Le burn-out frappe des centaines de milliers de salariés en France et se répand comme une épidémie. Un des premiers facteurs invoqués par les spécialistes est la pratique managériale, de plus en plus brutale et manipulatrice : 60 % des salariés estiment que leur manager est une source de stress pour eux. Dans son ouvrage "Le temps des pervers - Burn-out, l'épidémie du siècle", Paul-Antoine Martin, ingénieur de formation, témoigne de l’effondrement terrible que représente le burn-out. Il dénonce les dérives totalitaires en cours dans le monde du travail ainsi que l’hypocrisie générale qui y règne, faisant le constat que la société promeut des dirigeants brutaux, pervers et sans affects. L’auteur raconte enfin comment, grâce à l’amour de sa femme, il s’est peu à peu relevé, libre et plus fort, malgré les souffrances et l’acharnement de son ex- employeur. Ce témoignage est un formidable message d’espérance pour les innombrables victimes de burn-out.
Tags : paul-antoine martin, burn-out, pervers, épidémie, maladie, psychologie, stress, machine, obsolescence, valeurs, normes, consommation, entreprise, république, totalitarisme, manager, management, travail, insécurité, emploi, énergie, émotions, symptômes, confiance, suicide, dépression, harcèlement, manipulation, macron,
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00:00Bonjour à tous, le temps des pervers, burn-out, l'épidémie du siècle, c'est l'ouvrage de notre invité Paul-Antoine Martin, bonjour.
00:16Bonjour.
00:17Paul-Antoine Martin, vous êtes ingénieur de formation issu de l'école centrale Supélec, vous avez occupé des postes de cadre dirigeant,
00:25fréquenté des capitaines d'industrie, des politiques et des hauts fonctionnaires, et donc votre ouvrage s'intitule
00:32Le temps des pervers, burn-out, l'épidémie du siècle, vous étiez d'ailleurs déjà venu nous voir pour ce roman,
00:41Le clan des seigneurs, immersion dans la caste d'État, sur le burn-out, Paul-Antoine Martin, est-ce qu'il existe une définition officielle de ce terme ?
00:54Alors, le mot burn-out, c'est un mot générique, qui nous vient des États-Unis, qui dit déjà de lui-même que c'est une calcination,
01:06une énorme brûlure intérieure. La définition médicale, le terme technique médical, c'est dépression d'épuisement.
01:18C'est une forme de dépression.
01:20Alors, tous les psychiatres ne sont pas d'accord sur le fait que c'est une dépression, mais la majorité le pense.
01:27Donc, c'est classé comme dépression d'épuisement, parce que le symptôme majeur du burn-out, post-burn-out, c'est l'épuisement.
01:39Alors après, il y a des degrés divers, dépression d'épuisement jusqu'à dépression d'épuisement sévère, majeure.
01:46Donc, dans mon cas, moi ce que j'ai fait, c'est une dépression d'épuisement majeure.
01:50Donc, vous vous réveillez un matin, et je dis bien vous vous réveillez un matin, c'est une bascule en fait.
01:58La nuit, vous avez passé la nuit, vous n'avez pas souffert, et puis vous vous réveillez le matin, vous n'avez plus une once d'énergie,
02:07vous pouvez à peine lever le doigt. C'est le seul effort que vous pouvez faire. Plus d'effort psychique, plus d'effort physique, plus rien.
02:15Vous êtes enfermé dans votre corps et vous ne pouvez plus rien faire.
02:19Est-ce qu'on peut parler de maladie ?
02:22Alors, aujourd'hui, on parle de syndrome. On parle du syndrome d'épuisement professionnel, parce que le burn-out est allié avec le travail.
02:34C'est vraiment professionnel, le syndrome d'épuisement professionnel.
02:40Beaucoup parlent de maladie, mais ce n'est pas défini comme une maladie au corps aujourd'hui.
02:44Ça montre bien à quel point le burn-out est mal caractérisé, et donc il a une...
