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  • il y a 3 jours
Aujourd'hui, dans « Les 4V », Cyril Adriaens-Allemand revient sur les questions qui font l’actualité avec Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

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Transcription
00:00Bonjour à tous, bonjour Pierre Moscovici, merci de nous accorder votre première interview depuis la remise de votre rapport sur les retraites hier à Matignon.
00:10Première question, est-ce que vous n'avez pas le sentiment d'avoir travaillé pour rien ?
00:14Pas du tout, je pense que nous avons fait brutile, nous avons rendu deux rapports en fait, le premier était sur la situation des retraites,
00:20nous avons montré qu'il y avait des besoins de financement, il ne faut pas se tromper, le statu quo n'est pas possible,
00:25il manque 6 milliards maintenant, il manquera 15 milliards en 2035, il manquera 30 milliards en 2045,
00:32ce qui veut dire que le système doit être équilibré.
00:35Et puis nous avons fait un deuxième rapport sur la compétitivité et l'emploi, qui je pense est très utile aussi,
00:41parce qu'il montre que c'est le taux d'emploi qui est important, le taux d'emploi c'est le nombre de personnes qui sont en emploi,
00:49sont 68% en France, je parle des seniors essentiellement, c'est beaucoup moins qu'ailleurs, même si ça a augmenté un peu,
00:57l'allongement de la durée au travail, l'allongement ou le retardement de l'âge de départ en retraite y ont joué de manière positive,
01:07mais attention c'est vrai, il y a des iniquités, et pas que des poches, ce sont quand même des très grosses poches,
01:12on a identifié trois catégories, trois cibles, qui effectivement connaissent aujourd'hui des inégalités qui doivent être résorbées,
01:21je pense aux femmes, je pense à tous ceux qui sont touchés par la pénibilité,
01:27et je pense enfin aux hommes et aux femmes qui sont en moins bonne santé que d'autres.
01:30Vous pensez qu'un accord est encore souhaitable et même possible quand on voit que le conclave se vide de ses participants ?
01:36Écoutez, moi j'ai été hier au conclave, après avoir remis le rapport au Premier ministre, j'ai parlé devant eux,
01:41j'ai senti qu'il y avait maintenant un agenda, qu'il y avait maintenant aussi une volonté d'aboutir,
01:46une autre proposition de l'incouverte des comptes, c'est peut-être de modifier un peu le pilotage, la gouvernance du système,
01:50on évoquait une question qui est très importante pour moi, c'est que c'est vrai qu'il y a des inégalités dans les perspectives,
01:57c'est-à-dire dans l'espérance de vie, selon que vous êtes un ouvrier, une profession intermédiaire ou un cadre,
02:03vous avez trois ans pour un homme, deux ans pour une femme en moins, peut-être peut-on là faire un petit peu de surmesure,
02:09Et vous dites du surmesure sur les métiers aussi, c'est-à-dire qu'en fonction de l'espérance de vie, par métier, par pénibilité ?
02:16Oui, parce qu'on réfléchit beaucoup à un âge de départ en retraite, alors qu'il s'agit de l'âge légal ou de la durée de cotisation,
02:22alors qu'en réalité ce sont plutôt, ou peut-être, les inégalités qu'il faut traiter d'abord.
02:28Autrement dit, on pourrait par exemple piloter le système en ayant une stabilité de la durée de vie après la retraite.
02:35Et en faisant en sorte que ça s'applique, ça ?
02:38Ça c'est fait par des pays nordiques, c'est fait par d'une certaine façon l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, on a fait des comparaisons.
02:45Et si vous voulez, je trouve que notre système, il est à la fois sans doute trop rigide, trop uniforme, peut-être aussi trop public.
02:51On pourrait envisager de le gérer mieux, comme on gère les retraites complémentaires de l'Algire Carco.
02:57Et enfin, il y a une chose qui est très importante, c'est l'indexation des retraites sur l'inflation.
03:01Vous dites que ce n'est pas une bonne idée ?
03:02C'est-à-dire que c'est la pratique, c'est comme ça que ça se passe, mais il y a un risque.
03:04Ça pénalise les salariés ?
03:05Si vous êtes aujourd'hui, par exemple, devant des droits de douane américains, vous avez une forme de choc inflationniste,
03:12l'inflation peut augmenter, les prix sont renchéris, et à ce moment-là, les revenus des retraités croissent beaucoup plus que ceux des salariés.
