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Jean-Louis Bourlanges, ancien député et ancien président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale (2021-2024), était l'invité de franceinfo soir, jeudi 27 mars 2025.

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00:00Bonsoir Jean-Louis Bourlange, vous êtes essayiste, ancien président modem de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée.
00:08On va parler de l'Ukraine, on va parler de Bou Halem sans salles, mais d'abord je voulais vous faire réagir, Jean-Louis Bourlange,
00:17au fait que le parquet national financier a requis ce jeudi 7 ans de prison contre Nicolas Sarkozy dans l'affaire des soupçons de financement libyens de sa campagne en 2007.
00:267 ans de prison, l'ancien président dénonce l'outrance de la peine réclamée, est-ce que c'est excessif selon vous ?
00:32Écoutez, moi je ne me prononcerai certainement pas sur une affaire en cours sur le plan judiciaire,
00:37effectivement a priori quand on regarde ça c'est un réquisitoire extrêmement sévère,
00:42j'ai vu que l'avocat de M. Sarkozy, maître d'arroi, avait dit, par une formule là aussi d'avocat,
00:50que la sévérité du réquisitoire était la contrepartie de l'évacuité du dossier,
00:57je ne me permettrai pas de me prononcer, je crois que pour l'instant c'est un réquisitoire,
01:02on verra ce que les juges décideront quand ils auront à rendre leur verdict.
01:07Mais vous dites que c'est un réquisitoire sévère, vous trouvez qu'il ne fait pas bon d'être un responsable politique en ce moment ?
01:15Par les temps qui courent, les hommes politiques sont dans le viseur des juges.
01:19Ont-ils raison, est-il justifié qu'il le soit ? C'est possible,
01:24mais effectivement les hommes politiques ont intérêt à faire attention.
01:27Marine Le Pen est notamment menacée d'une peine d'inéligibilité, la décision sera rendue.
01:34Lundi, le secrétaire général de l'Elysée Alexis Colère a annoncé son départ après dix ans aux côtés d'Emmanuel Macron,
01:40qu'est-ce que vous retenez de lui ?
01:42Je crois que c'est une personnalité assez exceptionnelle, c'est une mécanique intellectuelle assez prodigieuse.
01:50Je ne le connaissais pas très bien, je l'ai approché de temps à autre,
01:54mais je me rappelle avoir eu tout un échange avec lui il y a quelques mois,
01:59et j'avais trouvé qu'il était d'une extrême acuité sur les jugements qu'il portait, les analyses de la situation.
02:08Et ça m'avait fait penser à une boutade du regretté Giulio Andreotti, le président du conseil italien,
02:14qui disait « le pouvoir use ceux qui ne l'exercent pas ».
02:18Ben, manifestement, Colère exerçait le pouvoir et n'en a pas été usé.
02:23On va passer à l'Ukraine. Vous qui avez été longtemps président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée,
02:30il y avait un sommet sur l'Ukraine aujourd'hui à Paris.
02:32À l'issue, Emmanuel Macron a annoncé qu'une mission franco-britannique allait se rendre en Ukraine
02:36pour préparer un éventuel déploiement de troupes sur place une fois la trêve signée.
02:42Sauf que, sur ce sujet, les Européens sont divisés, la Russie s'y oppose et les Américains ne sont pas très allants.
02:48Alors, est-ce que c'est une chimère ou pas, Jean-Luc Bourlange ?
02:50Non, je crois que je n'ai pas tout à fait interprété comme vous,
02:54mais c'est simplement un communiqué qui a été fait il y a quelques minutes,
02:59le communiqué sur la mission franco-britannique.
03:03J'ai l'impression que c'était une mission dont le but était de déterminer ce qu'il fallait faire
03:09pour que l'armée ukrainienne soit effectivement mieux en mesure de résister à l'agression à l'armée russe.
03:18C'est l'un des objets de la mission, effectivement, mais ce n'est pas le seul.
