En France, entre 7 et 8 millions de personnes sont concernées par l'aide alimentaire.
Qui sont ces Français qui font appel aux banques alimentaires ? Des bénéficiaires aux parcours souvent accidentés.
Qui peut faire plus ? L'État ? Les collectivités ? Les grandes enseignes ?
Comment freiner, endiguer ou même mettre un terme à cette précarité alimentaire en France ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
Qui sont ces Français qui font appel aux banques alimentaires ? Des bénéficiaires aux parcours souvent accidentés.
Qui peut faire plus ? L'État ? Les collectivités ? Les grandes enseignes ?
Comment freiner, endiguer ou même mettre un terme à cette précarité alimentaire en France ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
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00:00Le début de la fin, signé Katie Rios-Palma, un film très touchant qui met des visages et des histoires sur ces 7 à 8 millions de Français concernés par l'aide alimentaire.
00:13Comment freiner, comment endiguer ou même mettre un terme à cette précarité alimentaire en France ? On va se poser la question avec nos invités.
00:21Marie Doachliman, bienvenue, vous êtes sénatrice LR des Hauts-de-Seine, membre de la commission des affaires sociales, secrétaire de la délégation aux droits des femmes.
00:28En janvier dernier, vous avez déposé une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire.
00:34Vous étiez également la rapporteure LR au Sénat du texte sur la prolongation d'une dérogation qui permet d'utiliser les tickets restaurants pour acheter tous les produits alimentaires.
00:43Et je précise que vous organisez et que vous participez à des collectes alimentaires à Angers où vous êtes élue locale.
00:49Thierry Marx, bienvenue à vous également. Vous êtes grand chef étoilé, président de l'UMI, Union des métiers et des industries de l'hôtellerie.
00:56Vous êtes très engagé auprès de populations vulnérables et peu favorisées.
00:59Vous êtes intervenu par exemple en milieu carcéral, auprès des jeunes, dans les associations comme les Restos du Coeur.
01:04Vous avez publié chez Flammarion le livre rouge de Thierry Marx, un livre de recettes qui réussit à allier santé, pouvoir d'achat et environnement.
01:13Bénédicte Bonzy, bienvenue à vous également. Vous êtes docteure en anthropologie sociale, chercheuse associée au LAIOS,
01:20laboratoire d'anthropologie des institutions et des organisations sociales, spécialiste de la violence dans le système alimentaire
01:26et autrice de ce livre La France qui a faim, aux éditions du Seuil.
01:31Ourya Tareb, bienvenue à vous également. Engagée pendant plus de 20 ans au secours populaire de la Haute-Garonne,
01:37aujourd'hui secrétaire nationale en charge des questions de santé et plus généralement de la solidarité en France.
01:42Le secours populaire qui, je le précise, apporte une aide alimentaire à près de 1,8 million de personnes chaque année.
01:48Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici.
01:50Avant d'entamer une réflexion de fond, je voudrais peut-être vos réactions à ce film touchant et à ses parcours de vie accidentés
01:57qui peuvent mener un jour à faire appel à l'aide alimentaire. Dans ce film, un homme qui a fait une dépression, une maman solo, un couple au chômage.
02:06Ourya Tareb, est-ce que ce sont les profils types que l'on peut rencontrer quand on fait de l'aide alimentaire, quand on est dans cet univers ?
02:14C'est tout à fait le profil qu'on peut rencontrer dans nos permanences d'accueil.
02:18Aujourd'hui, c'est vraiment le public qui franchit, difficilement, mais qui franchit les portes des différentes associations.
02:25Il y a aussi les retraités, les étudiants. Ils ne sont pas vraiment présents dans ce film, mais eux aussi ils existent.
02:30Malheureusement, ils font partie de ce public.
02:32Les étudiants particulièrement, notamment depuis la crise Covid ?
02:36Je pense que la crise Covid a révélé cette précarité, mais elle existait déjà.
02:41Bénédicte Bonzy, ce sont des profils assez variés.
02:45On voit notamment une maman solo qui raconte son divorce, sa descente aux enfers, une sorte d'agoraphobie, quelque chose qui l'empêche d'avoir une vie normale.
02:54Ça fait partie de ces profils. C'est un peu Madame Tout-le-Monde, en fait.
02:57Je pense que c'est ça aussi qu'il faut avoir en tête.
03:00C'est que la pauvreté, elle a tout un tas de visages et qu'il faut absolument sortir de ces représentations qu'on a,
03:07où on essentialise et on va fixer notre attention sur un type de pauvreté, un type de personne,
03:14alors qu'en réalité, on ne reconnaît pas une personne qui recourt à l'aide alimentaire dans la rue la plupart du temps.
03:22Il faut avoir en tête que ces accidents de la vie, ces accidents de parcours, ils sont de plus en plus possibles.
03:30Le filet de sécurité, il est détendu et les gens passent à travers les mailles.
03:35Ce documentaire révèle la force incroyable de résistance des personnes qui passent à travers les mailles,
03:42parce que souvent, on a l'impression qu'il s'agirait de traverser la rue pour que la situation change.
03:48En réalité, pour rester droit dans ce genre de situation, il faut une énergie incroyable.
03:53Et ça, en fait, on l'ignore.
03:56Je crois que ce documentaire montre la force qu'il faut pour ne pas complètement chuter.
04:02Et la dignité, Thierry Marx, c'est aussi ce que vous a inspiré ce film.
04:05Ça veut dire que ça peut être vous, ça peut être moi demain.
04:08Ils sont en fait issus d'un accident de parcours.
04:10Bien sûr, c'est la fragilité de cette société, la misère qui s'est durement installée,
04:16qui amène tout le monde en fragilité et en même temps, des modèles économiques
04:20qui, depuis 40 ans, durcissent cette fracture sociale.
04:24Donc, tout le monde est sur le fil, finalement, de tomber du bon ou du mauvais côté de la barrière.
04:30Et puis, aider les personnes, c'est sur du long terme.
04:33Bien sûr, il y a l'aide alimentaire, mais aussi ramener des personnes,
04:37les aider à revenir dans un projet pour retrouver ce que vous évoquez, la verticalité,
04:41pour pouvoir affronter la vie avec toute sa difficulté.
04:45L'aide alimentaire est une absolue nécessité aujourd'hui.
04:48Mais travaillons sur le fond pour éviter que cette fracture sociale continue à s'amplifier.
04:53Et à se creuser.
04:54Évidemment, on viendra aux questions des solutions dans un deuxième temps dans ce débat.
