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  • 25/03/2025
REPLAY : Appel des solidarités, enjeux climatiques et campagne présidentielle...
Nicolas Hulot répond à Brut. Rémy Buisine était en direct.

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Transcription
00:00Eh bien, on est en direct, on est sur Brut depuis Rennes avec un invité exceptionnel qui nous fait
00:06beaucoup de plaisir d'être avec nous en cette fin d'après-midi pour répondre à notre question. C'est une interview interactive
00:11pendant 40 minutes. Les questions de la rédaction ainsi que les vôtres, les internautes qui nous regardent, vous pouvez d'ores et déjà poser vos questions via
00:18les commentaires. Et cet invité exceptionnel aujourd'hui, il est face à nous, vous l'avez reconnu, c'est Nicolas Hulot. Bonjour monsieur Hulot.
00:24Bonjour. Merci d'accepter de répondre aux questions de Brut.
00:29Cette première question, justement, vous êtes parti sur un engagement associatif avec l'appel des solidarités.
00:36Est-ce que vous pouvez expliquer à ceux qui ne connaissent pas encore ce qu'est cet appel,
00:41brièvement, un peu en quelques mots, en quoi ça consiste ? En fait, à la base,
00:45on a vu arriver cet échéance des élections présidentielles
00:50sans grand enthousiasme.
00:52Et on s'est dit, avant de savoir les uns et les autres pour qui on va éventuellement voter, ce serait quand même pas mal que, pour une fois,
01:01on se retrouve pour
01:03décider ensemble pourquoi on veut voter,
01:06pour mettre les choses dans le bon ordre.
01:11Et pour se poser cette question collectivement et pour peser, pas simplement au moment de l'élection présidentielle, mais pour peser durablement,
01:19on a décidé d'essayer de se rassembler.
01:23Qui se rassembler ? Les hommes, les femmes,
01:27qui, en fait, au quotidien, d'une manière invisible,
01:31pratiquent la solidarité.
01:33Et sont des praticiens de la solidarité.
01:35Alors, ça va, on est à peu près 130 structures aujourd'hui, de médecins du monde à la Ligue des droits de l'homme,
01:43ATD Carmonde, la fondation Abbé Pierre Emmaüs, ma propre fondation Greenpeace, la société protestrice des animaux.
01:50Et sur le thème de la solidarité,
01:53d'imposer dans le débat politique, le débat médiatique, le débat sociétal,
01:59ce thème, non pas comme une option,
02:02mais comme une priorité absolue, pour faire en sorte que, quelle que soit l'issue de cette
02:09élection, la solidarité soit bien
02:13en
02:14premier lieu dans le logiciel des politiques. Que tout choix économique,
02:19tout investissement, tout choix politique,
02:22soit il participe à la solidarité, soit c'est une entrave à la solidarité, et dans ces cas-là, on le met de côté.
02:27Et donc, de peser durablement,
02:30et de donner de la reconnaissance à une société que l'on n'identifie pas, parce que par définition, les gens qui sont
02:37auprès des sans-abri, des SDF, des gars qui sont
02:41dans les centres de rétention administrative,
02:44les gars qui s'occupent des mal-logés,
02:47et a fortiori
02:49ceux qui sont avec les réfugiés climatiques ou les migrants qui ont fui le conflit syrien,
02:55ne sont pas des gens qu'on identifie. Mais c'est une société probablement majoritaire en France
03:02qui fait la solidarité le sens de leur vie. On veut que cette société s'identifie, se compte,
03:08et qu'on se réunisse sur cet impératif pour peser
03:12durablement dans le débat politique, pour une bonne raison, et j'en termine,
03:16pas parce que la solidarité c'est une question morale,
03:20si vous avez ça
03:22spontanément chevillé au corps, tant mieux, si la solidarité pour vous, comme la dignité, c'est une vertu majeure, tant mieux,
03:29mais simplement parce que, et c'est le message qu'on veut porter tous ensemble,
03:33c'est que la solidarité, ce n'est pas une option dans un monde qui est connecté.
03:37Dans un monde où tout se voit, où les inégalités s'exposent, où les exclusions se retrouvent
03:43brutalement par internet, par la télévision,
03:45confrontées
03:47entre elles, vous ne pouvez pas condamner les exclus à observer à travers internet les inclus.
03:54Parce que cette observation-là, cette prise de conscience brutale que, moi, parce que je ne suis pas né au bon endroit,
04:01parce que je n'ai pas la même couleur de peau,
04:03je n'ai pas la même valeur, je n'ai pas la même estime,
04:06moi, femme africaine, comme ça arrive pour 18 000 d'entre elles, chaque jour, mon enfant va mourir d'une maladie dont on a le médicament ailleurs,
04:13mais c'est une forme de violence inacceptable, donc si on ne partage pas
04:18nos compétences, nos technologies, nos savoir-faire, notre économie,
04:22eh bien,
04:24si on ajoute à l'exclusion une violence qui est une forme d'humiliation,
04:30personne dans ce monde ne pourra aspirer à vivre en paix. Donc, si on veut un monde apaisé,
04:35si vous et moi, et si tous ceux qui ont déjà tiré leur épingle du jeu veulent vivre en paix, la solidarité, ce n'est pas une option,
04:41c'est une obligation. Donc, c'est le message qu'on veut faire, et pour que ça soit une obligation,
04:45il faut cesser d'avoir un modèle économique qui ne partage pas,
04:49il faut cesser d'avoir un modèle économique qui exploite, il faut cesser d'avoir un modèle économique qui
04:55détruit le substrat de la richesse que sont les ressources naturelles et les ressources, les matières premières et les ressources énergétiques.
05:02J'ai fait un peu long, mais le message qu'on porte ensemble,
05:06l'intelligence humaine, notre système démocratique,
05:09notre politique, notre économie, elle doit être prioritairement au service de la solidarité.
05:15Ce terme solidarité, il revient plusieurs fois dans votre discours, vous avez même dit la solidarité, premier parti de France,
05:21excite les partis politiques, on parle d'un collectif de vivre ensemble au-delà des partis.
05:29On voit bien, il y a
05:31une société qui est discrète, qui, sans tapage, en réalité, n'est pas résignée,
05:38ne cède pas à la peur, même s'ils peuvent avoir peur de l'avenir,
05:42une société qui partage, une société qui soulage,
05:46une société qui crée, qui innove et qui propose.
05:49Derrière ce collectif de l'appel des solidarités, donc ce sont tous les artisans de la solidarité qui sont en train de se réunir,
05:55il y a 500 propositions
05:58qui, si elles étaient mises en oeuvre
06:00pour aimer, en changeant d'échelle,
06:03considérablement
06:04atténuer ou même endiguer les exclusions, voilà, donc c'est un
06:10appel, pas simplement un cri de désespoir, c'est un cri d'espoir et c'est surtout une occasion
06:17unique, encore faut-il qu'ils la saisissent et qu'ils le comprennent,
06:20aux hommes politiques, à ceux à qui on va confier les clés du pouvoir,
06:24de se réconcilier avec les citoyens,
06:27se réconcilier comment ? En s'inspirant de leur intelligence, en s'inspirant de leur expérience, en s'inspirant de leurs connaissances.
