03Et brusquement, l'attaché de presse, M. Moineau, me dit
22:06« Ah, ah ! »
22:08Louis vient de me renvoyer deux journalistes.
22:11Tu comprends quand même, il ne se rend pas compte, etc.
22:14Et puis je rencontre Louis, qui me dit
22:16« Ah, je viens de foutre dehors deux types de machins
22:20qui m'embêtait en parlant de la mort de Dario Moreno.
22:24Qu'est-ce que tu veux que je dise ?
22:25J'ai dit, Louis, j'ai compris.
22:28Tu étais embarrassé parce qu'on t'a tendu le micro
22:31et que sur Dario Moreno, toi qui es si gentil, qui as bon cœur,
22:35tu ne savais que dire.
22:37Tu es tombé embarrassé et tu les as envoyés balader.
22:40Maintenant, ils vont retourner parce que c'était leur travail.
22:44Ils sont vraiment tenus bredouilles et ils vont aller à leur studio.
22:46Ils vont dire, ah, on n'a pas pu avoir le truc, quel emmerdeur, etc.
22:50Et ça, c'est idiot parce que tu es l'homme le plus gentil que je connaisse
22:53et c'est par timidité que tu as renvoyé ces gens.
22:58Tu n'avais qu'à dire, ah ben oui, Dario Moreno, je ne le connaissais pas beaucoup,
23:02mais évidemment, ça m'a remetté.
23:03On te demandait quatre mots puisque tu es très célèbre
23:07et tu ne les as pas donnés uniquement parce que tu as eu peur de dire ces cinq mots.
23:11Il m'a dit, tu as raison, va me les rechercher.
23:13J'ai donc recouru après ces journalistes et les ai ramenés
23:16et il a fait son interview.
23:18Voilà, voilà Louis.
23:20Une autre série de films va contribuer à faire de Louis de Funès
23:23le comique des Français, Fantomas.
23:26Dans le rôle du commissaire Juve,
23:28il entraînera le film vers un burlesque inattendu pour un film policier.
23:33Paradoxalement, il n'a pas eu le film qui méritait.
23:36Il aurait pu faire, il aurait pu faire deux ou trois grands chefs-d'oeuvre.
23:40Il les méritait parce que c'était un merveilleux,
23:43comment un génial interprète.
23:45Et on le voit maintenant,
23:47les gendarmes, ça a été un peu les pieds nickelés de l'époque
23:50parce que tous les petits ont les gendarmes dans la cassette.
23:53Ce que je voudrais réaliser,
24:22c'est une sorte de guignol pour grands enfants.
24:25Pour moi, c'est ça le cinéma.
24:26Mais pour jouer guignol, il ne suffit pas de faire des grimaces.
24:29J'ai mis 20 ans à le comprendre
24:31et je fais de moins en moins de grimaces.
24:34Il faut autre chose, il faut une présence.
24:37Voilà comment Louis de Funès définit son art en 1965
24:41en répondant à une interview du journal du dimanche.
24:44Il refusait totalement l'émotion.
24:47Colette Brossé.
24:48Totalement.
24:49Il trouvait que c'était trahir le comique pour lui.
24:53Il trouvait que c'était aller à la facilité.
24:56Il détestait qu'on lui demande un sentiment d'émotion
24:59et Dieu sait si dans la vie il était tendre.
25:02Mais il se refusait, il trouvait que c'était trahir.
25:06Faire de l'émotion pour lui, c'était aller à la facilité.
25:08Il ne voulait que faire rire.
25:09Gérard Roury lui a chopé un regard ému dans Rabbi Jacob,
25:15ce qui nous a beaucoup étonnés.
25:16C'est très fugitif.
25:18À un moment, je crois que c'est dans la synagogue,
25:22il a un regard tendre vers un petit garçon.
25:24Ça nous a beaucoup étonnés qu'il ait laissé passer ça.
