Enquête aux États-Unis et en Italie sur le système des repentis de la mafia. Qui sont ces hommes au passé trouble ?
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00:00...
00:00Cela faisait six mois que nous attendions l'autorisation de la justice italienne
00:11pour interviewer une repentie de la mafia.
00:16Le lieu du rendez-vous vient de nous être communiqué.
00:21La repentie a trahi son clan pour collaborer avec l'Etat.
00:24...
00:24Même pour l'interviewer à visage masqué dans ce bâtiment anonyme du ministère de l'Intérieur,
00:35la police va nous fixer des règles très strictes.
00:38...
00:39Vous avez été autorisé à interviewer la repentie Carmela Iuculano.
00:48...
00:48Et pour faire cette interview, vous devez vous soumettre à plusieurs règles
00:53qui sont écrites sur ce document que vous devez signer.
01:00Je vous les résume.
01:02Il faut masquer son visage et modifier sa voix,
01:05parce que si quelqu'un la reconnaît, vous mettrez sa vie en péril.
01:10Ces règles doivent être respectées scrupuleusement.
01:13...
01:13Nous allons enfin rencontrer Carmela Iuculano.
01:24Elle était la femme et la complice d'un parrain de la mafia sicilienne.
01:30Leur spécialité ?
01:31Raquettes et trafic de drogue.
01:35En 2004, elle dénonce son mari à la justice.
01:40En échange, elle échappe à la prison.
01:43L'État italien va aussi lui fabriquer une nouvelle identité.
01:50Elle va devoir quitter la Sicile pour toujours,
01:53avec ses trois enfants.
01:56...
01:56Le jour de mon départ,
02:00je m'en souviens comme si c'était hier.
02:02Il y avait des voitures de police partout.
02:06Tu t'en vas pour toujours.
02:09C'est la dernière fois que tu vois ta terre.
02:10Tu étouffes.
02:13Ça fait vraiment très mal.
02:16J'ai dû couper tout contact avec mes proches, mes amis.
02:20Ce jour-là, c'était comme si j'étais morte.
02:21Après cette trahison au Cosa Nostra,
02:30la mafia sicilienne l'a condamnée à mort.
02:34Aujourd'hui, dix ans après,
02:36elle vit toujours cachée sous la protection de l'État,
02:39quelque part en Italie.
02:40J'ai dû signer avec la justice une sorte de contrat,
02:50avec toutes les règles à suivre.
02:53Il y en a beaucoup.
02:56Par exemple, mon fils fait du sport.
02:59S'il doit disputer un match en dehors de notre ville,
03:02on doit faire une demande.
03:04Elle est examinée par les policiers en charge de notre protection.
03:10Et le plus souvent, ils te refusent l'autorisation.
03:17Comme Carmela Iuculano,
03:19il y a 1 600 repentis en Italie.
03:22d'anciens criminels de premier ordre
03:25qui collaborent avec la justice.
03:34Aux États-Unis, on en compte 8 500.
03:38Parfois, quand vous chassez du gros gibier
03:41et des criminels importants,
03:42vous êtes obligés de passer un pacte avec le diable.
03:47C'est souvent la seule façon
03:49d'obtenir des témoignages à charge.
03:50Mais ces personnes prennent des risques
03:53car elles témoignent contre des gens dangereux.
03:55Donc pour obtenir leur collaboration,
03:57nous avons créé un programme de protection des témoins.
04:02En 2015,
04:05la France va mettre en œuvre
04:06ce système des collaborateurs de justice,
04:10ce pacte avec le diable.
04:15Enquête
04:16sur l'un des systèmes judiciaires
04:18les plus efficaces
04:19et les plus secrets du monde
04:22mais aussi
04:24les plus controversés.
04:25Notre enquête commence à New York.
04:44Nous avons rendez-vous
04:50avec un agent spécial du FBI.
04:54Dans les années 1990,
04:57il a réussi un coup de maître.
04:59Il a recruté le plus grand repenti
05:01de l'histoire du crime
05:02aux États-Unis.
05:03« Bonjour, on tourne un documentaire,
05:10on peut passer par là ? »
05:15« C'est pas un problème ? »
05:18« À la fin des années 80,
05:21il y avait cinq grandes familles mafieuses
05:23à New York
05:24qui contrôlaient la majeure partie de la ville.
05:27Par exemple,
05:28vous voyez tout ce ciment autour de nous ?
05:30Chaque famille mafieuse
05:31touchait un dollar
05:31pour chaque mètre cube
05:32de béton coulé.
05:34Elles étaient riches,
05:35puissantes
05:35et aussi très dangereuses.
05:41Dans le collimateur
05:42de l'agent du FBI,
05:45un certain John Gotti.
05:47Il est soupçonné
05:48de diriger la famille
05:49la plus puissante
05:50de la mafia new-yorkaise
05:51et d'avoir commandité
05:53de nombreux assassinats.
05:58Mais dans ces enquêtes,
06:00l'agent du FBI
06:01se heurte à l'Omerta,
06:03au mur du silence.
06:06C'est le ciment de la mafia.
06:09Dans l'entourage du parrain,
06:10personne ne part.
06:15Les gens avaient peur de parler
06:18et de collaborer
06:19avec les forces de l'ordre
06:20contre John Gotti.
06:21Parce qu'ils avaient peur
06:22de se faire tuer.
06:23Du coup, Gotti n'arrêtait pas
06:24de nous provoquer.
06:26Il nous narguait,
06:27l'air de dire
06:27« Vous ne me mettrez jamais
06:29en tôle,
06:30je ne suis plus malin que vous. »
06:36À plusieurs reprises,
06:37le parrain sera arrêté
06:38et jugé.
06:40Mais faute de preuve,
06:41il s'en sort quasiment toujours.
06:45En 1986,
06:47pour son troisième procès,
06:49John Gotti va même
06:50faire la une.
06:51du prestigieux magazine Time.
06:54Mais là encore,
06:56la justice ne va pas convaincre
06:57les jurés de sa culpabilité.
06:58John Gotti va gagner
07:22le surnom de parrain
07:23en téflon.
07:23L'homme sur qui la justice
07:26n'a pas de prise.
07:28Ses costumes sont taillés
07:29sur mesure.
07:31Il adore les caméras.
07:34Les caméras l'adorent.
07:36Il est devenu
07:37une véritable star.
07:38De son côté,
07:44l'agent du FBI
07:45ne désespère pas.
07:46Il continue à traquer
07:49Gotti
07:49dans New York.