06:33On a, en open source,
06:36un cadre référentiel dans tous les domaines pour faire en sorte que les inégalités qui se développent,
06:43les riches sont de plus en plus riches, les pauvres sont de plus en plus pauvres, les exclus sont de plus en plus invisibles, en France comme ailleurs,
06:50eh bien, il y a un réservoir de solutions
06:53fait par des praticiens de la solidarité
06:56qui, quand ils vont se compter, et c'est bien l'objet de l'appel des solidarités, c'est pour ça qu'il faut se compter, ceux qui considèrent
07:01que la solidarité doit être la priorité de toute politique publique,
07:05vous allez
07:06soit sur internet, appelles-les-solidarité.fr et vous dites présent, vous tapez présent, soit vous allez,
07:12si vous n'avez pas internet, il y a dix millions de personnes, encore une forme d'inégalité, qui n'ont pas accès à internet,
07:18et là vous faites 32-32-1, un sms et vous tapez présent. Plus on pourra se compter, au-delà de nos affinités politiques,
07:26au-delà de nos divergences culturelles,
07:28se compter comme une force de résistance, de rappel, résistance à quoi ? au fatalisme,
07:34à l'égoïsme, à l'individualisme, au nationalisme,
07:38qui sera, seraient des tentations guidées par la peur,
07:41et cet appel des solidarités, c'est de ne pas laisser la peur étouffer notre coeur.
07:47Vous avez pris le choix de partir dans une idée associative
07:51plutôt que politique. Est-ce que vous avez mûrement réfléchi à ce choix ? Est-ce qu'il y avait peut-être un moment l'idée d'une possibilité d'une candidature à l'élection présidentielle ?
07:58Oui !
07:59Tout engagement, quelle que soit sa forme,
08:03est nécessaire,
08:04pour peu qu'elle soit animée par,
08:08je dirais, une intention humaniste, que l'on mette bien l'humain au centre de nos
08:14priorités. Alors on peut le faire
08:16en soi-même, en se lançant
08:19dans cette folle aventure qu'est une élection présidentielle,
08:24mais vous savez, on peut faire de la politique comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
08:29Quand on se réunit comme ça, et qu'on n'est pas simplement dans la dénonciation, mais qu'on est aussi dans la proposition,
08:36et que,
08:37moi, je ne méprise pas les hommes ou les femmes politiques, il en est des hommes et des femmes politiques comme de n'importe quelle catégorie sociale,
08:44il y a des gens extraordinaires, il y a des pourris, il y a des désinvoltes, il y a des cyniques,
08:49mais il n'y en a pas plus là qu'ailleurs, mais il y a aussi des gens qui sont des bosseurs,
08:53mais ils sont dans une situation de grande complexité parce que
08:57aujourd'hui l'action politique est plus compliquée. Pourquoi ? Parce que, notamment à cause de la crise écologique,
09:02il faut qu'ils fassent rentrer dans leur
09:04mode de pensée le long terme,
09:06le futur, parce que pour la première fois on est aussi en train de se désolidariser avec le futur, parce que si on continue le modèle de
09:13développement dominant, on va épuiser toutes nos ressources et on va s'engager notre écosystème.
09:18Donc c'est vrai que c'est compliqué l'action politique parce qu'il y a des exigences et des souffrances immédiates.
09:24Quand on parle des changements climatiques chez nous,
09:27ce n'est pas très palpable, et pourtant ça génère les souffrances de demain, mais ça génère aussi des injustices,
09:35des
09:37tragédies d'ores et déjà dans des populations vulnérables, mais très éloignées de nous.
09:41Donc il faut qu'on se relie, et il faut que ce monde politique se connecte à cette intelligence citoyenne.
09:49Il faut qu'ils l'écoutent. Ce n'est pas à nous
09:51de leur dire écoutez-nous, c'est à eux de voir que là il y a un réservoir de compétences, d'intelligence, d'exigences
09:58qui pourraient faire en sorte de redonner du crédit à la politique, et vous serez d'accord avec moi, elle en a bien besoin.
10:04Et ces idées, justement, que vous évoquez, vous allez les
10:08transmettre au futur président de la République ?
10:11Vous savez, on va déjà, en se réunissant, en se comptant avec ce cadre référentiel qu'on a posé,
10:18si effectivement cette dynamique qui va au-delà de la campagne présidentielle et législative, il y a un quinquennat derrière,
10:26si ça se veut être un point de référence d'exigence,
10:29mais une force de rappel, qui va pouvoir encore une fois en permanence évaluer
10:34les propositions, les promesses des candidats, et les rappeler à l'ordre.
10:38Si cette force est suffisamment conséquente, puissante et inspirante,
10:43elle va influencer, je l'espère, durablement l'action politique, voilà.
10:48Il faut créer un nouveau rapport de force qui ne soit pas partisan.
10:52On peut être de gauche, on peut être de droite, on peut avoir une affinité avec tel candidat,
10:59mais vous savez, dans la situation de crise dans laquelle on est,
11:04dans cette situation justement où il y a tant d'exclus,
11:07tant de souffrances invisibles,
11:10d'ailleurs, qu'on a tendance à ne pas regarder, à se détourner,
11:14et croyez-moi, aujourd'hui, le monde virtuel nous offre toutes les occasions pour se détourner de la réalité.
11:21Mais si on veut demain que le XXIe siècle ne reproduise pas les grandes tragédies du XXe siècle,
11:29c'est-à-dire que si on n'a pas conscience que la paix dans laquelle nous vivons,
11:34nous, notre génération, n'est pas la norme, elle est l'exception dans l'histoire du monde.
11:40Un temps comme ça prolongé de paix, c'est rare, mais la guerre peut revenir.
11:45Vous savez, quand on va se faire la guerre pour l'eau,
11:47quand il n'y aura plus de ressources halieutiques, quand il n'y aura plus suffisamment de terres arables,
11:52mais simplement quand il y aura des millions de personnes qui vont se déplacer
11:56parce qu'ils subissent les conséquences d'un phénomène qui s'appelle le changement climatique,
11:59qui est la conséquence d'un mode de développement qu'ils n'ont pas provoqué
12:02et qui est la conséquence de notre propre mode de développement,
12:06chacun peut comprendre que si on ne leur tend pas la main,
12:12si on ne leur ouvre pas les bras, si on continue à avoir les yeux fermés,
12:16ce mépris qu'on leur inflige est une forme de violence et en retour on recevra une autre forme de violence.
12:23Donc simplement pour dire, vous savez, on est sur un point de bascule,
12:26soit on ouvre les yeux, on tend les bras, on partage nos richesses et nos compétences,
12:32et toute l'humanité peut faire un saut qualitatif merveilleux parce qu'on a assez de connaissances,
12:37assez de technologies, largement assez de pognon pour que chacun puisse aspirer à vivre heureux.