25:27Il avait de la tendresse en lui,
25:28mais il ne voulait absolument pas s'en servir.
25:30En 1965, Louis vient de faire le corneau avec Bourville.
25:46Gérard Roury se souvient encore de ses fous rires sur le plateau.
25:50Où il m'a fait follement rire,
25:52c'est quand je le dirigeais,
25:53que j'étais assis, comme je le suis toujours,
25:55sur un petit cube, sous la caméra.
25:57Alors, je me suis vu partir à quatre pattes,
26:00pour ne pas gâcher la prise,
26:02à quatre pattes, me faufiler derrière le décor,
26:05avec les larmes qui me coulaient des yeux,
26:06et lui, ça lui faisait du bien.
26:08C'est-à-dire de sentir que moi, je me tordais de rire,
26:11j'étais son premier spectateur,
26:12ça le dopait d'une façon formidable.
26:14De savoir qu'il me faisait rire, c'était bon pour lui.
26:18C'était bon pour lui, car même sur un plateau de cinéma,
26:22Louis de Funès avait besoin d'un public,
26:24d'un vrai public aussi attentif qu'au théâtre.
26:27Leuf !
26:28Oh, non, non, non !
26:42C'est une catastrophe !
26:45Qu'est-ce qu'il y a ?
26:48Qu'est-ce qu'il y a ?
26:49Qu'est-ce qu'il y a ?
26:50Qu'est-ce qu'il y a ?
26:51Qu'est-ce qu'il y a ?
26:52Ah, maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément.
26:55Je vous en prie, ne vous aimez pas, marchez dessus !
26:59Oh là là, c'est pas grave !
27:01C'est pas grand, vous en avez de bonnes, c'est pas grave !
27:03Qu'est-ce que je vais devenir, moi ?
27:05Eh ben, un piéton, oui, plus vrai !
27:06Hein ? Mes vacances sont foutues ! Je partais pour l'Italie !
27:09Écoutez, prenez l'avion, ça va plus vite !
27:11Mais je ne suis pas pressé, moi !
27:12Alors, moi, je suis pressé, voilà !
27:14On va lâcher, là !
27:15C'est fini, oui !
27:15Je vous en prie !
27:16Alors, voici ma carte !
27:17Voici ma carte, mon agent d'assurance vous contactera, voilà !
27:21Ah, vraiment ?
27:22Il y en a qui ne m'ont pas de culot !
27:24Je savais que dans certains cas, l'éclair, tout d'un coup,
27:29le moment où il allait faire le truc extraordinaire,
27:31que personne n'attendait, il fallait attendre !
27:33Alors, quelquefois, ça impliquait un grand nombre de prises !
27:37Je me disais, quand même, on est à la douzième, à la treizième,
27:41est-ce que je continue, ou est-ce que je me contente de ce qu'il y a ?
27:43Et j'attendais les dents serrées et le sourire aux lèvres,
27:46ce qui peut paraître contradictoire, et ça se passait !
27:50Ce long travail que Louis de Funès devait accomplir
27:52avant de donner toute la mesure de son talent,
27:55était comme une sorte de mûrissement !
27:57Ce n'est pas un mûrissement, c'est que c'était sa mécanique interne.
28:02Il répétait ses places mécaniquement,
28:04mais au plan de son jeu, il se mettait véritablement en action
28:09quand la caméra tournait.
28:11Donc, ça impliquait qu'à ce moment-là, il se perfectionnait petit à petit.
28:15Donc, c'était d'ailleurs un problème, je dois vous le dire,
28:19parce que, par exemple, dans les bourvilles de Funès,
28:23non pas pour le corniaux, parce que pour le corniaux,
28:25ils étaient séparés, il y en a un qui suivait l'autre,
28:27mais pour la grande vadrouille, où ils étaient toujours ensemble.