02:51C'est aussi une des raisons, on en parlera peut-être, qu'il n'est aujourd'hui pas reconnu comme maladie professionnelle, et c'est un scandale.
02:58Comment vous l'expliquez ça justement ? Qu'il soit aussi mal identifié, mal reconnu ?
03:03Alors, il est mal reconnu pour différentes raisons. La première, on va dire, c'est que c'est psychologique.
03:12C'est une... Imaginez la foudre qui rentre de la maison.
03:19Elle rentre par la fenêtre, elle calcine tout à l'intérieur, elle ressort par une autre fenêtre.
03:25Les murs sont intacts. À l'intérieur, vous êtes brûlé.
03:29Il ne reste plus rien de ce que vous êtes à l'intérieur, mais extérieurement, vous avez l'air très bien.
03:34Mais ça fait longtemps qu'on peut observer ce phénomène. Ce n'est pas nouveau, ça ?
03:38Ce n'est pas nouveau.
03:39Donc les psychologues n'ont pas eu le temps de faire le travail de définition, d'observation ?
03:44C'est insuffisamment caractérisé aujourd'hui, ce qui fait que même les médecins,
03:49quand ils reçoivent une personne qui est fatiguée, qui a besoin de s'arrêter pendant 15 jours, vous voyez,
03:56et à qui ils donnent un arrêt de travail de 15 jours, ils peuvent mettre sur son...
04:03comme diagnostic, burn-out.
04:05Or, ce n'est pas du tout un burn-out. Un burn-out, c'est infiniment plus grave que ça.
04:09Ce n'est pas une période de fatigue. Dans le burn-out, c'est un effondrement cognitif, physique, psychique.
04:19Vous vous effondrez. Il n'y a plus rien.
04:22Voilà, il n'y a vraiment plus rien. Il n'y a plus du tout d'énergie.
04:26Moi, l'ayant vécu, mais dans ma chaire au plus profond, et ayant vécu tous les désagréments,
04:31et continuant de les vivre, parce que je ne sais pas si on en sort, vous voyez.
04:36Je ne sais pas si on en sort.
04:37Ça dure. C'est brutal. C'est une bascule.
04:40Et on subit les séquelles pendant des années. Moi, ça fait 5 ans.
04:45Et aujourd'hui, j'ai un manque d'énergie considérable, vous voyez.
04:51On fait l'entretien. Ça va durer un peu plus de 20 minutes.
04:55Je vais en ressortir. Je vais être lessivé. J'ai un dixième de l'énergie que j'avais avant.
04:59Donc, je peux faire très peu de choses.
05:03Je vis comme si j'étais un peu dans une cellule monastique, vous voyez.
05:08On ne peut plus partir en voyage. On ne peut plus aller aux concerts, au théâtre, au cinéma.
05:14Le bruit est épuisant.
05:17Donc, c'est un effondrement.
05:22Et il y a un manque de caractérisation.
05:25Et la médecine a du mal à mettre une frontière très claire
05:31sur qu'est-ce qui est du burn-out et qu'est-ce qui n'en est pas, vous voyez.
05:34Donc, ce qui fait que, ça c'est la deuxième raison,
05:37les organisations professionnelles patronales vont être vent debout
05:43contre une reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle
05:47parce que derrière, ce sont des dizaines de milliards d'euros
05:50qui pourraient venir être...
05:52– Alors, justement, ça va être l'objet des prochaines questions.
05:55Mais les victimes de ce burn-out sont chaque année plus nombreuses
06:00et plus gravement atteintes. Alors, comment on peut l'expliquer, ça ?
06:04– Aujourd'hui, on estime...
06:07Alors, les chiffres, le nombre de burn-out en France
06:10sont de la même façon extrêmement disparate
06:13parce qu'on a du mal à caractériser.
06:16Les organismes d'État disent 30 000 par an.
06:20Et puis, dans la presse, vous trouvez jusqu'à 2,5 millions
06:25de personnes atteintes de burn-out par an en France.