12:45Mais encore faut-il qu'il n'y ait pas, comme c'est le cas, 1% du monde qui consente 93% de la richesse,
12:52ça n'est pas possible, encore faut-il qu'on n'ait pas un système industriel ou productiviste
12:57qui est en train de dilapider les ressources naturelles de la planète.
13:01C'est pour ça que la solidarité ça passe aussi par la sobriété, ça passe par la diversité,
13:07ça passe aussi par une forme d'humilité, que les hommes se rendent compte
13:13que leur plus grand danger ce n'est pas leur faiblesse, c'est leur trop grande puissance.
13:17On parle d'écologie justement, le quinquennat de François Hollande va se terminer dans quelques semaines,
13:21si vous auriez le président de la République en face de vous,
13:25qu'est-ce que vous lui diriez sur son bilan entre 2012 et 2017 sur l'écologie,
13:29qu'est-ce qu'on a avancé, est-ce qu'il y a eu des avancements en France sur ce domaine ?
13:34Chapeau pour avoir mobilisé le troisième réseau diplomatique au monde,
13:40donc le réseau diplomatique français, pour assurer le succès de la COP 21.
13:45Ce n'était pas gagné d'avance, il fallait avoir un certain courage,
13:49alors qu'aucun État ne voulait accueillir la COP 21,
13:52et le président et la diplomatie française ont joué le jeu.
13:56Bravo pour la loi sur la transition énergétique.
14:00Une fois que j'ai dit ça, il faut aller beaucoup plus loin.
14:05Mais la gauche comme la droite...
14:07Et qu'est-ce qui a manqué par exemple dans ce quinquennat ?
14:08Qu'est-ce qu'on a manqué ? Faire de mieux, plus fort ?
14:10Mais ce qui manque, c'est qu'on n'a pas une approche intégrale de l'écologie.
14:16On a une approche verticale, c'est-à-dire c'est une variable d'ajustement.
14:20Il faudrait qu'on ait une vision sur le modèle agricole de demain,
14:24que l'agroécologie, demain, devienne la norme,
14:28que ça ne soit plus l'exception, que l'agriculture biologique soit encouragée,
14:33notamment en faisant en sorte que toute la restauration collective
14:37s'approvisionne à des produits de qualité et de proximité.
14:41Ce qui manque, c'est d'avoir une réforme profonde de la fiscalité,
14:45c'est-à-dire soulager la fiscalité du travail,
14:48la déplacer sur la fiscalité écologique,
14:50c'est-à-dire pour réguler les prélèvements des ressources naturelles,
14:53les prélèvements des ressources énergétiques, les impacts environnementaux,
14:56et taxer tous les revenus qui ne sont pas issus du travail.
14:59Ça, c'est une approche intégrale.
15:02Qu'est-ce qui manque ?
15:03C'est aussi de changer nos pratiques démocratiques.
15:06Au lieu d'avoir un monde politique qui est toujours dans le réactif,
15:10parce qu'on est happé comme dans un fleuve en crue,
15:14est-ce qu'on ne peut pas avoir un lieu, comme une troisième chambre,
15:17qui soit un lieu apaisé, documenté,
15:20où les citoyens, les experts, les sachants et les partenaires sociaux
15:25réfléchissent à l'avenir et planifient la transition.
15:30Donc c'est des changements profonds, mais ce qui manque aussi, c'est la cohérence.
15:35C'est qu'à partir d'une manne d'argent limitée,
15:38limitée d'abord parce qu'une grande partie des acteurs économiques
15:41s'organisent pour ne pas y participer au budget de l'État.
15:45Donc déjà aussi, ce qui manque, c'est une détermination
15:47pour mettre fin à l'évasion et à l'optimisation fiscale.
15:50Mais ce qui manque aussi, c'est une cohérence dans les investissements économiques
15:56qui participent à la solidarité,
15:58et par contre, renoncer à ceux qui ne sont pas prioritaires.
16:01Qu'est-ce qui est prioritaire aujourd'hui ?
16:04Ce qui est prioritaire, par exemple, c'est de sortir ces millions de Français
16:07qui sont dans la précarité énergétique,
16:09donc de rénover les bâtiments anciens, de mettre l'argent là,
16:12pas le mettre dans un aéroport dont on n'a pas besoin,
16:14alors que la France compte quatre fois plus d'aéroports que l'Allemagne.
16:18Oui, je prends cet exemple-là, mais je pourrais en prendre plein.
16:21C'est simplement qu'on est dans une espèce d'automatisme d'investissement
16:26qui date du XXe siècle.
16:28Ce qui manque, c'est que nos hommes politiques voient
16:31qu'on est dans un XXIe siècle qui n'a rien à voir avec le XXe siècle.
16:35Alors on a cette question de Dimitri, qui va même sur un avis, qui dit
16:39« Pourquoi as-tu abandonné ta candidature à la présidente ?
16:42J'aurais voté pour toi. »
16:43Mais il y avait peut-être une attente chez certains.
16:45Oui, j'entends bien et je me suis posé la question.
16:51Et peut-être que la décision et ce renoncement à me présenter,
16:56c'est peut-être, et c'est sans doute difficilement compréhensible,
17:02un choix de responsabilité.
17:05Parce que je ne sais pas si la personne qui pose cette question
17:09imagine bien ce que c'est que de faire une candidature
17:12et surtout d'envisager l'hypothèse de se retrouver au second tour
17:17et voir éventuellement, même si j'entends bien
17:19et croyez-moi, je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas,
17:23mais dans le contexte inédit actuel, je ne devais pas tricher,
17:27c'est-à-dire me dire « Est-ce que tu te sens, toi, qui as un bac plus trois mois,
17:32même si dans ton engagement de faits de 25 ans, tu as appris beaucoup de choses
17:35et que tu entourais de gens merveilleux,
17:38de te retrouver à la tête de la cinquième puissance économique du monde
17:42avec une Europe qui part en déliquescence,
17:46des rapports de force et géopolitique absolument inédits,
17:50ça ne s'improvise pas.
17:52Et je n'ai pas voulu prendre une décision dans une telle improvisation.
17:57Et j'ai été précipité dans cette décision
17:59et je ne voulais pas la prendre émotionnellement,
18:02je voulais la prendre rationnellement.
18:04Et j'entends bien que ça a déçu,
18:07j'entends bien que moi-même ça m'a perturbé,
18:10mais j'ai considéré qu'en l'état,
18:13mon action était plus utile à essayer de rassembler sur l'essentiel,
18:19quel que soit l'issue du vote,
18:21et de participer à un mouvement qui, encore une fois,
18:24plutôt que de se diviser sur pour qui on va voter,
18:28d'abord on se rassemble sur pourquoi on va voter.
18:33Alors après il y a cette COP21 justement,
18:37on en parlait tout à l'heure,
18:38l'accord de Paris, le président des Etats-Unis
18:41qui lui compte remettre les choses en cause.
18:44Je sais que vous avez un discours très sévère à son encontre.