28:32Bourville, qui était spontanément merveilleux,
28:35superbe aux premières, deuxième, troisième prises,
28:37il commençait à s'user, à se détériorer,
28:39parce que la spontanité s'en allait,
28:41au fur et à mesure, au moment où Louis devenait parfait.
28:45Alors, je veux dire, il y avait un espèce de tape-cul
28:48de mouvement de balancier, auquel il fallait être très attentif,
28:52qui n'était pas très grave dans les champs contre-champ,
28:54quand il y en a un, parce que l'un donnait la réplique à l'autre,
28:57mais dans les scènes à deux, c'était certainement un problème.
29:00Onze millions de Français ont vu le corniaux à sa sortie.
29:04Lorsque Gérard Horry décide de recommencer,
29:07avec Bourville et de Funès, c'est la grande vadrouille.
29:10Treize millions de spectateurs se précipiteront dans les salles
29:14pour retrouver le tandem des comiques du cinéma français.
29:18Devant un tel succès, Louis de Funès est sollicité de toutes parts.
29:22On continue la série des fantômas,
29:25et l'on pense à la suite des aventures du gendarme de Saint-Tropez.
29:30Après le gendarme à New York, on imagine que le gendarme se marie.
29:44Il faut trouver une femme, ce sera Claude Jansac,
29:54que Louis connaît bien pour lui avoir souvent demandé d'être sa partenaire au cinéma.
29:58Oui, c'est lui qui me demandait.
29:59Claude Jansac.
30:00Pour Oscar, c'est parce qu'il est venu voir la première pièce comique que j'ai jouée de ma vie,
30:09puisque je ne jouais que des rôles dramatiques.
30:12C'était un fait d'eau, c'était la dame de chez Maxime.
30:14Et il m'a d'ailleurs dit, je ne savais pas du tout que tu jouais des comiques,
30:17mais je lui dis, tu vois, moi non plus.
30:19Et il m'a demandé pour tourner avec lui dans Oscar.
30:23Alors j'ai fait les essais, ça a marché.
30:25Et après, on a fait les grandes vacances.
30:29Et puis, il a été question de la suite des gendarmes.
30:33Pour le gendarme se marie, quand ils ont écrit le scénario,
30:37il a dit, il n'y a pas de raison, je vais prendre Claude.
30:41J'ai l'habitude de travailler avec elle.
30:42En plus, il adorait travailler avec des gens qu'il connaissait bien.
30:47Justement parce que c'était un inquiet, parce que c'était un être perfectionniste.
30:50Et puis, il avait un petit peu peur des gens.
30:52Ce qui fait que c'était vraiment un travail en famille avec Louis,
30:56parce que non seulement avec Louis, et très très souvent Michel Galabru,
31:00mais la technique aussi.
31:01La technique, dans la mesure du possible, il avait les mêmes techniciens.
31:06Alors c'était vraiment un travail en famille, ça c'était merveilleux.
31:09Et puis, je me souviens que, où j'ai tourné trois jours dans la soupe au chou,
31:13il m'avait dit, ça m'ennuiera.
31:14Ça m'ennuiera parce que t'es un petit peu comme une sorte de porte-bonheur.
31:19Le gendarme s'est marié en 1968.
31:23Étrange destin que celui de ce gendarme conservateur,
31:26vedette d'une époque contestataire, voire révolutionnaire.
31:30Claude Jansac restera pour les spectateurs la femme de Louis de Funès au cinéma.
31:35Celle que le public continuera d'appeler « ma biche ».
31:38Ce surnom, « ma biche », c'est Louis qui en avait eu l'idée.
31:42Oui, c'est lui, c'est dans Hibernatus.
31:45Ça serait bien que je t'appelle comme ça, parce que tu vois, alors, il est amoureux de sa femme.
31:49Alors un jour, il lui dit, comment je pourrais t'appeler, chercher ma biche.
31:54Oui, c'est bien, ma biche.
31:56Les inventions de Louis de Funès sont permanentes.