06:29Donc, je crois que c'est plusieurs centaines de milliers.
06:33Plusieurs centaines de milliers.
06:37– Vous parlez de l'homme comme un paramètre à optimiser parmi d'autres,
06:42de l'homme devenu obsolète face à la machine,
06:45de cette exigence de dépassement, la perte de sens et des valeurs.
06:50– Voilà. Alors, pour répondre à votre question, effectivement,
06:52qu'est-ce qui fait qu'il y a de plus en plus de burn-out ?
06:55On est dans une société qui apporte de moins en moins de sens,
06:58voire plus du tout, plus de sens spirituel,
07:04moralement, c'est un effondrement généralisé.
07:08– Oui, la religion, c'est l'argent pour la consommation, maintenant.
07:12– Oui, c'est ça la croyance. La croyance, c'est ça.
07:15Et puis, au niveau du travail, si le travail n'apporte pas de sens,
07:19les individus qui, eux, cherchent du sens,
07:23les individus qui sont honnêtes, intègres,
07:25qui veulent réaliser leurs objectifs,
07:29se retrouvent enfermés dans des systèmes économiques pervers,
07:32financiarisés, le plus souvent parce que la société,
07:38finalement, promeut des pervers,
07:40promeut de plus en plus les pervers,
07:42parce qu'ils sont les plus adaptés à un monde de plus en plus violent.
07:46Et, effectivement, on en connaît tous, au plus haut niveau.
07:50Et donc, vous vous retrouvez soit en relation directe
07:54avec ce type de psychologie, soit ce type de psychologie
07:58induit une organisation perverse et des méthodes perverses.
08:01Et vous vous retrouvez là-dedans.
08:03Si vous, vous êtes, et ma définition du burn-out, moi, je dirais,
08:07après l'avoir vécu vraiment très intensément,
08:11le burn-out s'attaque aux personnes chez qui il y a quelque chose à casser.
08:15Le burn-out, c'est, ça casse, en fait, l'individu.
08:18Ça cherche à casser l'individu.
08:20– Vous dites, il y a un siècle, le travail broyait des corps,
08:23aujourd'hui, il broie des âmes.
08:25– Il broie des âmes. Et il broie des âmes qui sont intègres,
08:29qui cherchent l'honnêteté, qui cherchent à bien faire pour le collectif.
08:35– Oui, maintenant, il faut être un winner.
08:37– Et quand elles ne trouvent pas ça, et qu'en plus,
08:39elles subissent du harcèlement, vous voyez,
08:41eh bien, elles éclatent, elles s'effondrent.
08:44C'est ça, le burn-out, aujourd'hui, dans le travail.
08:46Et c'est parce que le travail est le plus exposé à cet état de fait
08:51que c'est dans le travail que l'on rencontre le burn-out.
08:54– Vous dites que l'entreprise a tout pour devenir totalitaire.
08:57– Oui, et on le voit de plus en plus, et je décris dans mon livre,
09:01parce que je me suis rendu compte que c'est systémique, en fait.
09:06Le problème, aujourd'hui, il est systémique.
09:08Il a complètement intégré le monde professionnel.
09:14Les entreprises, aujourd'hui, ont tout pour devenir totalitaire.
09:17Pourquoi ? Parce que, dans un premier temps, déjà, et ça, c'est un fait,
09:21l'entreprise, le travail, même la fonction publique,
09:24est une enclave, finalement, dans la République.
09:26Ce n'est pas un lieu où les droits élémentaires du citoyen sont respectés.
09:31La liberté d'expression n'existe pas.
09:33Alors, on va me dire, effectivement, on ne peut pas dire n'importe quoi
09:36dans une entreprise, bien sûr, mais c'est un fait.
09:39La liberté d'expression n'existe pas.
09:41La liberté de mouvement, non plus, n'existe pas.
09:43Donc, il y a déjà ce terreau-là.
