Elisabeth Lévy : "On ne croit plus que la politique puisse changer les choses"

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Transcript

00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.

00:04Il est 8h15, nous sommes avec Elisabeth Lévy. Bonjour Elisabeth.

00:08Bonjour Jean-Jacques, bonjour à tous.

00:10Elisabeth, hier, beaucoup de Parisiens, de touristes dans les rues, et puis quelques manifestants.

00:17Il y en avait un peu partout. Il y en avait Place Vauban, dans le 7e arrondissement,

00:21il y en avait Place de la République, il y avait un meeting...

00:23Vous allez faire toute ma chronique là Jean-Jacques ?

00:25Non, non, non, je la présente, je la présente Elisabeth, je la présente.

00:30Et puis il y avait les manifestants anti-ZFE, ça faisait beaucoup.

00:34A vrai dire, le matin, certains commentateurs, dont je l'avoue votre servante,

00:39glosaient un peu sur les trois Frances irréconciliables.

00:44Ce qui était marrant, c'est qu'à Vauban, c'était des drapeaux tricolores partout,

00:48là où il y avait des manifestants.

00:52La République, elle était pavée de drapeaux palestiniens et algériens.

00:56En tous les cas, il n'y a pas un drapeau tricolore où je ne l'ai pas vu.

00:58Et à Saint-Denis, qui était la première sortie publique du Bloc Central,

01:02c'est la première fois que l'on les voyait tous se tenant par le petit doigt,

01:06il y avait des drapeaux français et européens.

01:09Bon, en gros, il y avait les trois pôles de l'Assemblée Nationale qui tenaient...

01:13Oui, il manquait le PS et LR.

01:15Il manquait les deux ex-grands partis de gouvernement.

01:19Alors en fait, c'est quand même, dans ces trois-là,

01:22Jean-François en a un peu parlé, c'est un peu deux contre un,

01:25il y a toujours deux Frances qui sont prêtes à se réconcilier contre la troisième.

01:30Bien que les leaders, franchement, du RN n'aient pas dit un mot de travers sur la justice,

01:34ils ont quand même mesuré leur coup.

01:36Eh bien, l'extrême-gauche et la Macronie font monter cette mayonnaise folle

01:42d'un RN qui est fasciste, séditieux, qui s'apprête à supprimer l'état de droit,

01:46qui menace les institutions.

01:48Entre nous, si un dixième de tout ça était vrai,

01:51Marine Le Pen et Bardella devraient dormir en prison.

01:54Mais on répète cela et ça devient une vérité,

01:57et c'est probablement, je ne sais pas ce qu'en dira Jean-François,

02:00l'annonce d'un prochain énième Front républicain.

02:04– Je n'y crois pas une seconde.

02:06– Eh bien, on verra.

02:07Contre le nazisme, on s'alliera avec les antisémites, je vous le dis.

02:11Mais bon, on verra.

02:12Mais il y avait cette quatrième France qu'on a un peu oubliée,

02:15celle des gueux d'Alexandre Jardin.

02:17Alors, ils étaient avec les motards pour l'occasion,

02:19et ils se sont rassemblés, ils étaient quelques milliers, je pense.

02:23J'ai demandé à un policier, il m'a dit ça à peu près,

02:25devant l'hôtel de ville.

02:27Alors, c'était assez sympathique, c'était très mélangé,

02:31il y avait beaucoup de retraités, dont Jacqueline,

02:34à 78 ans, Jacqueline a été marrante parce qu'elle, elle est plutôt aisée,

02:38mais elle m'a dit, je n'ai jamais été aussi fière d'être une gueuille.

02:42En fait, comme souvent, c'est un peu le rassemblement

02:46des injustices et des colères, si vous voulez.

02:49Alors, il y en a un qui milite contre l'euthanasie,

02:51l'autre contre les vaccins pédiatriques,

02:53il y avait une dame qui distribuait

02:55des petits caligos un peu conspis sur le thème.

02:58Vous êtes l'anomalie dont le système a peur.

03:01En fait, c'est un cocktail qui rappelait un peu les gilets jaunes.

03:03Oui, le système, il faudra qu'on m'explique un jour ce qu'est le système.

03:06Mais enfin bon, ça...

03:08Attendez, attendez, attendez Jean François,

03:10parce que Elisabeth n'a pas fini sa chronique.

03:13Alors, laquelle de ces France a gagné ?

03:15Et bien, la cinquième.

03:17La cinquième.

03:19C'est-à-dire l'écrasante majorité

03:21qui a préféré profiter du soleil,

03:24celle qui ne s'intéresse plus à cette agitation.

03:27Et c'est le point commun entre trois blocs.

03:29Vous savez, ils n'ont pas fait des défilés,

03:31parce que probablement, ils sont incapables de le faire aujourd'hui.

03:34Des défilés, il faut beaucoup de monde, Jean François.

03:37Des défilés qui bougent, j'entends.

03:39Ils ont fait des meetings, en fait, des petits meetings.

03:42Et en fait, il n'y avait pratiquement que des militants.

03:46Et c'est peut-être ça qui est le plus grave, en fait.

03:48C'est qu'on voit une sorte de désaffiliation,

03:51d'indifférence à la chose publique,

03:53un repli un peu sur l'individu, le bonheur privé.

03:57Et avec cette question que tout le monde se pose,

04:00qu'est-ce que mon pays, qu'est-ce que les autres peuvent faire pour moi ?

04:03Pardon, j'ai du mal avec ma voix.

04:06Alors, en tout cas, c'est peut-être ça,

04:08cette difficulté avec le collectif

04:10qui est le vrai danger aujourd'hui pour la démocratie.

04:12Que ceux qui entendent des bruits de bottes se rassurent.