04:57Marie Doach-Lieman, en plus d'être sénatrice, vous êtes aussi active sur le terrain.
05:02Vous observez ce type de profil qu'on a pu voir dans le film.
05:04Vous vous êtes reconnue dans les personnes que vous voyez aussi au quotidien ?
05:08Oui, absolument.
05:09De plus en plus de nos concitoyens sont touchés par cette précarité grandissante
05:14qui a accru son poids depuis la crise Covid.
05:19Et moi, je le vois dans ma ville, mais c'est le cas dans toutes les villes.
05:22C'est le cas sur tout le territoire.
05:24C'est le cas aussi en Outre-mer.
05:25Je veux avoir une pensée pour les ultramarins.
05:28Il y a deux semaines au Sénat, nous avons voté un texte pour lutter contre la vie chère.
05:32Et je pense que c'est important parce que la vie est encore plus chère en Outre-mer.
05:37Qui concerne la Martinique.
05:39La Martinique, mais aussi la Guadeloupe.
05:41Principalement la Martinique, mais aussi la Guadeloupe.
05:43Mais pour revenir à la France hexagonale, c'est vrai que cette précarité touche toutes les villes.
05:49Elle touche les quartiers.
05:51Et moi, je le vois dans mon exercice quotidien.
05:53De plus en plus d'habitants viennent vers nous et nous demandent du soutien.
05:57C'est le travail des collectivités locales et on le fait aussi avec les associations.
06:00Oui, bien sûr.
06:01Il y a un passage dans le film qui a pu peut-être faire réagir,
06:04même parfois négativement, nos téléspectateurs.
06:07Et je voudrais qu'on y revienne juste quelques instants.
06:09C'est ce couple au chômage et cette femme qui nous explique
06:11comment ils en sont arrivés à faire appel à l'aide alimentaire.
06:15On est dans un passage un peu charnière où moi, j'ai arrêté de travailler pour me lancer dans la musique.
06:22Malik, mon mari, il a arrêté aussi de travailler depuis une semaine
06:28pour se lancer dans son entreprise de menuiserie.
06:31Du coup, c'est un petit peu compliqué financièrement.
06:35J'ai l'impression que ça l'aurait été quand même si on travaillait encore.
06:39Parce qu'avec la récession et la montée des prix, j'ai l'impression que personne ne s'en sort du tout.
06:48Ourya Tareb, je voudrais revenir sur cet extrait
06:50parce que voilà une femme qui a décidé de se lancer dans la musique,
06:53de s'offrir une nouvelle carrière.
06:55Pareil pour son mari qui a décidé de lancer son entreprise.
06:58Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui on est dans une situation
07:01qui fait qu'on ne peut plus s'octroyer de postes professionnels ?
07:04C'est compliqué déjà pour les personnes qui travaillent,
07:07qui ont un travail, une activité.
07:10Et c'est vrai que pour ceux qui ont envie de se lancer,
07:13d'aller vers un chemin qui peut les amener vers une vie meilleure,
07:16c'est encore plus difficile.
07:18Mais vous comprenez que peut-être des gens se sont dit,
07:20en regardant ce film et en écoutant cette femme,
07:22oui bon, évidemment, elle fait appel à l'aide alimentaire,
07:25mais c'est aussi parce qu'elle a arrêté de travailler qu'elle aille travailler.
07:27Voilà ce que, un peu vulgairement, certains ont pu se dire.
07:29Vous l'entendez ça, Thierry Marx ?
07:31Je l'entends et en même temps,
07:33constatons que le travail et la rémunération par le travail
07:37a de plus en plus de mal à émanciper les personnes,
07:40à faire des économies, à pouvoir placer de l'argent.
07:43Donc quand vous regardez le niveau de seuil de pauvreté
07:46qui doit être à 1200 euros et le niveau d'un SMIC déchargé
07:51qui est à 1400, voyez cette fragilité, elle est absolue.
07:55Quand je parle de travail sur le fond,
07:58il y a aussi un sujet là-dessus, sur le coût du travail,
08:00l'évolution du travail, et de voir dans cette société
08:03une misère qui est devenue un cancer,
08:06un multifacette, mais un cancer de nos sociétés.
08:10Donc il y a un vrai travail sur le fond à faire avec les élus,
08:13avec le monde de l'entreprise, avec les associations,
08:16pour pouvoir trouver des solutions sur le durable.
08:18Tenter quelque chose, est-ce que c'est encore possible, Bénédicte Banzy ?
08:21Il faudrait, là en fait, ce que nous révèle aussi cette scène,
08:25c'est que l'aide alimentaire est devenue le moyen de s'alimenter
08:28de millions de personnes, et c'est sorti de sa vocation première
08:33qui était simplement de répondre à une urgence, un accident de la vie.
08:37Et du coup, se dire que quand on est un jeune couple avec deux enfants
08:41et qu'on a besoin parfois de changer de voie professionnelle
08:46pour tout un tas de raisons qui appartiennent à l'individu,
08:49que ça ne devient pas possible, c'est une interrogation de fond
08:52sur comment ça se fait, en fait, que dans ce moment-là,
08:56on n'est pas construit, on ne propose pas un modèle de société
09:00qui rende possible le fait de changer de travail,
09:04parce que la formation est également un travail.
09:06Et du coup, là aussi, ça pose les questions de ces transitions
09:10et de comment on considère, dans le parcours d'une vie,
09:13l'évolution des personnes.
09:15Elle vous a un peu interpellée, cette scène, Marie Doachlim ?
09:17Je dirais même qu'il y a une évolution.
09:19On constate qu'il y a de plus en plus de travailleurs pauvres.
09:22Initialement, il n'y a pas si longtemps,
09:25la précarité alimentaire et la précarité tout court
09:28pouvaient être liées à l'inactivité professionnelle.
09:30Maintenant, il y a une décorrélation entre l'activité professionnelle
09:33ou l'inactivité professionnelle et la précarité,
09:36puisque les travailleurs pauvres travaillent quotidiennement,
09:39et on le voit avec cette aide soignante, qui est remarquable de courage,
09:43et on la voit, évidemment, dans le documentaire,
09:46qui réussit à s'acheter sa voiture pour aller travailler tous les jours,
09:50et à la fin, qui envisage son départ du dispositif.
09:53Donc, beaucoup de travailleurs pauvres ne peuvent pas s'alimenter,
09:56s'alimenter correctement, faire vivre leur famille correctement.
09:59Des jeunes, également.