09:49Ensuite, les entreprises développent des communications
09:53qui ne sont plus de l'information, qui sont de la pure propagande.
09:57De la pure propagande qui vient raconter tout et n'importe quoi
10:02et qui, bien sûr, montre les entreprises sous un aspect absolument magnifique,
10:06merveilleux, avec une inclusivité parfaite.
10:10Et chaque salarié y est heureux.
10:12D'ailleurs, on a un baby-foot en commun.
10:14On a ceci, on a cela, vous voyez.
10:16Donc, ça, c'est très à la mode.
10:18Mais le sens, il est où ?
10:20Et le respect des individus, il est où ?
10:23Le respect de la dignité de l'individu,
10:25c'est ça qui, aujourd'hui, se perd de plus en plus dans les entreprises,
10:29quand la dignité de l'homme n'est plus respectée.
10:32Et aujourd'hui, ce que je dis, effectivement, dans ce livre,
10:35c'est que l'homme est devenu inconsommable.
10:38Vous ne faites plus l'affaire, vous êtes viré,
10:40ou vous êtes même cramé par un burn-out.
10:42On va en trouver un autre sur l'étagère.
10:44On va demander à un type qui a tel CV, tel caractère, etc.
10:48– Ça s'appelle le libéralisme, non ?
10:50– C'est un système, effectivement.
10:52Donc, on trouve le substitut sur l'étagère du supermarché,
10:58pôle emploi ou cabinet de recrutement.
11:02On est reparti avec un nouvel individu.
11:04Et on cherche des individus qui sont normés.
11:08Donc, ceux qui vont être un peu différents,
11:10ceux qui ne sont pas exactement dans le moule de la…
11:15Comment dire ?
11:16– Du système.
11:17– Du système, mais qui va être capable d'absorber les mensonges,
11:20la manipulation, qui va adhérer à la propagande, etc.
11:24Eh bien, si on n'est pas comme ça, on est en risque de burn-out
11:28si, à un moment donné, on rencontre le harcèlement.
11:30Parce que là, il y a quelque chose à casser en nous.
11:33Et ce que je dis, à un moment donné, dans mon livre,
11:36c'est qu'a-t-on déjà vu un homme politique de carrière faire un burn-out ?
11:43Eh bien, non. Pourquoi ?
11:45Alors que ces gens-là sont sous des injonctions contradictoires permanentes.
11:49Ils sont, a priori, sous un stress permanent.
11:52Ils ont des difficultés de gestion, etc.
11:55Je parle bien d'hommes politiques de carrière.
11:57Après, il y a des hommes politiques qui vont durer moins parce qu'ils y croient.
12:01Mais les hommes politiques de carrière, eux, ils ne font jamais de burn-out.
12:04Parce qu'ils sont totalement plastiques.
12:06Ils n'ont pas de colonne vertébrale.
12:08Et on réussit si on n'a pas de colonne vertébrale, justement.
12:11Voilà. Ces gens-là ne risquent pas le burn-out.
12:13Et en entreprise, si vous êtes capable de compromissions,
12:17si vous êtes capable de manipulations, de mensonges,
12:20de cette souplesse que l'on recherche dans le management en entreprise,
12:26si vous êtes comme ça, vous ne risquez rien.
12:28Et si vous n'êtes pas comme ça, vous êtes en risque.
12:31Est-ce qu'il y a des professions ou des secteurs
12:33qui mènent plus facilement au burn-out que d'autres ?
12:36Alors, c'est transversal.
12:38Ça touche toutes les professions.
12:41Sauf les hommes politiques, bien sûr.
12:43Et puis, on va dire les hauts fonctionnaires.
12:45Je connais un peu le sujet.
12:46– La caste des seigneurs.
12:47– Je connais un peu le sujet.
12:48Ils n'ont pas de burn-out non plus.
12:51Mais des professions extrêmement en risque, ce sont les agriculteurs.
12:5525% des agriculteurs sont touchés par le burn-out.