03:21Moi, je crois que dans cette affaire, il faut distinguer, dans tout ce qui entoure tous ces conciliabules européens,
03:28Europe élargie, l'Ukraine, il faut distinguer trois choses très différentes.
03:33Il y a d'abord l'aide à l'Ukraine.
03:35Nous sommes effectivement dans une situation où on a absolument besoin d'intensifier et de renforcer l'aide à l'armée ukrainienne,
03:44puisque le soutien américain est fragile, intermittent et pas du tout sûr.
03:52C'est ce qu'a annoncé d'ailleurs le président de la République hier,
03:55en disant qu'on allait mettre deux milliards de plus sur l'aide à l'Ukraine.
03:59Et je crois que cette mission, elle s'inscrit dans cette direction.
04:03Deux milliards de plus, Jean-Luc Bollange, alors que les caisses sont vides.
04:06Oui, enfin, ça c'est un oui.
04:08Mais alors là, vous savez, moi, je suis extrêmement rigoureux sur le plan financier.
04:12Mais je crois, quand on est engagé dans des affaires de vie ou de mort pour les États,
04:16je dirais comme le cardinal de Restes, la dépense ne compte pour rien.
04:20C'est comme ça qu'on a gagné la guerre de 14.
04:23C'est comme ça que les Britanniques, les Anglais ont battu Napoléon.
04:28Il s'était ruiné en 1815, mais vainqueur.
04:30Quand on est dans des affaires de vie ou de mort pour les nations,
04:33il ne faut pas se dire qu'on n'a pas tout à fait de quoi, etc.
04:36En revanche, ça impliquerait effectivement que de la part de la société française,
04:41des hommes politiques et des femmes politiques françaises,
04:43on s'interroge sur les efforts qu'il faut faire pour financer cela.
04:47Là, je vous suis tout à fait, si vous dites que...
04:50Mais je reviens à mon raisonnement.
04:53Il faut l'aide, l'aide militaire.
04:55C'est essentiel. Il faut compenser cette aide.
04:58On ne sait pas. Pour l'instant, il n'y a pas de cessez-le-feu.
05:00Il n'y a pas de traité de paix.
05:02Il n'y a aucune forme d'accord potentiel sur la table entre les Américains,
05:06les Ukrainiens et les Russes.
05:08Donc, il faut continuer le travail et le continuer d'autant plus fort
05:12que les Américains ne sont pas là.
05:14Deuxièmement, il faudra, mais là, c'est très difficile de savoir ce qu'il faudra faire.
05:21Il faudra, le moment venu, quand il y aura un traité de paix,
05:25apporter à l'Ukraine des garanties.
05:27Eh bien, justement, c'est pour ça que...
05:29Ces garanties, on ne peut pas les définir a priori.
05:31Non, mais...
05:32Parce que ça dépend de ce que sera le traité de paix.
05:33Jean-Lebrun, ça a été discuté aujourd'hui.
05:35Il est question d'envoyer une coalition des volontaires en Ukraine.
05:39Emmanuel Macron a précisé hier, notamment, que ces forces de dissuasion,
05:45parce que ce seraient des forces de dissuasion,
05:47ne seraient pas des troupes combattantes,
05:49qu'elles seraient très éloignées du front.
05:52C'est ce qui est en train de se dessiner.
05:54Mais les Européens sont divisés et Moscou y est opposée.
05:58Est-ce que vous pensez que cela pourrait aller à terme ?
06:01Tout ça, il me paraît totalement prématuré.
06:03Si vous voulez, je crois qu'on a tout à fait raison de se préparer
06:06à une présence militaire qui prendra telle ou telle forme.
06:11Mais cette forme-là, on ne peut pas la définir maintenant.
06:14Alors, pourquoi ils en parlent aujourd'hui, Jean-Luc Bolland ?
06:16C'est pour exister ?
06:17C'est parce que l'Union européenne est exclue des...
06:19Il vaut mieux ne pas être pris au dépourvu demain.
06:22Mais ce que je veux dire, c'est que ce qui est déterminant
06:25sur la forme d'intervention, c'est le degré d'accord que nous aurons,
06:29que les Ukrainiens auront avec les Russes.