10:01Donc, ça veut dire que la précarité investit totalement la société,
10:05et que ce filet de sécurité qui constitue le travail
10:09n'est plus un filet de sécurité.
10:11Ce qui est intéressant de remarquer sur ce propos,
10:14c'est que sur cette fracture sociale,
10:17c'est créer une alimentation à deux vitesses,
10:21qui ont besoin de l'aide alimentaire,
10:23et l'aide alimentaire est quelque chose de bienveillant,
10:26qui répondait à une urgence,
10:28mais qui devient maintenant une béquille
10:30beaucoup plus existentielle dans le temps,
10:33amène des personnes à mal se nourrir.
10:36Donc, une aide alimentaire qui fournit une alimentation,
10:39mais qui ne fournit pas un équilibre alimentaire.
10:42Et on voit augmenter, sur cette fracture sociale
10:45et cette alimentation à deux vitesses,
10:48des pathologies liées à un mode de nutrition qui n'est pas la bonne.
10:52Les médecins nous alertent là-dessus en disant
10:55« diabète de type 2 qui explose,
10:57le marqueur de la précarité, l'obésité, etc. »
11:01Tout ça, c'est un peu la double peine.
11:04Donc, encore une fois, je rabâche un petit peu,
11:07mais il faut travailler sur le fond,
11:09et ces témoignages sont poignants.
11:11Un mot de ce chiffre, dans le film,
11:13on parle de 8 millions de personnes
11:15qui dépendent de l'aide alimentaire.
11:17Est-ce que ces chiffres sont sous-évalués, sous-estimés ?
11:20Parce qu'il y en a tout un tas qui n'osent pas franchir le pas,
11:23justement par honte.
11:24En tout cas, ils ne sont pas précis,
11:26et on a des fourchettes qui sont énormes.
11:28C'est-à-dire que, là, vous nous donnez ce chiffre de 8 millions,
11:31mais on fait notre émission,
11:33on va nous parler de 4 à 5 millions.
11:35En réalité, on ne sait pas tellement chiffrer les gens aujourd'hui en France,
11:39et ça, ça doit nous mettre aussi en alerte
11:42sur pourquoi on n'arrive pas à chiffrer les personnes
11:46et à comprendre exactement qui a recours à l'aide alimentaire.
11:49Moi, je me dis qu'en gros,
11:51on sait combien de personnes vivent sous le seuil de pauvreté,
11:55aujourd'hui, en France,
11:56et qu'on peut comprendre, à partir du moment où on vit sous ce seuil-là,
12:00à quel point l'alimentation est devenue une variable d'ajustement,
12:03et ça va être compliqué pour les personnes.
12:05Donc, ce chiffre, en fait,
12:07de nombre de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté
12:10et de capacité des structures d'aide alimentaire
12:12à fournir de la nourriture,
12:14nous met en alerte aussi sur une deuxième grosse problématique,
12:18c'est qu'on a à peu près la moitié des personnes
12:20qui pourraient être concernées par un besoin d'aide
12:23ou qui ne parviennent pas à acheter suffisamment de nourriture par mois
12:28qui n'ont pas de possibilité de faire de recours.
12:31Et c'est pour ça aussi qu'on a des bénévoles épuisés, sous tension.
12:35C'est extrêmement difficile
12:36pour les différentes structures d'aide alimentaire
12:38parce qu'on a une file d'attente énorme.
12:40C'est-à-dire que le non-recours à l'aide alimentaire
12:43est conséquent.
12:44C'est à peu près...
12:45Moi, je dirais que si on a 4 à 5 millions de personnes
12:48qui peuvent bénéficier de l'aide alimentaire,
12:50si on peut parler de bénéfice,
12:52en tout cas qui ont recours à l'aide alimentaire,
12:54il y en a à peu près autant
12:56qui ne parviennent pas à recourir à aucun des dispositifs
12:59parce qu'aujourd'hui, et ça aussi, c'est alarmant,
13:02on demande aux bénévoles qui agissent avec leur cœur,
13:05qui viennent pour dire oui,
13:07de trier des pauvres parmi les pauvres.
13:10Oui, c'est vrai que c'est ce qui est difficile sur le terrain
13:13parce qu'on ne peut pas le faire.
13:15En tout cas, nous, on se refuse de le faire.
13:18Oui, mais quand vous n'avez plus de produits à distribuer,
13:21comment vous faites ?
13:22On cherche des solutions,
13:24mais en tout cas, on ne peut pas laisser les personnes sans rien.
13:27Et puis, je pense que ce qui est compliqué aussi,
13:29c'est toutes ces personnes qui se retrouvent en difficulté
13:32et qui ne vont pas faire la démarche
13:36de franchir ou d'aller à la rencontre
13:38d'une association ou autre,
13:40parce qu'elles travaillent et qu'elles considèrent
13:43que d'autres ont besoin.
13:45Elles ne sont pas légitimes pour aller chercher une aide alimentaire
13:49parce qu'elles ont vraiment honte de faire la démarche.
13:53Et on voit la culpabilité de cette gérante de l'épicerie aussi
13:56quand elle comprend que quand elle est en vacances,
13:58quand elle ferme l'épicerie, en fait,
14:00ils ne mangent pas ou ils loupent des repas,
14:02ils ne mangent pas à leur faim en tout cas.
14:04Dans ce film, on découvre aussi les coulisses
14:06et notamment les difficultés d'approvisionnement,
14:08le combat presque quotidien pour obtenir des produits,
14:12et puis des produits variés, comme vous le disiez,
14:14des produits de qualité.
14:15C'est un défi de tous les jours, écoutez.
14:18L'approvisionnement, à l'heure d'aujourd'hui,
14:20c'est devenu un challenge de toutes les semaines, en fait.
14:23Parce que du coup, effectivement,
14:26donc nous on dépend de la banque alimentaire
14:28et donc ça se répercute.
14:30La banque alimentaire a de moins en moins de dons,
14:34donc forcément, nous l'épicerie
14:36qui s'approvisionnons à la banque alimentaire,
14:38on en a de moins en moins.
14:40Et ça, ça se ressent.
14:43Alors là, on met le doigt sur quelque chose,
14:45effectivement, que peut-être les téléspectateurs ignorent.
14:47Il y a un manque de dons du côté des banques alimentaires.
14:50D'où vient le problème, Marie-Edouard Schliemann ?
14:54Effectivement, les associations qui effectuent la ramasse,
14:58comme on en parle,
15:00nous font remonter un manque de dons.
