Pour 82 % des 18-30 ans, avoir un emploi qui respecte l’environnement est un critère important, selon une enquête de Toluna et Harris Interactive. Mais comment préparer et former les jeunes aux enjeux de la transition écologique ? Pierre-Henry Dodart, chargé de mission enseignement aux enjeux environnementaux et de durabilité au CGDD, et François Taddei, président du Learning Planet Institute, nous répondent.
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00:00Générique
00:06Comment parler de transition environnementale et sociétale aux élèves, aux élèves de primaires, collèges et lycées ?
00:11Voilà le thème de notre débat avec François Talley. Bonjour.
00:14Bonjour.
00:15Bienvenue. Vous êtes le président du Learning Planet Institute. Pierre-Andy Dodard, bonjour.
00:20Bienvenue à vous aussi.
00:21Vous êtes chargé de mission d'enseignement aux enjeux environnementaux et durabilité au service de la recherche et de l'innovation
00:26du commissariat général au développement durable. Allez, des questions de présentation pour démarrer le Learning Planet Institute.
00:33C'est une association, c'est ça ?
00:35C'est une association où nous cherchons à comprendre comment est-ce qu'on peut apprendre à prendre soin de soi des autres et de la planète,
00:41comment on peut faire de la recherche sur ces sujets, comment est-ce qu'on peut former les jeunes, mais aussi leurs enseignants et même les décideurs,
00:47comment est-ce qu'on peut utiliser des réseaux internationaux pour ne pas réinventer la poudre, comment est-ce qu'on peut utiliser le numérique,
00:54et en particulier l'intelligence artificielle pour faire ça à la bonne échelle, comment est-ce qu'on peut arriver à accompagner la transformation des organisations humaines
01:02qui sont elles-mêmes un peu bloquées face à l'ampleur des enjeux et leur complexité, parce qu'il y a quand même des crises qui s'enchaînent les unes dans les autres,
01:10et arriver à prendre le recul personnel et collectif pour déjà aller soi-même mieux et pouvoir accompagner des jeunes à aller mieux,
01:18parce qu'aujourd'hui il y a énormément d'éco-anxiétés et de difficultés face à une actualité qui, avouons-le, n'est pas exactement celle qu'on aurait pu souhaiter pour leur génération.
01:25Oui, effectivement. Pierre-Andy Dodard, vous êtes l'un des responsables de la plateforme d'éducation au développement durable qui est dédiée aux enseignants, c'est ça ?
01:33Qu'est-ce qu'on y trouve ? De quoi on parle ? A quoi ont-ils accès en quelque sorte ?
01:37Les enseignants ont accès à beaucoup de choses grâce à nous, mais grâce à d'autres acteurs, on est assez nombreux sur le sujet.
01:45Nous, sur cette plateforme, on a décidé de mettre à disposition les contenus proposés par le ministère et ses opérateurs.
01:53Ça veut dire qu'on s'est basé sur les objectifs de développement durable, donc les objectifs de développement durable principalement environnementaux,
02:00parce que c'est un peu l'activité du ministère de la Transition écologique, et donc ça va du climat à la biodiversité en passant par la gestion des ressources en particulier.
02:10On a pas mal d'opérateurs qui vont travailler sur des sujets précis. Par exemple, quand on parle de la biodiversité, l'Office français de la biodiversité produit des contenus disponibles pour les enseignants
02:20qui leur permettent d'intégrer des contenus fiables dans leurs cours.
02:26Ça veut dire qu'il y a des contenus, j'imagine, qui sont adaptés en fonction de l'âge des élèves ?
02:31Oui, il y a des contenus pour tout type d'élèves, du primaire au collège et au lycée principalement.
02:39Certains sont même utilisables au-delà, parce que s'inscrivant dans un programme pédagogique plus complet, nos contenus ne sont pas autosuffisants.
02:51Il y a besoin de les inscrire dans un programme plus complet, mais ils ont cette particularité d'être fiables.
02:58Le Festival Learning Planet s'est tenu au mois de janvier dernier, à l'occasion de la Journée mondiale de l'éducation.