18:47Oui, oui, parce que ceux qui me connaissent
18:50sachent que je suis capable de dérision et d'autorision,
18:54c'est mon antidote au stress et au désespoir,
18:57mais là je ne rigole plus.
18:59Et d'ailleurs, je ne suis pas le seul,
19:02ceux qui connaissent la gravité de la situation,
19:06on est en termes de menaces climatiques
19:10qui menacent ni plus ni moins l'humanité.
19:14Les conditions d'existence des générations
19:17qui sont déjà dans les cours d'école,
19:19on était déjà sur le fil du rasoir.
19:22La COP ce n'était pas un aboutissement,
19:23c'était un départ, un préalable.
19:26Un préalable parce qu'on a fixé un constat, pour une fois,
19:30et puis on s'est mis une feuille de route
19:31mais qui n'était pas suffisante,
19:32mais dont il n'était pas exclu qu'on n'aille plus loin
19:37et que notamment les principaux émetteurs,
19:38au premier rang desquels les Etats-Unis,
19:41aillent très très vite pour réévaluer leurs engagements.
19:45Et puis, patatras,
19:46on a une sorte de personnage hybride
19:51entre Dr Follamour et Frankenstein
19:56qui vient mettre ce petit grain de folie supplémentaire
20:05qui peut embraser la planète.
20:08Embraser pas simplement
20:10parce qu'on va achever de détruire cet écosystème
20:13qui a mis 4 milliards et demi d'années
20:15à se constituer dans son équilibre
20:17et que l'homme, en l'espace de 150 ans,
20:18est en train de compromettre,
20:22mais parce que le changement climatique,
20:23je l'ai dit tout à l'heure,
20:25déjà chaque année,
20:26ils jettent sur le chemin de l'Exode
20:30entre 20 et 30 millions de personnes.
20:34Et les gens qui meurent par centaines en Méditerranée,
20:37ce n'est pas simplement des gens qu'on fuit le conflit syrien,
20:40c'est aussi des gens qu'on fuit la désertification au Sahel
20:43qui est dopée par le changement climatique.
20:45Mais vous croyez que ces hommes,
20:46ces femmes et ces enfants qui meurent
20:48ou éventuellement qui sont obligés de quitter
20:50leurs racines, leurs territoires,
20:52qui savent maintenant,
20:54qui subissent un phénomène qui a été provoqué par ces pays-là
20:58et que ces pays-là, en plus, leur tirent la langue
21:00et leur font un doigt d'honneur ?
21:02Mais vous croyez que le monde va pouvoir vivre en paix ?
21:07Le cynisme de Donald Trump,
21:12son fatalisme nourrit le terrorisme de demain.
21:16Voilà, c'est ça qu'il faut comprendre.
21:18Le terrorisme n'est pas né comme ça.
21:21Il est, avec un décalage dans le temps,
21:25la conséquence de reniement, de renoncement.
21:28Et là, l'attitude de Donald Trump,
21:31mais j'espère qu'elle le mènera directement,
21:34en tout cas dans un délai bref,
21:35au tribunal international de la Hague
21:37pour répondre d'un crime contre l'humanité
21:40et de ce que l'on appelle l'écocide.
21:43Alors pour revenir sur la présidentielle,
21:45sur la politique intérieure en France,
21:47pour la première fois depuis bien longtemps,
21:49le candidat écologiste s'est rallié à une autre candidature,
21:52celle de Benoît Hamon.
21:52Est-ce que vous avez approuvé cette option ?
21:55Je n'ai pas à l'approuver,
21:58mais ce que je constate,
22:00c'est que si on a une analyse un peu historique
22:04de la politique française,
22:06il n'y a pas de candidat écologiste,
22:08mais il y a quand même une présence
22:11de l'impératif écologique dans la campagne.
22:14D'abord, pour la première fois,
22:14vous avez un socialiste, Benoît Hamon,
22:17qui a une approche assez exigeante,
22:20travaillée,
22:21et que je sens sincère,
22:25de l'enjeu écologique.
22:26Ce n'est pas pour lui un petit sujet,
22:27comme souvent on le faisait,
22:29qu'on se sous-traite à un ministre ou à un parti.
22:32Donc l'écologie est présente dans la campagne,
22:33notamment grâce à la conversion
22:36assez spectaculaire de Benoît Hamon.
22:39Comme il y a une émulation
22:41assez positive et constructive
22:43avec Jean-Luc Mélenchon,
22:45qui a une conversion plus ancienne,
22:47mais aussi très exigeante.
22:49Et puis j'observe que,
22:51peut-être avec un décalage dans le temps,
22:53et peut-être d'une manière moins spontanée,
22:55mais peu importe,
22:57on peut avoir une conversion au départ
23:01opportuniste ou stratégique.
23:02Elle peut, si on est intelligent,
23:04se transformer dans une véritable conversion
23:07et conviction.
23:08J'observe que chez Macron,
23:09il y a quand même un certain nombre
23:12de propositions dans ce domaine-là.
23:14L'écologie est quand même présente
23:16dans la campagne.
23:18Et qui est-ce qui va le plus loin
23:19dans cette conversion de plus à vos idées ?
23:22Ce n'est pas forcément à moi de le dire,
23:26mais en tout cas, je trouve que
23:27sur les deux premiers que je cite,
23:29je trouve qu'il y a une exigence.
23:32Je pense que sur Emmanuel Macron,
23:35il faut qu'il aille beaucoup plus loin,
23:36notamment dans la cohérence.
23:37Je prends un exemple très simple.
23:38C'est bien de dire que l'écologie
23:40est un enjeu important
23:41et d'avoir des propositions
23:42dans le domaine de l'économie circulaire,
23:44de promettre un grenelle de l'alimentation.
23:47Je suis très content de cela.
23:50Mais quand dans le même temps, par exemple,
23:52et je ne le dis pas par provocation,
23:53je le dis parce qu'il est encore temps
23:56qu'il révise sa position.
23:58On n'a pas d'hésitation
24:00sur un traité de libre-échange
24:02comme le CETA qui est en gestation
24:04entre le Canada et l'Union européenne,
24:06qui va mettre à mal
24:08des normes environnementales
24:10et qui va rendre encore plus difficile
24:12de réaliser nos objectifs
24:14de la COP de Paris.
24:15Je me dis qu'il faut qu'il aille plus loin
24:18dans sa vision
24:19parce que ça doit être une vision intégrale.
24:21Il y a un modèle économique
24:24qui est un modèle qui est à l'origine
24:26de la crise écologique
24:27parce que c'est un modèle
24:27qui épuise les ressources.
24:29C'est un modèle qui détruit la nature.
24:31Et c'est bien ce modèle
24:33qu'il faut attaquer à la racine.
24:35Je ne suis pas anticapitaliste,
24:37mais ce sont bien les excès du capitalisme,
24:39c'est-à-dire un capitalisme sans limite,
24:41sans régulation, sans réglementation,
24:43qui est à l'origine des crises humanitaires,
24:45des crises sociales et de la crise écologique.