15:02Alors moi, j'observe, puisque je participe,
15:04vous l'avez dit, à des collectes alimentaires chaque année,
15:07la collecte pour les banques alimentaires
15:09et la collecte pour les restos du cœur.
15:11Et donc, moi, j'observe la grande générosité
15:13de nos concitoyens,
15:15qui sont toujours le cœur sur la main
15:17et qui donnent tout ce qu'ils peuvent.
15:18Oui, qui achètent des produits, comme on le voit dans cette scène.
15:20Absolument, et c'est absolument touchant.
15:22Mais en même temps, face à l'augmentation de la précarité,
15:25je crois que les besoins sont encore plus importants.
15:27Et donc, il y a un gap entre ce qu'on collecte
15:30et ce dont on a besoin pour redistribuer, d'une part.
15:34Et puis, je pense qu'il y a eu un effet rebond
15:37avec un certain nombre de lois qui ont permis
15:39de faciliter le don alimentaire vers l'aide alimentaire.
15:43Mais tout ça commence à s'épuiser.
15:45Donc, il faut trouver peut-être d'autres solutions.
15:47Oui, et puis, je crois que la difficulté,
15:49c'est d'avoir mis en place une loi anti-gaspi
15:52pour lutter contre la précarité.
15:54Ça ne va pas ensemble.
15:56Donc, on doit, d'abord, quand on parle
15:59de comment on peut lutter contre la précarité,
16:02ce n'est pas en mettant en place une loi anti-gaspi,
16:04parce qu'on ne peut pas donner aux pauvres
16:07les restes, entre guillemets.
16:09Alors ça, c'est intéressant, c'est-à-dire les restes.
16:11Pourquoi ? Parce qu'en fait, ils ne sont pas forcément là.
16:13Ce sont des invendus, c'est ça ?
16:15Des invendus, des invendus, des invendus.
16:17Donc, ce qu'on récupère souvent, c'est les produits qui restent
16:21après qu'ils aient été mis en rayon,
16:24la lutte anti-gaspi.
16:27C'est-à-dire qu'on va vraiment donner ce qui reste.
16:30C'est-à-dire ce qui est périmé ?
16:32Ce qui est très qualité manipulée,
16:34je ne sais combien de fois,
16:36et qui n'est pas forcément bon à distribuer.
16:39En tout cas, pour les bénévoles, c'est très compliqué
16:41de distribuer des produits qui ne sont pas forcément
16:43de très bonne qualité.
16:44D'accord, ça, c'est une info du terrain
16:46qu'on n'a pas forcément, Marie Douach-Lemaire.
16:47Ça, c'est un sujet.
16:48Moi, je crois que, pour nuancer
16:50le propos qui vient d'être formulé,
16:52je pense qu'il ne faut pas opposer
16:55très directement l'aide alimentaire
16:57avec le gaspillage alimentaire.
16:58Moi, je mets en priorité l'aide alimentaire.
17:01Et je me dis que tout ce qui peut concourir
17:03à renforcer et soutenir l'aide alimentaire,
17:05c'est de bon augure.
17:06On a des objectifs pour lutter
17:07contre le gaspillage alimentaire.
17:09Ce que Madame soulève,
17:11c'est l'idée de la qualité du don.
17:13Et je pense que ça, c'est fondamental.
17:15C'est pour cela que le législateur
17:17doit prendre des dispositions
17:19pour que le don soit contrôlé,
17:21pas à la charge des associations,
17:23mais à la charge des distributeurs
17:26ou des commerces de proximité.
17:28Conscient de ce qu'il donne.
17:29Pour que ce don soit de qualité
17:31et qu'on offre aux bénéficiaires
17:34des produits de qualité non périmés,
17:36vérifiés, contrôlés.
17:38Je crois que ça, c'est fondamental.
17:40Mais c'est très encadré, j'imagine,
17:41non, Bénédicte ?
17:42On le comprend très vite, en fait.
17:44Si on base une partie
17:46de nos approvisionnements
17:47sur ce que d'autres ne veulent pas,
17:49sur la ramasse,
17:50on ne va pas pouvoir garantir le choix
17:52parce que ça va être ce qu'il reste.
17:54Moi, j'ai attaqué mon terrain de recherche
17:57en 2016, au début de la mise en place
17:59de la loi Garot.
18:00Au début, on peut dire
18:02que les associations étaient plutôt
18:04enthousiastes à cette idée
18:06de se dire, on va avoir plus
18:08et ça va coûter moins.
18:09Naïvement, moi, je vous amenais vers ça.
18:11C'était le lien que je faisais.
18:12Et ce qu'on se disait aussi,
18:14c'est que, par ailleurs,
18:15il y avait déjà des pratiques
18:17de ramasse et de récupération
18:19qui se faisaient en bonne entente
18:21sur les territoires,
18:22avec des magasins qui étaient volontaires.
18:24Cette loi, elle est venue
18:26appuyer et insister sur un phénomène
18:28un peu scandaleux,
18:29c'est-à-dire que, des magasins,
18:31j'avais lisé des produits
18:33pour ne pas qu'ils soient récupérés.
18:35Donc, il fallait faire quelque chose,
18:37en effet, par rapport à ça.
18:38Et donc, les encourager à donner.
18:40Le truc, c'est que,
18:41pour encourager à donner,
18:42qu'est-ce qu'on met en place
18:43de la défiscalisation ?
18:45Moi, très bêtement,
18:46en tant qu'anthropologue,
18:47si je connais la contrepartie
18:49avant de donner,
18:50je suis sortie du don.
18:52Je suis dans un marché.
18:53Et pour le coup,
18:54c'est ce qu'on a vu se mettre en place,
18:56une forme de marché immoral de la faim.
18:58La loi Garrault,
18:59elle n'a pas que permis
19:00d'intensifier les ramasses
19:02pour les structures
19:03de l'aide alimentaire.
19:04Elle a aussi autorisé les magasins
19:06à vendre à perte.
19:07Donc, eux, ils ont vendu
19:09et ils ont créé
19:10ces fameux rayons d'estockage
19:12où on a les produits à 50 %.
19:14Et là, sont arrivés dans les Rolls,
19:16des structures de l'aide alimentaire,
19:18non plus les mêmes produits qu'avant,
19:20mais les invendables.
19:21Plus du tout les invendus.
19:22C'est l'effet pervers.
19:23Avec des dates extrêmement limites.
19:25Alors, évidemment que c'est encadré,
19:27sauf que pour avoir participé
19:29à pas mal de tris,
19:30en fait, les bénévoles
19:31se retrouvent à tout prendre.
