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  • 01/04/2025
Ariane Chemin, grand reporter au Monde, dirige la collection de documentaires "75-95 Le Choix des Armes" diffusée mercredi et jeudi soir sur France 3; 6 documentaires qui racontent avec archives et nombreux témoignages six affaires de terrorisme en France lorsque des groupuscules et mouvements décident de recourir à la violence : le FLNC, l'ASALA (Armée arménienne de libération de l'Arménie) ou le GAL.

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Transcription
00:00Laurent Vallière, votre invité média et grand reporter au Monde, c'est elle qui a
00:04notamment sorti l'affaire Benalla en juillet 2018 et entre autres affaires, elle dirige
00:09une collection de documentaires diffusés à partir de demain soir sur France 3, 75-95,
00:13le choix des armes.
00:14Bonjour Ariane Chemin.
00:15Bonjour.
00:16Vous les appelez les deux décennies utopiques et violentes, deux décennies entre 75 et
00:2195 durant lesquelles le terrorisme, issu de mouvements ou de groupuscules frappant
00:26en région, c'est le FLNC, c'est le GAL, c'est l'AZALA, l'armée de libération
00:31arménienne à Marseille et à Orly, extrait TF1 1979, Jean-Claude Bourret.
00:36Une attaque et un assassinat à la mitraillette à quelques heures de Noël dans le cœur
00:40de la capitale.
00:41Voilà qui symbolise bien le monde absurde de violence qui est le nôtre en cette fin
00:45d'année 1979.
00:46Ariane Chemin, ces dix documentaires racontent des prises d'otages, des attentats, des
00:51crimes.
00:52À quoi correspond cette période ? Pourquoi dans les années 70 à 90, des individus
00:55passent à la violence à travers la lutte armée ?
00:59Ça nous a beaucoup frappé avec Gilles Pérez qui a initié cette collection de films,
01:04de voir qu'on avait un peu oublié que les années 70 étaient des années très violentes
01:07et que le terrorisme, il avait existé avant ce terrorisme sanglant que nous connaissons
01:11aujourd'hui, le terrorisme international, sur le territoire français et initié par
01:16des Français surtout.
01:17Ça peut être effectivement des Armédiens très intégrés, des Alsaciens, des Corses,
01:24nous avons aussi exploré l'armée secrète qui s'occupait de lutter contre l'ETA qui
01:29s'appelle le GAL et qui était en fait initiée par des Espagnols mais dans lesquels s'étaient
01:34infiltrés des barbouzes français.
01:35Bref, ça nous a intéressé de savoir, et même je pense au premier djihadiste aussi,
01:40Radha Tkelkal, de voir que ces années 70, on les a un peu oubliées mais quand on regarde
01:44Jean-Claude Bourret ou les journaux télévisés de l'époque, c'est ultra violent.
01:47Qu'est-ce qui pousse ? Le titre dit tout, le choix des armes, qu'est-ce qui pousse
01:52ces individus, par exemple Max Klingian qui est un Armédien, qu'est-ce qui pousse ces
01:57individus à emprunter le chemin de la violence ?
02:00Alors Max Klingian, il est à Marseillais, il a un petit commerce, une épicerie et il
02:05porte en lui le traumatisme du génocide arménien de 1915.
02:09Les grands-parents de cette génération, ou les parents, génocide qui n'est toujours
02:13pas reconnu, on a oublié que ça a été reconnu très tardivement sous Lionel Jospin
02:16et que faire quand on n'arrive pas à déconstruire par exemple à l'époque le discours turc ?
02:21Eh bien il pose des bombes et lui pourtant il est français, plus que français et il
02:26pose des bombes.
02:27Enfin il n'a jamais été reconnu coupable mais d'autres l'ont été, notamment quand
02:30le terrorisme arménien est venu beaucoup plus sanglant avec l'attentat d'Orly un
02:33peu plus tard.
02:34Et donc c'est une façon de dire regardez-nous, écoutez-nous, nos grands-parents et nos
02:39parents sont morts en 1915 et en gros vous, vous ne reconnaissez pas, vous l'État français.
02:44Alors ce qui est passionnant dans ces six documentaires, c'est que c'est aussi une
02:48histoire du pouvoir en France, c'est-à-dire qu'on passe son temps à voir Christian
02:52Bonnet qui était l'ancien ministre de l'Intérieur ou Jean Glavani qui est interviewé.
02:56En fait ce que vous racontez c'est que très souvent, par exemple sous De Gaulle ou sous
03:00Giscard, il y a une sorte de raison d'État pour ne pas endosser des responsabilités
03:07du SAC par exemple en Corse.
03:09Oui, parce que les barbouzes on les a retrouvées aussi bien au Pays Basque qu'en Corse effectivement
03:13avec la fameuse affaire du Bastélic à Fèches.
03:15Ce qui nous a intéressés c'est qu'on a décentré la focale.
03:18Vous savez que la France est un pays très jacobin et son histoire de France elle est
03:21très jacobine aussi.
03:22Elle est racontée depuis Paris, rarement depuis la province, les territoires, les marges.
