Olivier Christen, procureur national antiterroriste, le 17 avril 2025 sur franceinfo.
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00:00Déjà les ingressions ça commence à devenir invivable, mais là encore pire, quand on s'attaque à la famille, on s'attaque à nous bien, ça commence à devenir dur.
00:07Voilà l'inquiétude d'un gardien de prison hier qui reste anonyme.
00:11Ces agents de la pénitentiaire ciblés jusqu'à leur domicile, des établissements attaqués parfois à l'arme de guerre depuis dimanche.
00:18Et un invité exceptionnel ce matin sur France Info, le procureur national antiterroriste Olivier Christen, bonjour.
00:23Bonjour.
00:23Vous prenez la parole pour la première fois depuis le début de cette affaire.
00:26Avant de parler de l'enquête, est-ce qu'il y a de nouveau cette nuit des agissements et quel est le bilan précis à ce stade ?
00:34Peut-être avant de commencer, juste pour avoir un mot quand même pour l'administration pénitentiaire, pour avoir une forte pensée pour les membres de cette administration,
00:43qui sont près de 45 000, leur famille, pour rappeler que nous sommes du même ministère, que ce sont nos partenaires quotidiens,
00:50et que nous savons qu'ils exercent un métier qui est particulièrement difficile et qui sont face à une épreuve aujourd'hui particulièrement lourde.
01:01Pour répondre à votre question plus précisément, nous avons eu trois nuits pendant lesquelles des faits se sont produits à l'encontre directement des personnels ou des biens de l'administration pénitentiaire.
01:14Et ce que nous avons relevé en tout aujourd'hui, ce sont douze faits. Deux faits contre des domiciles personnels d'agents de l'administration pénitentiaire,
01:22l'attaque qui a été conduite sur des véhicules dans les parkings de l'école nationale d'administration pénitentiaire,
01:28et puis neuf faits directement contre des établissements pénitentiaires, et également une fois contre un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse.
01:36Rien cette nuit ?
01:37Et en tout, juste pour finir sur ce point-là, avec deux faits plus lourds qui ont été commis avec des armes à feu,
01:45à Toulon, avec une Kalachnikov, et puis contre la maison d'arrêt d'Exluine par ailleurs.
01:51Juste pour finir quand même sur ce bilan général, ce sont huit départements qui ont été touchés en tout,
01:56un tiers des faits ont été commis dans les Bouches-du-Rhône, un tiers dans la région Île-de-France,
02:01et donc le total c'est un bilan de 21 véhicules qui auraient été incendiés aujourd'hui,
02:06et une dizaine de véhicules dégradés, au-delà des faits commis avec des armes à feu.
02:15A notre connaissance, à cette heure-ci, il n'y a pas eu de faits commis cette nuit,
02:19de la même nature que ceux que je viens d'évoquer.
02:22Vous êtes procureur national antiterroriste, si votre parquet s'est saisi de cette affaire,
02:27est-ce que ça signifie qu'on est en présence de faits de terrorisme ?
02:31Alors nous nous sommes saisis parce que le terrorisme relève plusieurs qualifications possibles,
02:38dont celle que l'on appelle le terrorisme par intimidation,
02:41qui n'est pas défini précisément dans la loi,
02:45mais qui, selon les auteurs, correspond à une action d'une exceptionnelle gravité,
02:49qui a pour finalité de faire pression sur la population, sur les pouvoirs publics,
02:56pour qu'ils ne fassent ou ne fassent pas quelque chose.
02:59Donc on peut considérer, au vu des faits tels qu'ils apparaissent aujourd'hui,
03:04que c'est une qualification qui pourrait être retenue,
03:07et dans la mesure où nous avons été confrontés à une action concertée
03:12sur l'ensemble du territoire national,
03:14je viens de redire à peu près ce qui avait été fait pendant trois jours,
03:18sur un laps de temps relativement long,
03:19le fait de... on peut considérer aujourd'hui que nous sommes dans ce type de faits,
03:29ce qui nous a conduits à retenir à ce stade cette qualification,
03:32qui nous permet de coordonner les investigations sur tout le territoire.
03:35Ça vous donne des moyens ?
03:36Cela donne des moyens spécifiques,
03:39avec la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire,
03:41qui assure la coordination des investigations,
03:44qui sont conduites par l'ensemble des directions inter-régionales
03:49et départementales de la police nationale,
03:52pour s'assurer que tous les éléments utiles remontent,
03:56et d'avoir donc un seul point de pilotage des investigations.
03:59Nous verrons ensuite comment les choses évoluent,
04:01si c'est cette qualification qui doit être retenue,
04:03ou aller vers d'autres qualifications,
04:04comme l'on fait chaque fois que nous avons des enquêtes qui sont ouvertes.
04:07Alors les pistes, justement.
04:07Question de David Di Giacomo,
04:09chef du service police-justice de France Info.