19:33Les produits, ils sont flashés
19:35pour être défiscalisés.
19:37Et eux, ils n'ont pas le choix
19:38parce que leur convention de dons,
19:40autre chose qui vient nous dire
19:41qu'on est vraiment sortis du don,
19:42parce que dans le don,
19:43il n'y a pas de contrat.
19:44Dans ces conventions de dons,
19:46ils sont obligés de tout récupérer
19:48et la concurrence s'est intensifiée.
19:50C'est-à-dire qu'on a mis en concurrence
19:52les structures de l'aide alimentaire entre elles
19:54parce qu'il y avait cette fameuse convention assignée.
19:57En fin de compte,
19:58ce que j'ai aussi observé
19:59sur ces dernières années,
20:00c'est qu'avant 2016,
20:02souvent, les ramasses étaient des plus.
20:04C'est-à-dire qu'on avait,
20:05grâce aux autres formes d'approvisionnement,
20:07les collectes, les achats propres
20:09et le Fonds de solidarité européen,
20:12suffisamment pour donner
20:14un panier à peu près correct.
20:16Sauf que ça, on l'a plus
20:18et que du coup, la ramasse,
20:19elle doit peser
20:20et qu'on a eu moins au niveau de la ramasse.
20:23Donc finalement,
20:24pour les structures d'aide alimentaire,
20:26c'est une pression énorme
20:28et une incertitude énorme.
20:30Et c'est là qu'on voit aussi
20:31la violence s'intensifier.
20:33C'est-à-dire que,
20:35pour les bénévoles,
20:36ne pas avoir assez à manger,
20:37c'est le risque d'une explosion
20:39de cette tension qu'ils contiennent
20:41en permanence.
20:42J'allais même vous demander
20:43du côté des restaurateurs.
20:44Est-ce qu'on lutte contre le gaspillage ?
20:45Les restaurateurs,
20:46c'est assez marginal
20:47de ce qu'ils peuvent redonner.
20:49Ils le font bien généreusement.
20:52Ce sont des professions assez généreuses
20:54et les boulangers, c'est la même chose.
20:56Ils ont essayé de rentrer dans des modèles.
20:58Je reviens sur la banque alimentaire
21:00pour la visiter chaque année
21:02et de regarder un peu les produits.
21:04On a parlé de valeur nutritionnelle tout à l'heure.
21:06Bien sûr.
21:07Il y a un intérêt à travailler
21:08sur la valeur sociale.
21:09Il me semblerait utile
21:10qu'on regarde un petit peu
21:11comment on peut donner
21:12un pouvoir économique,
21:13donc un pouvoir d'achat
21:15à cette banque alimentaire
21:16pour acheter,
21:17dans de meilleures conditions,
21:18les produits.
21:19Plutôt que d'avoir à utiliser
21:20que des invendus
21:23ou des produits
21:24qui sont à la limite
21:25de la date de péremption.
21:26Plutôt que de subir.
21:27Plutôt que de subir.
21:28De commencer un travail,
21:29de pouvoir récupérer
21:32une forme d'argent,
21:35de biens,
21:36de besoins numéraires,
21:38pour pouvoir acheter
21:40dans de bonnes conditions.
21:41Un, ça améliorerait,
21:42à mon avis,
21:43la valeur nutritionnelle
21:44des produits.
21:45Deux,
21:46il y a quelque chose
21:47qu'on oublie d'évoquer,
21:48c'est que, par exemple,
21:49le produit frais.
21:50On a absolument besoin
21:51que les personnes
21:52qui sont en précarité alimentaire
21:53puissent manger du légume frais,
21:55le travailler.
21:56Sauf que,
21:57sur cette précarité alimentaire,
21:58s'est ajoutée
21:59la précarité énergétique.
22:00C'est-à-dire que,
22:01quand je vais dans des foyers
22:02qui sont en rupture de banc,
22:04en demande d'aide,
22:06eh bien,
22:07je m'aperçois que,
22:08dans le foyer,
22:09au mieux,
22:10il reste une cafetière,
22:11un bouilloir
22:12et un four à micro-ondes.
22:13Donc, il faut aussi
22:14travailler sur la précarité.
22:16En fait,
22:17quand je parlais de double peine,
22:18c'est double peine,
22:19triple peine.
22:20La personne
22:21qu'on a évoquée,
22:22le travailleur pauvre,
22:23eh bien,
22:24c'est à lui
22:25qu'on va retirer des points
22:26quand il se déplace
22:27et il ne pourra pas
22:28repasser son permis.
22:29L'assurance de la voiture
22:30devient un problème.
22:32Tout ça s'enchaîne.
22:34Donc, encore une fois,
22:35je le redis,
22:36c'est sur le fond
22:37de nos sociétés
22:38qu'il faut travailler
22:39pour réduire absolument
22:41cette fracture sociale.
22:42Et j'en reviens
22:43à ce que vous disiez
22:44fort justement.
22:45J'étais dans une file d'attente
22:46Avenue Philippe Auguste
22:47il y a quelques jours
22:48et dès qu'il manque,
22:49on sent la tension
22:51et la violence
22:52de gens qui sont à la rue
22:53pour certains,
22:54de se dire,
22:55je vais aller
22:56le prendre à l'autre.
22:57Donc, ça devient
22:58des tensions.
22:59Et un pays
23:00qui n'est pas capable
23:01ou une nation
23:02qui n'est pas capable
23:03d'endiguer ça,
23:04il faut quand même
23:05s'interroger parce que
23:06ce n'est pas simplement
23:07au niveau de la France
23:08et de se faire une autoflagellation
23:09au niveau de la France.
23:10C'est planétaire aujourd'hui.
23:11Alors, on n'avait pas
23:12l'habitude de ça
23:13en 40 ans,
23:14de voir pendant 40 ans
23:15les choses se dégrader
23:16quand on regarde
23:17le score populaire
23:18et puis après,
23:19plus récemment,
23:20mais encore,
23:21après 30 ans,
23:22les restos du cœur et autres.
23:23On se dit,
23:24mais quand je pense
23:25à la parole de Coluche
23:26qui disait,
23:27c'est provisoire.
23:28C'est provisoire
23:29et on le fait
23:30et on se marre
23:31et on rigole
23:32et on aide des gens
23:33et puis on fait le chèque
23:34et c'est fini.
23:35Mais tout ça,
23:36c'est amplifié
23:37et aujourd'hui,
23:38des personnes comptent
23:39dans leur parcours de vie
23:40une partie
23:41qui sera
23:42d'utiliser l'aide alimentaire
23:43entre 5 et 10 ans.