32:08Dans tous les films, il apporte des idées,
32:10à tel point qu'on peut se demander aujourd'hui
32:12si parfois il n'était pas tenté d'écrire lui-même.
32:16Non, à ma connaissance, non.
32:17Alain Poiré ?
32:17Non, il a participé à certaines adaptations, oui.
32:21Il participe à beaucoup de choses,
32:22mais il ne m'a jamais dit qu'il voulait écrire un scénario proprement dit.
32:27Et il ne m'a jamais laissé entendre qu'il avait l'intention,
32:29ni la moindre envie de mettre un film en scène.
32:32Non, ça, je n'ai jamais entendu parler.
32:35Musicien, acteur, chanteur dans les comédies de Robert Derry,
32:38Louis de Funès avait de multiples dons.
32:41Et puis cette, vous comprenez, cette vivacité physique,
32:45vous savez qu'il dansait très bien.
32:47Michel Dax
32:48Il avait beaucoup de grâces.
32:51C'est très curieux, vous savez, ce sont des êtres comme ça
32:53qui ont des dons multiples.
32:56Et il y en a un qui fera qu'il sera beaucoup plus connu que pour les autres.
33:01Mais en fait, c'était un merveilleux musicien,
33:03c'était un merveilleux acteur.
33:06Mais c'est vrai qu'il avait le don inné
33:09de faire rire et de faire rire tout le monde.
33:13C'est-à-dire des enfants aux vieillards, n'est-ce pas ?
33:15Il n'y avait pas de limite.
33:17Musique de générique
33:18Il était très gentil, très gentil, très compréhensif.
33:38Jamais il ne s'est laissé dépasser par sa célébrité et par le fait qu'il gagnait beaucoup d'argent.
33:44Voilà, ça c'est quelque chose qui je crois qu'il ne l'a jamais atteint.
33:49Malgré ses colères, son caractère angoissé, Louis de Funès dans la vie professionnelle ne ressemblait pas à ses personnages.
33:56Il était plutôt bon camarade avec les acteurs.
33:58Alain Poiré.
33:59Il ne se préoccupait pas du tout, contrairement à la plupart des acteurs qui se préoccupent de façon formidable de leur place sur l'affiche.
34:08De Funès n'a jamais posé de problème.
34:09Il a toujours laissé passer Bourville avant lui, de même que dans Fort Thomas, il a fait Jean Marais avant lui.
34:16Ça lui était complètement égal.
34:17Louis, il n'était pas du tout dans la vie comme il était au cinéma.
34:23Yves Robert.
34:24Dans la vie, c'était un homme très calme, très charmant, très doux, très simple, même chrétien.
34:32Il allait à la messe, Louis.
34:35Nous sommes sidérés, nous qui étions des mécréants.
34:37On pensait qu'il était devenu un bourgeois.
34:41Mais il s'est servi de cette bourgeoisie, de cette observation des autres, de façon tellement magnifique que vive le bourgeois.
34:58Mais on l'imaginait à la messe, ça nous faisait rire.
35:04À la messe, il devait prier, bien sûr.
35:07C'était un homme très respectueux, très timide.
35:10Gérard Rory.
35:10Il était un homme très religieux.
35:12Il allait à l'église avec Jeanne tous les dimanches.
35:15Et d'ailleurs, il me faisait tort de rire parce qu'il allait à l'église, il avait une vraie foi.
35:18Il croyait vraiment en Dieu, mais il se moquait de lui-même.
35:22Parce qu'il me disait, par exemple, j'ai été à l'église dimanche.
35:24Alors j'ai prié.
35:25J'ai prié.
35:26J'ai dit, mon Dieu, faites que mes chèques soient honorés.
35:28Faites que ce soit payé à temps.
35:29Faites que ce soit moi qui l'ai beau rôle, que les autres n'en aient pas.
35:32Il s'amusait avec ça.
35:33Il était très drôle, mais il était très drôle dans la vie d'une certaine manière et drôle pas comme au cinéma.