04:10Tout simplement de savoir si vous pouvez nous confirmer ce matin
04:13que la piste du narco-banditisme est bien privilégiée,
04:17et si c'était le cas,
04:19est-ce que ce serait alors la première affaire de narco-terrorisme ?
04:24Je crois que ce qui est important de retenir à cette heure,
04:27c'est qu'il n'y a pas de piste qui soit privilégiée.
04:31L'objectif des investigations telles qu'elles sont conduites,
04:34c'est de réunir tous les éléments qui sont possibles,
04:38à la fois de sources humaines,
04:39d'exploitation des différents éléments qui ont pu être recueillis sur place.
04:43Il y a beaucoup d'expertises techniques qui sont faites aujourd'hui,
04:47dont nous aurons sans doute les premiers résultats,
04:49dans les heures, les jours qui viennent,
04:50notamment les retours d'expertise ADN,
04:52les retours en sombre d'écoute,
04:54qui peuvent être mis en place,
04:55de tous les éléments habituels qui nous permettent de collecter les preuves.
04:58Et à partir de cela,
05:00des pistes seront privilégiées.
05:03Mais au moment où nous nous parlons,
05:05ce serait une erreur, je pense,
05:07de fermer l'une ou l'autre des voies.
05:10Il y a évidemment,
05:11à mesure que les investigations avancent,
05:13des éléments qui commencent à remonter vers telle ou telle orientation.
05:16mais ce que nous devrons identifier à terme,
05:20ce seront quels sont les auteurs,
05:23quelles sont les personnes qui coordonnent les actions
05:26qui sont produites sur plusieurs points du territoire à tel ou tel moment,
05:30et puis enfin,
05:31qui seraient le ou les commanditaires de ces opérations.
05:35Est-ce que vous ciblez des profils en particulier ?
05:38Est-ce qu'il y a eu des arrestations ?
05:39Il n'y a pas eu d'arrestations au moment où nous nous parlons.
05:42Et encore une fois,
05:44il n'y a pas de ciblage spécifique de profil.
05:47Notre objectif est d'être le plus ouvert possible
05:49sur toutes les pistes
05:51qui peuvent être envisagées pour ce type d'actes.
05:54Que savez-vous du groupe
05:56Défense des droits des prisonniers français
05:58que l'on a vu se créer sur Telegram
06:01il y a quelques jours ?
06:04C'est un groupe qui, de façon très claire,
06:06n'existait pas jusqu'à il y a quelques jours.
06:08J'ai entendu ici ou là des personnes qui disaient
06:10que bien sûr, ils savaient ce que cela voulait dire.
06:13Ces personnes-là sont des experts du dimanche.
06:16C'est un groupe qui n'existait pas,
06:18qui a été créé sur Telegram il y a quelques jours,
06:20qui était totalement inconnu
06:22des différents services de renseignement.
06:25Donc nous en savons assez peu de choses.
06:27Mais cette émergence soudaine,
06:28ça oriente l'enquête vers une piste plutôt qu'une autre ?
06:31Non, parce que le fait que c'est un groupe
06:34qui a été créé sur Telegram,
06:36qui revendique ses actions
06:39avec les formes de tags
06:40que l'on trouve à la suite de celles-ci,
06:43et tout le monde peut se revendiquer
06:47d'un groupe ou d'un autre,
06:48quel qu'il soit fait.
06:49C'est quelque chose qui est très original.
06:50C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure
06:51que ce serait une erreur
06:54de privilégier telle ou telle piste d'investigation.
06:57Ça peut être des groupes
06:59plus de radicaliser politique,
07:01ça peut être des groupes plus liés
07:02avec la criminalité organisée,
07:03comme vous l'indiquez tout à l'heure.
07:05Ça peut être aussi des fois
07:06une convergence d'objectifs
07:08et de personnes qui se manipulent
07:10les uns les autres.
07:10Tout est possible.
07:11Donc aujourd'hui,
07:13tous les champs sont ouverts
07:14par rapport à ce qui a été mentionné.
07:17Ce groupe, Telegram,
07:18a été fermé ?
07:19Vous le confirmez ?
07:21Oui, le groupe a été fermé
07:23à la demande de l'autorité judiciaire
07:25et cela démontre,
07:28comme cela a déjà pu être indiqué
07:30à plusieurs reprises,
07:31que Telegram collabore
07:32sans aucune difficulté
07:33avec l'autorité judiciaire,
07:35avec les services d'investigation,
07:37répond à nos réquisitions
07:38et sont réactifs
07:39face à ce qui leur est indiqué.
07:40Est-ce qu'une ingérence étrangère
07:41est possible ?
07:43Comme je vous le disais tout à l'heure,
07:45tout est possible.
07:46Il n'y a aucune piste
07:47qui soit fermée,
07:48il n'y a pas d'élément
07:49au moment où nous nous parlons
07:49qui permettrait de penser
07:52que c'est le cas.
07:52Mais il n'y a pas de piste
07:54qui soit fermée
07:55dans nos investigations.