23:44C'est ça, la réalité.
23:45Marie Doechliman,
23:46vous aussi,
23:47vous avez eu une action
23:48au niveau des cantines scolaires.
23:49Vous avez essayé aussi
23:50de faire en sorte
23:51que tout ce qui est
23:52potentiellement gaspillé
23:53aille directement
23:54à l'aide alimentaire.
23:55Mais alors,
23:56pendant tout ça,
23:57on se demande
23:58si finalement,
23:59on les reste.
24:00Alors,
24:01ce que nous avons essayé
24:02de faire à Angers,
24:03effectivement,
24:04c'était de se dire
24:05qu'à la fin de la journée,
24:06après les services,
24:07la société qui gère
24:08les restaurations scolaires
24:09se retrouvait avec des repas
24:10qui étaient utilisables
24:11et au lieu
24:12de les jeter,
24:13c'était des repas
24:14de bonne qualité,
24:15proposer aux familles
24:16en difficulté,
24:17en grande précarité,
24:18de les récupérer
24:19pour proposer
24:20aux enfants le soir
24:21un repas
24:22de bonne qualité
24:23et en même temps,
24:24pour proposer
24:25aux enfants le soir
24:26un repas équilibré,
24:27c'était une bonne chose
24:28parce que
24:29je considère
24:30qu'on ne peut pas
24:31tolérer
24:32de vivre
24:33dans une société
24:34où nous avons
24:358 millions
24:36de nos concitoyens
24:37qui sont
24:38précaires
24:39sur le plan alimentaire,
24:40voire le double
24:41parce qu'il y a
24:42ce taux de non-recours
24:43qui existe
24:44et en même temps,
24:45des gens qui se jettent.
24:46Vraiment.
24:47Il y a un paradoxe,
24:48bien sûr.
24:49Et je pense
24:50qu'il faut combattre
24:51le gaspillage alimentaire.
24:52Peut-être que les voies
24:53qui ont été choisies
24:54jusque-là
24:55ne sont pas suffisantes.
24:56Peut-être qu'il faut
24:57réguler davantage
24:58les dispositifs
24:59qui existent.
25:00Mais en tout cas,
25:01il ne faut pas jeter
25:02quand des personnes
25:03n'ont pas à manger.
25:04Aurélia Tareb,
25:05pardon pour cette question
25:06peut-être un peu triviale
25:07mais est-ce que
25:08tout est bon à prendre ?
25:09Quand on est sur le terrain,
25:10est-ce que finalement
25:11on est prêt à accepter
25:12oui,
25:13peut-être ce qui reste
25:14des cantines,
25:15ce qui reste des supermarchés,
25:16ce qui reste des restaurants
25:17ou non,
25:18il y a une vraie attente
25:19d'un traitement du problème ?
25:20Je pense qu'il faut
25:21le traiter à la source,
25:22faire en sorte
25:23que les personnes,
25:24elles aient vraiment
25:25un salaire décent,
25:26qu'elles puissent
25:27se nourrir elles-mêmes,
25:28qu'elles puissent
25:29regagner son pouvoir d'agir
25:30parce que notre lutte
25:31au quotidien,
25:32c'est ça,
25:33c'est permettre aux personnes
25:34qu'elles puissent reprendre
25:35sa vie en main.
25:36Et pour qu'elles puissent
25:37le reprendre en main,
25:38il faut qu'elles soient
25:39autonomes
25:40et qu'elles soient fières
25:41de gagner son salaire,
25:42de pouvoir nourrir ses enfants
25:43etc.
25:44On le retrouve beaucoup
25:45dans ce reportage.
25:46Et vous faites ma transition
25:47avec ce troisième extrait
25:48que je voulais vous montrer
25:49effectivement.
25:50Comment faire mieux ?
25:51Et surtout,
25:52lorsqu'on voit à quel point
25:53ce coup de pouce
25:54de l'aide alimentaire
25:55peut relancer quelqu'un
25:56sur la vie professionnelle ?
25:57Écoutez.
25:58Si je n'avais pas eu
25:59cette épicerie,
26:00ça ne m'aurait pas permis
26:01de mettre 100 euros par mois
26:03de côté pour m'acheter ma voiture
26:05parce que ma voiture,
26:06j'ai payé 600.
26:07Ça m'a permis, moi,
26:08de reprendre le travail
26:10petit à petit.
26:13Donc l'État,
26:14tout le monde a tout intérêt
26:15à ce que ça marche,
26:16Bénédicte Bonzi.
26:17Oui, tout à fait.
26:19Je vais revenir là-dessus,
26:21mais je voulais aussi rappeler
26:23que si on veut réduire
26:24le gaspillage,
26:25et notamment le gaspillage alimentaire,
26:26il faut fermer le robinet.
26:28Et en fin de compte,
26:29ce qu'on a proposé
26:31en termes de réusage
26:33de tout un tas de produits
26:35pour les structures
26:36de l'aide alimentaire,
26:38ne permet à aucun cas
26:39d'envisager de fermer le robinet.
26:41Donc on crée
26:42un marché immoral de la faim,
26:43mais du coup,
26:44on ne réduit pas en haut.
26:45Au contraire,
26:46on encourage.
26:47Il n'y a plus de limite.
26:49Et en fait,
26:50le système alimentaire
26:51va mal d'un bout à l'autre
26:52de la chaîne.
26:53C'est-à-dire qu'on a ceux
26:54qui produisent
26:55qui ne parviennent pas à en vivre,
26:56et on a ceux
26:57qui devraient manger
26:58qui ne parviennent plus
26:59à être satisfaits
27:00de leur alimentation.
27:0170% des personnes
27:03qui sont insatisfaites
27:04de leur alimentation.
27:05Donc il y a tout à repenser.
27:07Et à ce titre-là,
27:09ce qui, moi,
27:10me semble important
27:11d'avoir en tête,
27:12c'est que les pauvres
27:13sont utilisés
27:14comme variable d'ajustement
27:15de ce système
27:16qui surproduit.
27:17Pour produire assez,
27:18il faut produire trop.
27:20On a plongé
27:21notre agriculture
27:22dans ce modèle intensif
27:24qui fait des ravages,
27:25des ravages au niveau
27:26environnemental,
27:27des ravages au niveau
27:28de la santé,
27:29et qui ne nourrit pas.
27:30Et du coup,
27:31ces alertes-là,
27:32finalement,
27:33l'aide alimentaire,
27:34elle nous montre
27:35ce que ça fait.