07:50Je passais mes journées
07:57Je passais mes journées
07:59à tourner dans son quartier
08:00en voiture
08:00avec un appareil photo
08:02et une caméra.
08:04Dès que je le voyais
08:05avec quelqu'un,
08:06je prenais des images
08:07et je continuais ma route.
08:13Sur les vidéos du FBI,
08:16John Gotti apparaît
08:18toujours accompagné
08:18par le même homme,
08:20son lieutenant.
08:23C'est Samy Gravano,
08:25dit Samy le taureau,
08:27un tueur soupçonné
08:28d'une vingtaine de meurtres.
08:33Le 11 décembre 1990,
08:36descend du FBI.
08:38Gotti et sa bande
08:39sont coffrets.
08:42Pour échapper à la prison,
08:44Samy le taureau,
08:45le fidèle lieutenant,
08:47va balancer son patron.
08:48En 1992,
08:52Gotti est enfin condamné
08:53à la prison à vie.
08:55Samy le taureau
08:56est devenu un repenti.
09:07Le témoignage de Samy Gravano
09:11nous a permis
09:11non seulement
09:12d'emprisonner John Gotti,
09:13mais aussi
09:14d'autres chefs-mafieux.
09:17Au départ,
09:19on pensait
09:19n'en faire condamner
09:20que six.
09:21Au final,
09:24on a réussi
09:24à en faire emprisonner
09:2538.
09:25Dans les années 1990,
09:33les révélations de Samy Gravano
09:36vont laminer la mafia
09:38new-yorkaise.
09:41En échange de ces informations,
09:44il ne va purger
09:44que cinq ans de prison
09:46alors qu'il a reconnu
09:47avoir commis
09:48plus de 19 meurtres.
09:50à la même époque,
09:55à 150 kilomètres
09:56de New-York,
09:57un autre repenti
09:58va faire tomber
09:59une autre mafia,
10:01celle de Philadelphie.
10:04John Vizzi
10:05était chargé
10:05de mettre la pression
10:06sur ceux
10:07qui devaient
10:07de l'argent
10:08à la mafia,
10:09un truand,
10:11ultra-violent.
10:1120 ans après,
10:20nous avons retrouvé
10:21John Vizzi.
10:27Quelle est la pire chose
10:28que tu as faite ?
10:30La pire ?
10:32Quand ?
10:33Ça dépend
10:35de ce que tu entends
10:35par pire.
10:37Trouver quelqu'un
10:37avec une perceuse,
10:38c'est pas mal, non ?
10:40Ou balancer de l'acide
10:41sur le visage
10:42d'un autre.
10:47Tu as jeté
10:48de l'acide
10:49sur le visage
10:49de quelqu'un ?
10:51Oui.
10:53Pourquoi ?
10:55Eh bien,
10:55si je jette
10:56de l'acide
10:56sur un oeil,
10:57tu vas perdre
10:58la vue de cet oeil.
11:00Et ensuite,
11:00si je pose ma main
11:02sur le deuxième oeil,
11:03là,
11:03tu ne vois plus rien.
11:06Alors je demande,
11:07où est l'argent ?
11:08Où est la drogue ?
11:09Ou tu ne verras plus
11:10jamais ta femme
11:11et tes enfants ?
11:11En général,
11:12les mecs te répondent,
11:13c'est une méthode
11:14assez simple.
11:21Un jour de 1993,
11:24contre seulement 300 dollars,
11:27John Vizzi est chargé
11:27d'exécuter
11:28un membre
11:28d'un clan rival.
11:30L'ordre
11:31vient du parrain
11:33de la mafia locale,
11:34John Stanfa.
11:40Je me suis levé le matin,
11:43je suis allé bosser.
11:45On roulait,
11:46on a vu le mec,
11:47j'ai sorti le flingue
11:48par la fenêtre,
11:49je l'ai tué.
11:51Je me sentais soulagé,
11:52je me sentais bien.
11:53J'avais accompli
11:54mon devoir.
11:56C'est comme décrocher
11:57une prime
11:57ou avoir un enfant.
11:58Un jour comme ça,
12:00tu t'en souviens toujours.
12:00Mais ce n'est pas
12:05la même chose
12:06de tuer
12:06ou d'avoir un enfant.
12:07Qu'est-ce que t'en sais,
12:08t'as déjà tué quelqu'un,
12:09moi j'ai eu un enfant
12:10et je peux te dire
12:10que c'est la même chose.
12:16En 1994,
12:19Vizzi devient gênant.
12:23Le parrain
12:23John Stanfa
12:24met un contrat
12:25sur sa tête.
12:27Un soir,
12:29deux hommes
12:30lui tentent
12:30un guet-apant.
12:33Il va recevoir
12:34quatre balles
12:34dont trois dans le crâne
12:35tirés à bout portant.
12:43Mon crâne était ouvert
12:44sur le côté.
12:45À ce moment-là,
12:46je suis fou de rage.
12:48Je sais que je vais mourir,
12:50je ne pense pas
12:50m'en sortir.
12:56Mais je voulais
12:57que ces deux gars
12:58qui me laissaient pour mort
12:59se disent
12:59ce connard
13:00s'est battu
13:01jusqu'au bout.
13:05John Vizzi
13:06puise alors
13:06dans ses dernières forces.
13:09Il défonce
13:09à coups de poing
13:10ses agresseurs
13:11et parvient
13:12à s'enfuir.
13:16Dans le quartier
13:16de Little Italy,
13:18ce meurtre raté
13:19va alimenter
13:20la légende
13:21de John Vizzi
13:21auprès
13:22de la presse locale.
13:28Le fait qu'on lui
13:29ait tiré dessus
13:30et qu'il ait réussi
13:31à s'en sortir,
13:32ça a amplifié
13:33le mythe,
13:33la légende
13:34de John Vizzi.
13:37Il était le dur,
13:38l'invincible,
13:39l'indestructible.
13:40Trois balles dans la tête
13:41et il arrive
13:42à s'en sortir.
13:46John Vizzi
13:47n'a alors plus
13:48qu'une idée en tête,
13:49se venger.
13:51Il va alors
13:52prendre la plus
13:53importante décision
13:54de sa vie,
13:56balancer ses bosses.
14:00La seule façon
14:01de me venger,
14:02c'était de les détruire.
14:05Avant,
14:06je détruisais les gens
14:07avec un flingue,
14:08un couteau
14:09ou une perceuse.
14:11Là,
14:11le seul moyen
14:12que j'avais,
14:13c'était de me tourner
14:14vers l'État.