13:00Pourquoi ? Parce qu'ils sont…
13:01– Au suicide de paysans un jour sur deux.
13:04– Voilà. Ils sont sous l'injonction permanente.
13:06Produire plus, avec moins de pesticides,
13:10moins de ceci, moins de cela,
13:12tout en ayant des rendements de plus en plus importants.
13:15– Sans prendre de vacances.
13:16– Sans prendre de vacances.
13:17– Enfin, pour les éleveurs en tout cas.
13:18– En touchant quasiment rien, une misère.
13:21Et en étant en permanence suivis par des organismes d'État
13:26qui sont au dieu avec eux.
13:29Et en plus, pointés du doigt comme étant les criminels de notre époque.
13:33Donc, eux, ils explosent, effectivement.
13:36Vous avez beaucoup de cadres.
13:38Beaucoup de cadres sont l'objet du burn-out.
13:44Et parmi les cadres, beaucoup de RH.
13:47Parce que les RH sont, entre guillemets, entre le marteau et l'enclume,
13:50à appliquer des…
13:52– Assumer, oui.
13:53– Assumer des politiques extrêmement dures de gestion humaine,
13:59impulsées par des dirigeants qui, eux, s'en lavent les mains.
14:02– Oui, il faut être un tueur quoi qu'il arrive.
14:04– Il faut être un tueur.
14:05Donc, et ils transmettent des consignes de tueurs
14:08à des gens qui ne sont pas là pour ça.
14:11Et ceux-là sont obligés de les appliquer.
14:13Sinon, s'ils ne tuent pas, c'est…
14:15– C'est eux qui sont tués.
14:16– C'est eux qui sont tués.
14:17Donc, voilà, une autre profession.
14:19Vous avez d'autres professions comme les enseignants, les policiers.
14:24Et vous voyez, le livre est à peine sorti
14:26que j'ai déjà des témoignages de policiers, d'enseignants
14:30qui me disent à quel point ils souffrent dans leur métier
14:32et à quel point ils ont déjà vécu des burn-out,
14:34alors probablement à des degrés moindres,
14:37parce qu'ils peuvent retravailler.
14:39Mais il y a des professions qui sont extrêmement tendues et violentées.
14:46Beaucoup de gens sont intimement violentés dans leur travail.
14:50– Les causes du burn-out, est-ce qu'on peut essayer de les cerner ?
14:54– Alors pour moi, c'est une conjonction entre un stress…
15:00Le burn-out, c'est un stress intense.
15:03C'est un stress tellement puissant en vous
15:06qu'à un moment donné, le cerveau qui doit gérer ce stress-là
15:11n'y arrive plus et se met en secours, on va dire.
15:17Il se débranche.
15:18– C'est un dédoublement de la personnalité, en fait ?
15:20– Alors, il y a dédoublement à un moment donné.
15:22Il y a dissociation au niveau des émotions.
15:24Il y a vraiment dissociation au niveau des émotions.
15:27– C'est un traumatisme qui débouche sur une dissociation.
15:31– Je me réveille et je me vois dans cet état.
15:34Je n'ai aucune émotion et je me vois dans un état de quasi-mort.
15:38Et je me vois en train d'analyser cliniquement dans quel état je suis.
15:43Donc il y avait cette dissociation émotionnelle
15:45parce que vous n'avez plus d'émotion.
15:47Vous n'avez même plus la force d'avoir une émotion.
15:49Vous n'avez même plus cette force-là.
15:54Donc le stress intense fait que le cerveau déconnecte et il implose.
15:59– Mais ce stress, il est lié au management ?
16:04Il a été pensé, ce management, pour arriver à ça ?
16:08– Alors, certains, comme on dirait, effectivement,
16:11emploient quasiment des méthodes.
16:12C'est pour ça que je dis que c'est systémique.
16:14Et j'ai voulu montrer dans ce livre à quel point
16:17celui qui m'a causé ça a avancé de façon méthodique,
16:23méticuleusement, vous voyez.