04:15Les peuples qui rêvent de retraite

04:17ne font pas la révolution, ni rouges, ni brunes.

04:20Jean-François.

04:21Oui, la cinquième France que vous décrivez, Myriam Lévy,

04:25on peut la chiffrer à près de 68 millions de personnes.

04:28Ça fait un grand groupe quand même.

04:29Oui, c'est ce que j'ai dit.

04:30C'est l'écrasant de majorité.

04:31Parce que nous sommes trop loin de l'élection présidentielle

04:34et très proches à la fois.

04:35Je crois que c'est Xavier Bertrand qui disait sur une chaîne hier,

04:37il a plutôt raison.

04:39Au fond, il reste quand même deux années devant nous.

04:42En deux ans.

04:43Quand on voit ce que M. Trump met en place au niveau monde,

04:47avec la crise qui se profile,

04:50qui est déjà en marche,

04:53la crise en question,

04:54il est peut-être temps pendant deux années

04:56d'essayer d'agir, d'infléchir la machine,

04:58de réformer un petit peu.

05:00Il y a encore de l'espace.

05:01On va encore attendre deux ans avec des pseudo-meetings

05:04et des postures barrages contre l'extrême droite.

05:07Ça ne veut plus rien dire.

05:08Les gens en ont marre.

05:09On ne va pas leur refaire le coup et de 2017 et de 2022.

05:13Ce qui va se dessiner là est assez profond.

05:17Et personne ne sait, c'est ce que j'ai dit ce matin,

05:20ce qui va se produire dans deux ans.

05:21Il me semble quand même qu'il y a un véritable problème.

05:23Pourquoi les gens ne s'intéressent pas à la politique ?

05:29Ce n'est pas seulement parce qu'on est loin de la présidentielle.

05:31C'est parce que...

05:32Excusez-moi, je peux finir ma phrase ?

05:34Parce qu'elle ne fabrique pas de légitimité.

05:38Elle ne fabrique plus de légitimité.

05:40Et c'est ça le rôle du système politique, Jean-François.

05:43C'est tout ce que je voulais vous objecter.

05:47Je trouve que tout à l'heure sur l'antenne de Sud Radio...

05:50Oui, parce qu'on parlait des difficultés des Français

05:52en termes de pouvoir d'achat.

05:54Un tiers des Français qui renoncent à s'acheter des produits d'hygiène.

05:59Donc si vous voulez, il y a beaucoup de grisailles dans la vie des Français.

06:03Il y a peu d'espoir, à mon avis, au bout de leur horizon.

06:06Et quand vous avez quelques rayons de soleil...

06:08Vous voyez, je transforme la grisaille en rayon de soleil.

06:10Vous préférez les rayons de soleil.

06:12Vous préférez passer un week-end, j'allais dire, tranquille.

06:15Maintenant, tout ce qu'a dit Elisabeth Sparta.

06:17C'est-à-dire que le RN, ce n'est pas un parti qui s'est mobilisé.

06:19C'est quand même un échec pour le rassemblement

06:21de la France Insoumise et des Verts à la République.

06:24Ils ont quelques milliers de personnes aussi.

06:26Tout ça n'a pas de sens.

06:27Quant à Gabriel Attal, moi je l'ai trouvé.

06:30Mais c'est très personnel.

06:32Je trouve que ce jeune homme ne cadre pas avec l'ambition qu'il affiche.

06:37C'est-à-dire qu'il a l'espèce d'ambition...

06:39Vous vous souvenez qu'il m'avait donné une interview au point...

06:40Une revendication de la crédibilité.

06:42Une interview au point, il y a 6 mois, où il avait dit

06:44j'ai rendez-vous avec l'histoire des Français.

06:46Attendez, M. Attal, vous avez été Premier ministre 6 mois

06:48et vous ne pensez pas que vous avez rendez-vous avec l'histoire des Français.

06:50Voilà.

06:51Donc, la grisaille dans la vie quotidienne des Français.

06:53La géopolitique qui pèse énormément sur leur morale.

06:56Énormément.

06:57Et il faisait beau, et il faisait beau hier, et il faisait beau hier.

07:00Ça va peser énormément, on ne se rend pas compte.

07:03Les gens se demandent ce que...

07:06Parce que les ZFE, on a oublié,

07:08ce n'est pas seulement qu'on empêche les pauvres d'entrer en ville.

07:11C'est que leur bagnole qui valait 5 000 euros, 10 000 euros peut-être,

07:14parfois, elle ne vaut plus rien.

07:16Ou leur camion, je ne sais pas quoi.

07:17Donc, juste une chose,

07:19c'est que moi j'ai vu beaucoup de gens qui disent

07:21c'est injuste, c'est dégueulasse,

07:23mais ils ne croient pas que ça puisse changer.

07:25L'effet gilet jaune, c'est que maintenant on a compris

07:28et quoi qu'on fasse, ça ne changera rien.

07:30C'est ça l'humeur aussi.

07:32Pour aller dans le sens direct.

07:34Et chacun se demande ce que sera demain

07:36l'investissement immobilier massif de toute une vie.

07:39Ce que les enfants vont connaître.

07:41Est-ce qu'il y aura une guerre, pas une guerre ?

07:42Ce sont des vraies questions.

07:43Je vous dis que les questions géopolitiques et économiques mondiales

07:46vont être essentielles et vont peser

07:48dans les mois qui viennent.

07:50Plus qu'on ne croit.

07:52Plus encore qu'on ne croit.

07:538h20 de Laurent Wauquiez.

07:54Tiens, je lui parlerai de cela, Laurent Wauquiez.

07:57Parce que lui, il prépare la présidentielle.

07:59Ne nous cachons pas les choses.

08:01Je vais lui parler de ça tout à l'heure.

08:03Il est 8h22.

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