24:48Et tant qu'on n'a pas compris ça,
24:49on ne peut pas se revendiquer être un écologiste.
24:52Est-ce que vous avez rencontré
24:53des candidats à l'action présidentielle
24:54pour faire part un peu de vos idées ?
24:55Ce que je vous dis, je le dis absolument
24:57de la même manière, sans filtre,
24:58sans provocation, sans mépris.
25:01À tous ceux ou celles
25:02qui souhaitent me rencontrer,
25:03c'est mon job depuis 25 ans.
25:05Et là, depuis que la campagne a démarré
25:08et même avant qu'elle ait démarré officiellement,
25:10j'ai passé de longs entretiens
25:14parce que ça fait encore une fois,
25:15ça fait partie de ma mission
25:16avec certains candidats,
25:19Macron, Hamon, Mélenchon...
25:22Vous les avez sentis réceptifs ?
25:24Alors, il y en a qui sont d'évidence réceptif.
25:28Il y en a dont on voit bien
25:30que la droite française,
25:33et j'ai dit ça encore une fois,
25:34sans parti pris, je m'en désole.
25:36Je m'en désole parce que je ne comprends pas
25:39qu'on puisse se prétendre dans la modernité
25:43quand on fait abstraction
25:45d'un paramètre aussi important.
25:48C'est-à-dire que tout ce qui a de l'importance
25:50à leurs yeux, tout ce qu'on peut promettre
25:52dans un programme politique,
25:54si on ne tient pas compte du paramètre écologique,
25:56sera anéanti.
25:58Aucune économie, aucune démocratie
26:01ne résistera si la crise écologique
26:03et la crise sociale, la crise humanitaire
26:05se combinent.
26:06Alors, vous évoquiez tout à l'heure
26:07Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon.
26:09On a l'impression que l'écologie,
26:10c'est surtout un sujet à gauche.
26:12C'est cette question de Jérôme,
26:13pourquoi l'écologie sera à gauche ?
26:15Mais c'est bien d'ailleurs,
26:17tout le paradoxe,
26:18et ça explique probablement
26:20cette espèce d'indifférence
26:22ou même parfois d'aversion
26:25que la droite a vis-à-vis de l'écologie.
26:27Comme si parler d'écologie,
26:29qui est un joli mot dès lors qu'on le dépolitise,
26:33c'était une forme de compromission politique.
26:36Dit autrement,
26:37comme pour certains l'écologie
26:40est plutôt d'origine
26:43et de coloration à gauche,
26:48la droite se dit
26:49oulala, si on parle d'écologie,
26:51quelque part on va apparaître comme des gauchistes.
26:53Mais enfin, être dans ce type de raisonnement,
26:55l'écologie c'est suprapolitique.
26:57N'importe quel être sensé,
26:59intelligent et bien informé
27:01devrait être écologiste.
27:03Être écologiste,
27:04c'est être radical en humanité,
27:07se préoccuper de l'humanité.
27:09C'est ça être écologiste.
27:11L'humanité d'aujourd'hui,
27:13l'humanité proche de chez soi,
27:16l'humanité à l'autre bout du monde
27:18qui se prend en typhon,
27:19inondation, sécheresse,
27:21incendie en permanence,
27:23et humanité de demain
27:24parce qu'on est en train de spolier nos enfants
27:27de leurs conditions d'existence.
27:29Est-ce qu'il y a besoin d'être à gauche
27:31pour s'indigner de cela
27:32et au contraire pour se mobiliser ?
27:34Mais être écologiste, c'est être moderne.
27:37Être moderne,
27:38parce que plutôt que de dévaster la terre,
27:41aller chercher du charbon, du pétrole
27:43avec les risques et les conséquences sanitaires
27:47que cela occasionne,
27:48ce sont des millions de morts chaque année
27:50qui meurent prématurément
27:51à cause de l'utilisation des énergies fossiles,
27:54énergies fossiles qui, au passage,
27:56coûtent à la communauté internationale
27:58en termes de conséquences économiques,
28:00sanitaires et environnementales
28:025 000 milliards de dollars.
28:05Donc, être écologiste,
28:06c'est aussi avoir une approche moderne de l'économie.
28:08C'est plutôt de mettre l'argent en amont
28:11plutôt que d'en mettre énormément en aval
28:14pour réparer les conséquences de ses propres bêtises.
28:17C'est ça la modernité,
28:18c'est avoir un horizon
28:20qui dépasse les cinq années de son mandat électoral.
28:24Alors, on a beaucoup de jeunes qui nous regardent aujourd'hui,
28:25qui font partie de l'avenir, de demain,
28:28de ceux qui vont avoir cette planète en péril
28:30que vous nous décrivez.
28:31Qu'est-ce qu'on peut faire, chacun,
28:33pour vivre dans un monde meilleur sur le plan écologique,
28:35pour contribuer à faire en sorte que ce monde soit meilleur,
28:40soit respecter l'environnement, l'écologie ?
28:42C'est par des petits gestes au quotidien.
28:44Quel conseil vous donneriez, justement,
28:45à ceux qui nous regardent aujourd'hui ?
28:46Quel message adresser à la nouvelle génération ?
28:49Déjà, de vous poser justement la question
28:50de savoir ce que vous pouvez faire,
28:51essayez de trouver la réponse vous-même.
28:54Rentrez dans un chemin de progression.
28:58Ne pas, comment dire,
29:00se débarrasser de cet enjeu-là sur deux, trois petits gestes.
29:05C'est bien, je veux dire, de prendre son vélo
29:09si on peut éviter de prendre sa voiture,
29:10de prendre le transport en commun
29:12si on peut éviter de prendre un transport individuel.
29:14C'est bien de débrancher ses appareils en veille le soir.
29:18C'est bien de prendre des produits de proximité.
29:22Mais c'est surtout, déjà en tant que consommateur,
29:25en tant que citoyen,
29:27ne pas céder par mimétisme aux automatismes consuméristes.
29:32Redevenir libre.
29:34S'affranchir de ces forces de persuasion clandestines
29:37qui nous transforment comme ça
29:39en consommateurs totalement addicts.
29:43Mais après,
29:45et ça peut aller très loin,
29:48si demain vous êtes locataire
29:52et peut-être un jour propriétaire,
29:54approvisionnez-vous en énergie chez Enercop
29:57plutôt que dans des producteurs d'énergie
30:00qui produisent de l'énergie à partir du nucléaire
30:03ou des centrales thermiques.
30:04Si vous avez la possibilité de faire du covoiturage,
30:07de faire du télécollage,
30:08mais engagez-vous.
30:10Et au moment où vous nous regardez,
30:11commencez là, il y a une initiative
30:14qui est encore une fois suprapolitique,
30:16qui est un moment de respiration dans cette campagne,
30:20l'appel des solidarités.
30:22Là, vous nous regardez.
30:24Si vous n'avez pas encore fait le 32-32-1 et tapé présent,
30:27faites-le.