03:05Déjà, c'est un programme international dont on parle ?
03:07Oui, on a eu des participants dans 183 pays, plus de 100 000 personnes.
03:11Ça, ça s'appelle un programme international.
03:13Et en France, il y avait un intitulé qui était le Festival de l'apprendre, c'est ça ?
03:17Exactement. On invite chacun à célébrer ce qu'on a appris, pourquoi et comment on a appris et grâce à qui.
03:23On peut remercier ceux qui nous ont aidés à apprendre et on peut aussi partager ce qu'on souhaiterait apprendre et mutualiser ça.
03:30Parce qu'on est dans des dynamiques où on peut apprendre les uns des autres aujourd'hui.
03:33Il y a évidemment des programmes, mais il y a aussi plein d'autres endroits où on peut apprendre d'autres choses.
03:37Quel bilan vous faites de cette édition 2025 ? Et puis, quel message ou quel contenu vous portez à destination des plus jeunes ?
03:45En fait, ce qu'on essaie de leur dire, c'est qu'ils peuvent être des acteurs et des auteurs de leur propre vie et du monde de demain.
03:52Et donc, plutôt que de s'angoisser face à l'actualité et de s'interroger sur le bien fondé de ce qu'ils apprennent, parce qu'il y a des fois où ils voient un petit peu de décalage,
04:03on les invite à plus être dans une logique de compétition sur les savoirs d'hier, mais dans une logique de coopération sur les défis d'aujourd'hui.
04:11Et on essaie de leur dire qu'évidemment, seuls, ils ne peuvent pas faire grand-chose, mais s'ils bâtissent un collectif au moins à l'échelle de la classe,
04:18mais éventuellement à l'échelle de l'établissement, à l'échelle du territoire, à l'échelle de la France ou à l'échelle de la planète, ils peuvent relever des défis sans précédent, comme d'autres générations l'ont fait avant eux.
04:26Et le fait d'agir, d'être dans l'action, ça fait baisser les anxiétés dont on parlait ?
04:30Exactement. Et donc, cette capacité, le pouvoir d'agir, déjà, c'est une bonne chose en soi, mais si en plus on agit collectivement, alors il y a aussi la force du collectif qui nous porte.
04:39On a l'impression qu'on vit une aventure humaine et pas juste une dépression individuelle.
04:44Et cette logique d'action, elle est extrêmement importante, et c'est là où c'est important d'apprendre à se centrer sur soi et à se reconnecter à soi,
04:52pour se reconnecter aux autres et se reconnecter à l'environnement, et enfin prendre soin de soi, des autres et de la planète.
04:59Est-ce que c'est un contenu facile à transmettre aux élèves, finalement, ces enjeux de transition environnementale ? Parce qu'ils sont demandeurs.
05:07Alors, ils sont demandeurs, certains, pas tous, ça, il faut l'avoir en tête.
05:11Il ne faut pas idéaliser la génération.
05:14Après, c'est difficile de répondre à la question, est-ce que c'est facile de transmettre un contenu ? Parce qu'il n'y a pas un contenu, mais des contenus, en fait.
05:22Ça répond à des logiques territoriales, des logiques individuelles et collectives.
05:26Et donc, les contenus qu'on va proposer, notamment via la plateforme, encore une fois, ils vont s'adosser à des programmes qui sont plus globaux et qui peuvent s'inscrire.
05:36Pour donner un exemple très concret, parce que c'est toujours plus facile quand on illustre, on a des contenus spécifiques, comme la boîte à risques,
05:45sur les risques inondations ou sur les risques incendies, qui permettent à l'ensemble de la jeunesse de pouvoir s'équiper en cas d'inondation.
05:52Par exemple, savoir qu'après 50 cm d'eau, ce n'est plus possible d'ouvrir une porte, ou qu'à partir de 30 cm d'eau, la voiture est emportée, donc il ne faut pas prendre la voiture,
06:01on pense que ce sont des connaissances de base.
06:03Pour autant, si on adresse la question du changement climatique, là, il peut y avoir des enseignants qui veulent connaître la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère
06:12et la transmettre à leurs étudiants, mais il y en a d'autres qui vont préférer regarder sur une zone spécifique, sur un territoire spécifique,
06:19idéalement aux alentours de l'école, quels impacts concrets.