14:14En 1996,
14:18John Vizzi
14:19devient officiellement
14:19un repenti.
14:21Dans la mafia,
14:22on appelle ça
14:23un rat.
14:30Balance,
14:31rat,
14:32traître,
14:32il y a plein de noms
14:33pour les gens comme moi.
14:34Mais les criminels
14:35que j'ai servis,
14:36ils m'ont tiré dessus.
14:37Alors,
14:38il vaut mieux être mort
14:38ou être un rat,
14:39dis-moi.
14:43John Vizzi
14:44échappe à la prison à vie
14:45et ne prendra
14:47que dix ans
14:47pour demeure.
14:53Grâce à son témoignage,
14:54le parrain
14:55John Stanfa
14:55est condamné
14:56à perpétuité.
14:59Vizzi dénonce aussi
15:00une vingtaine
15:01d'autres mafieux
15:01de Philadelphie.
15:04À l'issue du procès,
15:05un certain
15:06Fatangelo,
15:07le roi
15:07des paris clandestins,
15:09sera condamné
15:10à neuf ans.
15:14après avoir purgé
15:18sa peine,
15:20Fatangelo
15:21a ouvert
15:21un restaurant
15:22à Philadelphie,
15:23la cuisine
15:25du parrain.
15:29Ne faites pas
15:30attention à la caméra,
15:31ils font un doc
15:32sur le système
15:32des repentis
15:33pour la télé française.
15:35La France va avoir
15:36son propre système
15:37des repentis.
15:38Oh, moi,
15:39je crois pas
15:39à ce genre de truc.
15:40Ma devise,
15:41tu commets un crime,
15:42tu payes,
15:42sois un homme.
15:50Les repentis
15:50comme John Vizzi,
15:52Fatangelo,
15:53ils détestent.
15:58Vous connaissez
15:59le vrai nom
15:59du système
16:00des repentis ?
16:01C'est
16:01sorti de secours
16:02pour les lâches.
16:03Quand tu rentres
16:04dans la mafia,
16:04tu prêtes serment.
16:06Tu dois en accepter
16:07toutes les règles.
16:08Il n'y a pas d'église,
16:10pas de prêtre
16:11à qui dire
16:11pardonnez-moi mon père,
16:13j'ai commis 75 meurtres.
16:15Il te répondrait
16:15c'est pas grave mon fils,
16:16tu vas réciter
16:17si ça lui marie
16:18et qu'il sera pardonné.
16:20Ça marche pas comme ça.
16:25Au mur,
16:27Fatangelo
16:27s'est fait croquer
16:28sur une fresque
16:29au milieu
16:30de ses héros
16:31de la mafia.
16:33Marlon Brando
16:33dans le rôle
16:34du parrain
16:34de Coppola,
16:36Tony Soprano,
16:38Al Capone
16:38et John Cotty.
16:42Moi, je prenais
16:45des paris clandestins.
16:46Mon Dieu,
16:47quel crime !
16:48J'ai pris 9 ans
16:49alors que j'ai jamais
16:50été violent.
16:51Samy Lotharo
16:52et John Vizzi,
16:53deux assassins,
16:54n'ont pris que 5 et 10 ans
16:55et moins de 9 ans.
16:57Dites-moi,
16:58où est la justice là-dedans ?
16:59Cette rage,
17:06la plupart des criminels
17:07qui ont été balancés
17:08la partagent.
17:10Pour échapper
17:11à la vengeance
17:11du milieu,
17:13les autorités
17:14doivent garantir
17:14la sécurité
17:15des repentis.
17:17Pour comprendre
17:18comment ils font,
17:20direction Washington.
17:23Nous avons rendez-vous
17:24au siège
17:25des US Marshals.
17:26C'est une agence fédérale
17:29dont une branche secrète
17:30s'occupe
17:31de protéger
17:31les repentis.
17:34Leur méthode
17:34est radicale.
17:39Nous,
17:39les Marshals,
17:43sommes notamment chargés
17:44de réinstaller
17:44les témoins repentis,
17:46de leur donner
17:47une nouvelle identité
17:48et de les protéger.
17:50Nous les installons
17:51quelque part aux Etats-Unis
17:52sous une nouvelle identité.
17:53Pour les témoins repentis,
17:57c'est souvent
17:58la dernière chance
17:59de rester en vie.
18:00S'ils ne rentraient pas
18:01dans le programme
18:02de protection,
18:03la plupart d'entre eux
18:04seraient assassinés.
18:09Quand les repentis
18:12sortent de prison,
18:14les Marshals
18:14leur fournissent
18:15un kit complet
18:16pour démarrer
18:17leur nouvelle vie.
18:19Nouveaux numéros
18:19de sécu,
18:21nouveaux certificats
18:22de naissance,
18:22nouveaux diplômes,
18:25nouveaux passeports.
18:39Les Marshals,
18:41aidés de psychologues,
18:43entraînent les repentis
18:44à mentir sur leur passé
18:45afin de ne jamais dévoiler
18:47d'où ils viennent
18:48ni qui ils étaient vraiment.
18:52Donc, vous leur fabriquez
18:58un nouveau passé ?
18:59Ça, c'est un de nos secrets.
19:01Pourquoi ce programme
19:04est-il si secret ?
19:06Parce que c'est la vie
19:09des gens
19:10qui en dépend.
19:12Alors,
19:12on garde le secret
19:13sur leur identité
19:14au même titre
19:15que les plus importants
19:16secrets d'Etat.
19:17on ne peut prendre
19:20aucun risque.
19:20Parce qu'il n'y a pas
19:22de risque
19:22de compromis.
19:23à sa sortie
19:33de prison
19:34en 2005,
19:36John Vizzi
19:37avait secrètement
19:37bénéficié
19:38de ce programme
19:39de protection
19:40des témoins repentis.
19:44Il nous ramène
19:45aujourd'hui
19:46devant l'hôtel
19:47où les Marshals
19:47avaient mis en sécurité
19:48le temps de lui fabriquer
19:50sa nouvelle identité.
19:51Ils m'ont lâché ici.
19:59Ils m'ont donné une clé
20:00avec un numéro de chambre.
20:01Je n'avais rien.
20:03Pas de bagage,
20:03pas de vêtements,
20:04juste ce que je portais
20:05sur moi.
20:06Ici,
20:07de mon point de vue,
20:09John Vizzi est mort.
20:10Il a disparu.
20:11John Vizzi
20:11est mort.
20:13Il n'a plus puissé.