07:56Est-ce qu'on peut
07:57ne pas exclure non plus
07:58une contagion,
07:59une forme de mimétisme
08:01de la part de détenus
08:01ou de groupes isolés
08:02qui suivraient le mouvement ?
08:04Si, bien sûr.
08:05C'est un des éléments
08:06qui nous conduit
08:08à faire la part des choses.
08:09Entre les investigations
08:10dont nous nous sommes saisis
08:12dans le cadre
08:13de l'opération concertée
08:14sur les trois premières nuits,
08:17ce que je disais tout à l'heure,
08:18qui conduisent
08:19à une enquête
08:20ouverte
08:20pour rations
08:20de malfaiteurs
08:21terroristes criminels
08:22parce qu'il y a des faits
08:24qui ont été faits
08:25par Zamafeu
08:25et qui ont une létalité
08:28potentielle importante.
08:31Et il faut faire
08:31le distinguo
08:32sans doute aujourd'hui
08:33entre ces faits-là
08:34et puis la copie
08:36qui peut être
08:37l'action de groupes
08:39qui n'ont pas de lien
08:39particulier
08:40avec ce qu'était
08:41le groupe original.
08:42C'est aussi l'intérêt
08:43quand même
08:43de fermer
08:43la boucle Télégramme
08:45sur laquelle
08:46d'ailleurs
08:46beaucoup de journalistes
08:48se sont mis
08:48donc à un moment donné
08:49c'était plus compliqué
08:50de faire le tri.
08:53Je te le dis aussi
08:53quand même
08:54parce que
08:54ce sont des investigations
08:55sur lesquelles
08:56il y a aussi
08:57un impératif
08:58de confidentialité
08:59des investigations
09:00qui sont conduites.
09:01Je comprends
09:01le besoin
09:03d'informer le public
09:03je ne le discute
09:04absolument pas
09:05mais il y a
09:06une raison
09:06pour laquelle
09:07ces phases
09:07d'investigation
09:08sont confidentielles
09:10et il faut
09:10préserver
09:11cette capacité
09:13d'investigation
09:13et la recherche
09:15des fois
09:16du scoop
09:17que l'on peut voir
09:17ici ou là
09:18peut nuire
09:20à vos investigations
09:21qui sont conduites
09:22et c'est un point
09:24qui est aussi important
09:24et il était impératif
09:25aujourd'hui aussi
09:26de fermer la boucle
09:27par rapport
09:27aux nuisances
09:28au parasitage
09:29qu'il peut y avoir dessus.
09:30Un mot très rapide
09:31monsieur le procureur
09:32avant de terminer
09:33sur une autre affaire
09:34la crise algérienne
09:35puisque c'est une action
09:36judiciaire
09:36qui émane
09:37du parquet national
09:38antiterroriste
09:39qui a déclenché
09:40en quelque sorte
09:40cette nouvelle poussée
09:41de fièvre
09:41depuis la semaine dernière
09:42trois hommes
09:43dont un qui travaille
09:44dans un consulat
09:45d'Algérie en France
09:46qui est mis en examen
09:47vendredi
09:47notamment pour séquestration
09:49d'un opposant
09:49le régime algérien
09:50il voit la main
09:51du ministre de l'Intérieur
09:51Bruno Rotaillot
09:52avez-vous subi des pressions ?
09:54Non bien sûr que non
09:55je crois qu'il faut être
09:57il faut être très clair
09:58sur ce sujet là
09:59comme sur tous les sujets
10:00dans lesquels aujourd'hui
10:01il y a des investigations judiciaires
10:03c'est une enquête
10:05qui a été ouverte
10:06d'abord par le parquet de Créteil
10:07puis par le parquet national
10:09antiterroriste
10:09au vu des éléments
10:10qui étaient réunis
10:11qui a été conduite
10:14par les services de police
10:15sous la direction
10:17du parquet antiterroriste
10:19et les interpellations
10:20sont intervenues
10:21à un moment
10:22où les éléments
10:23réunis
10:25le calendrier
10:26des investigations
10:27le calendrier aussi légal
10:28d'une enquête préliminaire
10:29imposé
10:31d'appréhender les personnes
10:32à ce moment là
10:33elles ont été présentées ensuite
10:34à un magistrat instructeur
10:35qui a décidé
10:37de la mise en examen
10:38puis un juge de liberté
10:39de la détention
10:39qui a décidé de placement
10:40en détention
10:41et il n'y a absolument
10:44aucune pression
10:45sur la façon
10:45dont nous conduisons
10:46les enquêtes
10:47ni des faits
10:49dont nous nous saisissons
10:50ni de la façon
10:51dont nous conduisons
10:52les investigations
10:53ni du moment
10:53où nous décidons
10:54d'appréhender
10:55les personnes
10:57cela est vrai
10:58pour le parquet national
10:59antiterroriste
11:00comme cela est vrai
11:02pour l'ensemble
11:03de l'action
11:03de l'autorité judiciaire
11:04quoique
11:05les fantasmes
11:07des uns et des autres
11:07puissent se laisser penser