35:38Ce n'était pas la même sorte d'humour.
35:41Il était très profondément croyant.
35:43Colette Brossé.
35:44Et quelquefois, je lui disais, tiens, je n'ai pas été à la messe avec toi quand on tournait.
35:49Tu verras les petits diables te piquent contre cul en enfer, il me disait.
35:52Sa foi était sincère, complètement.
35:56Au point de refuser certaines pièces où on parlait mal de Dieu.
36:00Et de très belles pièces, de très grands auteurs.
36:04Marcel Aimé me dit un jour, dis donc, Yves, tu connais bien De Funès ?
36:08Oui.
36:10Tu ne voudrais pas lui faire lire Clérenbar ?
36:13J'ai dit, attends, explique-moi quand même.
36:15Il me dit, parce que je pense que De Funès serait un Clérenbar extraordinaire.
36:20Yves Robert, c'est un cèpe de vigne.
36:23C'est un homme d'une pièce qui, dans la méchanceté et dans le plaisir de tuer des chats, aura la même force que quand il croira en Dieu.
36:33C'est parce que Clérenbar, c'est un homme de conviction.
36:38Il est aussi violent en amour de Dieu que dans le désir de tuer des chats pour les manger.
36:46Après, j'appelle Louis et je lui dis, Marcel Aimé voudrait, Marcel Aimé voudrait, il me dit, écoute, j'ai un bouquin qui t'a dédicacé.
36:56On le sent alors ?
36:57Je le sens assez bouleversé au téléphone.
37:00Je vais lui porter, deux heures après, il me téléphone en me disant, je ne peux pas jouer ça, ce n'est pas possible.
37:05Je dis, mais pourquoi tu ne peux pas jouer ça ?
37:06Il y a une putain, je ne peux pas jouer un film, il y a une putain.
37:09Je dis, mais attends, on a pensé comme ça, peut-être qu'on irait peut-être demander à Simone Signoret de jouer la langouste.
37:17C'est Marie-Madeleine, tu as entendu parler, toi, de Marie-Madeleine, puisque tu es croyant et catholique.
37:22Comment c'est Marie-Madeleine ?
37:24Je dis, relis, tu vas voir, c'est la rédemption.
37:27Il relis et le lendemain, il me téléphone me dit, non, non, non, je ne peux pas jouer ça, il y a une putain.
37:31Je ne peux pas entraîner mes spectateurs, les spectateurs qui ont confiance en moi, je ne peux pas les emmener au cinéma voir une putain.
37:38Et voilà pourquoi il n'a pas tourné.
37:41Claire en barre.
38:05Jeanne et Louis sont souvent d'aller passer des vacances au Cellier.
38:08Un village sur les bords de la Loire.
38:11C'est là, dans le château de la famille de Jeanne, qu'ils ont passé beaucoup de moments heureux.
38:16Or, en ce mois de janvier 1967, le château est à vendre.
38:21Louis est devenu célèbre, ses cachets sont ceux d'une star.
38:25Il veut acheter le château des Maupassants à sa femme.
38:29Il est vendu aux enchères, à la chandelle.
38:31Au terme de la vente, Louis de Funès finit par devenir le nouveau châtelain du Cellier.
38:36La propriété aux 365 fenêtres est à lui.
38:41Il va pouvoir l'offrir à sa femme.
38:44Il avait acheté ce château vraiment par respect pour Jeanne et parce qu'elle y avait passé son enfance.
38:49Et parce que lui-même y avait passé beaucoup de vacances.
38:52Et pour faire plaisir à sa femme.
38:54Colette Brossé.
38:54Mais cet immense château qui était une splendeur, il l'avait tout de même un peu transformé en une maison de campagne de 6 pièces.
39:01Parce qu'il ne pouvait pas tout habiter.
39:03Alors il y avait le chauffage central dans 6 pièces.