27:36Et l'importance
27:38d'une personne
27:39qui va en effet
27:40pouvoir s'en sortir
27:41et qui nous montre
27:42que l'aide alimentaire
27:43l'aide,
27:44elle nous montre surtout
27:45que ce coup de pouce,
27:46il pourrait être donné
27:47à un autre moment.
27:50Et ces structures
27:51d'aide alimentaire
27:52se servent de l'alimentation
27:53comme moyen
27:54de faire société,
27:56de faire autre chose.
27:57Et ça,
27:58c'est l'incroyable travail
27:59des bénévoles,
28:00des structures
28:01comme une épicerie,
28:02etc.
28:03Mais, en tout cas,
28:04il ne faut pas
28:05qu'on en oublie
28:06le problème de fond
28:08qui est le fait
28:09de devoir repenser
28:10notre système alimentaire.
28:13Non mais,
28:14alors là,
28:15je bois les paroles
28:16parce qu'on a créé
28:17dans les années 60
28:18cette théorie du low cost,
28:20du tout pas cher.
28:21Vous renoncez à la qualité,
28:22on fera des petits prix.
28:24Donc on a laissé croire
28:25à des gens
28:26qui gagnaient peu,
28:27finalement,
28:28qu'ils avaient du pouvoir d'achat.
28:29Avec une agriculture
28:30en surabondance
28:32qui produisait
28:33trop largement.
28:35Donc on a oxydé
28:36notre agriculture.
28:37L'agriculteur ne se paye pas
28:38aujourd'hui ou pas bien.
28:39On a oxydé notre industrie,
28:41on a oxydé notre artisanat.
28:43Et aujourd'hui,
28:44le constat,
28:45il est là,
28:46sur cette théorie du low cost.
28:47Donc on fait peser aujourd'hui
28:48sur l'alimentation,
28:50cette variable d'ajustement
28:51du pouvoir d'achat.
28:52C'est scandaleux.
28:53Il faut redonner
28:54du pouvoir d'achat
28:55sans s'appuyer
28:56sur l'alimentation
28:57pour que les personnes
28:58soient mieux nourries.
29:00Et ça, c'est un sujet
29:01effectivement de fond.
29:03Tant qu'on laisse
29:04cette variable d'ajustement
29:05sur on va faire du pas cher,
29:07on va aider les pauvres,
29:08et puis comme ça,
29:09ça n'explose pas,
29:10on est tranquille,
29:11ça ne fonctionnera plus.
29:13Ça ne fonctionnera plus.
29:14Donc quand on voit
29:15ce que fait,
29:16je prends un label
29:17que je connais bien,
29:18que je défends depuis
29:19de nombreuses années,
29:20Bleu Blanc Coeur,
29:21on s'est posé la question
29:22de mieux nourrir.
29:23Bon pour tous.
29:24Bon pour tous,
29:25c'est mesurer l'impact social
29:26de l'alimentation,
29:27comment elle paye
29:28l'agriculteur,
29:29mais comment elle nourrit
29:30cette société,
29:31mesurer son impact
29:32environnemental,
29:33pour avoir une agriculture
29:34qui soit saine,
29:35et puis son impact
29:36nutritionnel.
29:37Et à la sortie du COVID,
29:38finalement,
29:39l'OMS nous a dit
29:40« Ah oui,
29:41c'est vous qui avez raison,
29:42ça c'est la bonne agriculture.
29:43Bon pour tous. »
29:44Mais ça coûte quand même
29:45un peu plus cher.
29:46Donc encore une fois,
29:47c'est sur nos modèles économiques,
29:48qu'il faut redonner
29:49du pouvoir d'achat
29:51aux plus fragiles.
29:52C'est ça qui est important.
29:53On peut,
29:54là on le voit
29:55dans cet extrait,
29:56quelqu'un qui se remet
29:57en verticalité,
29:58en achetant une voiture
29:59à 600 euros,
30:01ça va durer combien de temps ?
30:03Donc avec toutes les problématiques
30:04qui vont arriver avec.
30:05Donc cette fragilité absolue,
30:07de ces gens
30:08qui finissent par vivre
30:09dans une angoisse
30:10du travailleur pauvre,
30:11et avec ce sentiment
30:12de déclassement,
30:13de ne jamais arriver à rien,
30:15et de ne pas retrouver
30:16leur verticalité
30:17et leurs envies,
30:18leurs rêves
30:19de maison,
30:20d'appartement.
30:21C'est plus possible
30:22qu'une société
30:23accepte ça
30:24parce que c'est inflammable.
30:25On arrive à la fin
30:26de cet échange
30:27et j'ai une dernière question
30:28qui est liée
30:29à une mesure
30:30qui a été proposée
30:31et qui n'a pas pu vous échapper,
30:32c'est cette idée
30:33de carte vitale alimentaire,
30:34150 euros,
30:35par mois,
30:36crédité sur une carte
30:37accessible à tous.
30:38C'est une idée
30:39de Charles Fournier,
30:40député donc à l'origine
30:41de ce texte.
30:42L'idée est de construire
30:43une sécurité sociale
30:44de l'alimentation.
30:45Aurélia Tareb,
30:46vous qui êtes sur le terrain,
30:47par exemple,
30:48est-ce que c'est une mesure
30:49qui pourrait aider ou pas ?
30:50Moi je pense
30:51qu'il ne faut pas,
30:52c'est vrai qu'il ne faut pas
30:53opposer les choses.
30:54Tout ce qu'on peut mettre
30:55en place
30:56pour lutter
30:57contre la précarité
30:58et redonner aux personnes
30:59le pouvoir d'agir,
31:00moi je suis toujours favorable.
31:03Après,
31:05dans la sécurité sociale
31:06de l'alimentation,
31:08c'est redonner la place
31:09du citoyen
31:10pour qu'il puisse
31:13prendre part
31:16à ce sujet
31:17qu'est l'alimentation.
31:18Pourquoi pas ?
31:21Aujourd'hui, nous,
31:22Association,
31:23on gère l'urgence.
31:25Notre problématique
31:26aujourd'hui,
31:27c'est comment répondre
31:28à ces besoins urgents.
31:29Donc on est vraiment
31:30sur cette question-là.
31:31Puisque l'urgence,
31:32aujourd'hui,
31:33elle n'est censée
31:34ne pas durer.
31:35C'est une urgence.
31:36Sauf qu'aujourd'hui,
31:37elle dure
31:38et qu'on cherche
31:39des moyens
31:40pour mieux accompagner
31:41le public
31:42dans l'objectif
31:43vraiment qu'il puisse
31:44regagner son pouvoir d'agir.