16:25Et quand j'en ai parlé très rapidement à mon avocate,
16:29immédiatement, elle a compris.
16:30Elle m'a dit, c'est ton DG qui est derrière tout ça,
16:32il est en train de faire ceci, il est en train de faire cela,
16:34il va faire ça, et à la fin, tu vas vivre ça.
16:38Et c'est exactement ce qui s'est passé.
16:41Et elle me disait, mais aujourd'hui, c'est la mode.
16:43C'est comme ça que ça fonctionne.
16:45Donc c'est glaçant, c'est absolument glaçant.
16:48Pour se débarrasser d'un cadre, effectivement,
16:51on fonctionne comme ça, et de la sorte,
16:56on essaie de le pousser à la démission,
16:58quitte à le pousser au suicide.
17:00Et c'est assumé comme ça.
17:02Vous voyez, ça s'appelle le suicide forcé.
17:04Vous poussez la personne à l'extrémité,
17:07c'est-à-dire que vous la rendez tellement,
17:11vous la détruisez tellement par un harcèlement,
17:14des injonctions contradictoires.
17:16– Et ces méthodes, on les apprend où, en fait ?
17:19C'est instinctif ?
17:21Il faut être un tueur pour l'avoir en soi,
17:24ou ça s'apprend ?
17:26Il y a un manuel pour devenir un manager toxique ?
17:31– Il y en a qui sont fascinés par ça.
17:34Et c'est pour ça que j'appelle ça le temps des pervers.
17:36Parce que quand on est un pervers, on aime faire du mal,
17:40on aime détruire l'autre,
17:42et on y va progressivement, méticuleusement.
17:45C'est pour ça que j'ai voulu vraiment décrire ça,
17:47la méthode du pervers, et je pense que
17:49beaucoup de personnes se reconnaîtront,
17:51ou reconnaîtront autour d'eux,
17:53des individus qui fonctionnent comme ça.
17:55Et c'est ça que j'ai voulu montrer,
17:57et les retours que j'ai aujourd'hui
17:59m'ont montré que ça fonctionne,
18:01parce que j'ai beaucoup de commentaires
18:03qui me disent que c'est exactement ça que j'ai vécu.
18:05– Et comment on reconnaît un pervers ?
18:09– C'est difficile, on le reconnaît souvent
18:11quand on est détruit, après.
18:13C'est ça qui est terrible.
18:15Alors, on va le reconnaître par des méthodes
18:17de mensonge, de manipulation,
18:19et par une… ce sont des gens en général…
18:21– De déni. – De déni.
18:23Ils n'assument rien, ce sont des gens
18:25qui n'assument strictement rien,
18:27qui font assumer aux autres leur propre
18:29turpitude et leur faute,
18:31et souvent ce sont des gens très sociaux,
18:33très agréables.
18:35Alors vous avez tout un panel de gens
18:37qui vont les trouver absolument agréables,
18:39et puis eux auront choisi une ou deux cibles,
18:41et sur ces une ou deux cibles,
18:43ils mettront toute leur perversité.
18:47C'est glaçant, c'est absolument glaçant,
18:49et notre société promeut ça.
18:51Voilà, c'est pour ça que je dis
18:53à un moment donné que la vie
18:55dans nos entreprises et dans la fonction publique
18:57va faire qu'année après année,
18:59on va rencontrer ce genre
19:01de destruction de salariés
19:03de plus en plus souvent.
19:05– Comment est-ce qu'on peut savoir
19:07qu'on est en burn-out ?
19:09C'est quoi les symptômes ?
19:11– Alors le burn-out,
19:13c'est la bascule.
19:15Comme je le raconte,
19:17la veille, j'étais à peu près bien.
19:19Bien.
19:21J'avais
19:23la pleine possession
19:25de mes moyens, on va dire.
19:27Bien, c'est autre chose.
19:29Je vais le dire pourquoi.