20:15C'est la façon
20:15que je le vois.
20:18Les Marshals
20:19remettent à Vizzi
20:196 000 dollars
20:20pour ses dépenses
20:21courantes.
20:23Dans cet hôtel
20:234 étoiles,
20:24les clients sont
20:24surtout des hommes
20:25d'affaires.
20:28Le petit tueur
20:28de Philadelphie,
20:29lui,
20:29vient de passer
20:3010 ans en prison.
20:32Il est paumé.
20:35Il y avait
20:35tous ces gens riches
20:36autour de moi.
20:37C'était pas mon monde.
20:39Je n'avais pas
20:40leur vocabulaire.
20:41Je disais
20:41yo,
20:41what the fuck.
20:45Les Marshals
20:45avaient dû se dire
20:46que c'était bien
20:47de m'amener
20:47dans un quartier chic
20:48pour qu'il y ait
20:49moins de chances
20:49que je replonge.
20:52Mais en même temps,
20:53c'est deux fois
20:53plus dur
20:53de s'intégrer.
20:56Ils ont mis
20:57trois mois
20:57à me donner
20:58un numéro
20:58de sécurité sociale.
21:00Puis ils m'ont fait
21:01choisir un nom
21:01dans l'annuaire.
21:02Au départ,
21:04ils m'en avaient donné un,
21:05mais je n'arrivais pas
21:05à l'écrire.
21:06C'était trop dur.
21:07Il y avait genre
21:086-7 lettres
21:08et moi,
21:09j'avais déjà du mal
21:10à écrire mon vrai nom,
21:10Vizi.
21:15Finalement,
21:15les Marshals
21:16lui ont attribué
21:16un nom
21:17en 4 lettres.
21:19Pour sa sécurité,
21:20nous n'avons pas
21:20le droit
21:21de le révéler.
21:24Depuis,
21:25le repentier
21:25a dû couper
21:26tout contact
21:27avec son passé.
21:29Nul ne doit savoir
21:30où il se trouve.
21:31Il a seulement
21:32le droit
21:32d'appeler sa famille
21:33et encore.
21:36Tu peux téléphoner
21:38tous les 6 mois,
21:39tous les 3 mois,
21:40une fois par mois
21:41si tu te comportes bien,
21:42mais les Marshals
21:43écoutent la conversation.
21:45Tu ne peux rien dire.
21:48S'il neige,
21:48par exemple,
21:49tu ne peux pas le dire
21:50car ta famille
21:51risquerait de comprendre
21:52où tu es.
21:53Pendant combien de temps
21:54tu n'as pas vu tes proches ?
21:56Là,
21:57je les revois un peu,
21:58mais pendant 15 ou 16 ans,
21:59je ne les ai pas vus.
22:08Cette solitude
22:09c'est le sort
22:11de tous les repentis.
22:14Comme la Sicilienne
22:16Carmela Iucolano,
22:18réinstallée quelque part
22:19dans le nord de l'Italie.
22:21Qu'est-ce qui est le plus dur
22:30pour vous ?
22:32Le plus dur,
22:34c'est de ne pouvoir
22:34raconter ton histoire
22:35à personne.
22:37C'est très difficile.
22:39Tu ne peux faire confiance
22:40à personne.
22:42Par exemple,
22:43je suis une femme seule,
22:44je pourrais essayer
22:45de refaire ma vie.
22:47Mais qu'est-ce que je vais
22:47raconter à un homme ?
22:49Si à Noël
22:50ou les jours de fête,
22:51il ne voit jamais ma famille
22:52comme toutes les personnes
22:53normales,
22:54qu'est-ce que je vais lui dire ?
22:54Aux Etats-Unis,
23:04John Vizzi a fini
23:05par ne plus supporter
23:06toutes ces contraintes.
23:09A la fin des années 2000,
23:10il a quitté le programme
23:11des repentis
23:12et depuis,
23:14il n'est plus sous la protection
23:15des marshals.
23:17Mais pour sa sécurité,
23:19il s'est accoquiné
23:20avec une bande de truands.
23:27Viens,
23:27ils veulent voir ton flingue.
23:32On est comme ça ici.
23:34C'est un Smith & Wesson.
23:36C'est un Smith & Wesson.
23:38Pourquoi tu m'en gardes
23:39comme ça ?
23:40C'est pour se protéger.
23:42C'est dangereux ici ?
23:45Tu m'étonnes.
23:50John Vizzi,
23:51lui,
23:51n'a pas le droit
23:52de porter d'armes.
23:53S'il enfreint
23:54cette règle,
23:55il retournera
23:56en prison
23:56pour 20 ans.
23:57Et toi,
24:01tu n'as pas d'armes ?
24:02Moi,
24:02j'en ai pas,
24:02regarde.
24:03Par contre,
24:04là,
24:04tu filmes mon cul.
24:06Tu te protèges
24:07comment,
24:08alors ?
24:08Il est protégé,
24:09t'inquiète.
24:10Il est protégé.
24:13On a déjà essayé
24:15de me tuer une fois
24:16et ça n'a pas marché.
24:17Peut-être que je suis
24:18foutu comme un gilet pare-balles.
24:20Tu me tires dessus ?
24:21Le lendemain matin,
24:22je te chie la balle.
24:27Depuis la création
24:32du programme
24:33Repentis aux Etats-Unis
24:34en 1970,
24:37les Marshalls
24:37ont réinstallé
24:388500 criminels
24:40et 10 000 membres
24:41de leur famille.
24:44Officiellement,
24:45aucun n'a été assassiné.
24:48Pour les autorités américaines,
24:49les Repentis,
24:50c'est l'arme fatale.
24:57Au fil des ans,
24:59le programme de protection
25:00des témoins repentis
25:01a permis de lutter
25:02efficacement
25:03contre le crime organisé,
25:04qu'il soit d'origine italienne
25:06ou russe.
25:08Il a aussi permis
25:09d'élucider
25:10de nombreuses affaires terroristes.
25:15Aujourd'hui,
25:16c'est incontestable.
25:17Les Etats-Unis
25:18sont devenus
25:19un pays plus sûr
25:20grâce au programme
25:21de protection
25:22des témoins
25:22depuis les années 70.
25:27L'Italie a adopté
25:31le système
25:32des Repentis
25:3320 ans
25:34après les Etats-Unis.
25:38Tout commence
25:39en 1981
25:40en Sicile.
25:44Une guerre
25:45de clans mafieux
25:46provoque
25:47un bain de sang.