39:05Il y avait une immense cuisine.
39:07Je crois qu'on n'a jamais mangé dans la salle à manger du château.
39:10C'était immense.
39:12Il en avait fait une maison de campagne.
39:15Il n'occupait pas les lieux, évidemment.
39:17Propriétaire d'un parc et d'un domaine agricole de 150 hectares, Louis de Funès n'en change pas sa vie pour autant.
39:25Ce n'était pas dans la vie un type qui avait de la démesure.
39:29Dans la mesure où il y a une chose dont il avait horreur, comme pas mal d'acteurs.
39:35Ceux qui ne sont pas cabots.
39:36Il n'était pas cabot du tout.
39:37Gérard Horry.
39:38C'est que ça l'exaspérait quand il était dans une gare, dans un aéroport et que les gens le reconnaissaient.
39:46C'est pour ça qu'il se mettait toujours une casquette enfoncée pour qu'on ne le reconnaisse pas.
39:51Ça l'exaspérait que les gens guettent sur son visage des mimiques ou les fameuses grimaces qui étaient d'un mot qui l'énervait considérablement.
40:01Et ça l'énervait qu'on guette, qu'on attende qu'il fasse rire dans la vie.
40:08Dans la vie, Louis de Funès aime à se comparer à un simple jardinier.
40:22Le jardinier du château.
40:24Il a pris des cours de jardinage à Versailles.
40:27Il fait partie de l'association des amis du potager du roi.
40:31Et par-dessus tout, il aime cultiver les roses.
40:34Et c'est un écologiste avant l'heure.
40:37Il m'avait raconté, il a fait venir, parce qu'il en avait assez, des pucerons, de toutes les sales petites bêtes qu'il y a sur les roses, notamment, parce qu'il adorait les roses.
40:47Claude Jansac.
40:48Et il avait fait venir des coccinelles.
40:51Parce que je connaissais assez bien Louis et je le connaissais surtout plus en tant qu'homme qu'en tant que comédien.
40:57Yves Robert.
40:58On avait une passion commune, c'est la nature.
41:03J'ai rarement rencontré un homme si près du vent, des arbres, de l'eau, des fleurs, des roses, des choux, que Louis.
41:15C'était un pêcheur à la ligne extraordinaire.
41:18Je prétends être plutôt un bon pêcheur à la ligne, mais à côté de Louis, zéro.
41:23Il avait la vraie patience des gens qui sont comme ça, remplis d'une force.
41:29Car il avait une force physique extraordinaire de Funès.
41:34Et une grande, grande, grande, grande, grande patience.
41:37C'était pas du tout un homme acariate ni nerveux, non ?
41:42Quand il était avec ses enfants et sa femme, c'était la douceur faite homme.
41:45Alors autant à l'écran, il était extraordinairement expansif et formidablement drôle,
41:50autant dans la vie courante, c'était quelqu'un qui était facilement un peu renfermé.
41:55Alain Poiré.
41:55Alors, de temps en temps, quand on était un peu détendu, au cours d'un dîner,
42:00d'un coup, il se mettait à...
42:02Et à ce moment-là, il pouvait être formidablement drôle.
42:05Mais c'était pas quelqu'un qui faisait un numéro constamment,
42:07comme il y a des acteurs qui, dans la vie constante,
42:10font un numéro permanent qui est le même que celui qui est à l'écran.
42:13C'était pas du tout le cas de Louis, pas le bon du monde.
42:18Louis ne supportait pas le calme.
42:21Il n'aimait que la démesure.
42:22Et si certains partenaires n'avaient pas de démesure,
42:26il se chargeait ou de les larguer,
42:28ou de leur piquer le cul à coup de botte, quoi.
42:31Et alors, ça marchait bien, quoi.
42:33Il faisait rire quand il avait vraiment envie,
42:35mais c'était pas le bout d'entrée.