03:28Et là en décentrant la focale, on l'a racontée d'une autre manière et ça nous a permis
03:32et on l'a découvert en fait, en construisant cette collection, d'ausculter le pouvoir
03:36de manière différente.
03:37Effectivement il y a des personnages récurrents et pas seulement Jean-Claude Bourret mais
03:40des ministres de l'Intérieur comme Christian Bonnet, comme Paul Gniatowski qui souvent
03:44font un peu les mêmes erreurs et on voit bien aussi qu'il y a une bascule.
03:47La bascule, par exemple, on a raconté l'histoire de Montredon, un petit village dans les Corbières.
03:54C'est en 76, c'est quasiment la même époque qu'Aléria en Corse en 75.
03:58La répression à Aléria c'est elle qui a fait naître le nationalisme corse.
04:01Elle était trop violente, démesurée et ça c'est intéressant de l'ausculter.
04:06Et c'est vrai qu'on s'est rendu compte qu'en fait le pouvoir on pouvait aussi l'interroger
04:13ailleurs que de Paris et que ça donnait une vision intéressante, décentrée, une
04:19vision peut-être, j'allais dire, peut-être au départ microscopique de l'histoire de
04:25France mais en fait qu'il a construit et ça raconte cette histoire du pouvoir.
04:29Alors la force de ces documentaires, c'est la première fois que vous dirigez, alors
04:33je sais que vous n'aimez pas trop le mot diriger, collection, mais c'est, qu'est-ce
04:36que vous vouliez, vous Ariane Chemin qui écrivait des papiers régulièrement très étoffés,
04:42très informés dans le monde, qu'est-ce que vous avez demandé à ces 6 équipes de
04:46réalisateurs ?
04:47L'initiateur de cette collection, Gilles Perez, il a fait un film formidable il y a
04:50une quinzaine d'années qui s'appelait Génération FLNC que j'avais vu et revu, j'avais adoré.
04:55Il était allé interroger les derniers témoins de cette époque, les chefs du FLNC qui n'avaient
04:59jamais parlé.
05:00Dans cette collection, ce qui est intéressant c'est d'interroger cette génération qui
05:04est en train de disparaître à cause de l'âge.
05:06Quand on a 20 ans, au début des années 70, on n'est plus très jeune aujourd'hui et
05:10beaucoup d'ailleurs sont déjà disparus.
05:11Certains ont même disparu pendant le tournage.
05:13Je pense par exemple à la réalisatrice Yves Garad qui a voulu interroger des avocats
05:21qu'il défendait et qui sont morts pendant le tournage de les derniers témoins qui sont
05:24morts pendant le tournage de l'affaire Kelkal par exemple.
05:27Et puis aussi sauvegarder la mémoire de gens qui sont moins considérés.
05:32C'est un travail d'archives et de micro-histoires et d'aller recueillir cette parole qui va
05:41disparaître.
05:42C'est ça qui m'a intéressée dans la collection et aussi d'interroger cette histoire différemment.
05:46Il y a cette archive incroyable, c'est un mercenaire, tueur à gage pour le Galles,
05:51il s'appelle Fieredo Fontes, qui explique dans une archive « je propose un prix à
05:57quiconque me demande de liquider telle ou telle personne, j'évalue la personne, je
06:01propose un prix », pour le Galles c'était 10 millions de pesetas par homme tué.
06:04C'est une archive extraordinaire qu'a retrouvée la réalisatrice.
06:07D'ailleurs il y aura une projection de son film à l'Assemblée Nationale parce que
06:11certains députés ont demandé l'ouverture d'une commission d'enquête.
06:14Ce qui me frappe c'est que les projections qu'ont lues en ce moment par exemple hier
06:18soir à Marseille, 300 personnes pour venir écouter l'histoire des Arméniens de Marseille,
06:22ça prouve qu'il y a une demande et que cette histoire n'est pas suffisamment inscrite
06:26dans les livres.
06:27Ariane Chemin, la plupart des faits se déroulent dans les années 80, pourquoi vous avez rajouté
06:31celui de Khaled Kalkal en 1995 ? C'était un peu pour faire la transition avec le terrorisme
06:36international d'aujourd'hui ?
06:37Parce que c'est le premier djihadiste français et que ce n'est pas comme on l'avait raconté
06:42au tout début puisque les enquêteurs et les policiers s'étaient un peu trompés,
06:45on en avait fait un grand chef qui avait acquis ses lettres de noblesse à l'international,
06:50en fait c'est un gamin de Vaud-en-Velin et des environs de Lyon et c'est ça qu'on
06:54a voulu raconter.
06:55Je crois que vous n'avez pas fait d'école de journalisme Ariane Chemin, vous vous êtes
06:58construit comment votre propre déontologie journalistique ?
07:01Sur le terrain, en réfléchissant, oui on se bricole chacun sa petite morale personnelle,
07:09effectivement c'était peut-être une époque plus simple, on n'était pas forcément obligé
07:11de faire une école, et puis la presse écrite c'est moins technique que la radio ou la
07:16télévision donc on pouvait se débrouiller encore à l'époque, ça ne me rajeunit pas
07:21mais sans faire d'école, et voilà je me bricole ma petite morale sur le terrain.
07:27Merci Ariane Chemin.

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