25:51On compte
25:51près de 3000
25:54victimes
25:54en 3 ans.
25:57Diaspare Moutolo,
26:01un ancien
26:02mafieux de Palerme,
26:03a participé
26:04à ce carnage.
26:05A cette période,
26:23la peur
26:23et le chaos
26:24régnaient partout.
26:25Il n'y avait
26:26plus aucune règle.
26:27Il suffisait
26:28de dire
26:28qu'un tel
26:28avait été vu
26:29avec tel autre,
26:30automatiquement,
26:31il y avait
26:32l'ordre tacite
26:32qu'il fallait abattre.
26:33on tuait d'abord
26:35et ensuite
26:36on cherchait
26:37à justifier
26:38le meurtre.
26:39C'est ça
26:39le vrai drame
26:40de la mafia
26:40de l'époque.
26:46La police
26:46va arrêter
26:47deux mafieux,
26:49Tommaso Bouchetta
26:50et Salvatore Contorno.
26:53Ils ont perdu
26:54toute leur famille
26:55dans cette guerre
26:55fratricide.
26:58En 1984,
27:01les deux hommes
27:01brisent l'Omerta
27:02et deviennent
27:04les deux premiers
27:04repentis
27:05de la mafia sicilienne.
27:08Dans les rangs
27:09de Cosa Nostra,
27:11c'est la panique.
27:11Le repenti
27:17le plus inquiétant
27:18pour nous,
27:19ce n'était pas
27:20Bouchetta,
27:21c'était Contorno
27:22parce qu'on le connaissait
27:23tous.
27:25Contorno,
27:25il n'avait peur
27:26de rien.
27:27D'ailleurs,
27:28moi-même,
27:28j'avais commis
27:29trois ou quatre meurtres
27:30avec lui.
27:34Donc,
27:34quand on a appris
27:35qu'il avait décidé
27:36de se repentir,
27:38on s'est vraiment dit
27:38que ça allait mal
27:39tourner pour nous.
27:40Effectivement,
27:47les révélations
27:48de Bouchetta
27:48et Contorno
27:49permettent
27:50d'arrêter
27:51des centaines
27:51de mafieux.
27:56Dans ce bunker
27:58construit pour l'occasion,
28:00va s'ouvrir
28:00le procès du siècle.
28:03475 mafieux
28:04qu'on paraisse
28:05enfermés
28:06dans des cages.
28:08Mais les vrais stars
28:09du procès
28:09ce sont
28:12les repentis
28:12Bouchetta
28:13et Contorno.
28:14Le verdict est impitoyable.
28:33Les hommes d'honneur
28:34vont écoper
28:34un total
28:35de 26 siècles
28:36de peine de prison
28:36cumulée.
28:38La mafia
28:39Cicilliane
28:40est ébranlée.
28:44Dans la foulée
28:44du maxi-procès,
28:46des centaines
28:46de mafieux
28:47vont retourner
28:48leur veste
28:48et se repentir
28:50à leur tour.
28:52En 1991,
28:53l'Italie adopte
28:54une loi
28:54consacrant le rôle
28:55des repentis
28:56pour les juges.
28:58Grâce à ses collaborateurs
28:59de justice,
29:00la peur a changé de camp.
29:02Le repenti,
29:07le collaborateur
29:08de justice
29:08n'est pas important.
29:09Il est irremplaçable.
29:12Il ne sert pas seulement
29:13à faire des procès
29:13et à condamner des gens,
29:14mais aussi à comprendre
29:16comment fonctionne
29:17la mafia.
29:18Il permet d'affaiblir
29:19l'organisation
29:20car plus il y a
29:21de repentis,
29:22plus les membres
29:23de l'organisation
29:23se méfient
29:24les uns des autres.
29:25En 1992,
29:32Gaspard Emutolo
29:33trahit à son tour
29:34la mafia.
29:40Au départ,
29:40je livre une liste
29:41de 650-700 noms,
29:43tous des mafieux.
29:46J'avoue avoir commis
29:47une vingtaine de meurtres
29:49et je dénonce en plus
29:51les auteurs
29:51de plus d'une centaine
29:52d'autres assassinats
29:53non résolus.
29:55Grâce à sa collaboration
30:00avec la justice,
30:01Moutolo échappe
30:01à la prison à vie.
30:04Aujourd'hui,
30:04il vit caché
30:05avec sa famille
30:05dans la banlieue
30:06d'une grande ville.
30:08Il touche une rente
30:09de l'État
30:09depuis 22 ans,
30:111500 euros par mois
30:12et arrondit
30:14ses fins de mois
30:14avec sa peinture.
30:15« Aujourd'hui,
30:20c'est vrai qu'on a
30:25une vie tranquille,
30:26mais nous ne sommes
30:27pas très heureux
30:28parce qu'il nous manque
30:29parfois le nécessaire
30:31pour vivre.
30:34La vie est chère
30:35par rapport
30:35à ce que nous donne
30:36l'État.
30:36j'aurais aimé
30:39que l'État
30:39soit plus reconnaissant
30:40du travail
30:41que nous avons fourni,
30:42nous,
30:43les mafieux repentis.
30:44En Italie,
30:58ils sont 1600 repentis
31:00et 4000 membres
31:01de leur famille
31:02à être pris en charge
31:04par l'État.
31:06Une politique coûteuse
31:07pour les contribuables.
31:09Quand on enlève
31:14une famille
31:15et qu'on la transfère
31:16dans une ville
31:17où elle sera en sécurité,
31:19il nous faut trouver
31:20en quelques semaines
31:21une école pour les enfants.
31:22Il faut aussi
31:23veiller à leur santé.
31:28On leur donne
31:28une carte de crédit
31:29et on leur verse
31:30de l'argent tous les mois
31:31pour qu'ils puissent
31:32subvenir à leurs besoins.
31:36On doit leur trouver
31:37des appartements meublés
31:38avec cuisine et télévision
31:40pour leur permettre
31:41de vivre de manière digne.
31:46Rendez-vous compte
31:47que nous louons
31:47en ce moment
31:48en Italie
31:49plus de 1900 appartements
31:50pour y loger
31:52des repentis.
32:00Des criminels
32:01subventionnés
32:02par l'État.
32:04À Palerme,
32:06pour les victimes
32:06de la mafia,
32:07c'est insupportable.
32:10En mai 1992,
32:11la vie de Tina Montinaro
32:12bascule.
32:14Son mari,
32:15policier,
32:16escorte le célèbre
32:17juge Falcon
32:18quand une tonne
32:20d'explosifs
32:20pulvérisent
32:22leur convoi.