42:37Il suffisait qu'on le regarde en disant,
42:38alors, simplement, on lui demandait de nous dire quelque chose,
42:42tout au moins nous faire comprendre quelque chose de drôle,
42:44il se refermait comme une huître.
42:45La reine d'Angleterre, lors de son dernier passage à Paris,
42:48était assise là.
42:49Là, elle était menue.
42:51Le prince était là.
42:52Et alors, les enfants royaux étaient là.
42:54Et je t'ai constaté.
42:55Au début des années 70,
43:17Louis de Funès retrouve Gérard Rory pour un nouveau film.
43:20Il devait avoir Bourville comme partenaire.
43:23Le rôle était écrit.
43:25Et puis, quelques mois avant de commencer le tournage,
43:28Louis apprend à la radio que Bourville vient de mourir.
43:32Il appelle Gérard Rory qui lui confirme la nouvelle.
43:35Il n'est plus question de faire le film.
43:37Son ami est mort.
43:39Le projet avec.
43:39Personne ne peut remplacer Bourville.
43:43Et personne ne le remplacera.
43:46Mais le rôle sera réécrit pour une personnalité différente,
43:49très différente.
43:51Yves Montand sera le partenaire de Louis de Funès
43:54dans La folie des grandeurs.
43:56Le film aura un énorme succès
43:58et certaines scènes de Louis deviendront des classiques.
44:01Et moi, il me faisait profondément rire.
44:04Yves Robert.
44:05Et je sais assez bien pourquoi
44:07il y avait dans son jeu, dans sa démarche,
44:12une sincérité absolue.
44:14Je me souviens d'un plan
44:15où, à travers une petite porte d'une prison,
44:21comme ça, où il y avait des barreaux,
44:23il devait dire oui.
44:25Parce que c'était un plan de coujette.
44:26Et il l'a fait cinq, six fois.
44:28Et on laissait la caméra tourner.
44:30Et il me disait, non, celui-là n'est pas bon,
44:31c'est pas sincère.
44:32Et puis à la fin, il m'a dit un oui.
44:33Enfin, mais celui-là, eh bien, c'est sincère.
44:35Donc, il n'y avait pas du tout chez Louis de gratuité.
44:39Ce n'était pas sincèrement bête,
44:41c'était sincèrement inventé.
44:43Il savait qu'il était une source inépuisable
44:46de drôleries,
44:48et de drôleries, je dirais, nobles.
44:51Michel Dax.
44:53Ça n'était jamais vulgaire, regardez-le bien.
44:55Il n'est jamais ordinaire, cet homme.
44:58D'abord, c'est parce qu'il était sincère.
44:59Je crois que c'était sa façon.
45:02Il ne pouvait pas être quelqu'un d'autre.
45:04Il n'a pas fabriqué ce comique-là.
45:07C'est une force qu'il avait en lui
45:09et qu'il aimait partager.
45:11Je crois que c'est ça.
45:12Le comique de Louis de Funès
45:13passe par le geste, le comportement.
45:16Ce n'est pas un comique de mots,
45:17c'est une sorte de langage universel
45:20que l'on comprend dans le monde entier.
45:21Les aventures de Rabbi Jacob,
45:32l'aile ou la cuisse,
45:33la zizanie, le gendarme et les extraterrestres,
45:36Louis de Funès retourne sur les plateaux de cinéma.
45:39Avec ses colères, ses mouvements d'humeur
45:41et aussi ses petits gestes inattendus
45:44qui trahissent une deuxième nature
45:45qu'il ne veut pas montrer.
45:47Il était très bon, mais il le cachait.
45:50Il ne fallait pas que ça se voit, surtout.
45:52Claude Jean Sac.
45:53Il disait souvent
45:54« Ah, les enfants, ça braille, c'est effrayant, etc. »
45:57Et puis de temps en temps,
45:58quand on était en train de préparer un plan
46:00pour un film en extérieur,
46:03on cherchait Louis
46:03et puis subitement,
46:04on le trouvait assis sur une chaise tranquillement
46:06et il donnait les autographes aux enfants.