30:29Présent ou présente d'ailleurs.
30:30Mais surtout,
30:32si chacun qui tape ça trouve trois personnes autour d'elle
30:36et ainsi de suite,
30:37il faut transformer cette espèce de dynamique
30:40que nous sommes en train de créer
30:42pour avoir quelque chose qui prenne un peu de hauteur,
30:45quelque chose de généreux,
30:46quelque chose d'ouvert,
30:47mais quelque chose de créatif.
30:48Ce n'est pas juste des bons sentiments,
30:50je vous rassure,
30:51je ne suis pas naïf.
30:52Je sais simplement qu'il y a une belle société.
30:54Il faut qu'elle se retrouve,
30:55il faut qu'elle se rassemble,
30:56il faut qu'elle se compte.
30:57Engagez-vous dans l'appel des solidarités,
30:59engagez-vous aussi dans des associations,
31:01il y en a plein.
31:02L'appel des solidarités,
31:04on a 120-130 associations
31:06qui ont besoin également de bénévoles.
31:09Voilà.
31:09Et puis, si vous votez,
31:10je n'ai pas à vous dire pour qui votez.
31:12Vous ne donnez pas de consignes.
31:13Mais je peux vous dire pour quoi voter
31:15et vous êtes suffisamment avisé
31:17pour voir dans ce que je viens de dire
31:19dans les programmes,
31:21ceux qui justement
31:22sont plus exigeants dans la solidarité.
31:24Ceux qui ont un programme économique
31:27qui est plus compatible avec la solidarité.
31:29Il y a des programmes économiques
31:30qui sont là pour concentrer la richesse
31:32et la dilapider.
31:34Il y en a qui sont là pour préserver la richesse
31:36et la partager.
31:37Mais est-ce que j'ai besoin
31:39de prendre les gens pour les investir
31:40en disant c'est plutôt celui-là
31:41ou plutôt celle-là ?
31:42Non.
31:43Mais attention.
31:45Attention dans ce moment
31:47que je comprends angoissant.
31:50Angoissant parce que quand on est jeune,
31:51on se dit putain,
31:52est-ce que je vais pouvoir faire des études ?
31:54Oh merde,
31:55est-ce que mes études vont me permettre
31:57de déboucher sur un boulot ?
31:59Et puis on regarde,
32:00on s'aperçoit que ses parents
32:01vivent moins bien qu'ils ne vivaient autrefois.
32:04Donc on est inquiet.
32:05Puis on voit le terrorisme.
32:06Puis on voit les événements climatiques.
32:09Donc tout ça est évidemment
32:11porteur d'angoisse et d'inquiétude.
32:13Mais ne cédez pas à la peur.
32:15Voilà.
32:16L'histoire, quand on cède à la peur,
32:17elle se termine toujours mal.
32:19Et la seule chose qui puisse nous faire sortir
32:21par le haut, c'est le cœur.
32:23Ce n'est pas de l'angélisme.
32:25Le cœur, ça veut simplement dire que
32:27vous vous apercevrez que dans l'existence,
32:29la seule chose qui vous restera,
32:31c'est ce que vous aurez donné.
32:34Dans moins de trois semaines,
32:35le premier tour de l'élection présidentielle,
32:37la campagne a commencé depuis maintenant quelques mois.
32:38Quel regard vous avez globalement
32:40sur ce qui se passe,
32:41sur une campagne qui est
32:42plutôt sur le fond d'affaires
32:44que de débats politiques ?
32:47Parfois, je m'insurge sur le fait
32:49qu'il y a quand même une forme de complaisance
32:53entre les médias et la petite chose politique.
32:58Parce que tout en s'offusquant que,
33:00notamment à cause de ce qu'on a appelé les affaires,
33:02ça a préempté la campagne.
33:04Mais enfin, est-ce qu'il y a besoin
33:05d'alimenter ça en permanence ?
33:07Donc, c'est vrai que je trouve qu'il y a un gâchis.
33:11La démocratie, ce n'est pas donnée à tout le monde
33:13et nous, nous l'avons héritée.
33:14On n'a rien fait pour la gagner.
33:17D'utiliser ce moment où les Français
33:19peuvent parler, peuvent discuter,
33:20peuvent se projeter pour ne parler
33:23que des frasques, des turpitudes.
33:26OK, on peut mentionner tel fait
33:29et après laisser la justice faire.
33:30Mais quand c'est le principal objet
33:34de discussion de la campagne,
33:36je me dis que des pays qui n'ont pas accès
33:38à la démocratie, ou en tout cas
33:40pour ceux qui sont morts pour la démocratie,
33:42et notamment, je pense à Mandela,
33:44dont beaucoup de ses compagnons sont morts
33:46pour offrir la démocratie à l'Afrique du Sud,
33:49ce n'est quand même pas digne de notre société.
33:51Voilà, donc c'est vrai que ça devrait être
33:54un moment d'enthousiasme,
33:56un moment de projection,
33:57un moment aussi de, presque d'union.
34:01Et en réalité, qu'est-ce qu'on fait
34:02dans cette campagne ?
34:04C'est une forme de, je caricature,
34:06mais un peu de jeu du cirque.
34:08Ça ne peut se tourner à la téléréalité
34:10qu'un débat digne de société.
34:13Alors, ce n'est pas fini.
34:14Et puis, il y en a qui ne cèdent pas à ça
34:16et qui justement réfléchissent
34:20peut-être plus posément.
34:23Et c'est pour ça que notre appel
34:25à la téléréalité, il est justement
34:27pour s'extraire un tout petit peu
34:28de cette partie, je dirais,
34:31un peu théâtrale,
34:35et pour se poser les bonnes questions.
34:37Voilà, posons-nous les bonnes questions.
34:39Quel monde on veut ?
34:40Quelle France on veut ?
34:41Quelle Europe on veut ?
34:42C'est quoi le progrès ?
34:43Quel sens on veut donner à la technologie
34:46et à l'économie ?
34:47Mais ce côté théâtral, justement,
34:48c'est plus de la faute des médias
34:50ou de la faute des candidats
34:51concernés par des affaires
34:52qui ne se sont pas retirées ?
34:54Moi, je pense que c'est un accommodement
34:56des deux.
34:57Parce qu'il y a quand même,
34:59pour certains médias, c'est quand même,
35:02je ne veux pas jeter l'opprobre
35:04sur tout le monde,
35:05mais il y a une forme d'hypocrisie.
35:07On s'offusque de cela
35:09et en même temps, on s'en régale.
35:11Voilà, et on fait tourner en boucle.
35:13Et puis du coup, dès qu'on a un candidat,
35:15plutôt de l'interroger sur son programme,
35:17sur telle mesure,
35:18sur telle incohérence,
35:20on va lui demander de réagir
35:21à la nouvelle information du matin.
35:25Il y a une espèce de mécanique
35:28qui s'est mise en route,
35:29une espèce de manège un peu sordide.
35:32Voilà, on peut, par moments,
35:34dire les faits,
35:35mais on passe à autre chose.
