Un rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les conditions d'accueil des enfants placés publié ce mardi pointe "une crise profonde" du secteur dont les "premières victimes" sont les enfants placés.
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00:00Au moment même où vous rentrez dans ce studio, la députée qui présente un rapport sur ces enfants placés, elle est en train, et vous le voyez en direct, de développer son rapport, d'alerter sur le drame de la manière dont on gère ces enfants.
00:22Et vous êtes vous-même une ancienne enfant placée, vous l'avez été au lycée, vous allez nous le raconter, vous avez eu ces mots, vous dites « si je n'avais pas été placée, je serais morte ».
00:32C'est sûr.
00:33C'est sûr ?
00:34C'est sûr. La situation familiale à l'âge de 14 ans était telle que si je n'avais pas été sauvée par une infirmière scolaire, on ne serait pas en train de se parler aujourd'hui.
00:43Sauvée par une infirmière scolaire, qu'est-ce qu'elle a vu, qu'est-ce qu'elle a détecté que vous n'osiez pas dire ?
00:48En fait, moi, j'ai été victime de violences intrafamiliales, mais dans un milieu favorisé.
00:52Et la société a encore du mal à comprendre que les violences faites aux enfants, comme les violences faites aux femmes d'ailleurs, arrivent dans tous les milieux.
00:58Donc le repérage a été beaucoup plus tardif pour moi, et c'est en seconde qu'elle s'est rendue compte que ça n'allait pas d'abord sur ma maigreur,
01:05et puis progressivement j'ai commencé à prendre un peu confiance en elle et à me confier sur ce que je vivais à la maison,
01:10et donc elle a fait un signalement qui a permis mon placement à l'aide sociale à l'enfance.
01:14Vous avez donc été retirée de chez votre père, me semble-t-il.
01:18C'est lui qui exerçait sur vous une pression, une véritable torture, à la fois psychologique et physique, puisqu'il vous privait de nourriture.
01:26Il y avait beaucoup plus que ça, il y avait vraiment des coups, des humiliations, des enfermements dans la cave,
01:30enfin je veux dire, un peu tout le panel des violences physiques et psychologiques qu'on peut imaginer.
01:34Vous avez mis du temps à oser en parler ? Vous ne le disiez pas ?
01:38Disons que quand j'étais petite, en primaire, je pensais que c'était comme ça dans toutes les familles,
01:42on ne m'avait pas appris à l'école ce que c'était que la bien-traitance,
01:45donc je me disais que si je parle, on va me dire « de quoi tu te plains, c'est partout pareil ».
01:49Et au collège, quand on commence à comprendre un petit peu que ce qu'on vit ce n'est pas normal,
01:53arrive sur nous une espèce de chape de plomb, de risquer de trahir la famille, de créer des problèmes à ses parents,
02:01donc on ne parle pas non plus, mais on attend que quelqu'un nous regarde,
02:04enfin jette un regard bienveillant, qui a mis du temps à arriver,
02:08mais encore une fois, je pense que le milieu social y est pour beaucoup.
02:12Vous avez été sauvée, vous le dites, par cette infirmière scolaire,
02:15vous êtes aujourd'hui une soignante éminente, et vous n'avez pas du tout oublié précisément d'où vous veniez,
02:23alors tristement, vous dites « c'est mon boulet quotidien ».
02:26C'est-à-dire qu'en fait, c'est un peu ma mission, c'est-à-dire qu'en tant que professeure de médecine,
02:31chef de service à Necker, et donc ayant bien réussi, m'en étant bien sortie quand même,
02:36je ne peux pas rester sans rien faire, quand même si le placement m'a sauvée la vie,
02:40j'ai constaté les failles du système, à la fois sur la santé des enfants qui sont placés à l'aide sociale à l'enfance,
02:45mais aussi sur leur scolarité et sur leur insertion professionnelle.
02:48Ce que vous dites, c'est qu'aujourd'hui, il y a non seulement, il faut quand même le savoir, ce chiffre il est colossal,
02:53400 000 enfants placés, ce qu'on appelait avant la DAS, ce sont donc des enfants qui n'ont pas dans leur foyer les ressources humaines
03:06et qu'il faut retirer pour les protéger, sauf que ça ne les protège pas toujours, parce qu'ils se retrouvent dans un univers,
03:15vous prenez le temps notamment sur les questions de santé, la santé de ces enfants, de ces adolescents,
03:24mais il y a évidemment plein d'autres points sur lesquels il y a des terribles défaillances.