46:09Il faisait des pitreries, des grimaces pour les enfants.
46:11Et puis il voulait rire de tout.
46:13Colette Brossé.
46:14Il envoyait des cartes postales à Robert
46:16qui avait eu des petites alertes cardiaques à l'époque
46:18où il lui signait en disant
46:20« Tiens, voilà mon électrocardiogramme »
46:21et il signait une ligne à plat, complètement.
46:24Alors il plaisantait même de ça.
46:26Il voulait rire de sa maladie cardiaque.
46:30Il ne voulait surtout pas qu'on s'apitoie, surtout pas.
46:32Victime d'un malaise cardiaque au milieu des années 70,
46:47Louis de Funès avait suivi un régime et une convalescence
46:50qui, croyait-il, l'avait mis à l'abri de ce genre d'accident.
46:53Mais en janvier 1983, il attrape une mauvaise grippe.
46:56Tout le monde et sa famille, d'abord, avait complètement oublié
46:59qu'il avait eu 8 ans avant un infarctus.
47:03Claude Jean Sac.
47:04Et puis, il est arrivé une chose stupide.
47:07Il adorait sa petite-fille.
47:10Et sa petite-fille avait été souffrante, je crois.
47:13Et ils avaient donc décidé d'aller un peu à la montagne.
47:18Ils sont allés aux arcs.
47:19C'est quand même, je crois, de 1800 mètres, quelque chose comme ça.
47:23La petite a attrapé la grippe.
47:25Lui a attrapé la grippe de la petite.
47:26Et il s'est mis à tousser, à tousser, à tousser.
47:31Ils sont redescendus en catastrophe.
47:33Et il continuait à tousser en pensant que c'était toujours les restes de la grippe.
47:37Et en fait, un jour, alors qu'il était, il était dans son château.
47:44Il a eu le problème qu'il a emporté.
47:47On l'a emmené immédiatement à l'hôpital de Nantes.
47:50Mais c'était trop tard.
47:51Louis de Funès nous a quittés à 68 ans.
47:53Mais vous le savez, les acteurs ne meurent jamais.
47:57Ils sont là sur les écrans.
47:59Ou ils passent dans les films à la télévision.
48:01Et Louis de Funès est resté très présent dans le cœur des Français.
48:06Et d'ailleurs, Georges Carven a eu la bonne idée de créer les Louis d'Or.
48:09Qui récompenseront à la fois les acteurs, les comiques,
48:13ou les films qui vous ont fait le plus rire dans l'année.
48:16Pareil au César, pareil au Molière.
48:18On récompensera enfin ce qu'on appelait parfois l'art mineur, la comédie.
48:23Et pourtant, qui est si agréable.
48:25Grâce à Louis de Funès, un acteur, une actrice, un auteur, un metteur en scène, un producteur,
48:32sera récompensé avec ces Louis d'Or qui viennent d'être créés cette année.
48:36Merci messieurs, c'était très bien.
48:38C'était très bien.
48:39Bon, vous, vous, vous, c'était bien là-bas.
48:46Vous, c'était bien, enfin, c'est comme ça.
48:49Dites-moi, vous, on ne vous a pas entendu, on ne vous entend jamais, hein.
48:52Vous n'arrêtez pas de bavarder, faites attention, faites très attention, hein.
48:55Écoutez, j'ai une conception personnelle de l'ouvrage.
48:57Ce n'est pas un citoyen, pas un, c'est des pensiers orgogneux, de l'orgueil de mon sang.
49:00Bon sang, enfin, c'est de la bouillie tout ça.
49:07Ce n'était pas mauvais, c'était très mauvais.
49:08Voilà, exactement.
49:09Alors reprenons, on dit 7.
49:10Bye bye.
49:30Destins Extraordinaires est disponible sur le site et l'appli Europe 1.
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