35:36C'est une question de proportion.
35:37Vous savez, René Char disait
35:41l'essentiel est toujours menacé
35:42par l'insignifiant.
35:44Et bien, malheureusement,
35:45dans cette campagne,
35:46l'insignifiant a pris parfois le dessus
35:49sur l'essentiel.
35:50Et c'est bien pour ça,
35:51et je reviens à mon appel
35:52à la solidarité,
35:53qu'est-ce qu'il y a derrière
35:54ces solidarités ?
35:55Il y a une connexion directe
35:57avec toutes ces exclusions,
35:59toutes ces souffrances,
36:00toutes ces indifférences,
36:01tous ces invisibles,
36:02tous ces sans-voix,
36:03tous ces damnés de la Terre
36:05qui sont au quotidien,
36:07au contact avec ces artisans
36:09de la solidarité.
36:10Et c'est pour ça que cette campagne,
36:11j'aimerais bien qu'elle soit
36:13un moment d'inspiration
36:14et de respiration,
36:15parce qu'elle,
36:16elle est en connexion,
36:17elle est avec les vraies souffrances
36:18et également avec les vraies propositions
36:21pour, justement,
36:22endiguer durablement
36:24et profondément ces inégalités
36:26et ces exclusions.
36:27Et justement,
36:28viser des jeunes,
36:28vous allez les rencontrer
36:29tout à l'heure ici à Sciences Po,
36:30il y en a beaucoup
36:31qui nous regardent ici,
36:32peut-être déjà désabusés
36:34de la politique
36:35avant même d'avoir voté
36:36pour la première fois,
36:36qu'est-ce que vous pouvez leur dire ?
36:37Est-ce que vous les incitez à voter ?
36:40Il faut voter.
36:42Ça, c'est clair.
36:42Je veux dire qu'ils ne se rendent
36:44pas compte forcément,
36:45mais que c'est...
36:46parce que pour eux,
36:47c'est automatique,
36:48c'est quelque chose d'acquis,
36:51mais acquis parce que des gens
36:53se sont battus pour ça.
36:55Et moi qui ai beaucoup voyagé,
36:58combien de gens aimeraient pouvoir
36:59voter librement avec un tel choix ?
37:02Bon, vous savez,
37:03la liberté,
37:06c'est quelque chose
37:07que l'on doit préserver,
37:09mais qu'on ne doit pas gâcher,
37:10cette liberté de pouvoir s'exprimer.
37:11Voilà.
37:12Donc oui, il faut voter.
37:13Je comprends
37:15que l'on ne soit pas forcément enthousiaste
37:18et qu'il y ait une défiance
37:20parce qu'on voit
37:21les gouvernements se succéder
37:24et les inégalités se creuser.
37:27Un jeune sur cinq
37:30est en situation de pauvreté.
37:33Donc je comprends ça.
37:35Et dans les quartiers,
37:36c'est 40% des jeunes
37:38qui sont condamnés au chômage
37:40et qui sont aussi en situation de pauvreté.
37:43Et comme on voit la droite
37:44passer au pouvoir,
37:45la gauche passer au pouvoir
37:47et que rien ne s'arrange,
37:48il y a une forme de défiance
37:51ou même parfois, je dirais,
37:52de violence et de colère.
37:54Mais gardons à l'esprit
37:56que si on ne se rassemble pas
37:58au-delà des clivages politiques,
38:01et la priorité,
38:02c'est de se rassembler dans la diversité,
38:05au-delà des partis.
38:06Je veux dire, gauche, droite,
38:08OK, c'est important,
38:09c'est un combat de valeurs, etc.
38:11Enfin, voyons-nous d'abord
38:13comme ce que nous sommes.
38:14On est une famille humaine
38:16qui est face à des grosses difficultés.
38:19Et donc soit on se tend la main,
38:21on partage nos intelligences,
38:23on partage nos technologies,
38:25on partage notre pognon
38:27et on fait en sorte que
38:28toute la richesse qui est produite,
38:30elle irrigue l'ensemble des citoyens
38:33et elle ne se concentre pas
38:34et elle ne converge pas
38:35que vers des parvenus ou des nantis.
38:38Et c'est sur cette détermination
38:39qu'il faut qu'on se retrouve.
38:41Je sais qu'il y a une proposition
38:42qui vous a fait révolter,
38:43c'est l'idée d'Emmanuel Macron
38:44de réouvrir la chasse présidentielle.
38:46Oui, on ne va pas en faire un fromage,
38:48mais ça peut paraître presque anecdotique
38:52dans la gravité de la situation,
38:54mais c'est symptomatique.
38:56D'abord, je ne vois pas en quoi
38:58ça doit figurer dans un programme présidentiel.
39:01C'est symptomatique parce que
39:04ce sont des mœurs d'une époque révolue.
39:07Voilà.
39:08Et de se retrouver entre chefs d'État,
39:12pour aller tirer du gilet
39:13que des gardes de chasse, tout peu nos,
39:15vont avoir libéré de leur cage à leurs pieds
39:18et qui savent à peine voler au détalé.
39:20Et que c'était des mœurs où, à l'époque,
39:22les chefs d'État en profitaient
39:24pour contracter des contrats de vente d'armes
39:28ou d'avions de chasse, que sais-je encore.
39:31Bon, voilà.
39:32Mais je ne suis pas obsédé par ça,
39:37mais c'est vrai que sur le coup,
39:39je pense que c'est ce genre de choses
39:41totalement inutiles et déplacées
39:43dans un débat présidentiel
39:44et qu'on a mieux à faire, justement,
39:46que de deviser là-dessus
39:47et de remettre une proposition d'un autre âge.
39:51Alors, justement, sur les idées,
39:52il y a cette question de Schiesslin,
39:53qu'attendre des candidats à la présidentielle ?
39:55Sur le mal-logement,
39:56c'est qu'il y a quand même énormément,
39:57des millions de personnes en France qui en souffrent.
39:59Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer leurs conditions ?
40:01Justement, dans les différentes associations
40:05ATD Carmont, de la Fondation Habillé-Pierre,
40:07la Fondation Emmaüs, etc.,
40:10qui sont spécialisées notamment dans ce combat-là,
40:13il y a des propositions très concrètes.
40:15Parce que ce qui est très curieux,
40:17c'est qu'au-delà, il y a les sans-abri,
40:19bien entendu, il y a les SDF,
40:21puis il y a les mal-logés.
40:23Et les mal-logés,
40:24ils sont des millions en France,
40:25mais dans le même temps,
40:26vous avez des millions de logements
40:28qui sont inhabités.
40:30Donc, voilà un exemple très clair.
40:33Comment, si on n'a pas de solution,
40:35mais s'il y avait, comment dire,
40:38une détermination
40:40pour qu'un certain nombre de logements
40:41soient mis à disposition
40:43de ceux qui sont sans-abri
40:45ou qui sont mal-logés ?