32:26La mafia vient de signer
32:28le plus gros attentat
32:29de son histoire.
32:36Quelques temps plus tard,
32:37Tina Montinaro
32:39découvre dans la presse
32:40que des responsables
32:41de cet attentat
32:42se sont repentis
32:43et qu'ils ont été
32:45grassement payés.
32:46« Quand j'ai lu dans le journal
32:52que tous ces repentis
32:53avaient touché
32:54de grosses sommes
32:54et qu'on leur
32:56accordait tout,
32:58là, tu te demandes
32:59vraiment comment
32:59c'est possible.
33:01Ce sont des assassins.
33:05Ce n'est pas parce
33:06qu'ils décident
33:06de collaborer
33:07qu'il faut leur passer
33:08l'éponge
33:08sur ce qu'ils ont fait
33:09et croire qu'ils deviennent
33:11des gens bien.
33:12Ça, je ne l'accepte pas.
33:14Pourquoi vous n'aimez pas
33:19le terme « repentir » ?
33:21Je pense que se repentir
33:23est tout autre chose.
33:26Personne n'est venu me voir
33:27et m'a demandé
33:28« Pardon,
33:29je regrette
33:29ce que j'ai fait.
33:30Personne. »
33:32Et de fait,
33:38les repentis
33:39protégés par l'État
33:40s'excusent rarement.
33:42Mutolo, par exemple,
33:43le tueur au 20 meurtres.
33:45Il a beau chercher,
33:47il ne voit toujours pas
33:47ce qu'il a fait de mal.
33:52Je ne sais pas
33:53ce que ça veut dire
33:54se repentir.
33:55Ce que j'ai fait
33:56était justifié.
33:57Le mafieux n'est pas
33:58un assassin.
33:59C'est un homme d'honneur.
34:01Quand un soldat
34:02tue un autre soldat,
34:03tu ne dis pas
34:03que c'est un assassin.
34:04Non, c'est la guerre.
34:05Le militaire
34:06est un assassin.
34:07C'est la guerre.
34:15Retour aux États-Unis.
34:19Direction
34:19le Midwest.
34:22Une zone pavillonnaire
34:23tranquille.
34:29John Vizzi,
34:29le tueur à la perceuse,
34:31nous accueille
34:31à son domicile.
34:32Lui non plus
34:34n'a jamais éprouvé
34:34de remords.
34:37Il vit désormais
34:37avec sa nouvelle épouse,
34:39Salma.
34:46Regardez-moi
34:46cette femme magnifique.
34:48Ce n'est pas
34:48la meilleure épouse du monde ?
34:50Je pense qu'il faut
34:55pouvoir pardonner
34:55avec son cœur.
34:58Il faut leur donner
34:59une nouvelle chance
34:59à 100%
35:00et leur laisser
35:02l'opportunité
35:02de montrer
35:03qui ils sont aujourd'hui
35:04et ne pas les juger
35:07par rapport
35:08à leur passé.
35:15Mais John Vizzi
35:16a parfois du mal
35:17à se contrôler.
35:21La violence te manque ?
35:25Oui,
35:26quand on me dit
35:27des conneries
35:27ou qu'on me menace.
35:30je me dis
35:31toi si tu savais
35:32je pourrais te défoncer
35:33l'arme maintenant
35:34mais je suis obligé
35:35de la fermer.
35:38Donc je préfère
35:39raconter aux gens
35:39qui j'étais.
35:40Ça me protège,
35:41ça évite
35:42si quelqu'un me cherche
35:43que ça dégénère.
35:43mon pitbull,
35:59il est comme moi
36:00quand j'étais jeune.
36:01Très imprévisible.
36:01depuis qu'il est sorti
36:14du système
36:14de protection
36:15des marshals,
36:17John Vizzi
36:18vend des voitures
36:19d'occasion
36:19avec sa femme.
36:24Face à ses clients,
36:25il n'hésite pas
36:26à évoquer son passé
36:28à sa façon.
36:38Tu connais mon passé ?
36:41J'étais dans la mafia
36:41mais je n'y suis plus.
36:46T'étais quoi ?
36:48T'étais le boss ?
36:49Non,
36:50je tuais des mecs.
36:54Attention là,
36:54t'es en train
36:55de devenir tout blanc.
36:57Je ne le fais plus
36:58maintenant.
37:00Je vends des voitures.
37:03De bonnes voitures.
37:05Oui, c'est vrai,
37:06ma voiture est très bien.
37:08Voilà,
37:09plus de réclamations.
37:10Salut John.
37:11Officiellement,
37:25aux Etats-Unis,
37:27le taux de récidive
37:28chez les repentis
37:29serait très faible.
37:3215% seulement
37:33contre 50%
37:35pour les criminels
37:36classiques.
37:37Mais doit-on
37:43toujours croire
37:43les repentis ?
37:45En Sicile,
37:48une affaire
37:49prouve que non.
37:57Un jour de 1992,
37:59dans la capitale sicilienne,
38:02la mafia vient
38:03de faire sauter
38:03une rue entière
38:04du centre-ville.
38:07L'attentat a fait
38:09six victimes.
38:11Le juge anti-mafia
38:13Paolo Borsellino
38:14et ses cinq gardes
38:16du corps.
38:19Un drame national,
38:21les funérailles
38:22sont retransmises
38:22en direct
38:23à la télévision.
38:24A Palerme,
38:30la police
38:30arrête rapidement
38:31un petit dealer
38:32de quartier.
38:34Vincenzo Scarantino.
38:37Il affirme
38:37avoir participé
38:38à l'attentat
38:38et balance des noms
38:39de soi-disant complices,
38:41dont celui
38:41d'un éboueur.
38:44Gaetano Murana.
38:47Le lendemain matin,
38:48l'éboueur
38:48est arrêté
38:49au volant
38:49de sa voiture
38:50par des policiers.
38:51Ils m'ont dit
38:56qu'il fallait
38:57que je vienne
38:57avec eux
38:58au commissariat
38:59deux secondes
39:00pour un contrôle
39:01du permis de conduire.
39:05Arrivé devant
39:05le commissariat,
39:06ils ont enclenché
39:06les sirènes
39:07et ont dérapé
39:08au frein à main.
39:11Ils m'ont injecté
39:12de la voiture
39:12à toute vitesse
39:13et à partir
39:14de ce moment-là,
39:15je n'ai plus rien compris.