06:22Et donc, vous voyez, ce n'est pas forcément les mêmes mécaniques.
06:24Et donc les contenus, et c'est pour ça que nous on propose une diversité de contenus, sont des contenus qui peuvent être intégrés de manière plus large dans la manière d'apprendre.
06:33Ça veut dire, ce que je comprends, c'est que les enseignants vont l'intégrer à un corpus scolaire général, c'est ça ?
06:42Ce n'est pas une bulle quand on parle d'environnement ?
06:45Non, c'est exactement ça.
06:46L'enseignant reste au cœur du sujet, c'est lui qui aura la capacité ou non à se saisir du sujet, qui aura la capacité ou non à le porter.
06:54Et nous, on veut vraiment proposer une diversité de contenus, parce qu'on a aussi bien des vidéos, des dossiers, des jeux,
07:00pour que l'enseignant, en fonction de sa pratique pédagogique, sa pratique professionnelle, puisse l'intégrer au mieux et se prendre bien avec.
07:07Mais ça ne concerne pas que les profs de SVT, d'une certaine façon ?
07:11C'est une bonne question, mais globalement, dans l'éducation et le développement durable,
07:16ça fait des années qu'on a quitté la partie juste approche scientifique et mécanique des enjeux environnementaux.
07:24Ça concerne finalement aujourd'hui toutes les disciplines.
07:27Si vous prenez le référentiel international de compétences porté par l'Europe, qui s'appelle le Green Comp,
07:31ça dit développer des compétences pour agir, penser, planifier avec empathie pour la planète et la santé publique.
07:39Dès qu'on commence à parler d'empathie, vous vous doutez bien qu'il y a très peu de contenus qui permettent de développer l'empathie.
07:46Pour autant, ce n'est pas parce qu'on va être posé sur une chaise pendant dix ans qu'on va avoir de l'empathie,
07:53les modalités pédagogiques qui vont être utilisées, la façon de transformer les matières d'enseigner et d'apprendre, sont au cœur.
08:00Les enseignants sont bien au cœur du dispositif et nous, on les équipe.
08:03François Taddeï, est-ce qu'il y a beaucoup de disparité en termes de...
08:07Parce que là, je disais, on idéalise peut-être une génération, c'est-à-dire que tous ne sont pas forcément concernés.
08:13Vous voyez ce que je veux dire ? Est-ce qu'on ne part pas du même niveau de connaissances ?
08:18Parce que c'est souvent ça le défi.
08:21C'est déjà d'avoir un corps de connaissances, d'informations communes et validés par tout le monde.
08:28Oui, je pense que l'éducation nationale joue son rôle pour arriver au maximum à égaliser les connaissances de base.
08:38Ce qui reste à faire, c'est justement cette capacité à agir une fois qu'on a les connaissances.
08:43Parce que c'est bien beau d'avoir compris qu'il y avait un problème, mais si on a l'impression qu'on ne peut rien faire, ce n'est pas très facile.
08:48Je vous pose la question, pardon, je reprends la main, parce qu'il y a encore du climato-scepticisme
08:52et on peut même dire que dans certaines régions du monde, il est en train de progresser.
08:55Il y a la mise en doute de la parole scientifique. Je ne vous apprends rien.
09:00Il y a peut-être ce défi-là à relever avant de se mettre en action. Vous voyez ce que je veux dire ?
09:06Je vois très bien ce que vous voulez dire, mais j'essaie de dire que c'est clair qu'il y a ce que j'appelle un néo-obscurantisme.
09:13Néo-impérialisme, grosso modo l'héritage des Lumières avec l'éducation, la science, la démocratie, le débat, la philosophie, les arts, la citoyenneté.
09:22C'est un package qui est attaqué assez systématiquement par des forces obscurantistes.
09:26Il y en avait en Afghanistan et il y en a même en Occident. Je ne voudrais pas le citer parce qu'on le sait tous.
09:31Ça, c'est une réalité. La question, c'est comment est-ce que les Lumières ont été inventées ?