06:32Pour l'instant, les Russes disent pas de traité de paix
06:36s'il y a une présence des troupes de l'OTAN
06:40ou appartenant à des États de l'OTAN sur le territoire ukrainien.
06:46Bon, si la paix est conclue sur ces bases et si l'Ukraine l'accepte,
06:50on va pas, évidemment, envoyer des troupes.
06:53Si, en revanche, la Russie renonce à cela, ce qui me surprendrait,
06:58moi, je crois qu'il n'y aura pas de traité de paix.
07:01À ce moment-là, on met des troupes.
07:02Mais je veux dire, on ne peut pas, a priori,
07:05définir ce que sera la garantie apportée par les États.
07:10On vous entend, Jean-Luc Bolland,
07:11mais pourquoi il y avait un sommet sur ce sujet ?
07:13Alors, les Européens s'agitent pour...
07:15Pour peser, parce qu'ils sont exclus des négociations ?
07:18Pourquoi il y a un sommet ? Pour trois raisons.
07:19Je reprends mon raisonnement.
07:21Un, l'aide à l'Ukraine.
07:22C'est ça qui est urgent.
07:24Ce qui compte, c'est ce qu'on fait maintenant.
07:26Ce n'est pas ce qu'on fera demain.
07:28Deuxièmement, c'est effectivement préparer,
07:31réfléchir aux formes éventuelles d'intervention
07:34qu'on pourrait faire en fonction des différentes hypothèses,
07:38sachant que rien n'est sur la table aujourd'hui
07:41en termes d'accords entre les Ukrainiens et les Russes.
07:43Et troisièmement, car c'est essentiel,
07:46préparer la sécurité de l'Europe
07:49à partir du moment où notre principal partenaire
07:52est profondément et sans doute durablement défaillant.
07:57Jean-Luc Bolland, je vous avais dit que vous doutiez...
07:59Ça fait trois choses.
08:00Et je vous ai entendu.
08:01Et trois choses que vous avez répétées.
08:04Vous avez parlé du fait que vous doutiez d'un accord de paix.
08:09Est-ce que le risque en Ukraine, c'est un conflit gelé ?
08:12C'est-à-dire qu'il n'est jamais vraiment d'accord de paix
08:14et que les combats puissent reprendre à tout moment ?
08:17Moi, je crois que je n'ai jamais compris
08:19ce que le président Trump avait en tête
08:22en disant qu'il allait faire un traité de paix rapide.
08:26Un traité de paix rapide, pour que ça se fasse,
08:28ça veut dire qu'on cède aux demandes de M. Poutine.
08:33Alors, s'il est prêt à céder aux demandes de M. Poutine,
08:36c'est grave.
08:37Ça veut dire que ça met en cause la souveraineté de l'Ukraine,
08:41ça met en cause sa capacité à se défendre.
08:43Et je dois dire, il faut bien voir ça,
08:46ça met en cause la capacité de l'Europe à se défendre.
08:49Vous savez, dans cette affaire,
08:51on raisonne un peu trop en termes
08:53qu'est-ce que nous devons faire pour l'Ukraine.
08:56Il faudrait aussi raisonner en qu'est-ce que l'Ukraine apporte
09:00à la sécurité de l'Europe,
09:02avec le président de la République l'a rappelé hier,
09:06la première armée conventionnelle.
09:08Un million de soldats.
09:09La première armée,
09:10puis non seulement un million d'hommes,
09:12mais des milliers et des milliers de drones,
09:15une capacité industrielle remarquable.
09:17Vous savez, il ne serait pas très loin
09:20de reconstruire une arme atomique.
09:21Enfin, c'est une armée puissante.
09:24Or, au moment où notre principal protecteur dans l'OTAN disparaît,
09:30s'évanouit,
09:31et on voit bien quand on voit les déclarations du vice-président Vance
09:36qu'il y a une allergie profonde à l'idée d'aider l'Europe
09:39du côté américain,
09:40on voit bien que ce n'est peut-être pas idiot
09:43de maintenir au cœur de l'Europe
09:46une alliance assez stricte
09:48avec cette puissante armée ukrainienne
09:50qui a résisté pendant trois ans.
