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Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Sarah El Hairy, Haut-Commissaire à l'Enfance.

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Transcription
00:00Bonjour Sarah Elahiri. Bonjour. Merci d'avoir accepté l'invitation des 4EV. On va aborder
00:07beaucoup de dossiers avec vous. D'abord forcément cette affaire Notre-Dame de Bétharam qui a pris
00:10tout de même une nouvelle dimension avec le témoignage d'une des filles de François Bayrou
00:14dans un livre qui paraît aujourd'hui, Hélène Perlant. Elle a révélé en fait avoir été victime
00:18de violences physiques extrêmement brutales alors qu'elle était adolescente. Est-ce que vous avez
00:22été surpris par ce témoignage un de plus peut-on dire ? Vous savez aujourd'hui les violences faites
00:27aux enfants, qu'elles soient sexuelles, de maltraitance, elles sont partout, dans toutes
00:32les classes sociales, dans tous les territoires. Et le temps est venu de briser le silence.
00:37Et on voit à quel point c'est dur. Moi je pense d'abord aux victimes, en premier à leur famille
00:42puisque prendre le courage de parler ce n'est pas un exercice si simple. Donc moi ma mission
00:48c'est de faire que ce silence se brise, se brise dans le temps mais surtout qu'on ne laisse
00:53pas s'installer ces violences de manière plus institutionnelle dans certains territoires,
00:58dans certaines organisations et donc qu'on puisse parler, croire, accompagner, accompagner
01:03les enfants.
01:04Vous êtes également vice-présidente du MoDem très proche de François Bayrou. On se demande
01:07comment il n'a pas pu être au courant de ces faits, y compris quand sa propre fille
01:11fait partie des victimes. C'est vrai qu'on a du mal à comprendre.
01:13Vous savez, vous pouvez en parler avec l'ensemble des parents, des parents de victimes, les fratries.
01:20Il faut faire attention à ces mots puisqu'on porte d'une certaine manière la culpabilité
01:24sur l'autre. Parler aujourd'hui ce n'est pas si simple. 30 ans de silence, 40 ans de silence,
01:29de violence, de maltraitance et de finalement de témoins. Et aujourd'hui le Premier ministre,
01:35eh bien il est du côté des parents de victimes. Je crois que comme l'ensemble des victimes
01:41et de leur famille, l'essentiel, l'essentiel c'est de briser, briser ces tabous et dire
01:47à quel point. Quand on est victime, on n'est pas responsable, ni de ces violences,
01:51ni du silence qu'on a porté. Mais au contraire, si on veut une société plus bienveillante,
01:55alors il ne faut pas hésiter à appeler, à parler. Et si on est témoin, d'alerter.
02:00Et là, le 119. J'en profite parce que le moment est important.
02:03C'est toujours ce numéro.
02:04Le numéro 24h sur 24. Accessible aux enfants, accessible aux témoins, aux voisins, aux enseignants.
02:10Mais alerter. C'est la seule manière d'arrêter.
02:12Il y a plusieurs commissions d'enquête parlementaires indépendantes qui sont en cours,
02:16qui auditionneront notamment le Premier ministre le mois prochain.
02:18Dans le cadre également du plan lancé par le gouvernement dans cette affaire Bétarame,
02:21trois questionnaires différents vont être expérimentés dans plusieurs établissements scolaires.
02:25Alors ils sont dessinés d'abord aux élèves internes ou ayant participé à des voyages scolaires
02:28afin de faire remonter d'éventuels faits de violences.
02:31Il y a plusieurs associations dont la voix de l'enfant qui dit
02:32les questions sont trop fermées pour l'instant.
02:35En fait, ça ne permet pas forcément de libérer la parole.
02:36Il faut les revoir peut-être ces questionnaires ?
02:38Moi j'ai entendu bien sûr ces associations, je travaille avec elles au quotidien,
02:42je les ai reçues, je travaille également avec la ministre de l'Éducation nationale.
02:45Moi ce que je vois c'est une expérimentation qui a vocation évidemment à être évaluée,
02:49à être améliorée.
02:51Mais qu'est-ce qui est important dans le message ?
02:53C'est de dire aux enfants, parlez-nous, vous avez le droit de parler.
02:57Et à l'ensemble finalement des témoins, c'est-à-dire les camarades, les parents,
03:01des autres enfants, des acteurs.
03:04Et comment on sollicite ?
03:05On sollicite, certes avec cette expérimentation qui sera évaluée,
03:08le fait encore une fois d'alerter et de saisir le plus vite possible,
03:12et surtout de pouvoir mettre un cadre bienveillant sur cette parole,
03:16et dire aux enfants qu'on les croit.