39:16Sur la base
39:21des déclarations
39:22du repentis
39:22Carantino,
39:24l'éboueur Murana
39:25est accusé
39:25d'avoir participé
39:26à l'attentat
39:27contre le juge
39:28Borsellino.
39:30Sa vie bascule.
39:32Mais convaincu
39:33qu'il est victime
39:34d'une erreur judiciaire,
39:36son avocate
39:37s'interroge
39:38sur la crédibilité
39:39du repentis
39:40Carantino.
39:41Mon client
39:46n'avait pas d'alibi.
39:47Donc la seule défense
39:48possible
39:48contre les accusations
39:49de ce repentis
39:50c'était de mettre
39:51en doute sa crédibilité.
39:54Et dans cette affaire,
39:55ça nous paraissait simple.
39:59On a découvert
39:59que ce repentis
40:00avait été réformé
40:01du service militaire
40:02parce qu'il était
40:03psychologiquement instable.
40:06Il avait aussi
40:06des problèmes
40:07d'ordre psychiatrique.
40:11Ce n'était clairement
40:11pas quelqu'un
40:12qui avait l'étoffe
40:13d'un grand criminel.
40:14Jamais il n'aurait pu
40:15rentrer dans la mafia
40:16et être un homme d'honneur.
40:24Les accusations
40:25du repentis
40:25Carantino
40:26sont invraisemblables.
40:28Ils ne cessent
40:29de se contredire
40:30et pourtant
40:31en 1993,
40:33les Bouheur
40:34Morana
40:34et cet autre accusé
40:36sont condamnés
40:37à la prison
40:38à perpétuité.
40:41Mais un homme
40:45va provoquer
40:46un coup de théâtre.
40:49Sergio Lari
40:50est l'un des magistrats
40:51les plus protégés
40:52d'Italie.
40:53Il vit sous escorte
40:53permanente.
40:56En 2008,
40:57un repenti
40:58demande à le rencontrer.
40:59Je suis allé l'entendre
41:07et il m'a dit
41:08que ce Carantino
41:10il a tout inventé.
41:12C'est moi
41:12qui ai volé
41:13la voiture
41:14utilisée pour l'attentat
41:16contre le juge Borsellino.
41:19Et il continue
41:19c'est moi
41:20qui ai volé
41:21et placé
41:22l'explosif
41:23à l'intérieur.
41:24C'est moi
41:26qui ai volé
41:27les plaques
41:27d'immatriculation
41:28pour maquiller
41:30la voiture.
41:33Toute cette phase
41:33de préparation
41:34de l'attentat
41:35c'est moi
41:35qui l'ai faite.
41:37Il me cite
41:38les noms
41:39d'autres complices.
41:42Il me dit
41:43tout ce qu'a dit
41:44Scarantino
41:45est faux.
41:47Je vous avoue
41:48que je suis resté
41:49incrédule
41:50face à ces déclarations.
41:51Sergio Lari
41:58va réouvrir
41:59le dossier.
42:02Il découvre
42:02qu'aucune enquête
42:04n'avait été faite
42:05à l'époque
42:05pour vérifier
42:07les accusations
42:08du repentis
42:09Scarantino.
42:12Convoqué
42:13devant le juge
42:14il reconnaîtra
42:15avoir tout inventé.
42:19Aujourd'hui
42:20le faux repenti
42:22doit s'expliquer
42:23dans un nouveau procès
42:24et cette fois
42:26c'est lui
42:27l'accusé.
42:29L'avocate
42:29de Murana
42:30les boueurs
42:30accusés à tort
42:31tient sa revanche.
42:35Ce procès
42:37est la démonstration
42:37de l'échec
42:38du système
42:39des repentis
42:39parce que
42:40les accusés
42:41du dernier procès
42:42comme mon client
42:43Murana
42:44sont aujourd'hui
42:45partis civils
42:45contre le repenti
42:46qui les a calomniés.
42:47au fond de la salle
42:54d'audience
42:55Gaetano Murana
42:58les boueurs
42:58libéré en 2011
43:02il a passé
43:0320 ans
43:04en prison
43:04pour rien.
43:06ma vie ne changera plus
43:13parce qu'ils l'ont
43:14déjà détruite
43:15ils m'ont détruit
43:16moralement
43:17et physiquement
43:17j'avais 33 ans
43:21quand ils m'ont arrêté
43:22j'ai tout perdu
43:25je suis sorti de prison
43:26mais je suis détruit
43:27moi
43:30et cette autre
43:31innocent
43:31ce jour-là
43:38Murana
43:38va entendre
43:39le faux repenti
43:40s'excuser
43:40il est caché
43:44derrière ce paravent
43:45il accuse
43:47des policiers
43:47de l'avoir
43:48manipulé
43:48à l'époque
43:49ils m'ont convint
43:53d'être
43:55le carnéviste
43:56du docteur
43:57Bossaline
43:58et des agents
43:59de l'escola
44:00je veux dire
44:01des excuses
44:01aux familles
44:02des victimes
44:03je veux dire
44:05des excuses
44:05à ces personnes
44:06qui sont satisfaites
44:08vous ressentez quoi
44:15pour ce quarantino ?
44:16je n'éprouve rien
44:19pour ce quarantino
44:20car il est innocent
44:21comme moi
44:22on lui a mis
44:23toutes ses paroles
44:23dans la bouche
44:24ce fiasco judiciaire
44:29est-il simplement
44:30dû à une manipulation
44:31policière ?