09:51Qui pourrait être le fer de lance de la défense européenne ?
09:53Qui pourrait, cette armée, être le fer de lance
09:55d'une future défense européenne ?
09:56Qui est objectivement,
09:58indépendamment des traités, des engagements,
10:00qui est objectivement le fer de lance
10:02d'une défense des démocraties européennes.
10:05Donc, je crois qu'il faut bien voir la réciprocité des services.
10:10Nous apportons, nous autres Européens de l'Ouest,
10:13nous apportons un secours important à l'Ukraine,
10:16mais l'Ukraine, par sa résistance, son énergie,
10:19son inventivité stratégique et technique,
10:22contribue également puissamment à équilibrer la menace russe.
10:28Jean-Luc Bolland, j'ai un dernier sujet.
10:30Boalem Sansal a été condamné à cinq ans de prison
10:33par un tribunal algérien.
10:35Donc, Boalem Sansal, écrivain franco-algérien,
10:37âgé, emprisonné de façon arbitraire.
10:41Emmanuel Macron en a appelé au bon sens
10:43des autorités algériennes.
10:44Tout à l'heure, je sais pouvoir compter
10:47à la fois sur le bon sens et l'humanité
10:49des autorités algériennes pour lui redonner sa liberté,
10:52a dit le président français.
10:55Est-ce que le chef de l'État s'attend
10:57à une grâce du président algérien ?
10:59Comment vous interprétez ces mots ?
11:02Je pense que si j'avais été à la place
11:03du président de la République,
11:05j'aurais tenu les propos identiques.
11:06Nous n'avons aucun moyen.
11:08Nous n'avons aucun moyen d'exiger des Algériens
11:12une décision pourtant ô combien légitime,
11:15ô combien nécessaire.
11:16Cette condamnation est absolument inique,
11:20mais nous n'avons aucun moyen d'exiger la libération
11:23de monsieur Boalem Sansal.
11:25Même s'il est français ?
11:26Nous avons d'accord,
11:28mais on ne va pas faire une expédition militaire.
11:31On ne va pas recommencer la guerre d'Algérie.
11:34Donc, la seule chose qu'on puisse faire,
11:38c'est compter sur le bon sens,
11:41la bonne volonté des Algériens.
11:43Pour l'instant, les Algériens se conduisent
11:45d'une façon très peu satisfaisante
11:48dans les relations avec les Français.
11:50Et pourtant, quand on réfléchit attentivement,
11:53que ce soit en termes d'échanges économiques,
11:56d'échanges migratoires, de coopération culturelle,
12:00d'échanges économiques, de vente de blé, par exemple,
12:04de lutte contre le terrorisme,
12:06nous avons, entre l'Algérie et la France,
12:09il y a des relations extrêmement étroites
12:12qui sont très, très mises à mal aujourd'hui
12:15et très largement du fait des autorités algériennes.
12:19Je pense que le président appelle le président Tebboune
12:22à la modération, à la désescalade
12:25et la libération de Boilems-en-Salle,
12:28sous une forme ou sous une autre,
12:30Amnistie, enfin, quelles que soient les formes
12:32que ça pourrait prendre, serait un geste à la fois humain,
12:36nécessaire sur le plan de l'humanité
12:39et, à mon avis, positif dans la décélération
12:42de cette crise franco-algérienne qui, à mon avis,
12:45dans lequel aucun des partenaires n'a grand-chose à gagner.
12:48Merci beaucoup, Jean-Louis Bourlange.
12:50Merci d'avoir répondu aux questions de France Info.
12:52Je rappelle que vous êtes ancien président
12:53de la Commission des affaires étrangères
12:55de l'Assemblée nationale.
12:56Et merci, Agathe Lambret.
12:57On se retrouve à 20h pour les informer.

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