03:17Vous savez, la place de la parole des enfants, elle a changé dans le temps.
03:20Il y a 30 ans, on ne croyait pas les enfants de la même manière.
03:23Leur place n'était pas la même.
03:25Et les adultes, finalement, soit prenaient tout l'espoir,
03:28soit doutaient de cette parole.
03:29Aujourd'hui, on a des professionnels, je pense aux UAPED en particulier,
03:34qu'on développe.
03:34C'est les unités d'accueil pédiatrique enfants d'Angers
03:37qui ont vocation à accompagner aussi plus profondément les enfants.
03:40Et les associations aimeraient que cette mission interministérielle
03:43soit pinotée par le haut commissariat à l'enfance
03:44que vous présidez depuis quelques mois.
03:46C'est un poste qui n'existait pas auparavant.
03:48Pourquoi on avait besoin d'un haut commissaire à l'enfance ?
03:52On ne pouvait pas faire un ministère de l'enfance ?
03:53Quelle est la différence ?
03:54La différence, c'est le temps.
03:56C'est la force du temps.
03:56Le haut commissaire à l'enfance, sa mission, c'est de finalement préserver la promesse
04:02de vie de chaque enfant, de faire que l'ensemble des personnes
04:07qui travaillent autour des enfants se réunissent et qu'on coordonne l'action.
04:10Pourquoi ?
04:11Parce qu'il y a des sujets d'éducation nationale, il y a des sujets de santé,
04:14il y a des sujets d'accompagnement à la parentalité,
04:16il y a des sujets qui sont des sujets de protection de l'enfance,
04:19de lutte contre les violences.
04:20Il y a aussi des nouveaux défis, les écrans, la question de la santé mentale des enfants
04:26qui se dégradent profondément.
04:28Et comment tu fais pour être finalement le garant de cette coordination ?
04:31Parce que les enfants, vous savez, ils ne se retrouvent pas autour des tables de réunion.
04:35Et donc moi, ma mission, c'est aussi que leur parole soit pleinement là,
04:38pleinement préservée et que finalement la lumière soit faite sur la responsabilité
04:42que nous avons de les accompagner au quotidien.
04:45D'avoir du temps, ça veut dire aussi de ne pas être soumis forcément à des motions de censure
04:48qui sont la crainte, la possibilité pour tout gouvernement en ce moment.
04:52On voit l'instabilité au Parlement.
04:53Vous avez besoin de temps ?
04:54L'instabilité, pour le coup, elle existe aujourd'hui dans notre pays, nous l'avons vécu.
04:59Les enfants ont besoin de sérénité.
05:02Et cette sérénité, elle passe par la stabilité, le temps,
05:05et donc d'être préservé de cette instabilité.
05:07Parlons de l'aide sociale à l'enfance.
05:09L'ASE qui est gérée par les départements,
05:11qui a pour mission de prévenir et réparer des situations de danger pour les enfants,
05:13parfois en les plaçant dans des familles, dans des pouponnières.
05:16Un rapport de la Commission de enquête parlementaire conclut que ce secteur
05:19traverse, je cite, une crise profonde
05:20et que les premières victimes sont les enfants placés.
05:23C'est votre constat également ?
05:24Vous savez, il y a eu un rapport de la Commission parlementaire.
05:27Hier, j'ai reçu un livre blanc des enfants, des anciens enfants placés.
05:31Oui, il y a une crise qui est historique.
05:33Historique parce qu'on supporte de moins en moins la violence,
05:36et c'est très bien, on signale plus.
05:38Mais il y a des milliers de mesures non exécutées.
05:42Et donc, moi, ma mission, avec la ministre Catherine Vautrin,
05:45c'est de, finalement, trouver des solutions avec les départements
05:49qui portent cette compétence au quotidien pour accompagner.
05:52Et accompagner cette crise, c'est quoi ?
05:53C'est changer de paradigme.
05:54C'est permettre aux enfants d'être au plus proche de leur famille.
05:58Les lois existent.
05:59La loi Taquet existe.
06:00La loi Limon existe.
06:02Pour aller chercher d'abord cette sécurité familiale autour,
06:06et ensuite, évidemment, accompagner les institutions, les foyers.
06:08Les pouponnières sont débordés.
06:10Mais ça veut dire qu'il faut quoi ?
06:11Que maintenir le lien familial le plus longtemps possible,
06:13ou au contraire, couper parfois ce lien familial
06:16qui est néfaste dans de nombreux cas pour les enfants ?
06:18Une seule obsession, l'intérêt de l'enfant.