31:45C'est vraiment
31:46notre mission,
31:47en tout cas,
31:48nous, principale.
31:50Parce qu'on sait bien
31:51que cette question alimentaire,
31:52c'est un droit.
31:53On ne devrait même pas...
31:56C'est difficile
31:57de voir des personnes
31:58comme ça
31:59qui luttent au quotidien
32:00pour pouvoir nourrir
32:01sa famille.
32:02Et manger.
32:03Une sécurité sociale
32:04de l'alimentation,
32:05Bénédicte Bansi ?
32:06Oui, alors,
32:07c'est un projet
32:08qui ne vient pas
32:09du député Charles Fournier,
32:10mais qui vient du terrain.
32:11C'est important de le dire.
32:12En tout cas,
32:13c'est une idée
32:14qui propose
32:15de sortir une partie
32:16de l'alimentation du marché
32:17en s'adossant
32:18à un système
32:19qui a fonctionné,
32:20la sécurité sociale,
32:21et qui prévoit
32:22d'en étendre
32:23les couvertures
32:24pour se prémunir
32:25de ce risque alimentaire.
32:26Donc, doter
32:27de 150 euros
32:28par mois
32:29chaque habitant social
32:30chaque habitant français,
32:31c'est une étape,
32:32et notamment
32:33de le faire
32:34dans le respect
32:35des conditions
32:36en fait
32:37de la démocratie alimentaire,
32:38c'est-à-dire
32:39en permettant
32:40aux personnes
32:41qui se retrouvent
32:42pour conventionner
32:43eux-mêmes le produit
32:44qu'ils cotisent,
32:45donc aussi
32:46remettre au goût du jour
32:47le fait d'avoir
32:48une part de salaire
32:49socialisée
32:50pour transformer
32:51le système alimentaire,
32:52pour venir
32:53transformer
32:54notre paysage nourricier,
32:55c'est-à-dire
32:56qu'aujourd'hui,
32:57on a difficilement
32:58480 millions
32:59de paysans
33:00pour que toute la France
33:01puisse se nourrir
33:02correctement
33:03avec des produits locaux
33:04de qualité,
33:05il faut en installer
33:061 500 000.
33:07Et donc,
33:08il faut vraiment
33:09un projet systémique
33:10qui puisse répondre
33:11à la fois
33:12à l'urgence
33:13de notre autonomie
33:14et de notre souveraineté
33:15alimentaire,
33:16et de l'autre côté
33:17au fait
33:18de pouvoir se mettre
33:19à table
33:20avec plaisir
33:21et sur une table
33:22pensée pour être
33:23une table commune,
33:24non pas
33:25une alimentation
33:26marqueuse de classe.
33:28L'urgence,
33:29elle est là,
33:30c'est vrai.
33:31Maintenant,
33:32je siège
33:33à la commission
33:34des affaires sociales
33:35du Sénat
33:36et je ne peux pas
33:37ne pas penser
33:38que nous n'avons pas
33:39les moyens nécessairement.
33:40Nous avons un déficit
33:41des comptes sociaux
33:42absolument abyssal
33:43et donc,
33:44moi,
33:45je serais tentée de dire
33:46plutôt que d'ouvrir
33:47un nouveau risque
33:48que nous ne savons pas
33:49à l'instant T
33:50financer,
33:51peut-être
33:52en taxant davantage
33:53les produits
33:54qui ont un index
33:55nutritionnel mauvais
33:56ce serait peut-être
33:57une solution
33:58mais certains nous disent
33:59que ce serait pénaliser
34:00des personnes
34:01qui n'ont pas le choix
34:02dans l'action
34:03d'acheter
34:04certains produits.
34:05J'ai envie de dire,
34:06moi,
34:07je serais plutôt dans l'idée
34:08de revoir le système,
34:09de permettre
34:10aux agriculteurs
34:11de mieux produire
34:12et de mieux vivre
34:13de leur activité,
34:14de restaurer
34:15le pouvoir d'achat
34:16des Français
34:17et de leur permettre
34:18de s'alimenter correctement
34:19comme le propose
34:20cette épicerie solidaire
34:21qui est finalement,
34:22pour moi,
34:23une solution
34:24qui est
34:26le modèle
34:27parce que
34:28la personne
34:29qui fréquente
34:30l'épicerie solidaire
34:31elle a sa dignité
34:32d'acheter,
34:33d'acheter à petit prix
34:34mais elle ne fait pas
34:35l'aumône
34:36même si
34:37dans un moment difficile
34:38de la vie
34:39ce n'est pas indigne
34:40de pouvoir
34:41demander
34:42de l'aide
34:43mais elle achète
34:44et pour moi
34:45c'est quelque chose
34:46de plus.
34:47Une conclusion.
34:48Deux mots,
34:49moi je reviens
34:50sur la commensualité,
34:51l'idée de partager
34:52un repas ensemble
34:53socialement
34:54c'est très important
34:55dans une société
34:56qui se fracture
34:57de plus en plus
34:58quand elle se retrouve
34:59pour manger
35:00et il faut défendre cela
35:01mais effectivement
35:02je reviens
35:03sur ce qui a été dit
35:04sur ces
35:05épiceries solidaires
35:06mais je vous donne
35:07une anecdote
35:08qu'on aurait pu retrouver
35:09dans le reportage
35:10je visite
35:11une épicerie solidaire
35:12avec
35:13le responsable
35:14des Restos du Coeur
35:15à une époque
35:16et je vois
35:17une dame
35:18avec un porte-bébé
35:19et le responsable
35:20de l'épicerie solidaire
35:21lui-même
35:22le responsable
35:23de l'épicerie solidaire
35:24lui dit
35:25mais vous avez trouvé
35:26ce que vous vouliez ?
35:27Oui je connais l'endroit
35:28je venais avec ma maman
35:29trois générations.
35:30Donc le combat
35:31c'est maintenant
35:32et ce n'est plus
35:33le combat de l'urgence
35:34parce que l'urgence
35:35on y est
35:36donc il faut
35:37travailler sur
35:38nos modèles de société
35:39pour déverrouiller
35:40tout ça.
35:41Et on s'arrêtera
35:42là-dessus.
35:43Merci.
35:44Merci beaucoup
35:45à tous les quatre
35:46d'avoir participé
35:47à cet échange.
35:48Merci à vous
35:49de nous avoir suivis
35:50comme chaque semaine
35:52A très vite.
35:53Merci beaucoup.