40:46S'il y avait un fléchage aussi
40:48pour faire en sorte que ceux qui ont des logements insalubres
40:50et souvent qui sont des passoires thermiques,
40:53c'est là qu'on met l'argent.
40:54C'est pour ça qu'il faut définir les priorités.
40:56Pas une question, encore une fois, de moyens,
40:58c'est qu'est-ce qui est plus important ?
41:00De faire un énième stade de football
41:02ou de donner un logement à ceux qui n'en ont pas ?
41:05C'est ensemble qu'il faut définir nos priorités.
41:09Cette question de François,
41:10que va-t-il se passer après l'appel solidaire ?
41:12Alors, l'appel de solidarité,
41:15pour être très franc avec vous,
41:17on sait de quel constat on part,
41:19c'est que les inégalités se creusent et sont insupportables.
41:22Inégalités démocratiques,
41:23inégalités d'espérance de vie,
41:25inégalités sanitaires,
41:26inégalités économiques.
41:28Voilà, il faut savoir que,
41:30je fais une petite parenthèse,
41:34l'avenir de quelqu'un qui arrive sur Terre
41:37dépend de 60% de l'endroit où il naît,
41:40de 20% de sa famille
41:42et simplement de 20% de son mérite.
41:44C'est ça la situation du monde aujourd'hui.
41:47Donc vous êtes dans une sorte d'apartheid géographique.
41:50Vous avez du pot, vous naissez au bon endroit.
41:52Vous avez du pot, votre famille est une famille
41:55qui a des bons revenus.
41:57Mais si vous n'avez pas de pot
41:58et que vous avez une famille modeste,
41:59vous avez beaucoup plus de chances
42:01de ne pas bien vous en sortir dans la vie
42:04que l'inverse.
42:04Ça déjà, il faut y mettre fin.
42:07Donc on part de ce constat
42:08que cette situation est insupportable.
42:10Elle est insupportable parce qu'elle se voit.
42:13Et on part du constat que pour l'instant,
42:16la classe politique,
42:18quelle que soit sa bonne volonté,
42:19n'a pas résorbé ça.
42:20Au contraire, on produit de plus en plus de richesses
42:23mais il y a de plus en plus d'inégalités.
42:25Donc si la classe politique n'a pas réussi ça,
42:27c'est peut-être parce qu'il y a cette démocratie de compétition,
42:30cet affrontement stérile gauche-droite
42:33qui ne fonctionne pas.
42:34Donc nous, on veut se retrouver sur l'essentiel
42:37au-delà de nos différences culturelles,
42:39culturelles, religieuses, économiques, etc.
42:41Définir ce qui est essentiel,
42:44les objectifs essentiels et les moyens pour y parvenir.
42:47Et donc nous,
42:48il y a l'appel des solidarités qui est le prêt là
42:51mais l'idée c'est de créer une force de résistance
42:54civique, citoyenne
42:56mais qui va être un point de pression,
42:59d'action,
43:00qui va être là largement au-delà des présidentielles,
43:03au-delà des législatives et pendant tout le quinquennat.
43:05Si on arrive à se compter et à vraiment être nombreux,
43:07c'est comme ça qu'on pèse.
43:08C'est comme ça qu'on a pesé dans le temps,
43:11les associations ont obtenu beaucoup d'avancées
43:13dans le domaine social, dans le domaine écologique.
43:16Mais là, il faut qu'au-delà de nos différences,
43:17puisque cet appel solidarité, il est inédit.
43:21C'est la première fois qu'il y a une telle diversité
43:25de structures et potentiellement,
43:27quand vous mettez tous les bénévoles,
43:28les salariés ou les permanents
43:30ou les compagnons qui travaillent dans toutes ces structures,
43:32c'est entre 10 et 14 millions de personnes.
43:34Donc si demain, on arrive à se compter,
43:36c'est pour ça que c'est très important de se compter,
43:38on va pouvoir imposer un rapport de force
43:42et on sera là en permanence pour le rappel des solidarités
43:44et pour pointer du doigt ce qui va dans le bon sens,
43:47mais dénoncer ce qui n'y participe pas.
43:49Et Nicolas Hulot, justement, comment aider,
43:51comment contribuer ceux qui nous regardent,
43:53qui aimeraient s'impliquer dans cette initiative
43:56d'une façon ou d'une autre, comment faire ?
43:57Je répète ce que j'ai dit,
43:58c'est déjà un préalable et après, vous verrez.
44:01Premièrement, faites en sorte qu'autour de vous,
44:043, 4, 5 personnes tapent 32, 32, 1 SMS et disent présent
44:09ou aillent sur le site appelles-les-solidarités.fr
44:12et une fois vous avez tapé, trouvez 3 ou 4
44:14parce que la première chose, c'est de se compter
44:16sur cette exigence et sur cet impératif.
44:19Et puis après, vous avez 130 associations
44:22qui ont besoin de bénévoles.
44:24Donc vous pouvez trouver dans les domaines
44:26dans lesquels vous vous sentez le plus à l'aise,
44:28vous avez une journée de lit par mois,
44:30vous avez une possibilité d'agir pendant vos vacances, etc.
44:34Vous savez, moi j'ai trouvé dans mon engagement
44:36qui parfois me bouffe ma vie et parfois me désespère,
44:41mais aussi beaucoup de bonheur
44:42parce que je rends compte de la belle humanité,
44:45des gens géniaux.
44:47Parfois, tous, quand on regarde parfois la télé,
44:50on se dit si le monde ressemble à ça,
44:52mais à quoi bon se battre ?
44:53Mais en réalité, il faut savoir qu'il y a une majorité
44:55silencieuse, discrète, invisible, généreuse
44:59et si vous vous engagez,
45:01c'est ces gens-là qui vont venir vers vous
45:03et ça va vous réconcilier avec l'humain
45:05et vous allez y trouver un plaisir
45:07mais qui n'est pas mesurable tellement il est merveilleux.
45:12C'est sur ce mot d'espoir que se termine cette interview.
45:14On sait que vous êtes attendus à 18h30
45:16pour donner une conférence ici à Science4Run.
45:17Science4Run, qu'on remercie pour l'accueil.
45:20Vous aussi, M. Hulot, de nous avoir accordé
45:22cette interview exclusive et en direct sur Brut.
45:25Et l'occasion aussi de remercier tous les internautes
45:27qui vont poser énormément de questions,
45:28beaucoup de commentaires, de partages, etc.
45:30Donc comme d'habitude, on remercie tous ceux
45:32qui ont fait vivre ce direct
45:33et rappeler à ceux qui sont arrivés en cours
45:35que ce n'est pas perdu.
45:36Dans quelques instants, la vidéo, l'interview
45:38sera disponible en intégralité.
45:40Donc on vous remercie de nous avoir suivis.
45:41On vous remercie encore, M. Hulot.
45:43Et puis on se retrouve donc très vite,
45:44chers internautes sur Brut,
45:45pour de nouveaux directs au cœur de l'actualité.
45:47Passez une excellente fin de journée
45:49et à très bientôt.
45:51Salut !

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