19:31Mais il se passe la nuit, et pendant la nuit,
19:33il y a eu une explosion, une implosion,
19:35et le lendemain, je suis détruit littéralement.
19:37Donc c'est une bascule, le burn-out.
19:39Et après, vous vivez avec les séquelles.
19:41Avec le trauma, parce que vous avez vraiment
19:43parlé de trauma, et je vais y revenir,
19:45parce que c'est vraiment fondamental, ça aussi.
19:47Mais avant, vous avez vécu une période
19:49de stress, parce que ces pervers-là,
19:51ou le système pervers vous a montés en stress.
19:53Ça monte, ça monte,
19:55ça monte, ça monte,
19:57et puis vous subissez aussi du harcèlement.
19:59Vous subissez des attitudes harcélatoires,
20:01des attitudes paradoxales.
20:03Par exemple, une attitude paradoxale
20:05hyper classique, je vais vous dire
20:07quelque chose d'extrêmement agréable
20:09avec le sourire, et je vous poignarde dans le dos.
20:11Et vous répétez ça des dizaines de fois.
20:13Et à un moment donné, vous devenez fou,
20:15parce que vous essayez de comprendre ce qui se passe,
20:17vous essayez de vous accrocher
20:19rationnellement à ce que vous vivez,
20:21et c'est incompréhensible,
20:23parce que c'est paradoxal.
20:25Mais le pervers la construit
20:27comme ça, de sorte
20:29à ce que vous n'y puissiez rien comprendre,
20:31et à ce que vous épuisiez
20:33à n'y rien comprendre,
20:35et vous effondrez au final.
20:37Donc c'est la conjonction d'un stress violent
20:39et puis de harcèlement.
20:41Et là, c'est vraiment
20:43le risque majeur.
20:45Quand vous voyez venir effectivement
20:47la dépression,
20:49moi la dépression est venue progressivement,
20:51je me suis vu couler petit à petit.
20:53Mais je n'y croyais pas,
20:55parce que je suis plus fort que ça,
20:57je vais y arriver.
20:59Vous voyez, on a une idée
21:01de ses propres forces
21:03bien supérieures à ce qu'elles sont en réel.
21:05Et donc, c'est ça
21:07le vrai piège.
21:09Il faut savoir s'arrêter à temps.
21:11Il faut savoir aller voir un médecin
21:13et lui dire, voilà, je suis dans telle situation,
21:15et le médecin comprendra.
21:17Dans la majorité du temps, il comprendra.
21:19Il faut s'arrêter. Il faut sortir.
21:21Il faut vraiment s'extraire
21:23de l'endroit toxique.
21:25Sinon, vous tombez.
21:27Alors, je parlais
21:29de trauma, c'est vraiment fondamental.
21:31Et pour que les
21:33téléspectateurs comprennent bien
21:35le niveau, la puissance
21:37du trauma
21:39que cause ce genre de situation,
21:41l'immense stress
21:43causé par un pervers
21:45qui a une attitude harcélatoire,
21:47eh bien,
21:49aujourd'hui, la science
21:51sait comparer le niveau de trauma
21:53qui en résulte
21:55avec ce qu'a pu vivre
21:57une victime de crash aérien
21:59ou un prisonnier de guerre
22:01dans des camps politiques.
22:03Vous voyez, on en est là.
22:05C'est-à-dire qu'au travail,
22:07on peut vivre ça.
22:09Ça devient fou.
22:11Ça devient complètement fou.
22:13Ça veut dire que notre société,
22:15elle est malade aujourd'hui,
22:17elle accepte ça, elle couvre ça.
22:19Parce que celui qui m'a fait ça,
22:21j'ai...
22:23– Vous me dites, il est couvert par le système.
22:25– Il est totalement couvert.
22:27Un réseau franc-maçonnique
22:29totalement couvert par le système
22:31avec que des ingénieurs
22:33du corps des ponts
22:35dans le ministère des transports
22:37qui le couvrent à tous les niveaux
22:39jusqu'au ministre.