44:32nous avons posé
44:35la question
44:35à Sergio Lari
44:37le magistrat
44:37qui a découvert
44:38la vérité
44:39je pense que
44:41c'est tout un système
44:42qui n'a pas fonctionné
44:43parce qu'il est difficile
44:45d'imaginer
44:45que
44:46seule une manipulation
44:47policière
44:48ait pu influencer
44:49tout un procès
44:50mais permettez-moi
44:51de garder
44:52une certaine réserve
44:53car il y a
44:54une enquête en cours
44:55et de nouveaux procès
44:56vont avoir lieu
44:57Gaetano Morana
45:03n'est toujours pas
45:04sorti d'affaires
45:04les procès
45:07en révision
45:08vont prendre
45:08des années
45:09il est encore
45:11officiellement coupable
45:12il n'a touché
45:15aucune indemnité
45:16de l'état
45:16depuis sa sortie
45:19de prison
45:19pour s'en sortir
45:20Morana vendu poisson
45:23dans une rue
45:25de Palerme
45:25je me suis retrouvé
45:37dans un monde
45:37qui ne ressemblait
45:38plus au mien
45:39j'ai perdu mon travail
45:42alors pour nourrir
45:44ma famille
45:45j'achète deux ou trois
45:46caisses de poissons
45:47je les revends
45:50en espérant gagner
45:5130, 40 euros
45:52que je partage
45:55avec mon collègue
45:55à ses côtés
46:05il y a aussi son fils
46:06qu'il n'a pas vu grandir
46:08j'ai laissé mon fils
46:19quand il était
46:20encore un bébé
46:21je suis ressorti
46:22c'était un jeune homme
46:23j'allais le voir
46:26quelques fois
46:27quand on arrivait
46:28à mettre
46:28un peu d'argent
46:29de côté
46:29tous les trois mois
46:31environ
46:31mais
46:33je le voyais
46:34toujours derrière
46:35une vitre
46:35aujourd'hui
46:38on essaie de construire
46:39un rapport père-fils
46:40un rapport
46:42qui n'a encore
46:42jamais existé
46:43en Italie
46:54l'affaire
46:55de l'éboueur
46:56Morana
46:57symbolise
46:58les limites
46:59et les effets
47:00pervers
47:01du système
47:02des repentis
47:03grâce au système
47:12des repentis
47:12il y a eu
47:13beaucoup d'arrestations
47:14beaucoup de condamnations
47:16on a réussi
47:17à combattre la mafia
47:18c'est vrai
47:19mais en partie
47:20il est certain
47:22que les délateurs
47:22qui viennent de l'intérieur
47:23de la mafia
47:24sont une source privilégiée
47:25d'informations
47:26mais le problème
47:29avec ce système
47:29des repentis
47:30c'est que
47:31un
47:32les services d'investigation
47:33de la police
47:34ne savent plus
47:34mener des enquêtes
47:35et deux
47:37les magistrats
47:38plus exactement
47:39les procureurs
47:40ceux qui dirigent
47:41les enquêtes judiciaires
47:42et bien
47:43dès qu'un repenti
47:44se met à parler
47:45ils se contentent
47:46de leurs déclarations
47:47ils ne poussent
47:49plus les enquêtes
47:50et se reposent
47:51sur leur laurier
47:52avec ce scandale
48:01la justice italienne
48:04se réveille
48:04avec la gueule de bois
48:05il y a un grand mystère
48:11dans cette histoire
48:14comment n'a-t-on pas
48:16décelé
48:16qu'on avait affaire
48:17à un faux repenti
48:18je crois que le problème
48:21c'est qu'il faut être
48:22professionnel
48:23quand on utilise
48:23cet instrument
48:24il ne faut pas
48:26s'attacher au repenti
48:27il ne faut pas croire
48:29tout ce qu'il raconte
48:30même si ça peut résoudre
48:31de nombreuses affaires
48:33il faut vérifier
48:34ce qu'il dit
48:35et la manière
48:36dont il le dit
48:36tout ce que le collaborateur
48:38dit
48:39et comme il le dit
48:40début 2015
48:45le système des repentis
48:47a été mis en place
48:48par les ministères français
48:49de la justice
48:50et de l'intérieur
48:51dans la plus grande discrétion
48:53comment vont-ils contrôler
48:56les révélations
48:57des repentis
48:58et éviter
48:59les accusations
48:59mensongères
49:00place Beauvau
49:03au ministère
49:03de l'intérieur
49:04le porte-parole
49:05de Bernard Cazeneuve
49:06accepte
49:08de nous répondre
49:09le dispositif
49:14tel qu'il a été
49:15mis en place
49:16et tel qu'il est
49:16fait que
49:18la parole
49:19seule
49:20ne pourra suffire
49:22il faudra
49:22un certain nombre
49:23d'éléments
49:23à l'appréciation
49:24évidemment
49:25à la fois
49:25des magistrats
49:27ou des jurys
49:28mais
49:28la parole seule
49:30ne pourra
49:31entraîner la condamnation
49:32c'est quelque chose
49:33qui est assez restrictif
49:34bien évidemment
49:35que dans la mise en place
49:36de ce dispositif
49:36on a tenu compte
49:37de ce qui s'était fait
49:38à l'étranger
49:39avant de pouvoir
49:40le mettre en place
49:41sur les territoires
49:42français
49:43question financement
49:46la France a pensé
49:48à un système ingénieux
49:49c'est la vente
49:50des biens confisqués
49:51aux criminels
49:52qui financera
49:53la réinsertion
49:54des repentis
49:55explication du magistrat
50:01en charge
50:02de la question
50:02ce qui est une bonne nouvelle
50:07c'est que l'agence
50:09de gestion
50:09et de recouvrement
50:10des biens
50:10saisis
50:11et confisqués
50:12aux criminels
50:13finance la lutte
50:14contre le crime
50:14je trouve ça
50:15assez amusant
50:16que finalement
50:16ce soit le milieu
50:17qui nous donne
50:17les moyens
50:18de lutter contre lui
50:19je trouve ça
50:19c'est une belle nouveauté
50:20sur le plan des symboles
50:21pourquoi c'est important
50:22d'adopter ces systèmes
50:23à mon avis
50:23c'est pas un dispositif
50:24qui a vocation
50:25à être utilisé
50:26tous les jours
50:26on n'est heureusement pas
50:28et pourtant je ne suis pas
50:29de ceux qui minimisent
50:31la réalité du phénomène mafieux
50:33on n'est heureusement pas
50:35dans la situation
50:36qu'a connue l'Italie
50:38si vous voulez
50:39par contre
50:40peut-être que l'avenir
50:41nous permettra
50:42de se réjouir
50:42de l'existence
50:44de ce système
50:45pour lutter contre
50:46le terrorisme
50:47par exemple
50:47parce que je pense
50:48que là on a de beaux jours
50:48devant nous
50:49si vous me permettez l'expression
50:50on risque d'avoir besoin
50:52de ce genre d'outil
50:52terrorisme
50:56mais aussi corruption
50:58trafic de drogue
51:00règlement de comptes
51:01dans le milieu
51:02en France
51:04dans le plus grand secret
51:07quelques criminels
51:08seraient déjà prêts
51:09à rentrer
51:10dans le système
51:10des repentis
51:11qui décide de la route
51:21il y en a
51:22qui décide de l'agre
51:23débloquing
51:24les droits
51:25pour la réelle
51:26du coup de l'eau
51:26la route
51:26il y en a
51:27des peintres
51:27il y en a
51:28qui décide de la réelle
51:29quelle bonne
51:30qui décide de la réelle