03:18Alors il peut arriver que ce soit l'inverse, mais il nous semble qu'économiquement, il est plus logique d'avoir une sorte d'équité entre les salariés et les retraités,
03:25d'indexer sur les salaires, et ensuite de décoter ou de revoir en fonction des évolutions démographiques et économiques.
03:34C'est là aussi ce que font d'autres.
03:35Vous savez, s'inspirer des autres, ou plutôt en tout cas regarder ce que font les autres, y compris dans le rôle des partenaires sociaux,
03:41c'est source de progrès.
03:42Moi, ce que j'ai constaté hier au conclave, c'est que ce rapport, vous me demandez s'il avait servi à quelque chose,
03:47il a été en tout cas utile, parce qu'il fournit des données, il fournit des analyses, et j'ai été frappé par le fait que,
03:53bien sûr avec des angles un peu différents, tout le monde s'y retrouvait.
03:56On en vient à la guerre commerciale avec les États-Unis, vous venez d'en parler, elle est en pause.
04:00Emmanuel Macron vient de faire un tweet, il déclare que c'est une situation fragile, mais qu'il est encore possible de négocier.
04:07Est-ce que c'est vraiment possible de négocier encore sereinement avec Donald Trump ?
04:10Sereinement, sans doute pas, mais de négocier, oui.
04:13Vous n'avez pas de serein, parce que ce président a évidemment un comportement erratique,
04:18il est erratique pour le reste du monde, il est erratique aussi pour les États-Unis,
04:21parce que les mesures qu'il a prises ne sont évidemment pas dans l'intérêt de l'économie américaine.
04:26Au fond, l'idée c'est, je me protège pour relocaliser la production, mais ça ne marche pas comme ça.
04:31Ça prend du temps, ça détruit de la valeur, on a besoin d'intrants, c'est-à-dire d'importations qui viennent d'ailleurs,
04:36et c'est ça aussi qui explique que les marchés, à la fois les marchés d'action, mais les marchés de dette,
04:40a commencé à s'effondrer, et c'est ça qui l'a fait changer d'avis.
04:43Alors maintenant, il y a un délai de 90 jours, ce délai doit être saisi pour en effet négocier,
04:48mais négocier, ça veut dire sans doute ne pas sévir, mais aussi ne pas céder.
04:54Ça, je crois qu'il faut avec lui une forme d'adaptation.
04:56La réponse des Européens est trop faible aujourd'hui, selon vous ?
04:58Non, je ne peux pas entrer à ce genre de commentaire.
05:00En tout cas, il y a une suspension immédiate des mesures européennes.
05:03Parce qu'il y a aussi cette suspension de 30 jours, même s'il faut le noter quand même,
05:07depuis le mois de février, il y a déjà des droits de douane supplémentaires sur l'acier, sur l'aluminium,
05:12et s'il garde 10% de droits de douane de manière générale.
05:14Donc il faudra sans doute aller plus loin dans la négociation.
05:17Moi, je ne suis pas un amoureux du libre-échange,
05:22mais je constate tout de même que ce sont ces échanges-là qui permettent à notre économie
05:25de croître, de grandir et aussi de créer des emplois.
05:28Vous avez été donc commissaire européen, vous avez également été ministre de...
05:31Et quand j'étais commissaire européen, j'ai déjà vu Donald Trump prendre des mesures protectionnistes.
05:35Je sais qu'avec lui, il faut être en effet dans cette posture de négociation,
05:40parce qu'il est transactionnel et de fermeté.
05:41En raison de ces incertitudes, le ministre de l'Économie a abaissé la prévision de croissance
05:45pour 2025 à 0,7% au lieu de 0,9%.
05:49Est-ce que c'est réaliste ?
05:51Écoutez, je ne veux pas être technique.
05:52Je pense qu'en réalité, en baissant la prévision de 0,9 à 0,7,
05:55le ministère de l'Économie a déjà enregistré des effets négatifs qui préexistaient à la guerre commerciale.
06:03L'OFCE dit que ça pourrait être 0,5.
06:04C'est ça.
06:05Je précise un autre organisme qui s'appelle le Haut Conseil des Finances Publiques.
06:08Nous nous prononcerons la semaine prochaine sur cette prévision de croissance,
06:10donc je ne vais pas le faire ce matin.
06:120,7, ça vous paraît réaliste ?
06:13C'est possible, mais je me demande si on a bien intégré dans ce chiffre tous les risques qui sont devant nous.