22:41Et le type, il a une promo.
22:43Et aujourd'hui, il est considéré
22:45comme manager exemplaire.
22:47Là, c'est la sublime perversion.
22:49Le pervers considéré
22:51comme manager exemplaire
22:53par le système,
22:55par l'artificiel décerné par la FNOR,
22:57qui est la RSE,
22:59la responsabilité sociétale des entreprises,
23:01qui, elle, est là justement
23:03pour essayer d'identifier
23:05les gens les plus vertueux managerialement.
23:07– Vous dites que pour endiguer
23:09le burn-out, il faudrait
23:11avant tout faire de la prévention.
23:13Comment on fait de l'entreprise
23:15un lieu de santé ?
23:17– Eh bien, pour faire
23:19de l'entreprise un lieu de santé,
23:21il y a immensément de travail
23:23à faire en France,
23:25parce que la France est un des pays
23:27les plus touchés par la dégradation
23:29du management.
23:31C'est un des pires en Europe.
23:33– Et vous dédiez votre ouvrage
23:35aux hommes politiques pour qu'ils
23:37prennent le problème à bras-le-cœur.
23:39– Hommes politiques, managers,
23:41et puis aussi à tous les salariés,
23:43bien sûr, et aussi, c'est très,
23:45très important, à tous les conjoints
23:47de salariés, à tous les amis de salariés,
23:49c'est-à-dire à tout le monde,
23:51c'est quelqu'un qui a fait un burn-out.
23:53Mais,
23:55tous ceux qui ont fait un burn-out m'ont dit,
23:57moi, on m'a toujours dit, mais remue-toi,
23:59bouge-toi, va courir un peu.
24:01Mais non, on ne peut pas,
24:03on est écrasé, on est épuisé,
24:05on ne peut plus rien faire.
24:07Et donc, l'incompréhension, si on est incompris
24:09en plus d'être écrasé,
24:11annihilé, effacé de la société,
24:13parce que c'est ce qui se passe,
24:15vous sombrez et vous finissez suicidé.
24:17Et moi, l'immense chance
24:19que j'ai eue, c'est d'avoir une femme
24:21exceptionnelle,
24:23qui a immédiatement compris
24:25et qui m'a sauvé.
24:27Qui m'a sauvé.
24:29Voilà, donc, je dis ça aussi
24:31à mon épouse et à tous
24:33les conjoints qui peuvent aider
24:35leurs conjoints qui subissent
24:37un burn-out.
24:39Alors, comment l'entreprise peut changer ?
24:41Comment on peut faire changer l'entreprise ?
24:43À mon avis, la première
24:45mesure, c'est inscrire le burn-out
24:47comme maladie professionnelle.
24:49Parce que tant que ces pervers
24:51ne seront pas
24:53touchés au portefeuille,
24:55même si pour le moment,
24:57l'inscription
24:59à la maladie professionnelle,
25:01au tableau des maladies professionnelles,
25:03touchera le portefeuille des entreprises.
25:05Il faut pénaliser les pervers.
25:07Aujourd'hui, pénaliser un pervers, c'est extrêmement difficile.
25:09La justice pénale
25:11a beaucoup de mal.
25:13Mais il faut déjà que l'entreprise paye
25:15systématiquement quand un burn-out a lieu.
25:17Voilà.
25:19Et ça, c'est la première des mesures.
25:21Si on commence à toucher au portefeuille,
25:23les entreprises commenceront
25:25à faire de la prévention.
25:27C'est 15 milliards d'euros à minima
25:29le coût du burn-out
25:31pour la collectivité.
25:33C'est-à-dire que nous tous, nous payons des impôts
25:35pour payer des burn-outers
25:37et des pervers en entreprise.
25:39Les conséquences de ces joints.
25:41Le temps des pervers
25:43à retrouver sur la boutique
25:45de TV Liberté. Merci monsieur.
25:47Merci à vous.