Voici l’appel de Nicolas Hulot avant l’Émission pour la Terre, diffusée ce soir à 21h05 sur France 2, en partenariat avec la Fondation Nicolas Hulot et Brut nature.
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00:00On ne peut pas se payer le luxe d'une division, d'une confrontation sur un sujet qui détermine la viabilité de la planète
00:07et qui détermine l'avenir des enfants qui sont déjà dans les cours d'école et même peut-être même déjà dans les universités
00:15ou dans leurs premières années de travail.
00:30France Télévisions donne une occasion à chacune et à chacun d'entre nous de rentrer dans cet engagement qui est l'affaire de tous et l'affaire du siècle
00:42qui est la cause écologique.
00:44Y rentrer, non pas en culpabilisant mais en se responsabilisant et en donnant à chacun une clé, deux clés, trois clés, un trousseau de clés
00:54pour progressivement faire sa part dans cet enjeu universel qui, quelque part, déterminera pour le pire
01:01ou plutôt, et c'est dans cet état d'esprit que nous allons nous réunir, pour le meilleur l'avenir de nos enfants.
01:07Et justement, quels sont les gestes qui sont à la portée de tous qui peuvent justement faire des différences ?
01:13Il faut bien comprendre que chacun sent intimement que les causes de la crise climatique, de l'érosion de la biodiversité,
01:24de l'érosion des ressources naturelles, qui sont trois fléaux qui se combinent au XXIème siècle et qui, quelque part,
01:30viennent saper un peu les fondements de notre modèle social et économique, elles sont profondes.
01:38Elles sont profondes, elles sont notamment justement dues à un modèle économique qui a tendance à épuiser, à détruire,
01:44plutôt qu'à protéger et à distribuer.
01:50Donc chacun comprend qu'il va falloir avoir une approche probablement plus exigeante que simplement additionner les petits gestes individuels.
02:01Mais si on ne commence pas par les gestes individuels, qui peuvent représenter entre 20 et 25% de l'effort que nous devons
02:09collectivement faire pour éviter que la crise climatique ne nous échappe et qu'elle ait des conséquences trop tragiques,
02:15et bien si nous faisons chacun à notre niveau ces efforts au quotidien sans s'arrêter en route,
02:22en rentrant dans une espèce de marge de progression comme ça,
02:27et bien probablement que ce sera la meilleure manière d'aider les politiques à organiser la société et à faire les 80 autres % restants.
02:38Alors les gestes après, franchement ça doit devenir presque un jeu, un réflexe, un moment où avant tout comportement,
02:46tout geste d'achat, on décide juste de regarder si on peut faire autrement.
02:51Après c'est en fonction de ses moyens, en fonction de ses capacités.
02:54Tout le monde ne peut pas se passer d'une voiture, tout le monde ne prend pas l'avion.
02:58Mais tout le monde peut décider par exemple de mettre à la poubelle une grande partie de ses mails,
03:06parce que conserver ses mails ça consomme énormément d'énergie.
03:10Chacun peut décider si vraiment il est addict à la consommation de viande, à défaut de s'en passer complètement,
03:20un jour par semaine sans viande et peut-être même sans poisson.
03:24Et puis pour les autres jours, essayer de choisir une viande de proximité, de qualité,
03:30qui a été faite peut-être avec de meilleures conditions d'élevage.
03:34Ce qu'il faut simplement comprendre, c'est qu'il faut mettre juste un tout petit peu de conscience dans son quotidien.
03:41Ne pas faire les choses par automatisme, ne pas faire les choses par conditionnement,
03:46ne pas faire les choses par mimétisme.
03:48Les faire avec l'esprit clair.
03:51Se dire est-ce que ce désir que je vais satisfaire, ce besoin que je vais satisfaire, d'abord est-ce qu'il est essentiel ?
04:00Est-ce que je peux m'y passer ?
04:02Et si je n'ai pas envie de m'y passer, est-ce que je peux faire un choix ?
04:05Je dois aller en face, est-ce que je peux y aller à pied, je peux y aller en vélo, je peux y aller en voiture ?
04:11Juste prendre le temps, la réflexion.
04:14Quelque part, c'est une forme de quête de liberté parce que c'est se réapproprier sa décision
04:21et non pas être conditionné par toute force de persuasion clandestine
04:26qui, quelque part, décide à votre place sans même que vous en aperceviez.
04:30Si chacun se met à choisir des produits de proximité, des produits issus de l'agriculture biologique,
04:38pour peu qu'ils ne soient pas évidemment plus chers que ceux issus de l'agriculture conventionnelle,
04:43le modèle de production va s'organiser pour répondre à sa demande.
04:48Donc individuellement, en tant que consommateur,
04:50surtout si on multiplie par des millions de personnes qui reproduisent ça 365 jours par an,
04:57au bout d'un moment, c'est nous qui allons créer les standards de la consommation.
05:01Est-ce que vous avez des exemples justement de changements structurels
05:07qui ont eu lieu grâce à des efforts individuels répétés ?
05:10J'ai tendance à penser que quand on voit que le bio en France a une croissance à deux chiffres
05:20que beaucoup de secteurs économiques aimeraient pouvoir afficher,
05:24c'est dû principalement à ce souci, ce souhait ou cette inquiétude
05:28qu'ont les consommateurs de manger des aliments qui soient sains
05:32et qui soient respectués de l'environnement.
05:34Donc ce signal, cette lame de fond, elle est partie des consommateurs
05:38et on peut le faire à mon avis dans tous les secteurs.
05:42Donc ce que j'attends notamment de cette émission,
05:44peut-être avec une petite once de naïveté, mais faites-moi mentir et faites-moi rêver,
05:50c'est qu'à un moment ou à un autre, on se comprenne mieux.
05:54C'est qu'on dise aux politiques, allez-y en grand, ayez des ambitions,
05:59changez le modèle énergétique, changez le modèle agricole,
06:02donnez-nous des alternatives pour nous déplacer
06:06et puis nous, on vous accompagnera.
06:09Ou l'inverse, il faut que les politiques proposent des choses
06:14mais que les citoyens ne soient pas pour le changement
06:18simplement quand il est dans le jardin du voisin.
06:20Donc voilà, c'est qu'on se rende compte que c'est l'humanité,
06:25donc chacun d'entre nous qui est concerné, en bien ou en mal,
06:30par l'enjeu écologique parce que c'est, encore une fois,
06:35le monde vérité pour l'humanité au XXIe siècle.
06:38C'est un combat à la fois angoissant si on laisse les choses nous échapper
06:42et c'est un combat passionnant si on décide chacun de retrousser ses manches
06:46ça va nous obliger à nous retrouver, à mutualiser nos moyens
06:50et encore une fois à donner un sens à notre intelligence.
06:54Mais on n'y arrivera pas en désordre, on n'y arrivera pas si chacun d'entre nous
06:59on continue à mijoter nos petits préjugés les uns envers les autres
07:02comme si on avait l'éternité devant nous.
07:04La science vient simplement de nous dire qu'on n'avait plus beaucoup de temps,
07:08on a encore les cartes en main et donc c'est à nous de jouer.
07:12La Providence, c'est nous.