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  • 24/03/2025
En Serbie, on observe depuis quelques mois une protestation, principalement étudiante, d’une ampleur et d’une nature inédites, née d’une série de drames que la population attribue à l’incurie et à la corruption des dirigeants.

Retrouvez « En toute subjectivité » avec Dominique Reynié sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dominique-reynie-en-toute-subjectivite

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Transcription
00:007h20 en toute subjectivité avec le directeur de la Fondation pour l'Innovation Politique Dominique Reynier.
00:08Vous nous emmenez Dominique ce matin en Serbie auprès des étudiants contestataires.
00:14Nicolas Demorand, en Serbie, on observe depuis quelques mois une protestation, principalement étudiante,
00:20en effet d'une ampleur et d'une nature inédite, née d'une série de drames que la population attribue à l'incurie et à la corruption des dirigeants.
00:28Se présentant comme une démocratie parlementaire, la Serbie est en fait gouvernée par un régime autocratique.
00:34Alexandre Vucic, élu président en 2017, réélu en 2022, contrôle en effet la quasi-totalité des médias,
00:41pratique une politique répressive et la fraude électorale, appuyé par son parti de la droite nationaliste, le SNS,
00:47parti hégémonique, sinon parti unique.
00:50Ces raisons ne suffisent cependant pas à expliquer sa réélection dès le premier tour, en 2022.
00:56Vucic conserve des soutiens dans une partie de la population, notamment chez les plus âgés, dans les campagnes,
01:02chez ceux qui saluent sa proximité avec Poutine, sans oublier que le PIB de la Serbie a doublé au cours des dix dernières années.
01:09L'opposition quant à elle est discréditée. Elle est faible, divisée, sans leader ni projet, souvent compromise avec le pouvoir.
01:16Les étudiants refusent de s'y rallier.
01:18Il leur appartient donc de bâtir une nouvelle alternative, d'autant plus qu'à l'inverse,
01:22leur mouvement est jugé spontané, pacifique et désintéressé. Il est populaire.
01:28Ses étudiants réclament la transparence des affaires publiques, la justice contre la corruption, la liberté d'expression.
01:33Vous voulez dire qu'une autre opposition pourrait naître de ce mouvement ?
01:38Oui Nicolas, même si nous en sommes encore loin, car les pratiques du régime de sa classe politique
01:42semblent avoir brisé chez les manifestants l'idée de faire confiance à des représentants,
01:47et jusqu'à la confiance dans l'élection.
01:49Les conduisant à privilégier la voie d'une démocratie directe et locale,
01:53sous la forme de conseils communaux auto-institués qui ne prennent que des décisions symboliques.
01:59Le problème est là. Jusqu'à présent, la protestation des étudiants se réduit à un mouvement antipolitique,
02:04à distance de l'Union Européenne, tandis que la Serbie est engagée depuis 2009 dans un processus d'adhésion.
02:10Martha Koch, la commissaire européenne à l'élargissement, elle est slovène,
02:14a condamné les violences de la police, appelant le régime à garantir la liberté de rassemblement.
02:19Mais ce que les étudiants ont perçu comme un soutien minimal et une manière de privilégier la stabilité du régime.
02:25Pourtant, on voit mal comment l'Europe pourrait parier sur un mouvement antipolitique aussi sincère et valeureux soit-il.
02:31En l'absence d'une opposition formalisée, l'Union Européenne aurait tort de risquer l'instabilité de la Serbie.
02:37Dans cette région, les Balkans, à nouveau en ébullition, où la Russie, la Turquie et la Chine
02:42déploient dangereusement leur influence quand les Etats-Unis cessent leur soutien au mouvement démocratique.
02:48Les manifestants devront dépasser leurs réactions antipolitiques,
02:51inscrire leur mouvement dans une opposition capable de prendre part aux élections,
02:56de faire émerger des candidats, des leaders, un programme et une Serbie
03:00en accord avec le rôle clé qui doit être le sien dans l'Union Européenne.
03:03Dominique Régnier, merci et à lundi prochain.

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