09:36Elles ont été inventées après l'imprimerie, mais entre-temps, il y a eu les guerres de religion.
09:40Ce n'est pas juste plus d'informations. C'est un art du débat, mais un débat qui fait autorité,
09:45c'est-à-dire un débat, pour reprendre le mot de Michel Serres, qui fait grandir.
09:48Qui fait grandir tous ceux qui débattent. Et qui n'y a pas le débat des plateaux télé trop souvent,
09:56ni des réseaux sociaux comme on le voit.
09:59C'est un débat où, in fine, on a tous l'impression qu'on a appris quelque chose et qu'on a grandi en humanité
10:05et en compréhension de soi, des autres et du monde.
10:08Ça, c'est le rôle de l'éducation.
10:10Mais malheureusement, ce n'est pas juste de la transmission verticale, un débat bien construit.
10:16C'est un lieu, comme dans les salons des Lumières, comme dans les académies depuis toujours,
10:22y compris chez les Grecs, puisqu'on avait déjà le même prisme avait été inventé autour de l'Agora.
10:27Donc aujourd'hui, il faut le réinventer, mais à l'échelle de la planète.
10:30Comment est-ce qu'on organise des débats locaux, des débats régionaux, des débats nationaux
10:34et des débats planétaires sur le fait qu'on a des ressources finies
10:38et qu'on n'est plus là pour défendre les murs de la cité en tant que citoyen d'Athènes.
10:41On est là pour défendre les limites planétaires collectivement.
10:44Et ça, ça s'apprend, et ça s'apprend à l'école si l'école sait elle-même se transformer
10:50et elle-même prendre la responsabilité, non pas de chercher à avoir le meilleur élève de la classe
10:56ou le meilleur de la France, mais le meilleur pour la planète et le meilleur pour le monde de demain.
11:02On se projette aussi vers le monde du travail, évidemment.
11:05Je vous propose ce sondage réalisé en juin 2023 pour 82% des 18-30 ans.
11:12Avoir un emploi qui respecte l'environnement est un critère important.
11:1570% pourraient renoncer à postuler, 57% quitter leur emploi
11:19s'ils considèrent que l'entreprise ne prend pas suffisamment en compte ces enjeux environnementaux.
11:23Vous disiez tout à l'heure les associés finalement être co-constructeurs de leur avenir.
11:30Est-ce que c'est des questions que les élèves posent souvent aux enseignants ?
11:33Quels seront les métiers de demain finalement ?
11:36Les métiers d'aujourd'hui, à quoi ça sert que je m'y prépare puisque tout va changer ?
11:42Ce qui est vraiment intéressant, c'est que quand on parle de transition écologique,
11:46il y a la partie écologique et la partie transition.
11:49Ça veut dire qu'il y a plusieurs nécessités.
11:52Nous, ce qu'on cherche à faire avec les jeunes enfants,
11:55c'est de développer une pensée exploratoire, une pensée systémique, une pensée critique
11:59qui permettent d'imaginer un monde de demain,
12:02mais surtout d'être assez résilients face aux transformations qui vont s'opérer.
12:05Après, si on va sur l'apprentissage professionnalisant, on a d'autres enjeux.
12:10Aujourd'hui, on doit développer les énergies renouvelables parce que le monde est comme il est
12:14et que si on veut décarboner, on a besoin d'énergies renouvelables.
12:18Il y a des choses très concrètes.
12:20Un couvreur, aujourd'hui, doit savoir poser des panneaux photovoltaïques.
12:24Il y a différents niveaux d'apprentissage.
12:26Il y a des apprentissages un peu transverses de compréhension
12:29qui permettent d'être adaptés en tant qu'individu et en tant que collectif
12:33pour cette transition écologique,
12:35mais il y a aussi tous les métiers dont on a besoin pour la réussir
12:38et franchir les différentes étapes, s'il y en a,
12:42pour arriver à une planète habitable durablement et en paix.
12:48Merci beaucoup. Merci à tous les deux et à bientôt sur Be Smart For Change.
12:52On passe tout de suite à notre rubrique Startup.