06:20Tous les cas ne sont pas identiques.
06:22Et donc, il n'y a pas de règle stricte à poser.
06:24Par contre, moi, j'ai une certitude.
06:25La place d'un enfant, elle est dans une famille.
06:28Que ce soit la sienne, si elle est accompagnée et qu'il est en sécurité,
06:31soit c'est sa famille plus élargie, un grand-père, un oncle, une tante,
06:35quelqu'un qui peut être en capacité de garder cette sécurité affective.
06:39Et qui ne soit pas mis dans des foyers ou dans des orphelinats,
06:41comme on disait auparavant.
06:41Il faut que ce soit l'ultime recours.
06:44Moi, je crois que pour avoir la capacité de grandir sereinement,
06:48accompagner les assistants familiaux, en recruter plus,
06:52accompagner également, d'une certaine manière,
06:54vous savez, l'accueil durable bénévole.
06:56La loi nous le permet.
06:57D'ailleurs, c'est la volonté de la loi.
06:58Mais est-ce que c'est la réalité aujourd'hui ?
07:00Eh bien, pas du tout.
07:0170% des décisions de placement, elles sont en institution.
07:05Alors que ça devrait être l'inverse.
07:06Ça devrait être d'abord dans l'entourage,
07:08d'abord dans des familles et des assistants familiaux,
07:10et ensuite dans des structures.
07:12Les pouponnières, il faut arrêter.
07:14Justement, ça ralère.
07:15Et de nombreux enfants passent leur vie de foyer en foyer,
07:17éventuellement de familles d'accueil en centre spécialisé,
07:19car en fait, ils ne sont jamais aux yeux de la loi des enfants adoptables.
07:23Est-ce qu'il faut réformer l'adoption en France
07:26et permettre que ces enfants soient adoptables plus facilement ?
07:28C'est une de mes missions, pour plusieurs raisons,
07:31mais encore une fois, uniquement si c'est l'intérêt de l'enfant.
07:33Aujourd'hui, on sait que pour les parents adoptants,
07:37c'est un parcours du combattant.
07:405 ans, 6 ans, 7 ans, 8 ans, 9 ans de délai
07:42pour espérer accueillir un enfant alors qu'on a fait tous les contrôles.
07:46De l'autre côté, des enfants pour qui la décision,
07:50finalement, leur permettant d'avoir une famille est trop longue.
07:54Et donc, on se retrouve avec des enfants plus grands, plus âgés,
07:57alors que c'est encore des tout petits enfants.
07:58Qui sont déjà détruits.
07:597 ans, 8 ans, 9 ans, exactement, avec des placements.
08:02L'idée, c'est quoi ?
08:02C'est de dire comment on construit un parcours plus doux,
08:05avec une sécurité affective plus forte.
08:07Et donc, que ces enfants qui, parfois, sont placés dès la maternité,
08:10je ne sais pas si vous réalisez,
08:11c'est encore des bébés de quelques jours,
08:13au lieu qu'ils puissent aller dans des pouponnières
08:15et rester, parfois, des mois, voire des années,
08:18et bien qu'ils soient accompagnés dans des familles
08:19et accompagner ces familles sur l'adoption.
08:21Vous pensez qu'une telle réforme politique compliquée
08:24qui est transpartisane pourrait voir le jour
08:26quand on voit la situation au Parlement aujourd'hui ?
08:27Bien sûr.
08:28Alors, il n'y a pas besoin d'évolution législative.
08:31Aujourd'hui, la loi nous permet d'accompagner l'adoption simple,
08:34d'accompagner le statut du tiers digne de confiance,
08:37peut-être de réfléchir à l'élargissement de l'agrément
08:40de la famille adoptante vers une sorte de double agrément
08:43pour être famille d'accueil,
08:46donc famille d'accompagner.
08:46Faire changer les mentalités ?
08:48Et les pratiques.
08:49Et pour le coup, on va y arriver parce que, vous savez,
08:51il y a de plus en plus d'enfants qui sont déclarés pupilles.
08:54Mais on voit aussi, d'une certaine manière,
08:57le changement dans le regard, je crois, de notre société.
09:00Un enfant, sa place est dans une famille aimante, sécurisante,
09:05et qui, dans le temps, le protège.
09:06Et pour ça, il n'y a rien de mieux que d'avoir une famille,
09:09une famille de cœur, et parfois, oui, c'est une famille adoptante.
09:12Il y a beaucoup de courage pour cette mission, Sarah Lairie,
09:14au commissaire à l'enforce.
09:15Merci d'avoir été l'invité des 4V.
09:16Bonne journée.

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