06:21Par exemple, si la guerre commerciale in fine produisait beaucoup d'incertitudes,
06:26et ça, de toute façon, il y a une incertitude,
06:28cette croissance pourrait être encore peut-être légèrement inférieure.
06:31On peut espérer 0,7, dirais-je aujourd'hui,
06:33mais disons que le consensus des économistes est plutôt à 0,6 et certains sont à 0,5.
06:37La ministre des Comptes publics annonce 5 milliards d'euros d'économistes supplémentaires
06:40pour tenir l'objectif de déficit à 5,4%.
06:44Est-ce que vous y croyez ?
06:46On rappelle que Michel Barnier tablait plutôt sur 5% en objectif.
06:50Les 5% n'existent plus.
06:51Dans le PLF qui a finalement été voté après la chute du gouvernement Barnier,
06:55nous sommes à 5,4%.
06:57C'est cet objectif qu'il faut tenir.
06:59Il est plus facile à tenir qu'il ne l'aurait été il y a quelques mois,
07:01pardon de la palissade, parce qu'on pensait que le déficit 2024 serait à 6,
07:04il est à 5,8%.
07:05Il s'agit de passer de 5,8 à 5,4%.
07:07Là aussi, c'est encore sans doute possible.
07:10Mais si le gouvernement prend 5 milliards d'euros de mesures tout de suite,
07:14c'est qu'il constate que déjà, il y avait quelques problèmes dans l'exécution.
07:17Il faut le tenir ce 5,4%.
07:19Pourquoi ?
07:20Parce que nos déficits sont beaucoup trop élevés.
07:22Ils sont près de 2 points au-dessus de la moyenne de la zone euro.
07:24Surtout parce que notre dette qui est à plus de 1300 milliards d'euros est énorme.
07:28Et enfin, et c'est sans doute pour moi le chiffre principal,
07:31parce que nous allons faire 100 milliards d'euros dans quelques années
07:34de ce qu'on appelle la charge de la dette,
07:35c'est-à-dire le remboursement annuel de la dette.
07:36Quand vous remboursez chaque année 100 milliards d'euros,
07:39c'est la même chose pour un ménage ou pour une entreprise,
07:41alors vous n'avez aucune marge de manœuvre.
07:42C'est une menace pour votre souveraineté.
07:44Une autre finance rectificative ?
07:45Ça, c'est au gouvernement de choisir les modalités.
07:48En plus, 5 milliards, ça marche peut-être.
07:51Disons que là encore, c'est sans doute provisionnel.
07:54Vous craignez un dérapage budgétaire, comme ça a été le cas l'année dernière.
07:56On est à près de 60 milliards d'écarts.
07:58Écoutez, je ne suis pas Madame Soleil.
08:00Je ne crains pas.
08:01Je pense simplement qu'il faut regarder de près justement ce combo.
08:05C'est-à-dire, quelle est la situation sur les droits de douane ?
08:08Quelles conséquences se protectionnissent cette guerre commerciale pour la croissance ?
08:12Et à partir de ce moment-là, quel impact sur les finances publiques ?
08:15Il faut être extrêmement vigilant,
08:17mais il n'y a pas de raison ce matin d'être alarmiste.
08:19Très rapidement, vous êtes l'auteur de la formule sur le ras-le-bol fiscal.
08:23L'automne dernier, vous vous disiez qu'il n'y a pas de tabou fiscal.
08:25Ou est-ce que vous vous citez aujourd'hui,
08:27alors qu'en 2026, la porte-parole du gouvernement annonce un cauchemar pour faire le budget ?
08:32Écoutez, je continue de penser que nous avons le taux de prélèvement obligatoire
08:34et cet objectif le plus élevé d'Europe.
08:36Donc, on n'a pas des marges infinies en termes de hausse d'impôts.
08:39Mais quand on demande des efforts très importants,
08:42il faut nécessairement qu'il soit partagé entre les économies sur les dépenses,
08:46qui sont le principal.
08:47C'est par là qu'il faut commencer, et sans doute faire plus,
08:50et plus intelligemment que nous l'avons fait dans le passé.
08:51et tout de même aussi des prélèvements qui traduisent aussi une exigence française
08:56très forte de justice fiscale.
08:59Pas de tabou sur le fiscal toujours aujourd'hui.
09:01Merci beaucoup.
09:01Pas de tabou, mais de la modération quand même.
09:02Pierre Woscovici d'avoir été notre invité.
09:04Excellente journée à vous.
09:05Merci beaucoup à tous les deux.

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